LuneRouge tremblait de tous ses membres. Elle était faible, trop faible, bien qu'encore en meilleur état qu'Airin. Ce dernier d'ailleurs avait du mal à rester conscient. Il avait perdu beaucoup de sang. Cependant sa forte constitution rendait moins graves que pour un autre, les dégâts subis. Toutefois il n'était plus en état de faire grand chose.
Respirant un grand coup, autant que le lui permettaient ses blessures tout du moins, l'absorbeuse à la chevelure d'ébène rassembla ses pensées et sa volonté. Son esprit vacillant menaçait de sombrer à tout moments, mais elle ne pouvait pas se permettre de continuer à gémir comme une petite fille. Ils ne pouvaient pas rester ici de toute façon. Sinon ils se feraient exécuter sous peu, juste le temps que la prochaine patrouille ne débarquât.
Elle se laissa rouler sur le côté, grimaçant de douleur. Une fois sur le dos, elle entreprit de fouiller dans les différentes poches de ses vêtements et dans les emplacements de sa sacoche. Plusieurs de ses fioles de sang vampirique s'étaient brisées. * Chiotte…* Il en restait toute fois assez pour qu'elle put reprendre quelques forces rapidement. De plus, la poche de sang standard qu'elle avait prise au cas où ne s'était pas percée. L'idée d'en donner à Airin lui effleura l'esprit un instant, mais elle l'écarta bien vite. Il n'y avait pas assez de fluide pour les remettre tous les deux sur pieds. Et vu le gabarit de l'animal, il en aurait fallu plus que ça pour l'aider de manière efficace. Par conséquent… ce serait elle qui bénéficierait de la chose.
De son bras encore en bon état, elle se saisit des objets en question, et en absorba avidement le contenu. Très vite, les nanites se mirent au travail. Pendant qu'elles officiaient, LuneRouge entreprit de réfléchir à toute allure à un plan de retraite. Enfermant tout au fond de sa tête son trouble, sa souffrance et ses faiblesses, elle chercha un moyen de les sortir de là tous les deux. Elle avait une dette à régler, et elle comptait bien s'en acquitter.
Elle ne pourrait pas traîner le massif absorbeur jusqu'à l'extérieur de la propriété. Même au top de ses capacités, cela aurait été difficile. Très difficile. Il la dépassait de vingt à vingt-cinq centimètres, et devait bien faire dans les 50 kilos de plus environ. A part dopée comme une bête de compétition, elle avait peu de chance d'arriver à sortir une pareille armoire à glace sans se faire repérer.
* Ou alors en pièces détachées à la limite… mais bon…faut faire plusieurs voyages, c'est chiant. *
Regardant autour d'elle, elle décida qu'on les chercherait moins là où on ne penserait pas les trouver. En l'occurrence, ici-même. Elle se redressa avec difficulté, la régénération pas encore assez avancée pour lui permettre une réelle aisance de mouvements. Se penchant vers Airin à demi-inconscient, elle lui murmura, sa voix tremblant encore une peu :
- Je reviens, toi tu ne bouges pas.
Avant de partir, elle lui fit doucement boire la fin de la pochette de sang. Puis elle s'éloigna sans bruit. L'entrepôt était immense, elle trouverait bien une cachette assez grande et sûre pour eux deux. Enfin, elle partait du principe que si elle pouvait y faire rentrer l'absorbeur inconscient, elle pourrait y rentrer aussi. Ce n'était pas le moment de jouer les chochottes et de chercher le confort. Déambulant aussi vite qu'elle pouvait entre les caisses, elle cherchait un orifice, quelque chose, n'importe quoi, un endroit où se réfugier. Le sang fit bientôt totalement effet, et elle put se permettre d'escalader une pile de caisses. Le hangar était rempli de containers et de caissons, empilés très haut sur de grands rectangles séparés par des allées étroites, tout juste assez larges pour laisser le passage aux machines de chargement et de déchargement.
Une idée lui vint, efficace mais difficile à réaliser.
* Bon… j'espère que t'as pas le vertige mon gros… sinon on est dans la merde, mais alors bien comme il faut… *
Elle revint sur ses pas le plus vite possible. L'absorbeur, entré en régénération et totalement inconscient désormais, n'avait pas bougé. Le saisissant pas les aisselles, elle le traîna tant bien que mal jusqu'à un monte-charge entreposé dans un coin, assez loin de la zone d'incendie et de combats pour ne pas avoir reçu de dommage.
