Mon sang ne fait qu'un tour. Je vois rouge. Je bondis. Mes pieds me propulse vers le sol à une vitesse hallucinante, laissant dans la pierre leurs empreintes bien nettes. Mon corps ne fait aucun bruit dans cet air plein de vide. Je fonds sur ma proie, et la distance pourtant non négligeable qui me séparait des autres vampires est avalée en à peine une seconde. Je vais tuer ce batard. Je vais le tuer. Je ne sais pas pourquoi, mais il vient de commettre une grossière erreur. En une fraction de seconde, mon esprit a de lui-même analyser l'individu, en même temps que l'évidence de ma contre-attaque devenait évidente et que je me propulsais vers lui les crocs sortis. Son apparence, son comportement, ses vêtements... pas de doute, c'est un tueur à gage. Je ne sais pas comment je le sais... mais je le sais. Et mon cerveau réfléchit tout seul, à partir d'informations auquelles je n'ai pas accès seule, que seuls les événements peuvent me mener à utiliser. Il ne lâchera pas son couteau même si je le mords, c'est un professionnel. En revanche, s'il a des réflexes, il tentera de sauver sa main...
Mes mains volent littéralement à un des fourreaux dans mon dos. J'ai un vif pincment au coeur... Le quelque chose qui occupait autrefois le vide en moi et qui est maintenant relégué, banni, enfermé dans l'antre de l'oubli et ses affres, me hurle son déchirement. ... je crois que j'ai peur de me séparer de ce sabre... c'est vrai qu'à part ça ,je n'ai pas d'autres armes... Tant pis, j'ai plus peur encore pour cet absorbeur. Personne n'y touchera. Personne ne donnera la mort au peu qui comble encore le néant de mon être, l'infini vide de mon âme perdue et damnée... Non, on ne fera pas le moindre mal au peu de chose qu'il me reste, on ne supprimera pas du monde les seuls éléments qui continuent à me faire ressentir.
La lame siffle sinistrement dans l'air, faucon impitoyable. L'autre à juste le temps de lever les yeux, de retirer son poignet avant qu'il ne se fasse transpercé de part en part et de ramener instinctivement ses mains devant sa gorge. Dommage, sa jugulaire me plaisait bien... je n'arrive pourtant pas à regretter vraiment d'avoir rallonger ce combat... un peu de sang dans tout ce vide... Comme j'ai soif... et comme j'ai peur de ceux qui sont derrière moi... Eux d'ailleurs regardent les choses sans bouger. Il en manque un, qui est parti dans les hauteurs. Vu le boucan qui va suivre, il risque de rappliquer vite. Ceux qui restent ne tout cas ouvrent de grands yeux et n'ont pas encore eu le temps de comprendre ce qui tombe du ciel. Je ne fais que passer...
Rugissement de colère. ... Je ne me souvenais même plus de ma propre voix... Comme c'est étrange de s'ouir plein de rage lorsqu'on s'entend pour la première fois et que pourtant on se croyait capable uniquement de vide et de néant... Mais je ne m'attarde pas sur ces détails et ces sentiments "pleins" que je croyais perdus en même temps que le passé. J'ai une proie, elle va rencontrer son chasseur. Mes yeux brillent de rage et de mort, tandis que mon regard se plante dans celui du mercenaire. Je parviens à lire de la surprise dans ses yeux, avant qu'il ne reprenne totalement le contrôle. Seulement, cette vitesse-là n'est que mental, et je suis sur lui avant qu'il ait pu réagir physiquement.
Je le projette à terre, mes crocs rippent contre ses paumes, mes ongles lacèrent ses avant-bras. Mes jambes suivent de prêt, je les rabats, utilisant ma vitesse pour faucher ses chevilles. Vampire contre vampire. Crac. Désolé mec, j'avais de l'élan, y a un os du côté gauche qu'a pas apprécié... Au moins il aura plus de mal à fuir, s'il y parvient. De toute façon, s'il y a bien une chose que je sais de ce corps dont je ne connais pas encore bien les capacités, c'est qu'avec lui, c'est MOI, la plus rapide... Mais quelque chose me dit également que ce n'est pas toujours bon de le montrer trop facilement... Instinct d'une encre diluée et désormais morte dans l'eau des larmes...
