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07. 11. 2008, 09:54

[RP Privé Ihsahn & Evangeline] Sur la route de Memphis

Je frappe à la porte.

Quelques secondes de patience et une femme agée en uniforme gris vient m'ouvrir. Elle me regarde en plissant les yeux, l'air inquisiteur. Sa voix est aigüe et perçante:

-Qui dois-je annoncer?

Comment ça qui tu dois annoncer pétasse? Mais je vais te montrer espèce de vieille pute mais merde les gardes à l'entrée ont oublié de te prévenir ou t'étais trop occupée à mettre un doigt dans...

-Je suis le Seigneur Ihsahn, ma venue vous a été annoncée il me semble.

Hum, voilà la réaction que j'attendais la vieille est morte de trouille, d'ailleurs je crois bien qu'elle vient de relâcher brutalement son sphincter, voilà c'est bien soumets-toi vieux débris. Ah elle s'incline carrément en marmonnant des excuses minables, incompréhensibles mais du genre "veuillez-me pardonner Seigneur". Le pardon? Tu ne mérites que la mort vieille carcasse sénile.

-Je vous en prie, ce n'est absolument pas grave. Puis-je entrer néanmoins?

Quoi???? Mais espèce de pédale de mes deux mais qu'est-ce qui t'arrive mais tu pètes complètements les plombs? Mais tues-la!!! Ecrase-lui le crâne entre tes deux mains et étouffe-la avec ta...

TA GUEULE!!!!

Je met un pain mental à ma voix intérieure. Ca fait du bien. Nous les vampires vikings devons nous battre en permanence contre notre nature ultra-violente et destructrice, une espèce de folie sanguinaire qui nous guette à chaque instant. En chacun de nous il y a un Thor prêt à surgir en permanence.

La vieille s'est éclipsée pour aller chercher sa Maîtresse, j'en profite pour refaire mon noeud papillon devant l'immense miroir qui orne l'un des murs de l'entrée. Je me suis fait beau pour l'occasion: j'ai troqué ma tenue de cuir centenaire pour un superbe smoking noir flambant neuf, mes cheveux fraichement coupés effleurent à peine mes épaules et ma barbe est taillée de près. Je suis un autre homme, si j'ose cette facilité sémantique. Il fallait quelque chose de très spécial pour jusitifier cette transformation, en plus de la limo qui m'attend dehors...

Je me rappelle que tout a commencé quelques semaines après cette fameuse soirée dans cette non-moins fameuse boite pourrave.

Un soir que je suis tranquillement posé dans un bon fauteuil, au fond d'un des grands salons de mon manoir j'entends des bruits de pas se rapprochant de moi. Encore une de ces saloperies de serviteurs qui veut savoir sans doute si j'ai besoin de quelque chose, mais non, c'est Sven qui m'apporte un téléphone. Mon téléphone en fait, mais la superstition m'empêche de porter ce truc sur moi, et de toutes façons Sven n'est jamais très loin. D'un air entendu il me fait comprendre que j'ai tout intérêt à assurer. Je m'empare du combiné.

Oui allo?

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Ihsahn" (12.11.2008, 10:01)


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07. 11. 2008, 23:24

Fatiguée... Je suis fatiguée... Je viens de passer presque six jours éveillée, et cela fait à peine une journée que j'ai recommencé à profiter d'un sage sommeil régénérateur. Et depuis hier je suis sur les nerfs. C'est en partie (et même surtout) parce que je sens que j'ai oublié quelque chose... genre le compte à rebours d'une bombe qui va bientôt me péter dans les mains. Mais bon, ça arrive souvent dans ces moments-là. Oui, ces jours où d'un seul coup je me sens submergée, comme si la digue de ma raison cédait brutalement et sans prévenir sous la pression des flots déchaînés du passé. Dans ces instants-là, je n'ai d'autre choix que de me concentrée toute entière sur une quelconque mission, sur une tâche, sans plus penser à autre chose. Ce qui inclut l'absence de sommeil. A force on s'habitue. Mais cela reste tout de même énervant de perdre le fil de la réalité et de le reprendre sans réussir à s'emparer de nouveau de tous les maillons. Enfin bref, de toute façon, j'aurais bien une milli seconde pour me souvenir de sa nature, lorsque la bombe me pètera à la gueule. C'est toujours comme ça que ça se passe, et bizarrement, ça ne m'a encore jamais coûté la vie. La chance insolente de ceux qui ont assez de poisse ailleurs pour pas en rajouter là.

Je pousse un gros soupir de lassitude, avachie dans un fauteuil tapissé de velours pourpre et aux boiseries de merisier sculptée. Mais même le luxe fastueux dans lequel je me suis peu à peu enrubannée, n'a plus grand effet sur moi. Ce monde dont je ne connais rien m'étouffe de plus en plus. Et le confort est devenu une poussière dérisoire sur ma boîte de Pandore qu'il m'est de plus en plus difficile de tenir close. Tant de choses ces derniers mois m'ont lardée sans prévenir... Même ce gros empoté de seigneur des bêtes ne parvient plus à me faire sourire. Et même plus à me faire enrager, ce qui est beaucoup plus inquiétant. Et cette insouciante d'Évangéline me parait désormais aussi transparente et silencieuse qu'une goutte d'eau dans l'océan. Bref, je m'ennuie, on pourrait même dire, en reprenant les paroles pour une fois intelligente de Mr gros bourrin, que je dépéris. Pour sûr, si plus rien ne me fait réagir, même pas l'argent ou lui, c'est que quelque chose ne tourne plus rond. Enfin bref, le tic tac de ma bombe invisible s'intensifie. Tiens, ça va bientôt péter...

Bon, en attendant, je décide d'aller me laver des souillures de ces longues nuits de traques et de ces interminables jours d'insomnies. ... Hum... Je crois bien que j'ai tué une dizaine d'humains, et une bonne quinzaine de vampires, dont un ou deux en zone... euh j'ai oublié combien... ah... je perds mes bonnes habitudes d'ordre et de rigueur... un premier pas vers la décadence. L'eau glacée fait du bien à mon esprit fatigué, même si mon corps de monstre n'y est pas tellement sensible. Le liquide sur ma peau, au lieu de me rappeler mille et une chose, endort étrangement tout ce que je refoule en vain à longueur de journée, en quelques minutes à peine.

Des bruits de pas devant la porte. Tiens, ce doit être ma bombe qui est à deux doigts de péter.
- Euh.... Ma... Ma... Madame... Vous avez de de de de la visite... un monsieur très important...

Putain... comme je déteste les gens qui hésitent... mais bon... C'est la vieille qui arrive, charriant une odeur fort désagréable, écœurante même. Celle-ci, je l'ai choisie, non pas parce que je l'apprécie, loin, très loin de là même, (cette bonne femme méprisante et acariâtre m'est tout bonnement insupportable lorsqu'elle reste dans mon champ d'entente durant plus de dix minutes), mais parce qu'elle a un truc, des pressentiments souvent justes. Genre là, le gus à la porte, c'est pas un ptit gringalet gentil, et même s'il était arrivé habillé en lapin rose avec un grand sourire niais et un panier plein d'œufs en chocolat, elle aurait quand même fait dans ses brailles comme c'est actuellement le cas, parce que ce mec doit être un véritable danger public, un monceau de danger même. Cela doit suer par tous les pores de sa peau qu'elle soit dans un état pareil. Très pratique pour se préparer psychologiquement aux rapports sociaux.. Beurk... ça pue vraiment. Bon, elle me gonfle à trembler comme ça. Active vieille peau, t'es plus devant le gus en question, décompresse le temps de lâcher son putain de nom.
- Le nom... je veux son nom dans les trois secondes si tu ne veux pas que je te vende à ce charmant monsieur...

Tiens, ça manque pas de marcher ça :
- Ihsahn! Sire Ihsahn, Madame! Dit-elle la voix tremblotante.
Boum. Voire même : BOUM. Mince, j'avais oublié ça... comment j'ai pu zappé ça... c'est bizarre, moi qui n'oublie jamais rien... je soupire, coupe l'eau, enfile le premier peignoir en soie qui me tombe sous la main, et me résigne à faire s'installer l'arrivant moi-même, puisque cette empotée n'en semble pas capable. Il faut bien des sacrifices dans la vie pour avoir la paix... et le premier passe par ne pas faire attendre les personnes dont on a besoin de la bonne humeur, quitte à se priver d'une grande délectation tel qu'un bain d'eau glaciale. Je dégage du tissus lourd de douceur mes cheveux d'ébène dont seules les pointes sont gorgées d'eau, tout en avançant. Ah que je suis fatiguée de ces simagrées d'aristocrates et de tous ces autres hommes d'affaires arrogants, qu'il me faut passer mon temps à tuer pour le compte d'autres pires encore. Heureusement, celui que je m'apprête à voir n'est apparemment pas de ces catégories. De toute façon, il n'a besoin de personne pour tuer, lui, et dans l'autre sens, je n'aurais aucune chance de m'en tirer. De toute façon, je n'accepte jamais les missions suicide... quoique, faudrait essayer un de ces quatre, juste pour voir jusqu'où va ma chance...
J'arrive dans un corridor adjacent au hall d'entrée. C'est le mur où est fixé un miroir, qui en fait est une glace sans teint. Ah ouais... quand même... putain... nom de Dieu... on est pas loin du lapin rose et de ses oeufs en chocolat... mais version pingouin et sans panier plein... Bon, je passe outre l'allure inhabituel du maître des Dante. C'est vrai quand même que cette nouvelle coupe le rajeuni et lui donne l'air moins... sauvage et homme de cromagnon. Plus civilisé quoi. Et la barbe raccourcie c'est... mieux aussi à mon goût. Enfin bref, je suis pas là pour le reluquer. Je continue mon chemin, noue consciencieusement la ceinture brodée par-dessus mon vêtement. Fermé ça prend limite des airs de kimono ancien ce machin... c'est pas plus mal en même temps...
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 3 fois, dernière modification par "Evangéline" (08.11.2008, 19:37)


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07. 11. 2008, 23:26

Je pousse une porte, une autre encore. C'est bon, me vlà, tire pas cette tête. Il est quand même bizarre ce type. Il me fait penser à Darken... et à la fois à... Non, à personne d'autre. Un peu le même genre, avec leurs cheveux blonds, leur mâchoire carrée, leur caractère réputé mauvais, et leur aura de force animale. Sauf que le colosse que j'ai en face de moi est nettement plus grand, plus surpuissant et mieux habillé également. Ouais, ça il aurait pu éviter quand même, on dirait vraiment un manchot empereur, pommé loin de sa banquise. Tiens, j'ai appris y deux semaines ce qu'était un manchot empereur, et ce qui le différenciait d'un pingouin, créature que je connaissais en revanche depuis trois mois. C'est dommage que la guerre ait sûrement détruit les pôles et leurs banquises... ça aurait pu avoir bon goût ces bestioles... he he he.

