A travers les vitres crasseuses elle distingue sa tignasse noirâtre, dans laquelle se reflète la faible lueur des minuscules loupiotes du troquet où il a trouvé refuge.
Enfin, il ne le sait pas encore.
"Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre de tes conneries, je te dis que je veux un verre putain de merde!!!"
Sa voix est sale, alourdie par l'alcool, et sa bouche pâteuse ne laisse échapper que de pitoyables sifflements, alors qu'il voudrait gueuler au monde sa stupidité.
Mais personne ne l'entend. Sauf elle. Et le patron, bien sûr, qui menace déjà d'appeler les flics. Ne t'inquiètes pas pour ça gros lard, se dit-elle en son for intérieur, il aura son compte ne t'inquiète pas...
"Allez, encore un verre!"
Puis il sort, enfin.
Se traînant de sa démarche claudicante il arpente le trottoir, lentement, comme s'il sentait son inéluctable destin. Etrange comme les condamnés semblent toujours tout faire au ralenti, pense-t-elle à nouveau, comme s'ils y voyaient un moyen d'éloigner l'inévitable. Tout comme l'espoir te donne des ailes, la certitude te cloue au sol. Un léger sourire effleure ses lèvres. La vieille aurait ri, sans doute.
Mais il n'y a pas de quoi rire, il faut bouffer c'est tout, c'est aussi simple que ça. Tu bouffes ou tu crèves. Pouilleux, clodos, voilà ce que c'est, tu bouffes ou tu crèves. Vieile pute.
Brusquement, elle prend son envol. Et une fois de plus, elle se reprend à rêver. A rêver à ce film qu'elle a vu l'autre jour, où de beaux vampires croquent d'autres beaux vampires, et pas des raclures de la société puant le clébard mouillé et dont le sang immonde est imbibé d'alcool. Tu bouffes ou tu crèves. J'entend ton rire vieille pute, boucle-la. L'homme s'est arrêté d'un coup, son regard luisant attiré par un reflet de chair. Son sourire hagard dévoile des chicots noircis, et il s'approche d'elle, la main tendue. Elle le laisse la toucher. L'homme est tellement soûl qu'il ne pense même pas à se méfier de la superbe femme qui semble s'offrir à lui. Son sourire s'immobilise alors, brutalement.
Elle regarde encore le cadavre aplati à ses pieds. Pauvre gars. Et en plus je dois faire le tapin! Elle entend encore le rire grinçant de la vieille folle, l'immortalité mon cul, une vie de merde, ouais!
Tu bouffes ou tu crèves, tu bouffes ou tu crèves.
C'est tout ce que c'est, tu bouffes ou tu crèves.
Vieille pute.
). Bis !!
bon on parle, on parle, mais elle est où la suite là ? Allez dépêchons, dépêchons là !!! Gneuh veux gnah suite !! 