Je lui tombe dessus, prête à l'égorgée à la première occasion. Mais le bougre a décidément beaucoup de réflexes. Il me saisit aussi sec et nous roulons sur le sol, plaquant l'autre contre les dalles tour à tour, laissant des marques tenues sur la pierre. Nous percutons une étagère. Le fracas des livres ne nous perturbe en rien. La rage monte, je repense au couteau sur la gorge de l'homme aux yeux topaze, au sang qui perle. Je suis prise de furie. J'ai envie de le tuer. Je vais lui faire la peau.
Tout va à toute allure, je feule et lui crache de fureur à la figure, il tente de saisir quelque chose dans sa ceinture, j'arrache prestement cette derni_ère et la balance à l'aveuglette sur nos spectateurs. Il en profite pour me saisir à la gorge, j'enfonce un doigt dans la paume de son autre main, ma mâchoire claque une dernière fois à quelques millimètres de son visage avant qu'il ne me repousse brutalement, écrasant ma trachée. Si ça continue il va me briser le cou. Je recule prestement, fou un grand coup de pied dans sa cheville blessée, tout en gardant ma main ancrée (au sens propre et sanglant du terme) dans la sienne. Il laisse échapper un cri de douleur. Sa manche. Une aiguille. Merde. Je laisse mes réflexes doser ma vitesse. Je parviens à sauver les murs. Ma joue est errafflée, mais c'est tout, mon oeil est intacte, et le peu que je dois avoir dans le crâne aussi.
Je suis de plus en plus hors de moi. Et je ne sais plus trop si c'est parce que je suis obsédée par l'image de ce cou entaillé ou parce que cet imbécile vient de me toucher au visage. Tu vois voir mon gros... Et ça tombe bien, j'ai le genoux dans le bon angle... Tu vas souffrir espèce d'enflure... J'entends les paupières se fermer et les visages se crisper à l'avance derrière moi. ... Ridicule... L'autre ouvre des grands yeux au moment où il comprend. Trop tard.
Seulement, une voix pleine d'autorité s'élève, ordonnant la fin des hostilités. Et bizarrement... aucun effet. Je lance mon coup. Oui c'est cruel mon pauvre, mais je ne connais aucune loi, à part celle de mon caprice et de mon infini ténébreux à combler. ... Putain espèce de mouchoir à merde!!! Cabots des Enfers!! Ce ... Il a bloqué mon coup!!! Bon... je dois lui reconnaître un certain sang-froid au gugus.. chose qu'il me manque d'ailleurs un peu... Pas grave, je t'aurais autrement tafiole... Y avait rien à taper de toute façon...
Il m'éjecte en arrière avec une force fébrile et rageuse. Il a juste oublié que je me suis attachée à lui, le ptit chou... Mes ongles lacèrent la peau à laquelle ils étaient agripés, mon doigt prit dans sa main droite déchire la peau et la chair de sa paume et éventre ainsi les tissus jusqu'au poignet. Il grimace de douleur. Oh mais ça sent le sang bien réchauffé tout ça... Hum... C'est pas solide une veine...
Une voix résonne. C'est un ordre. Rien qu'à entendre ce timbre, j'ai une irrésistible envie de désobéir mais... quelque chose me retient tout de même, comme cette effluve de rien dans cette voix contaminée par le néant de l'absence, comme ma colère qui vient d'être soufflée comme la flamme d'une bougie. Je bondis sur mes pieds. Je regarde autour de moi et constate instinctivement toutce qui pourrait me permettre de fuir. Puis d'un coup j'ai peur. Alors après avoir marcher une dernière fois sur mon adversaire qui n'a pas eu le temps de se relever, je pars en courant. Je vais trop vite pour qu'ils me rattrapent en me poursuivant bêtement. J'ai une chance de trouver soit une sortie non verrouillée soit une bonne cachette. Dans les deux cas... je ne sais pas où je vais, et si ces gens me cours après, ça ne peut pas être pour me taper la causette, qu'aucun ne me connait... Je crois que suivre des impressions qui ne sont sûrement que des illusions n'était pas une bonne idée... Je suis perdue dans un tourbillon, je ne sais pas quoi faire, alors je fuis les choix, je fuis... Ah comme le néant de la solitude douloureuse était plus simple...