- Bonsoir Sire Ihsahn. Veuillez excusez cet accueil déplorable, mais je dois avouer que mes pensées étaient ailleurs ces temps. Heureusement que j'avais pensé à avertir mes hommes sinon il y aurait eu de la casse... et pour moi je suppose... mais bref, suivez-moi, je vous emmène vous faire asseoir le temps de trouver une tenue plus adaptée, et nous fais porter des verres... personnellement j'ai besoin de m'abreuver, mais si vous voulez un alcool particulier ou même si vous préférez boire directement à la source, n'hésitez pas à demander, tous mes employés ne sont pas des crétins comme l'inconsciente qui vous a ouvert la porte et vous obtiendrez satisfaction, du moins si vous ne les faites pas mourir de peur avant.

Sur ces mots mi-soupir mi-amusement, je l'invite d'un geste à passer une porte qui mène à un petit séjour richement meublé. La maison n'est pas grande, mais n'a rien à envier en richesse à celles des grands pontes d'en haut ou d'un peu plus bas. C'est que c'est pas si pourri comme domaine le mercenariat solitaire... de toute façon je ne suis pas faite pour les clans. Ah la la... j'ai la tête qui s'emplit, et je suis trop fatiguée pour la vider. Je repense au pourquoi du comment de sa présence en cette demeure. Cela remonte déjà à un certain nombre de jours, quelques semaines à peine il me semble. C'était plusieurs semaines déjà après cette fameuse nuit à l'Ambroise... le papier avec le numéro de téléphone avait bien entendu disparu le soir même, mais y avoir posé les yeux une fois m'avait suffi pour le mémoriser ( le métier et l'entraînement...). Et un soir suivant, je m'étais enfin décider après être passée de "Encore un imbécile imbu de sa puissance et qui se croit invincible, je n'ai pas de temps à perdre avec ça" en " Oui mais peut-être que... tout de même, 1200ans... on peut pas être totalement con à cet âge-là... si?" jusqu'à "Oh et puis merde, depuis quand j'hésite moi? J'ai besoin que quelqu'un comble mon manque de connaissances, et c'est une des personnes les mieux placées pour ça. De plus, à 1200 ans, on ne peut pas être totalement inintéressant..." . Et hop, bip bip bip tut, biiip biiip, "Allô?" . Mais bizarrement, ce ne fut pas sa voix qui sortit du combiné. Sûrement un subalterne. "Sire Ihsahn, de la part de la "Belle inconnue" de l'autre soir..." Malgré mes efforts, mon ton était rester cassant et impérieux. Décidément, je ne savais pas assez être aimable... en même temps, pour quoi faire... Silence. "Tout de suite Madame" C'est à partir de ce moment-là que j'avais commencé à me poser une question : "Putain mais ils s'étaient tous passé le mot pour me donner du "madame"?!" " Oui allô? " "Alors comme ça on ne daigne pas répondre soi-même au téléphone? C'est vexant ça... je ne pensais pas avoir à passer par la secrétaire de monsieur..." Bizarrement, j'avais nettement mieux réussi à paraître moins dure. Sûrement à cause de la moquerie. Puis ça avait enchaîné, lui aussi doué que la dernière fois pour la conversation. Apparemment, le gus en question n'était pas un grand habitué du blabla téléphonique, plutôt un adepte du "Quoi?! Putain merde!! Une attaque?! j'arrive tout de suite!!!" Bip raccroché. Bref, ce fut un grand moment dans l'Histoire de la conversation téléphonique. Surtout grâce à ma sale habitude de tourner autour du pot. Toujours pour les même sujets, et toujours inlassablement. Mais bon, comme d'hab c'avait fini par sortir. Et il était finalement venu. Déguisé en pingouin.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (07.11.2008, 23:28)


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08. 11. 2008, 22:36

L'endroit est magnifique. Mais je dois avouer qu'il ne vaut surtout qu'en tant qu'écrin à la beauté de sa propriétaire. Je ne peux m'empêcher de rire légèrement à l'idée que je viens de penser un truc pareil. Non pas que ce soit faux, loin de là. Mais je crois bien que je suis en train de me lopettiser à la vitesse de la lumière. Impressionnant, j'ai toujours été sûr que ce que les femmes aimaient chez moi c'était ce côté très "je suis une brute ignoble" mais il semble qu'à leur contact je m'adoucisse.

J'adresse rapidement une prière de pardon à Thor pour ces pensées impures.

Bon faut dire que la gamine me fait un effet bœuf, quelque chose de faramineux. Je sais même pas très bien pourquoi je suis là, ni pourquoi j'ai mis ce costume ridicule, mais j'y suis je vais jouer mon va-tout. Ça y est elle revient, je vais essayer d'assurer le coup et PAR ODIN!!!!

Elle est somptueuse , en fait j'avais carrément rien vu. Elle porte une robe de soirée noire moulante dans une matière indéfinissable mais qu'on a juste envie de toucher pour voir l'effet que ça fait. Ses cheveux tombent en cascades sur ses épaules dénudées bref elle est à se damner si c'est pas déjà fait (l'impression d'avoir déjà dit ça moi).

Je me lève, engoncé et mal à l'aise dans mon costume, j'ai l'air d'une marionnette géante face à elle, si resplendissante d'aise et de souplesse. Je m'incline bien bas.

Votre beauté n'étais donc pas une légende chère LuneRouge, vous me faites trop d'honneur de m'accueillir dans votre superbe demeure. Je vais tenter de nous divertir d'histoires qui sauront rendre hommage à votre rayonnement.

Elle me regarde avec un sourire que je qualifierais d'encourageant, sans doute par auto-miséricorde.

Néanmoins vous ne sauriez plus me ravir qu'en éclairant quelque peu ma lanterne: que désirez-vous savoir exactement? J'ai rencontré moult personnages célèbres à commencer par le grand roi Knud qui régna sur la moitié du continent et dont j'étais l'un des proches conseillers, mais je doute que cela vous intéresse vraiment.

J'esquisse un sourire et je m'apprête à enchaîner quand la vieille moche (pléonasme) débarque, l'air terrifiée à l'idée d'interrompre mon laïus. Tremblotante, elle m'informe que Sven est là et que c'est urgent. Putain de merde ça fait deux fois qu'il me fait le coup là ça va chier. Il arrive blanc comme un linge, lui aussi sait qu'il risque d'y laisser sa peau s'il a pas une excellente raison de m'interrompre, il a beau être mon serviteur et ami depuis près de 700 ans il sait que je peux lui péter la tête à n'importe quel moment. Il me fait un signe maladroit de la tête, genre on peut parler en privé, je suis sur le point de l'envoyer chier mais LuneRouge a pris les devants et d'une voix sèche m'indique qu'elle peut sortir si elle dérange.

Oh putain je kiffe cette nana, bien orgueilleuse et froide comme je les aime.

Je vous en prie chère amie, je n'ai aucun secret. Sven dis ce que tu as à dire.

Il essaie encore de se défiler, ça doit être assez grave ou gênant pour qu'il hésite ainsi.

Par les racines d'Yggdrasil tu vas me dire ce qu'il y a ou je t'étripe sur le champ!!!

Il sait que quand j'invoque l'Arbre Sacré c'est que je suis vraiment en colère, c'est pas mon style de rigoler avec ce genre de choses, du coup il balance le morceau.

-Nous avons reçu un message d'Eléonora, Maître, elle est en Egypte et réclame votre aide.

Le coup de massue. Je comprends maintenant pourquoi ce pauvre diable hésitait. Je dois en savoir plus.

Quel genre de message c'était? Tu as une trace écrite?

Il me tend un bout de papier abîmé que je lis à voix haute. Il est rédigé en grec, je fais la traduction simultanée pour LuneRouge.

"Ihsahn, les Guerriers de l'Ordre m'ont rejoint à Memphis, la fin est proche. Sois prompt, je t'attendrais tous les soirs à minuit près des ruines des bains de Mit-Rahineh, à partir de ce soir, date de ma 971ème naissance. Eléonora"

Je regarde Sven qui a bien compris comme moi que quelque chose cloche:

971ème? Ce qui nous fait 2031? Ça fait donc plus d'un an que ce message a été envoyé?

Il acquiesce gravement. C'est dans ces moments-là que je me rappelle pourquoi cet homme est mon serviteur depuis aussi longtemps. Il ne panique pas, jamais. Alors que moi...

Je regarde LuneRouge qui n'a rien perdu de la conversation.

Ma chère amie, avez-vous déjà été en Egypte? Voudriez-vous maccompagner là-bas, ainsi nous pourrons reprendre notre conversation durant le voyage?

Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Ihsahn" (12.11.2008, 10:06)


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09. 11. 2008, 12:06

- Votre beauté n'était donc pas une légende chère LuneRouge, vous me faites trop d'honneur de m'accueillir dans votre superbe demeure. Je vais tenter de nous divertir d'histoires qui sauront rendre hommage à votre rayonnement.

Oh qu'il est mignon... Bon, ok, c'est peut-être bien vrai que pour une fois, le compliment me ferait presque sourire. J'étire vaguement les lèvres, avec le naturel d'un éléphant dans un magazin de porcelaine, sinon je vais vraiment finir par passer pour une statue sans cœur. C'est qu'il a quand même quelque chose de presque... attendrissant. Oui, c'est le mot qui me vient à l'esprit quand je le vois comme ça tenir de tels propos, coincé dans son costume qui semble bien trop petit pour un tel concentré de force. ... Mais qu'est-ce que je raconte moi... Faut que j'arrête de voir l'innocence là où elle n'est pas censée être.

- Néanmoins vous ne sauriez plus me ravir qu'en éclairant quelque peu ma lanterne: que désirez-vous savoir exactement? J'ai rencontré moult personnages célèbres à commencer par le grand roi Knud qui régna sur la moitié du continent et dont j'étais l'un des proches conseillers, mais je doute que cela vous intéresse vraiment.

Et bah tiens, on en apprend tous les jours...
Mais avant que je n'aie le temps de répliquer ou lui de continuer, l'autre casse-pied se ramène avec la secrétaire. Ils font la paire ces deux-là j'ai l'impression... Pff... je sens que ça va partir dans tous les sens cette histoire... je ne suis vraiment pas destinée à côtoyer du monde sans qu'il se passe quelque chose de particulier... Ah bah tiens ça c'est la meilleure... l'autre imbécile semble vouloir me faire sortir... Non mais est-ce qu'il se souvient d'où il est le mignon? Arborant une expression aussi caressante qu'une coulée d'acide sulfurique, je lâche avec un ton tout aussi mordant que mon visage que je peux partir si je dérange. Ouais non mais vas-y, dis-le tout de suite que je fais chier... dans ma propre maison avec ça.

- Je vous en prie chère amie, je n'ai aucun secret. Sven dis ce que tu as à dire.