Essoufflée, elle pris quelques secondes pour s'éponger le front. * Toi, faudra sérieusement penser à attaquer un régime à la sortie, parce que c'est pas pour dire…* Son humérus en miettes la faisait souffrir, elle avait du mal à se servir de son bras, qui avait perdu ainsi une bonne partie de sa force. Mais sans se laisser démonter, elle saisit à bras-le-corps le jeune homme inanimé et, au prix d'un gros effort, le plaça sur la palette du véhicule. Puis, sans perdre de temps, elle grimpa au volant, et mis le contact.
LuneRouge n'avait jamais vraiment appris à conduire. Elle se débrouillait toujours pour ne pas avoir à le faire, pour éviter de devoir racheter chaque fois une voiture pour remplacer l'autre. Mais là elle n'avait pas vraiment le choix. Et en plus de ça, il fallait qu'elle fasse vite, et ce sans laisser de marques ni trop secouer le colosse inerte. Elle testa les pédales avec précaution, appuyant prudemment pour éviter les accidents. L'absorbeuse ne mit pas longtemps à comprendre le fonctionnement du véhicule. À part pour ce qui était de l'espèce de manche avec des numéro. Mais tant pis, ça avançait, c'était l'important, et les bouton pour faire monter la plate-forme étaient simples.
Elle amena l'appareil devant la section de containers voulue, puis se rapprocha tant qu'elle put de sorte que la plateau était presque contre les énormes caisses. Et elle appuya sur le bouton "monter". Elle regarda avec anxiété la plate-forme s'élever jusqu'en haut de la pile, puis elle arrêta la machine. Elle escalada, sans sa souplesse habituelle, la paroi de conteneurs. Ses blessures lui faisaient un mal de chien, et le rythme qu'elle s'infligeait n'améliorait pas son état. Un moment elle glissa. S'étant rattraper d'un bras, elle dut retenir à grand-peine le cri de douleur qui lui déchirait la poitrine.
Mais elle finit par atteindre le sommet, épuisée et fourbue. * Allez, du nerf, t'es qu'à la moitié du plan… 'Tain, j'me retiens moi d'avoir ce genre d'idée à la con…* Elle tira sur les containers Airin inconscient. Puis, s'éloignant du bord, elle fit sauter un des cadenas. Elle avait choisi cette section là du hangar pour deux raisons : premièrement les ouvertures étaient disposées vers le haut, et deuxièmement… parce que selon les étiquettes de ceux du bas, ils étaient vides…
Quand elle eut installé Airin dans la nouvelle "planque" improvisée, elle redescendit prudemment, se déplaçant de moins en moins facilement. Elle avait absorbé trop peu de sang pour que l'effet durât aussi longtemps. Elle ramena le véhicule à sa place. Il ne lui restait pas beaucoup de temps. Si les renforts n'étaient pas encore arrivés, c'était uniquement parce que le corps du boss avait du être découvert et parce qu'ils étaient probablement allés chercher Airin. Mais maintenant, le délais arrivait à expiration, et il valait mieux pour elle qu'elle ne se trouvât pas là quand les agents de sécurité débarqueraient.
Avant de remonter, elle s'approcha des cadavres encore chauds. Il fallait qu'elle reprenne des forces. Elle but tant qu'elle put, puis emplit ses fioles encore intact, essaya de remplir également la pochette. Mais cette dernière tentative se retrouva écourter, son instinct lui hurlant de déguerpir. Elle fila vers une sortie, laissant goutter du sang derrière elle. Puis, en prenant soin de ne plus laisser la moindre trace, elle repartit en toute hâte vers son salut. Le plus vite qu'elle put, elle remonta, entra dans le container choisi, et en referma le couvercle. Ils ne les trouveraient pas ici. Trop en colère de la perte de leur chef et de leurs camarades, ils n'imagineraient pas une seconde qu'ils étaient sous leur nez.
Elle fit boire un peu de sang à Airin, puis, totalement vidée de ses forces elle se roula en boule dans un coin, tel un animal blessé. La douleur et la détresse revinrent, tandis qu'elle s'endormait d'un sommeil de régénération agité et tourmenté, frissonnant contre le métal froid, dans les ténèbres grises.