Bah tiens y a intérêt si tu ne veux pas finir avec tout le réseau de dope du secteur sur le dos. Et voilà que l'autre semble tenté de répondre par l'affirmative à ma dernière proposition, malgré les paroles de son maître. Essaie seulement... Vampire millénaire ou pas, toi l'intérimaire, tu vas vite comprendre ta douleur si tu me manques de respect... je suis pas d'humeur du tout... Ihsahn, dans toute sa galanterie insiste tout de même, lâchant une invocation aux racines de je ne sais quel végétal sacré. J'ai vraiment des tonnes de choses à apprendre... En tout cas, ça fait un effet bœuf à l'autre, qui finit enfin par dire ce qui l'a amené ici. Un message d'un certaine Eleonora. La nouvelle semble tout bonnement assommer le colosse blond, qui commence alors à s'agiter frénétiquement. Il ne semble pas se rendre compte du supplice qu'il fait subir à son pauvre smoking... Oui, décidément il aurait pas dû... mais d'ailleurs pourquoi il s'est sapé comme ça? ----_----

Attention, j'ai même droit à la traduction simultanée de la missive en question. Et beh, mais c'est qu'il est complètement sur les nerfs d'un coup. La veine à sa tempe semble vouloir exploser à force de palpiter, et ses immenses mains semblent tenir des charbons ardents entre leurs doigts. Je sens que ça va partir sur une histoire d'amour dégoulinante, genre "Partons à la recherche de la belle demoiselle perdue qui a fait battre mon cœur durant ce long millénaire" et à qui t'a posé un super lapin d'un an mec. Pouah, rien que d'y penser, je ne peux m'empêcher d'afficher un air proprement dégoûté. Heureusement, il ne s'en aperçoit même pas, trop occupé par sa découverte. En même temps c'est pas plus mal, il aurait pu se vexer, et jusqu'à preuve du contraire, je tiens à la vie...

Pendant que le colosse blond semble à deux doigts de la syncope, le sombre messager est resté de marbre. Vraiment d'un stoïcisme impressionnant, on dirait qu'il peut endurer n'importe quel choc sans broncher. On voit cette fermeté-là dans ces yeux, qui d'ailleurs brillent d'un éclat qui rappelle ceux du maître des Dantes. Ils doivent se côtoyer depuis un moment ces deux-là... Ah... j'avoue qu'il me déçoit un peu le pingouin endimanché. Apparemment, qu'on le rappelle au bon souvenir de sa manchotte... ouais, ça casse un peu le mythe là. J'en soupirerais presque de déception... Non, vraiment ça m'énerve, et je sens l'irritation poindre dans mes yeux, se superposant au mépris.

Soudain, il lève les yeux vers moi. Ce que je lis dans ses prunelles sans âge, contredit totalement mes dernières réflexions. Non rien de rose et dégoulinant, pas vraiment un air de prince charmant, une détermination farouche presque effrayante, un quelque chose de bizarre qui ferait frissonner n'importe qui n'étant pas entraîné à rester totalement impassible. Bon ok, je retire tout ce que je viens de dire. Je me suis trompée. Et ma déception, mon agacement prématurés se transforme d'un coup en tout autre chose lorsqu'il m'adresse de nouveau la parole, de sa voix grave et profonde comme le grondement d'une cascade sur le granit :
- Ma chère amie, avez-vous déjà été en Égypte? Voudriez-vous m'accompagner là-bas, ainsi nous pourrons reprendre notre conversation durant le voyage?

Alors et de un : Je rêve où il me demande comme ça l'air de rien si je veux bien m'embarquer dans une histoire tordue à propos d'une nana qui serait peut-être assez gourde pour avoir poireauter toute une année à l'attendre tous les soirs avec l'espoir idiot de le voir débarquer comme une fleur, sans penser que les services postaux de nos jours sont tout sauf efficaces? Et de deux... et bien... comment dire... c'est où ça, l'Égypte? Sûr là, je me sens pas fine. Surtout que je m'attendais plus à ce qu'il s'excuse vaguement avant de partir comme un courant d'air (et un coup de vent de sa taille, ça peut faire des dégâts...). Non, même plus, j'aurais presque voulu qu'il s'en aille sans autre parole supplémentaire qu'un quelconque "au revoir". Mais bon, comme d'habitude, ça ne tourne pas comme j'ai pu l'escompter. Et ma belle assurance s'effrite vaguement aux angles, parce que je suis pour une fois belle et bien prise au dépourvu. Et au lieu de m'agacer... et bien rien, le gros vide, avec juste une question : "Merde, je suis censée dire quoi là?". Décidément, ce n'est pas ma journée. Maintenant je sais pourquoi je préfère éviter de voir du monde en dehors du strict minimum nécessaire. Rhââ! Mais pourquoi donc faut-il toujours qu'il y ait des imprévus!?!
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (09.11.2008, 12:07)


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09. 11. 2008, 12:07

... ... ... Mais qu'est-ce que je m'embête à réfléchir moi... ah oui c'est vrai, parce que quand je ne réfléchis pas, il arrive des catastrophes... de toute façon, même en ne fonçant pas tête baissée y a toujours un truc qui foire... oh et puis après tout... Bon... ça ne pourra pas me faire de mal de sortir un peu de la routine, du boulot, et d'Ultima. Changer un peu d'horizon... en fait je crois que ça me fait peur. Enfin pas trop quand même hein. Je vais pas non plus me mettre à trembler tout ça parce que je vais quitter le seul endroit en ce monde qui ne m'est pas totalement étranger depuis l'explosion des bombes.

Réflexion faite, si, je réprime bien un frisson. La dernière fois que j'ai quitté mes repères... non, je ne peux pas partir. En revenant il y aura forcément un con qui aura appuyé sans faire gaffe sur un bouton rouge et tout aura pété. Revenir et ne plus retrouver qu'un tas de cendres... Voir de nouveau s'étendre à perte de vue la désolation et la mort... Fais chier m'en fout j'y vais. Bon, toi l'ego démesuré, tais-toi deux secondes...

- Et hum... où est-ce exactement, l'Égypte?

Ah fait chier j'ai pas pu m'empêcher de détourner les yeux... En même temps c'est vrai que devant pareil personnage, je me sens encore plus ignare que d'habitude, et toute l'assurance du monde ne pourrait le cacher. J'y crois pas... ça garde la tête froide devant une mitraillette mais ça détourne les yeux pour une question de géographie... Il éclate d'un grand rire. Bizarrement, ça ne me vexe même pas. Ou pas trop en tout cas. Je reporte mon regard vers lui et le fusille vainement, l'air courroucé. Son élan d'hilarité réprimé, il me regarde avec amusement. Quoi? C'est le vide intergalactique de mes connaissances qui te fait marrer comme ça? Pff... Moi au moins j'ai pas l'air d'un enfant emmailloté trop serré dans ses langes... Rhô mais faut que j'arrête là ça devient ridicule. Je redresse la tête, et le regarde de haut malgré les quelques bonnes têtes qu'il a de plus que moi (rappelez-moi... à quoi ça sert des talons déjà?). Son sourire s'élargit, ses yeux pétillent. Non mais c'est pas du tout le but imbécile...

- Je prends donc ça pour un oui!

Bon, c'est déjà ça de pris. Reste plus qu'à se préparer et à partir. Je le prie de m'attendre une dizaine de minutes, sors de la pièce, referme la porte, pars à allure vampirique en direction de mon armurerie. Sac, tenue de rechange, armes, chargeurs et deux trois babioles qui pourrait être utiles. Carnet, crayons, cartes, outres de sang, fioles diverses pleines, micros. Niveau armement, je suppose que mes deux sabres, des dagues et poignards, plus un bon magnum, ça suffira amplement. Pas besoin non plus de prendre l'artillerie lourde. Je mets ma tenue habituelle, accroche mes sabres à mes hanches, passe le sac en bandoulière noir à mon épaule. Tout tiens parfaitement dedans... la magie du rangement et de l'organisation. Deux aiguilles viennent faire tenir mes cheveux en chignon. C'est bon, il me semble n'avoir rien omis. Huit minutes à peine. Je suis en avance, tant mieux.

J'entre d'un pas assuré dans le salon. Il est encore là, assis dans mon fauteuil, à attendre. Il tourne la tête, et je peux voir ses yeux étranges, qui sont comme le disque d'eau d'une fontaine qui refléterait sur sa surface immobile les mille et une couleurs de la mélancolie et de la colère. ... D'un bout à l'autre de l'échelle du temps, qu'on soit sur le premier barreau ou sur le dernier, il semble tentant de se laisser tomber, sachant que la chute est mortelle quelle que soit la hauteur, comme si le trop peu de joie ou le trop plein de douleur, ne dépendait pas de la durée. Mon regard se pose sur la coupe vide que j'ai précédemment négligemment posée sur une console dorée. Son intérieur brillant luit de coulées écarlates. Le sang a beau éclaircir la couleur de nos regards, il ne fait qu'assombrir nos âmes…


- Je vous suis, Sire Ihsahn. Mes pas suivront les vôtres le temps d'un voyage. Fais-je d'une voix dont la froideur dissimule la lassitude.

Je plante mon regard de glace dans ses yeux. Je t'aime bien toi, je ne sais pas pourquoi, et je sens que c'est une erreur que de partir ainsi. Mais le destin à ses raisons que la raison même ne connaît point. Alors, partons, là où l'eau de mes yeux jamais encore ne s'est posée, avant que le tonnerre ne gronde. Car il menace toujours, ceux qui tardent. ... Je ne pars pas pour parler, je ne pars pas pour exprimer, je pars seulement pour écouter et voir. Mais étrange est la sensation que je reviendrai, si je reviens, la bouche sèche d'avoir trop dit et le cœur allégé de silence. Ne me déçois pas, maître des Dantes, vampire millénaire, toi dont je ne parviens pas à comprendre le regard.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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09. 11. 2008, 15:34

Dans la limo silencieuse règne un calme pesant.

LuneRouge est assise en face de moi, muette et immobile comme une statue de marbre. Ce n'est pas vraiment ce que j'avais espéré. Eléonora m'avait parlé y a quelque décennies d'une résurgence de l'Ordre mais de là à ce qu'il représente à nouveau une menace justifiant qu'elle aille le constater par elle-même, et seule par-dessus le marché! Maintenant elle sûrement crevée, et à tous les coups ce message est un faux, destiné à me tendre un piège. Eléo ne me parle jamais en grec, bien que je pratique parfaitement cette langue, d'habitude nos messages s'échangent en norvégien. Donc c'est sans doute quelqu'un qui a griffonné ces quelque mots pour m'attirer en Egypte.

Nous arrivons chez moi, et j'ouvre la porte du véhicule avant même que le chauffeur n'ai arrêté le moteur.

Suivez-moi chère amie, je vais passer une tenue plus propice aux aventures et nous monterons dans mon avion privé pour rejoindre notre destination avant la fin de la nuit.

Je l'abandonne aux bons soins de mon majordome à qui le smoking va comme un gant, lui, et je fonce au premier étage chercher mon matos. La Jeep est prête quand je redescends, et LuneRouge m'attend. Elle ne semble pas particulièrement tiquer à la vue de mes immenses haches, et je n'ai pas vraiment envie de lui expliquer ni d'où elles viennent ni qui les a forgées pour moi donc nous restons tous les deux dans un silence gêné qui ne me dit rien de bon.

Une poignée de minutes de route à travers les bois et nous arrivons sur la piste du petit aérodrome qu'Eléo avait fais installer voilà déjà quelques années. Nous montons tous les deux dans le Jet et nous installons à l'intérieur, composé de luxueux fauteuils de cuir et d'un écran de contrôle de com, éteint bien sûr puisque je ne sais pas m'en servir, à vrai dire je n'en ai pas grand chose à foutre de ce truc, un gadget sans doute.

Je regarde LuneRouge au fond de ses yeux magnifiques, elle ne semble pas troublée par l'enchaînement rapide des évènements. Calme de façade ou véritable sang-froid? Quoi qu'il en soit cette nana a du cran, et ça me plaît.

Je vous dois une explication ma chère, mais pour cela je vais devoir vous raconter quelque passages de ma longue existence.

Ce sera un plaisir Sire Ihsahn.

Je vous en prie, appelez-moi Brann. C'est mon vrai nom, celui qui m'a été donné par mon père il y a de cela plus d'un millénaire. Pour commencer je vous informe que nous ne nous rendons pas directement en Egypte, nous allons d'abord dans mon fief, sur l'île de Tamsøy, située à l'extrême nord de la Norvège. Je m'y suis installé il y a quelque siècles et c'est aujourd'hui un vaste complexe qui nous accueillera pour la journée. J'y ai quelqu'un à récupérer, elle nous sera très utile durant nos pérégrinations. Sachez également que notre voyage comportera de nombreux dangers lorsque nous arriverons en Egypte, autant physiques que moraux.

Comme elle ne relève pas je continue.

C'est vers l'an 1650 que j'ai rencontré Eléonora. Elle était à ce moment là aux prises avec une organisation de religieux extrémistes, appelée sobrement l'Ordre du Saint-Esprit. Vampires et humains étaient unis sous une même bannière pour convertir de gré ou de force toute la planète à leur croyance débile. Avec mon aide nous devinrent rapidement leurs pires ennemis, et nous les détruisîmes lors d'un combat épique dans leur fief de Milan. Après cela, Eléo eu vent de je-ne-sais quelle rumeur selon laquelle leur chef, un cardinal-vampire du nom de Cagliostro, aurait survécu et fuit vers l'Egypte. Nous passâmes donc la première moitié du XVIIIème siècle à chasser les fantômes dans le désert, jusqu'à ce que je réussisse à la convaincre d'abandonner. Je crains qu'en fait elle n'avait accepté d'arrêter les recherches uniquement par amour moi car il semble que cette idée a continué de trotter dans sa tête pendant les siècles nous séparant de cette époque, bien qu'elle ne m'en ai jamais reparlé. Nous nous sommes vus pour la dernière fois il y a trois ans, au moment ou elle m'a demandé de prendre sa place dans cette ville maudite. Elle m'a alors expliqué qu'elle avait d'importants problèmes personnels à régler, mais il n'en était rien, elle était encore à la poursuite de l'Ordre. Elle était la compagne la plus douce que l'on puisse imaginer mais lorsqu'elle avait une idée en tête...

Etait?

La question semble désintéressée, ou plutôt elle n'a pas le but qu'on voudrait bien lui donner. De toutes façons la réponse sera la même.

Je suis quasi-certain qu'elle est morte à présent, et qu'elle n'a jamais écris ce message. Elle ne m'appelait jamais Ihsahn et elle ne m'écrivait jamais en grec. C'est un piège j'en suis sûr, et nous allons leur faire le plaisir de tomber dedans, mais pas de la façon dont ils s'y attendent. Bien sûr il reste encore de nombreuses questions en suspens, notamment concernant ce mystérieux message. Il a été écrit par une personne qui nous connaissais bien, mais pas assez pour me tromper...

Je me tais quelques instants. Je n'ai pas encore vraiment accusé le coup, de toutes façons en présence de LuneRouge je ne peux pas craquer.

Quelle histoire de merde. Après des mois sans nouvelles je savais qu'il lui étais arrivé quelque chose, mais de là à apprendre sa mort d'une manière aussi brutale... Il est vrai que notre relation était devenue presque platonique depuis plusieurs décennies, surtout lorsque j'ai entrepris ma reconquête du Pays Saami vers la fin des années 70. Eléonora était opposée à toute idée de violence, alors que je crains de devoir vous avouer qu'en maintes circonstances j'ai été pire qu'un boucher. J'ai génocidé de nombreux peuples et ethnies dans le Nord et vous remarquerez que je ne suis absolument pas étranger à la disparition quasi-totale de toute trace du culte judéo-chrétien en Scandinavie septentrionale depuis une quarantaine d'années. Je ne cherche aucune excuse mais je tenais néanmoins à ce que vous le sachiez. Un mot de vous et cet avion fait immédiatement demi-tour pour vous ramener chez vous, vous avez ma parole.

J'essaie de lire à travers ses yeux.

Alors ma chère, que pensez-vous de tout cela?

Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Ihsahn" (12.11.2008, 10:09)


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09. 11. 2008, 18:29

Ce que j'en pense? Aha aha aha... Strictement rien mon grand. C'est quoi les judéo-chrétiens et tout ton bazar? J'ai pas compris la moitié des précisions sur tout ce que tu viens de me raconter. Bon, en gros t'es dans le genre grosse brute qui a renvoyé ad patres un nombre incalculable d'âmes, et ta copine est sans doute morte et enterrée, ça c'est le principal à comprendre, avec le fait que tu veux te jeter dans la gueule d'un loup pas si malin que ça pour mieux l'embrocher par l'intérieur. Et alors, qu'est-ce que tu veux que je te dise? Je ne suis de toute façon pas là pour juger. Et quant à ce qui est de rentrer aux bercailles... il manquerait plus que ça tiens. De toute façon, j'ai des doutes sur ma capacité à sortir une phrase aussi longue que " Je désire rentrer chez moi immédiatement parce que vous êtes un immonde assassin." . Premièrement parce que ce serait l'hôpital qui se foutrait de la charité, et ensuite parce que mon estomac n'y résisterait pas. Je sais depuis longtemps ce qu'est un avion, mais je n'avais jamais utilisé ce moyen de transport, ne pensant pas qu'il restait quoi que ce soit du monde en dehors d'Ultima la sombre, à l'exception de déserts radioactifs. Heureusement que j'ai les entrailles bien accrochées. Je dois être encore plus pâle que d'habitude.

Il me regarde avec une espèce d'anxiété amère, née pour une raison qui m'échappe. Cette fameuse Eleonora peut-être? Évidemment, ça doit le perturber. Mais je doute que ce soit le genre d'homme à craquer en public, et il y a des chances pour qu'il ne percute pas avant un moment de toute façon. Quand les choses vont trop vite, il faut du temps avant de les rattraper. Mais quand on les heurte enfin de plein fouet, quand elle nous lardent soudain le visage de leurs bourrasques glacées qui sont semblables à des lames de rasoir... Je plonge malgré moi mon regard dans les fascinants reflets du sien, attirée comme un insecte par des flammes dansantes. Je sais pertinemment ce que tout cela me rappelle. Mais je ne veux pas regarder en arrière, je ne dois pas. Parce que je sais pertinemment que quand on se met à contempler la rivière pourpre qui s'étend derrière nous, on ne peut plus en détacher le regard, et l'on reste comme hypnotisé, le sang du cœur ruisselant malgré nous sur nos joues. Et tout n'est plus que cette souffrance qui était là, tapie, à l'affût du moment où vous céderiez, faible que vous êtes, à la tentation de regarder si elle était toujours dans votre dos. Ahhh... tout ce que l'on peut voir et croire distinguer dans les yeux d'un homme... Les yeux sont-ils vraiment les miroirs de l'âme? J'en doute. Ce sont plus simplement des fenêtres sur l'esprit et le cœur. Et à travers les vitres brouillées de souvenirs de mon interlocuteur, il est dur de distinguer les nuances de son humeur présente.

Ses traits se sont durcis, au fur et à mesure qu'il racontait son histoire, sa mâchoire s'est crispée, ses yeux se sont assombris. De lourdes préoccupations doivent sûrement l'assaillir, ce qui semble plutôt logique vu sa situation. Et pourtant, il ne semble pas bouleversé, il ne paraît pas torturé par le remord, le regret, comme s'il parvenait, pour l'instant tout du moins, à se concentrer sur le moment présent de la même façon que s'il n'y avait rien eu d'autre. Intéressant... et déroutant pour moi à la fois. J'ai déjà vu cette lueur au fond d'yeux tout aussi magnifiques, cette petit perturbation dans la continuité de la concentration, ce petit recoin du regard qui montre que quelque chose est refoulé, caché, fuit même. Sans m'en rendre vraiment compte, j'incline la tête sur le côté, comme pour mieux le regarder tout en m'abandonnant à mes pensées. ... lui aussi avait les cheveux blond, lui aussi semblait avoir vécu des centaines d'années et déployait des efforts exagérés pour paraître dénué de blessures du temps. Lui aussi avait des yeux dans lesquels on se perdait trop facilement. Et à l'instar du géant scandinave, on pouvait distinguer dans ses yeux, cette lumière sombre de la douleur du silence. Sauf que pour lui, je n'avais pas su déchiffrer ce signe pourtant criard à celui qui sait regarder au fond d'un regard. Et il m'en avait coûté plus de larmes que n'en peut contenir un être, plus de souffrance que ne devrait pouvoir en supporter un corps. Il m'en avait coûté la vie, j'y avais perdu ma mort... Et c'est maintenant moi qui porte le fardeau de son silence, le poids de sa douleur ancrée dans la mienne.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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09. 11. 2008, 18:29

Je me rends compte d'avec quelle facilité, en partant d'une simple supposition, mon esprit est capable de vagabonder loin. Le silence est devenu pesant. Il me regarde, essayant de lire à travers la glace. Je me demande ce qu'il voit dans mes yeux. Je me suis toujours demandé ce qu'on pouvait y voir, quand je ne fais plus attention à mes expressions. En même temps, je déteste sentir peser ainsi sur moi un regard si… dense. Je cligne des paupières, revenant un peu trop vite de mes pensées. Désireuse de passer à autre chose, je réplique, un peu tard certes, d'une voix dont la glace se fissure malgré moi. Avec lui, j'ai bien l'impression que j'aurais du mal à jouer les icebergs...

- Ce que je pense de vos actes? Rien. Pour la simple et bonne raison que je ne connais ni l'époque à laquelle ces faits se sont produits, ni ceux qui sont morts, et peut-être moins encore vous. Je ne suis ni du Ciel ni du Tartare, et en aucun cas je ne m'accorderai le droit de juger quelque chose dont je ne suis pas en mesure d'appréhender l'ampleur. Et puis, des bouchers de nos jours, il y en a à tous les coins de rue, et peu peuvent se targuer d'avoir été aimé ou même d'avoir aimé. Ne vous souciez pas de mon avis sur la chose, moi-même ne m'y attardant que peu. Votre passé ne me regarde en rien, vous comme moi sommes dans le présent. Je ne tiens pas à partir avec des préjugés obscurs. Quand a ce qui est du danger qui peut nous attendre, sachez que même si j'ai une piètre opinion de la non-vie, je ne tiens pas du tout à la perdre. Et pour l'instant, même si j'éprouve à votre égard une profonde sympathie, je dois bien vous avouez que je ne suis pas prête à la sacrifier pour votre charmante personne. Je vous dis cela parce que je pense que toute bonne coopération doit se baser sur une certaine part d'honnêteté... Brann.

Brann... Rien ne l'obligeait à me révéler son nom. Et pourtant il l'a fait. Dois-je lui rendre la pareille? Je ne sais pas, j'hésite. Je ne pense pas être forcément en état de supporter ce prénom. En plus ça ressemble à celui de la supposée défunte... Et de toute façon, cela ne le regarde pas. Point à la ligne. ... ah ça m'énerve quand même... pfff...

Cette longue tirade a été une petite torture pour mon estomac. Heureusement que je n'ai ingurgité aucune nourriture humaine avant de partir, sinon... enfin bref, je crois que je commence à m'habituer. Les fauteuils en cuir sont confortables, et je commence un peu à desserrer mon étreinte, retirant mes ongles enfoncés dans les accoudoirs depuis le décollage. Grotesque. On dirait un chat sur une balançoire en mouvement au-dessus d'une immense flaque d'eau froide. Enfin, à l'intérieur bien sûr. Je me laisse aller contre le dossier moelleux, et inspire un peu d'air, calmement. Je n'aime pas l'avion, je crois que c'est une évidence. Peut-être pas le mal de l'air, mais je n'aime pas cette impression de n'avoir de contrôle sur rien, et d'être enfermée sans pouvoir m'échapper. Surtout que maintenant qu'on a pris autant d'altitude, c'est même plus la peine de penser à sauter... ... ... En parlant de hublot et d'altitude, j'espère que je ne l'ai pas vexé d'ailleurs en prononçant les dernières phrases de ma tirade...

Je réfléchis à toutes les informations qu'il vient de m'apporter. Enfin tout du moins à celles que je suis en mesure de saisir, c'est-à-dire tout de même une bonne partie. Et une question me vient, accompagnée d'une vague de méfiance et de suspicion. Je fronce un sourcil tout en demandant, la voix égale et le visage indifférent :

- Et puis-je savoir quelle est cette personne qui doit nous accompagner?

Il n'est pas nouveau que je n'aime pas particulièrement la compagnie de la plupart de mes semblables bipèdes. Et comme on dit, à deux c'est bien, à trois il y en a un de trop. Je n'apprécie guère les nouvelles têtes en général, de plus. Mes lèvres se pincent sans que je puisse les en empêcher. Décidément, il faudra que j'apprenne à me contrôler un peu mieux, quitte à demander de l'aide à Évangéline, qui malgré les apparences, est très douée pour faire croire ce qui n'est pas, quand elle le veut bien. Enfin là ce n'est plus vraiment le moment. Même plus du tout. Et j'attends sa réponse en tentant de masquer un peu mieux que ça mon agacement. Je n'aime pas que l'on m'impose des choses, et encore moins lorsque ce sont des personnes. Il ne faudra pas attendre de moi une grande amabilité. Je veux bien être gentille avec toi, gus, mais faut pas trop m'en demander. Et ce grand âne sourit. A croire qu'à chaque fois que j'ai l'air vexée ou irritée, ça le fait marrer. Non mais je rêve. C'est pas parce que tes haches font ma taille que ça te donne le droit de t'amuser de mon exaspération et de mon impatience. ... ... ... Le pire c'est que ma propre irritation en deviendrait presque risible à mes yeux également. Ah ça m'énerve! Je lui jette un regard noir pour l'inciter à répondre plus vite et à ôter cet air excédant de son visage. Surtout que sans sa longue barbe, on distingue désormais parfaitement les contours nets de ses sourires. ... ... Cours toujours, je ne ferais pas risette.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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09. 11. 2008, 19:45

Cette personne... comment dire... C'est très compliqué à expliquer. Sachez tout d'abord que ce n'est pas une personne à proprement parler.

Super voilà une façon géniale d'expliquer les choses. Tout en simplicité, très clair, parfait. C'est moi tout craché. Soit je réponds en tuant mon interlocuteur, soit je réponds en l'obligeant à se poser encore plus de questions.

C'est un esprit, un concept, une dynastie. Tous ont été mes plus fidèles compagnons depuis ma première nuit de mort-vivant. Dans l'âme de chacun se répètent les préceptes fondateurs de celui qui fut le premier d'entre eux, mon seul et unique ami. Je ne veux pas vous en dire plus, vous jugerez par vous-même. Je vais me reposer à présent, nous arriverons dans moins d'une heure, vous trouverez dans cet ordinateur portable de nombreux documents concernant mes ennemis, vous pouvez les consulter si vous le désirez.


Je me lève et après une petite courbette je laisse la belle à ses méditations pour aller faire un petit somme. Ah merde petit détail.

J'ai oublié de vous dire, là où nous allons il ne fait pas jour à cette époque de l'année, c'est ce que l'on appelle la nuit éternelle. Vous devriez vous reposer tant que vous le pouvez car croyez-moi, pour ceux qui n'y sont pas habitués c'est très dérangeant.

Quelques dizaines de minutes plus tard, je me lève un peu plus frais qu'avant. L'avion est en train d'amorcer sa descente, et LuneRouge est encore endormie. Je m'attarde un peu sur son superbe visage, si calme et détendu, si doux quand elle n'est pas éveillée. Elle m'a appelé Brann, étrange d'entendre ce nom à nouveau. Troublante coïncidence que nous soyons sur les traces de la dernière personne l'ayant fait avant elle... Je ne te demanderais jamais de sacrifice, par contre je n'ai pas besoin de te dire que s'il le faut tu ne reviendra pas de ce voyage. Enfin ça tu le savais avant d'accepter. Enfin j'espère. Quelle confiance dingue elle a misé sur moi, elle ne sait même pas où nous allons, ça pourrait être n'importe où. Impressionnant. Est-elle complètement stupide ou trop sûre d'elle? L'avenir nous le dira.

L'avion se pose doucement sur la piste au moment ou elle ouvre délicatement les yeux. Pendant un bref instant mais qui semble durer une éternité je croise son regard véritable, son for intérieur, la vraie LuneRouge. Et là je peux enfin lire son âme. Il ne m'en faut pas plus pour comprendre qu'elle n'est sûre de rien. Elle semble troublée et remplie de questions, à mon sujet notamment. Et surtout elle semble souffrir, une douleur incroyable, un poids qu'elle a l'air d'être capable de porter pour encore quelque secondes seulement. Ce n'est pas la souffrance des années passées comme celle que je ressens, ce n'est pas la douleur des mille vies que j'ai vécues, mais bien une blessure, profonde et impossible à cicatriser. Et puis elle reprend le contrôle et je ne vois plus rien d'autre qu'une froide détermination.

Nous sommes arrivés. Bienvenue dans mon fief, sachez que les personnes entrées et ressorties vivantes de ce lieu se comptent peut-être sur les doigts de deux mains, pas plus.

La vue sur le château est superbe. Situé au bord de la mer gelée il est composé d'une grosse tour carrée et d'un mur d'enceinte d'une taille et d'une épaisseur impressionnantes. Ce serait lugubre en d'autres circonstances mais vu que ça fait longtemps que je suis pas venu mes hommes ont mis les petits plats dans les grands. Le chemin de ronde est orné d'immenses feux qui brillent magnifiquement dans la nuit éternelle, et la route qui mène à l'immense portail est délimitée de torches piquées au bout de grandes lances plantées à même la neige. Un vent sec vient me transpercer les os, me purifier, me laver des impuretés de la Ville. Je regarde ma compagne, si elle est en train de déguster à cause du froid elle ne m'en fait rien savoir.

Nous sommes au-delà du Cercle Polaire Arctique, c'est l'un des lieux civilisés les plus au nord de la planète, enfin depuis la guerre c'est même le seul endroit civilisé à des centaines de kilomètres à la ronde, voire des milliers.

Je me tourne vers l'Est


Par là c'est la Sibérie et l'ancienne Russie, des milliers de kilomètres de terres dévastées, gelées et impures.

Je m'apprête à continuer quand une voix dans ma tête m'interrompt d'un coup. Elle est là. Elle s'approche, je la sens, je la sens courir de toutes ses forces car elle sait que je suis enfin là. Je sens que ça fait déjà quelques minutes qu'elle a senti ma présence, avant même que l'avion ne se pose, je sens que l'année a été bonne même si les rennes se raréfient dans la région et qu'elle doit pousser toujours plus loin pour ramener du gibier, elle sait que notre pacte séculaire a été malmené pendant ces longs mois d'absences mais que même si nous n'avions jamais été séparés plus longuement qu'une simple journée elle n'a jamais cru que je l'abandonnerais. Je sens sa joie simple de me retrouver même si une légère aigreur vient ternir le tableau, sans doute un petit, mort l'hiver dernier.

Elle arrive au bout du chemin bordé de torches, la puissance des muscles de ses pattes lui donnant une vitesse proprement hallucinante. Grande et élégante, sa belle robe grise brille dans la nuit et sa grande gueule est ouverte largement comme si elle souriait. En quelques secondes à peine elle est sur moi et me saute dessus, nous roulons tous deux dans la neige en échangeant des grognements de plaisir. Je me relève rapidement, je ne dois pas oublier mon hôte. Elle se tient droite comme un piquet, nous regardant d'un air blasé, à la limite de l'énervement. Je m'approche d'elle et dans un immense sourire, mon premier vrai sourire depuis des mois, je lui présente ma louve que je tiens affectueusement par la peau du cou:

Voici Ulva, descendante de Brann qui fut mon premier compagnon. Elle n'est pas un simple animal de compagnie ou un partenaire de chasse, c'est mon alter-ego. Vous m'avez peut-être trouvé emprunté et maladroit je suis complet à présent. Me voici devant vous, nous sommes Brann, je suis Brann, et je vous demande humblement de m'aider.


Je n'avais pas ressenti un tel bonheur, une telle sensation depuis des années.

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Ihsahn" (12.11.2008, 10:12)


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11. 11. 2008, 15:43

Je n'en reviens toujours pas d'avoir dormi, dans un avion, et en présence d'un vampire capable de me broyer la tête dans une main si ça lui chante (Bon, en même temps, s'il avait voulu me tuer, il aurait pu le faire avant, et puis ici ça risquait de salir le cuir des sièges...). Enfin bref, apparemment nous arrivons. Je lance un vague regard par le hublot, sans vraiment regarder ce qu'il y a derrière la buée de la vitre qui semble givrée à l'extérieur. Nous nous levons, et approchons de la porte, qui ne tarde pas à s'ouvrir. Je m'engage à sa suite sur la passerelle. Je relève la tête. Je n'en crois pas mes yeux.

L'éternité de limpidité, le royaume de blancheur. Le monde entier couvert de la glace du cœur. Un dais des rois, la splendeur des cieux, piqué d'opale et de diamant, couvrant avec la majesté des dieux, un pâle océan. A perte de vue, le blanc en dunes invincibles. Un empire figé en perpétuel mouvement sous les yeux ébahis de l'intrus impie, qui devant l'immensité de la vérité du Ciel ici immaculée, ne peut que tomber à genoux et supplier. Une mer douce, comme un édredon de plumes de colombe qui recouvrirait l'horreur. La caresse du ciel s'attardant sur terre. L'écume de la tendresse, glacée à jamais. Et dominant cet enfer blanc, cette immensité toute de neige et de glace étincelante, la chape lourde et bleue du ciel. Un bleu roi, un bleu de nuit, un bleu de ténèbres. La poussière voletante et immuable des étoiles souriantes, comme autant de larmes oubliées, que les cieux auraient recueillies. La magnificence de la pureté, la mort tout en tendresse et en beauté. Le néant, mais de blanc. Et la lumière blafarde de la voûte céleste qui embrasse tout le paysage et l'illumine délicatement, de sa lueur tamisée et bleue, le faisant paraître un désert aux grains non pas de sable, mais de délicats saphirs. La beauté froide et pénétrante d'un empire de silence et de glace.

Un regard qui devient le fourreau d'une lame qui s'y engouffre aussitôt. Je réprime un violent frisson le long de mon échine. Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas vu de neige... A Ultima, les nuages acides, la pollution, la chaleur empêche la neige de se poser, voire même de tomber. Au mieux ce n'est alors qu'une espèce de bouillie immonde. Ici c'est une mousse légère, brillante, resplendissante. J'ai toujours aimé la neige. Surtout la neige au soleil, car alors elle parait une mer de cristal. Mais là c'est plus beau encore, car ce n'est pas la lumière qui éblouit, mais la beauté. Tant de noblesse dans un tel écrin de silence, me coupe le souffle. Mon cœur se gonfle. Je n'ai qu'une envie, me jeter dans ce lit neigeux, et sentir le froid réconfortant sur ma peau et à travers mes vêtements. À l'intérieur, je ne suis plus qu'une enfant qui ne demande qu'à user et abuser de ce dont elle a enfin la possibilité de profiter. J'ai presque envie de… sourire. Comme c'est une sensation étrange désormais, même pour cette petite fille qui, partie de moi, doit elle aussi vivre le froid de l'éternité. Je tente malgré tout de garder une façade impassible. En mon cœur, l'enfant devenu incomplet par la mort pèse une tonne. La partie qui lui manque est plus pesante encore que celle qui est encore là, réelle. C'est en quittant l'automne qu'on découvre qu'un éternel hiver nous glace et nous enserre le cœur.

Ihsahn semble ému lui aussi. Il regarde un peu plus vers la gauche, les yeux brillants, un sourire inconscient aux lèvres. Il observe ainsi un fort, carré, massif, imposant, aux pierres sombres et énormes. Il me parle je crois, mais je n'entends pas sa voix, qui se mêle sans peine au mugissement du vent glacial. Ah… que j'aime la froideur de ce paysage, et la glace que ce souffle céleste plaque sur ma peau…

D'énormes flambeaux dansent sur les murailles, telle une haie d'honneur courant le long des remparts, haillons de feu tenaces que le vent furieux semblent vouloir déchiqueter, comme pour balayer l'injure de cette chaleur importune, comme pour tenter de laver l'honneur de sa souveraine bafouée. En effet, la neige ne semblait rien pouvoir contre ce fief noir qui trônait, provocateur et fier, au milieu de son royaume bleuté. Le néant noire de la roche taillée, sur un fond de néant blanc immaculé. C'est comme si on avait posé une enclume sur un lit de plume. Une force sombre et imposante se dégage des murs, et je devine sans peine à qui appartient ce bastion. Alors ainsi, c'est ici "chez lui"...

Le bruit du givre qui se brise, le chuchotement de la neige que l'on piétine, la halètement brûlant d'une respiration animale, le claquement impatient d'une mâchoire. Je fais volte-face, prête à dégainer mes lames. Mais le spectacle qui s'offre à moi finit de m'abasourdir. Un homme et un immense loup, roulant dans la neige, l'un riant aux éclats, l'autre découvrant ses formidables crocs en une étrange simagrée de sourire. Et surtout, surtout, cette joie, ce BONHEUR. Non, c'est impossible, de nos jours ces choses-là n'existent plus. Je sens de plus en plus que je n'aurais jamais du partir. Il n'aurait même jamais fallu que je rencontre cet homme, me murmure une voix acide, celle de ma douleur.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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11. 11. 2008, 15:46

Comment peut-on exhaler autant le… réconfort, la… paix? Alors que le monde ailleurs n'est que douleur et larmes? Et comment la joie d'autres peut-elle se transformer en poignards si acérés, en acide si amère? Ils sont tous deux dans la neige, célébrant à leur façon leurs retrouvailles, et dans leurs yeux à tous deux, je peux lire des choses que je ne suis pas en mesure de comprendre. Et surtout, encore et toujours, cette joie, comme si c'était retrouver une part de son cœur après des éternités de déchirante séparation. Alors ainsi, cela existe encore? Ma gorge se serre. Tous deux se relèvent soudain, lui tenant le loup par la peau du cou, comme si cela avait été un chaton affectueux, et je tente désespérément de durcir le masque de mon visage. Le mieux que je puisse faire, c'est de laisser le vent figer mes traits en une expression irritée et presque méprisante. Mais je sens que c'est une pellicule de givre trop fine pour durer longtemps.

- Voici Ulva, descendante de Brann qui fut mon premier compagnon. Elle n'est pas un simple animal de compagnie ou un partenaire de chasse, c'est mon alter-ego. Vous m'avez peut-être trouvé emprunté et maladroit je suis complet à présent. Me voici devant vous, nous sommes Brann, je suis Brann, et je vous demande humblement de m'aider.

Sûr, on ne dirait plus le même homme. Il est moins sombre, semble moins menaçant, dégage une impression de force plus… complète… et les doutes semblent avoir déserté ses yeux, qui sont un écho frappant des iris d'or et d'ambre de ceux de sa louve. Leurs regards sont le reflet même des paroles qu'il vient de prononcer. L'un complète l'autre : la seule chose qui manquait à la fresque de son regard de vampire, était cette touche chaude et simple, cette coulée brillante de mordorée, de miel et de marron glacé. Mais cette harmonie semble me briser. En contemplant la plénitude de ces cœurs qui semblent ne faire qu'un, je me rends compte du chaos qui ravage le mien. Entre souffrir et devenir conscient de sa propre désolation, c'est ce second fait qui est le plus lancinant. Voilà aussi, je crois, pourquoi la solitude a toujours été mon meilleur rempart. Parce que je ne veux avoir à regarder certaines choses en face.

Je suis bien incapable du moindre mot. Je perçois la désagréable sensation de mon masque qui se fissure et part peu à peu en éclats. Que l'on peut se sentir faible, pathétique et ridicule dans ces moment-là… Comme peut être fort et odieux le sentiment d'être forcé à la fuite et au silence…Et comme les larmes, celles qui passaient jusque là derrière le masque du visage, peuvent nous faire sentir misérable, fragile et frêle, alors qu'elles sont révélées, coulées immatérielles s'écoulant derrière le voile du regard, tandis que les traits, eux, restent figés sous l'impact du coup asséné si cruellement.

Je suis comme statufiée. Je crois que j'ai lâché les poignées de mes armes depuis un moment, et mes bras sont restés ballant contre mon flanc. Je contemple la scène sans plus vraiment la voir désormais, mon regard est resté fixé sur tout ce qui se trouve sur le voile qui passe devant mes yeux. Taedium vitae… Et pourtant je n'ai pas le droit de lâcher prise… J'ai juré, j'ai promis… Même si vivre sans cet "alter-ego", est une torture perpétuelle. Sustine et abstine… Mais se doutait-il seulement? Savait-il le mal et l'affliction qui seraient miens à jamais? … Tais-toi petit idiote… Volenti non fit injuria… Tu n'as pas le droit de te plaindre, alors tais-toi et reprends toi! Tu ne sais même pas vraiment pourquoi tu te mets dans cet état, en fait il n'y a rien, rien du tout. Rien n'a d'importance. Rien ne compte. Rien n'a d'importance. Rien ne doit compter. Rien ne doit t'affecter. Non, non, arrête de penser! Ne varietur.

Brusque retour à la réalité. Je ne sais toujours que dire. Je n'ai pas envie de parler. Pourtant il le faut bien. Je suis lasse soudain, de tant de comédie. Je tourne le dos à ce tout enfin réuni, pour faire face à l'immensité blanche, aussi vide est froide que ce qui semble encore se trouver par miracle à l'intérieur de ma poitrine.

- … Vains, insidieux, insipides et plats me semblent les usages de ce monde… mais ma réponse première reste inchangée. Je vous aiderais, bien que cette aide que vous me demander, soit dérisoire.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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11. 11. 2008, 17:50

Je me retiens de la prendre dans mes bras, ne serait-ce que pour la réchauffer un peu, et lui lance un petit sourire. Ton heure viendra, je ne t'ai pas emmenée pour rien tu verra. Un homme est en train de s'approcher de nous. Il est grand et élancé malgré les années de labeur qui ont buriné son visage de rides de sagesse. Vêtu de cuir souple, il s'approche de nous et s'agenouille dans la neige.

-Nous sommes très heureux de vous revoir Majesté, mais nous ne vous attendions pas de sitôt. Sven nous a prévenus à temps, tout est prêt pour vous et votre compagne, ô mon Roi.

Bonsoir Régisseur Svølfnnir. Vous pouvez vous relever.

Je me tourne vers la belle qui se tient silencieuse à côté de moi.

LuneRouge, voici Lars Svølfnnir, le maître de ces lieux en mon absence. Régisseur, je vous présente Dame LuneRouge. Veillez à satisfaire le moindre de ses désirs pendant notre court séjour. Suivez-moi, ma Dame.

Nous remontons le chemin bordé de torches.

Régisseur nous repartons dans quelques heures, veuillez préparer mon matériel de chasse, nous irons traquer l'ours, aux dernières nouvelles il en reste encore sur la banquise, je me trompe?

-Pas le moins du monde Majesté, vos traqueurs en ont aperçu un gros il y a à peine quelques jours, il semble vous être destiné.

Je capte son coup d'oeil vers la jeune femme qui marche à nos côtés.

LuneRouge nous accompagnera Régisseur, une chasse à l'ours polaire n'est pas un évènement auquel on échappe en ces temps où Yggdrasil nous fait don de ses derniers fruits. Voyez, même Ulva semble être de cet avis. Alors, quelles nouvelles de mon royaume?


La question est rhétorique, je suis évidemment au courant du moindre oiseau qui chie à des centaines de kilomètres à la ronde. D'ailleurs il le sait très bien, c'est lui qui m'en tient quotidiennement informé.

-La situation se dégrade avec les rebelles Rus Majesté.

Arrangez-vous pour propager la nouvelle de mon retour même si ce n'est que pour peu de temps, ça pourrait éventuellement les inciter à réfléchir à la proposition de traîté que nous leur avons envoyé la semaine dernière.


Sa voix se fait nerveuse, il bafouille presque.

-Majesté, je... Nous avons reçu une réponse, elle est arrivée il y a quelques heures. Sachant que vous arriviez j'ai préféré vous le dire de vive voix. Notre émissaire nous a été rendu.

Je stoppe brutalement notre marche dans la neige. Sentant mon trouble Ulva commence à grogner sourdement.

En un seul morceau?

-Non Majesté, uniquement sa tête. Il avait un morceau de papier plié dans la bouche. Le voici, Sire.

Il me tend une feuille froissée et ensanglantée. "Nous ne serons jamais les esclaves d'un tyran". Leur réponse est sans appel. Très bien. Ils veulent mourir, ils vont mourir.

Régisseur, convoquez immédiatement le Général Ragnarsson.

-C'est déjà fait Majesté, il vous attend dans votre bureau.

Bien. Je m'y rends de ce pas.

Nous arrivons à l'enceinte du château. Le bâtiment est sur le pied de guerre, les hommes sont rangés en bataillons, et derrière eux sont garées plusieurs Jeeps et un tank. Sur l'ordre de leur supérieur ils se mettent au garde-à-vous alors que nous passons devant eux.

Qui sont ces rebelles Rus, Brann?

L'emploi de mon prénom fait sursauter le régisseur.

Ce sont des descendants d'un peuple de vikings suédois qui unifia la Russie à la fin du premier millénaire. Ce sont eux qui ont donné son nom à ce pays. Après la guerre et le démantèlement des grandes puissances et l'émergence de nouveaux royaumes comme le mien, quelques illuminés se sont imaginé qu'il pouvaient me résister et ont fondé une principauté rebelle à mon autorité. Ils sont basés à Murmansk, peu nombreux mais bien organisés ils disposent d'ancien matériel soviétique. Ce n'est pas une force à prendre à la légère mais n'ayez crainte chère amie, je les écraserais comme des insectes, je les massacrerais tous, hommes, femmes et enfants, jusqu'au dernier.

Sans attendre sa réaction j'entre dans la tour. Les grands escaliers qui font face à la porte principale sont couverts d'un épais tapis rouge, et les couloirs qui partent de côtés fourmillent de serviteurs qui s'affairent aux préparatifs de départ des officiers qui logent encore ici. Nous prenons les larges marches en direction de mon bureau.

C'est un peu ma résidence personnelle ici, j'ai un palais dans ma capitale, Tromsø, mais je n'y vais que rarement. Les humains sous mon autorité sont gouvernés par le Haut-Conseil et l'Assemblée, j'ai mon mot à dire mais je ne le fait presque jamais, l'administration des humains ne m'intéresse guère. A l'inverse je prends mon rôle de Chef de Guerre très à coeur.

Ai-je laissé échapper un sourire cruel? C'est bien possible. Oh et puis après tout on s'en branle. Elle verra bien assez tôt quel genre de chef je suis, elle doit déjà en avoir un aperçu.

Nous entrons dans mon bureau, une rude pièce aux pierres froides couvertes par des tapisseries anciennes. Ragnarsson se lève à notre entrée et s'incline aussi bas que son embonpoint le permet.

-Majesté, j'attends vos instructions.

Général, vous prendrez le commandement des troupes situées à Port-Vladimir et vous attaquerez Murmansk dans 12 heures précisément. Rasez la ville, ne laissez aucun survivant, il ne doit plus rester beaucoup de monde là-bas de toutes façons. Nettoyez le secteur au napalm s'il le faut, mais je veut que dans 36 heures leur soi-disant Prince vienne à genoux me supplier de l'épargner.


-Il en sera fait selon vos ordres Majesté.

Le général sort rapidement de la pièce pour donner ses instructions et prendre la direction de l'Est. Je me tourne vers Svølfnnir.

Tout est prêt?

-Tout est prêt Sire.

Je regarde LuneRouge.

Chère amie je crois que vous allez devoir enfiler des vêtements plus chauds. Suivez le Régisseur, il vous montrera vos appartements et vous y trouverez de quoi vous équiper. Nous nous retrouverons à l'extérieur.


Une dizaine de minutes plus tard nous sommes en chasse . Quatre motoneiges, moi, LuneRouge (qui s'en sort très bien à ma grande surprise), mon Maître Chasseur et un de ses hommes. Ulva est allongée derrière moi, attendant mon signal pour sauter du véhicule et traquer notre proie. Le vent glacé me fouette le visage mais c'est tellement bon de retrouver la banquise. Une geste du Maître Chasseur et nous nous arrêtons.

-La piste est fraiche Majesté, nous devons continuer à pied pour ne pas l'effrayer.

Je saute de la moto et m'empare de mes haches, talonné par ma louve. C'est ce que l'on appelle la chasse à l'ancienne, pas d'armes à feu, nous allons chercher cet ours à pied et nous le tuerons à la force de nos seuls bras.

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11. 11. 2008, 21:22

Alors comme ça, en plus d'être un chef de clan redouté, un millénaire, et un boucher, il est roi? Et bah, ça promet. Je n'ai pas manqué de remarquer le rictus sanguinaire qui a étiré ses lèvres lorsqu'il a parlé de sa fonction militaire. Je sens que ça ne va pas être tendre tout ça. Il fallait le voir ordonner la destruction totale de ses ennemis. On sentait la joie sauvage d'éradiquer toute forme de résistance contre son autorité, l'exaltation soudaine de pouvoir exprimer sa force, et de détruire ce qui s'y opposait. Presque effrayant... Mais après tout, ce n'est pas si étonnant. Le type dont je ne sais déjà plus le nom, le Régisseur, me conduit à ce qui sera apparemment mes appartements. Ce n'est pas souvent qu'on est traité avec autant d'égards. Je sens une bouffée d'orgueil et de satisfaction monter dans ma gorge.

La porte aux battants massifs s'ouvre sur une antichambre aux murs lambrissés, et je jette un coup d'œil blasé aux meubles anciens et luxueux. La chambre est remarquablement ornée, et le lit à chapiteaux en bois massif semble s'y trouver, roi indétrônable de la pièce, depuis des siècles. Les tapis de fourrures au poil lustré paraissent aussi doux que du velours, et atténuent quelque peu l'impression de froid qui se dégage du sol aux dalles sombres. La pièce me plait, je pourrai y dormir. Enfin si nous trouvons le temps de nous reposer, entre chasse à l'ours et chasse à l'homme. Une petite pièce adjacente contient un monceau de vêtements, tantôt pliés tantôt suspendus, tous adaptés au froid polaire du pays. Je choisis parmi cette véritable collection, un ensemble blanc à capuche. Je n'aime pas porter cette couleur, mais c'est toujours mieux pour chasser dans la neige. Avant de partir, j'interpelle une femme qui s'affaire dans un couloir, lui glisse un mot à l'oreille. Il a bien dit : "Veillez à satisfaire le moindre de ses désirs pendant notre court séjour." ? Non? Et bien je désire que l'on m'apporte un minimum d'informations nécessaires sur les individus que nous sommes supposés anéantir par la suite, ne serait-ce que pour savoir où je mets les pieds.

Une paire de botte fourrées plus tard, me voilà redescendue, et nous nous apprêtons à partir.

Au départ, je crains d'avouer mon ignorance quant au fonctionnement des engins que nous sommes censés utiliser. Mais au final, l'utilisation du motoneige se révèle bien plus simple que prévu. Vraiment pas très compliqué même. Et nous partons dans des gerbes impressionnantes de neige, nos moteurs vrombissant avec un fracas limite indécent dans le silence du désert blanc. Le paysage est magnifique, et l'amertume qui m'a étreint le cœur se dissipe au fur et à mesure que le château disparaît et que la blancheur bleue de la neige devient omniprésente. Le vent devient tout bonnement violent, vu la vitesse à laquelle nous progressons. J'ai tout le loisir de constater l'imperméabilité et la qualité des vêtements que j'ai choisis, tandis que des vagues de neige viennent se dresser, comme pour submerger les pauvres fous qui osent pénétrer en leur royaume glacé. Je goûte avec délice le souffle glacé qui me gifle pourtant impitoyablement le visage.

Soudain, le maître de chasse nous indique qu'il est tant de s'arrêter, pour continuer sans les motoneiges et ainsi éviter de faire fuir la bête. Nous mettons pied à terre, et déjà Brann et sa louve partent à grandes enjambées. On sent le plaisir à tous deux, et l'habitude qu'ils ont du milieu. Une harmonie parfaite avec l'épaisse couche de neige, les rafales furieuses, qui pour une fois, ne sont pas d'acier mais d'air, le froid, et la proie qui ne sait pas encore qu'elle va rejoindre les cieux. Je les rattrape tant bien que mal. Avancer dans une telle quantité de neige est tout bonnement fatigant, même pour un vampire, après un bon kilomètre. Enfin, rien de bien insurmontable. Mais bon, ma taille inférieur à la sienne me demande des efforts nettement supérieurs pour progresser, et en plus de ça, je ne tiens pas à me faire distancer. Premièrement par fierté, et ensuite parce que le vent aura tôt fait de balayer nos traces, et il serait bien bête que je finisse congelée de la sorte. Le vent nous fouette le visage, fait voler la fourrure d'argent de la louve. Cette dernière avance avec une grâce et une aisance déconcertante, bondissant avec agilité, tandis que son maître crée une véritable tranchée sur son chemin. Ils semblent si différents, et pourtant…

Je hume l'air. Ça y est, le blizzard nous porte une odeur de fauve, une odeur que la plupart des animaux fuient. Nous, nous avançons avec plus d'ardeur et de précautions encore. Parvenant bientôt au sommet d'une dune velouté, nous apercevons l'ours. Je n'en ai jamais vu de semblable. La neige aurait-il étendu sa suprématie jusqu'à déteindre sur les animaux? Il est énorme, d'un blanc ivoire, sa fourrure paraissant tout de même jaunâtre par rapport à la poudreuse pure et éthérée. Il est en train de déchiqueter le corps d'un petit animal, il ne nous a pas entendus. Je me surprends à imaginer les souffrances de son trépas, le goût de son sang dans lequel on sentira l'embrun de la panique post-mortem. Je hais les ours, je l'avais oublié. Ce sentiment me revient brutalement, résidu d'une vie humaine mal terminée, accompagné de l'instinct de chasse, lui venant des longs mois d'errance dans des plaines désolées, suite à l'évasion des absorbeurs et aux explosions. Oui, j'ai déjà chassé, sans armes à feu, avec juste quelques lames ridicules comparées à la taille du prédateur pris alors pour proie.

Brann me jette un coup d'œil sans équivoque. Ce n'est plus la place des civilités et des bonnes manières. Pas la peine de jouer les délicates. T'inquiète mon grand, comme chacun d'entre nous, je sais laisser l'instinct primaire prendre le dessus. Ayant été, durant de long mois, traitée en animal, je connais la chanson. Bien mieux que tu ne peux l'imaginer. Les vieux penchants l'emportent toujours dans ces moments-là. Je lui rends son œillade, amusée. Enfin quelque chose de divertissant.

On sent dans l'air comme un esprit de meute, qui dit que le bute est simplement de venir à bout du dantesque animal, non pas de prévaloir en vitesse ou en force, mais d'agir pour la réussite finale. Je ne suis plus habituée à ça, mais la chasse, c'est quelque chose d'immuable, ça ne se perd pas, comme la natation. On sait nager ou on ne sait pas, on sait chasser et on n'oublie pas.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 3 fois, dernière modification par "Evangéline" (11.11.2008, 21:32)


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11. 11. 2008, 21:23

Je m'accroupis, prête à bondir et à filer comme une flèche, l'échine hérissée. Nous attendons le bon moment, celui où l'ursidé géant aura totalement baissé sa garde pour se concentrer sur son repas, laissant monter en nous l'excitation de la perspective de l'attaque. Car c'est cela le plus enivrant : la perspective du combat, de tous les dangers, de l'ivresse de la force dont l'enfer nous a dotés, de toutes les difficultés qui seront balayées. Certes, c'est moins captivant qu'un combat où l'on risque sa vie, mais après des années à tuer par derrière des bouffons trop sûrs d'eux, cet ours est un cadeau du ciel. … Dieux de pacotille, Dieux du malheur, vous pourriez m'offrir tous les ours de la terre que je vous haïrais encore…

Soudain, ça y est, son odeur change imperceptiblement, et nous savons que c'est le moment. Le vampire et la louve partent à une vitesse hallucinante, avec une simultanéité à couper le souffle, tandis que je les suis de quelques pas à peine. La vitesse de nos membres inhumains vient à bout de l'épais manteau de blanc comme si c'était du duvet. Mais ni la glace, ni la neige ne parviennent à ralentir l'inéluctable fin de leur protégé, dont le destin fond sur lui tel un éclair. Une intuition animale lui murmure, trop tard, de se retourner, et je croise le regard embrumé de sang de cet imposant animal, qui malgré sa force titanesque et sa taille monstrueuse ne s'en sortira pas. Foudre argentée, Ulva se jette la première sur l'ours, qui de prédateur est maintenant passé à proie. Un sourire carnassier étend mes lèvres, quand un mugissement de douleur sort de la gueule de l'animal. Les mâchoires puissantes de la louve se sont refermées sur un point sensible. Ça y est, la mise à mort a commencé.

Gracieuse, elle lâche prise juste à temps pour éviter un puissant coup d'énorme patte qui aurait pu facilement l'assommer. Pendant cette brève diversion, les deux hommes d'Ihsahn se sont placés de l'autre côté, coupant toute possibilité de retraite à notre victime. Puis nous commençons un jeu mortel, dont l'issue sera la mort de l'animal, mais où la moindre erreur peut tout aussi bien nous être fatale… enfin, façon de parler. Tour à tour, nous attaquons, brefs et précis, harcelant et épuisant la pauvre bête qui rugit de rage brute et donne coups de membres supérieurs à renverser des maisons sur claquements de mâchoires vibrants. Mais jamais il n'atteint sa cible, toujours trop rapide et prudente. Chaque fois que mes lames viennent à lui et transpercent sa peau épaisse cachée par sa fourrure, chaque fois qu'elles en ressortent ornées de l'écarlate victorieux de son sang, je sens un joie bestiale m'envahir. Ah… cela faisait si longtemps… La chasse au prédateur est bien le seul moment où j'apprécie la souffrance de ma proie.

Mais, déjà, après un moment pourtant bien long, nous nous lassons, et cet ennui se fait sentir dans chaque coup, silencieusement pour l'oreille, mais d'une façon si criarde pourtant que tous nous comprenons qu'il est temps de mettre fin à la partie. La chasse se rapproche de son terme. Et nous savons déjà qui en est le vainqueur. Nous nous positionnons, sans le besoin de parler. Nous savons ce que nous avons à faire. Je ne pensais pas que ces instincts de chasseur me reviendrait si facilement. Peut-être parce que je préfère oublier qu'on a fait de moi un animal sanguinaire. Mais en cet instant, aucun amertume ne me vient, je suis trop pleine de l'excitation de la victoire proche, trop enfiévrée par l'odeur puissante et entêtante de ce sang de fauve. Certes, nous autres vampires préférons le sang humain, mais un prédateur se nourrissant exclusivement de chair, est tout aussi délectable, surtout après un long et savoureux combat, friandise dont je ne sais comment je me suis passée durant tout ce temps.

Encore une fois, c'est la louve qui effectue le premier pas de la valse, cette fois belle et bien mortelle. Elle s'avance en grognant, plus agressive et menaçante que jamais, Ihsahn sur ses talons. À la place de l'ours, j'aurais été tétanisée de peur, devant tant de férocité concentrée en deux êtres si proches. Mais l'animal, même s'il sait son temps compté, ne se résigne pas à mourir seul. Nous savons qu'il luttera jusqu'au bout, comme lui sait à présent qu'il va mourir. Aveuglé par la rage, il mugit de son timbre guttural. Ulva s'approche en faisant claquer ses énormes mâchoires, qui pourtant paraissent minuscules à côté de celle de l'ours. L'animal se dressent vaguement sur ses pattes arrières. Je m'élance. Malheureusement, un sursaut de son instinct de survie le fait réagir de manière momentanément salvatrice. Il y aura gagné quelques secondes de vie. Il se tourne légèrement vers moins et lance sa patte, droit vers ma tête. Je me stoppe brusquement, et me plaque au sol, poussant un feulement de félin outragé. Cela me rappelle le bon temps de la vie sauvage…

Ce n'est pas passé loin, je n'ai pas été très prudente. Mais en même temps, les précautions deviennent moindre quand il s'agit d'accélérer la mise à mort. Ne donnant pas le temps à l'ours de finir son mouvement, je me relève d'un bond, et saute. J'atterris sur son épaule, brandit mon seul sabre encore dégainé, et le plante dans le cou de la bête qui se redresse de toute sa hauteur, avec un rugissement qui semble faire trembler toute la banquise neigeuse. Mais c'est juste parce que je suis sur lui que je ressens avec autant d'intensité sa douleur, parce que mon sabre est en lui que je perçois si bien les vibrations de son corps. Debout sur ses antérieurs, il relève bien haut la tête pour finir son cri et élève une patte griffue qui va me frapper dans quelques secondes. C'est le moment du coup de grâce.

Brann, grand de toute son obscurité sanglante, s'avance, à une vitesse étourdissante. Sa hache pourfend le cœur du démon blanc qui s'immobilise soudain dans son attaque désespérée. Une longue plainte déchirante s'élève. La bête va mourir, la bête est presque morte. C'est une courte agonie qui commence. Déjà, les battements de son cœur s'accélèrent, deviennent plus ténus. Sa belle et épaisse fourrure blanche se macule de rouge. Son regard se voile, ses yeux de néant semblent déjà ne plus voir notre monde. Debout sur son dos, agrippée à mon sabre profondément enfoncé, des cheveux devant les yeux, je ferme les paupières, pour mieux sentir sa fin. Il pousse un dernier grondement rauque, un ultime gémissement. L'ours s'effondre sous moi, une plaie béante au cœur. Sa vie vient de s'achever.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Evangéline" (29.11.2008, 21:54)


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12. 11. 2008, 13:23

Silencieusement, Ulva et moi-même adressons une prière à Jörd, pour qu'elle prenne soin de l'âme de son fier combattant mort sous nos coups. Mes deux hommes se fichent bien de la religion, et LuneRouge ne semble pas porter attention à notre rituel. Il n'y a qu'un crime puni de mort sans aucun jugement dans mon royaume et c'est l'adoration du dieu des chrétiens, mes sujets sont libres de ne pas croire mais s'ils décident de placer leur foi en une divinité ils n'ont pas le choix. A vrai dire on n'a pas vu de chrétien dans cette région depuis des siècles. Plus au sud ou à l'est c'est autre chose, j'y travaille. Je me demande si LuneRouge croit en un dieu ou plusieurs.

Un bruit lointain attire notre attention.

-Ce sont des hélicoptères Majesté, j'en distingue trois, peut-être quatre.

Il sont à nous?

-Je ne pense pas Sire, si quelqu'un avait un message à nous transmettre il passerait par la radio.

Appelez le Régisseur, dites-lui de retenir Ragnarsson au château sous n'importe quel prétexte. Il comprendra.


Nous commençons à courir vers les motoneiges, mais elles sont encore très loin de notre position. Lorsque nous y arrivons, un comité d'accueil nous y attends. Il y a là trois hélicos dont en sont sortis une trentaines d'hommes qui nous tiennent en joue. Nous nous arrêtons à une dizaine de mètres d'eux.

-Ne faites pas un pas de plus!

Cette voix... Putain je reconnais cette voix! C'est une femme qui vient de prononcer ces mots, une grande femme vêtue de cuir noir, aux formes généreuses. Son visage est pâle et ses cheveux, d'un blond presque blanc, sont tirés en arrière. Elle ne me quitte pas des yeux, et son sourire sardonique me transperce d'une mortelle terreur.

Isabella. La pute de Cagliostro, comme j'avais coutume de la surnommer il y a bien des siècles, son âme damnée, sa succube, notre fléau. Et encore vivante. Mon optimisme en prend un putain de coup.

-Eh bien Ihsahn, toujours d'aplomb à ce que je vois? Ah tu es surpris de me voir, je le vois bien, je vais me délecter de cette expression sur ton visage pendant des décennies je crois.

Que veux-tu Isabella?

-Toujours la même chose mon vieil ennemi, toujours la même chose...

Elle lève la main et ses hommes ouvrent le feu. Chacun d'entre eux ne tire qu'une seule balle, et alors que je suis en train de me dire qu'ils sont vraiment très très cons je me rend compte qu'il ne s'agit pas de balles mais de fléchettes, sans doutes destinées à nous injecter un narcotique. Effectivement mes deux hommes et Ulva sont à terre. Lune Rouge sort de sa veste un magnum et tire sur les sbires de l'Ordre et en tue, magnifique je suis en train de tomber amoureux je crois mais elle ne tarde pas à s'écrouler à son tour.

Moi par contre tout va bien, je m'élance vers Isabelle, je vais te crever sale pute, espèce de chienne tu crois avoir survécu pour pouvoir te jouer de moi aussi facilement, sache que ce ne sont pas tes techniques de safari qui vont m'arrêter, je sens que mes pas se ralentissent et que mes membres sont de plus en plus lourds, je dois arriver à elle, je dois mettre mes mains autour de sa gorge, je dois... je dois.... Je perds connaissance et la dernière chose dont j'ai conscience est le rire d'Isabelle, un rire victorieux, un rire grinçant qui me vrille les oreilles et me plonge dans la tourmente...

Je me réveille brutalement. Rien n'a changé. Rien ou presque. Les hélicos ont disparus, emmenant les hommes et Isabella. Et LuneRouge. Sale pute, Eléo ne te suffisait pas, il fallait que tu prennes LuneRouge aussi? Mais je ne le ferais pas tu m'entends, je ne le ferais pas!

Je secoue mes hommes qui se réveillent lentement. Ulva est déjà sur ses quatre pattes, prête à en découdre. Nous sautons sur les motoneiges et filont en direction du château. Je contacte le Régisseur.

Faites arrêter Ragnarsson et foutez-le dans la salle de torture, j'arrive.


En arrivant au château je me précipite dans la fameuse salle, située dans une des nombreuses caves et autres couloirs creusés dans les fondations de l'immense bâtiment. Le Régisseur est là, ainsi que deux hommes de sa garde personnelle.

Régisseur, ordonnez au plus haut gradé des troupes de Port Vladimir de prendre la directions des opérations, je veux que l'attaque ait lieu à l'heure prévue. Et maintenant laissez-moi seul avec lui.

Je me tourne vers Ragnarsson. Il est nu, attaché à une chaise en métal solidement fixée au sol. La sueur coule lentement sur son corps enrobé, la terreur suinte par tous les pores de sa peau. D'un revers de la main je lui brise quelques dents.

Dis-moi où ils l'ont emmenés.

-Je ne sais pas de quoi vous parlez Sire, je ne suis qu'un honnête militaire à votre service et...

NE TE FOUS PAS DE MA GUEULE! Nous savons très bien que c'est toi qui a indiqué notre position à Isabelle, cela fait des mois que nous avons l'oeil sur toi. alors je répète ma question, où est-elle?


L'homme tremble mais je crois que sa raison tient bon encore. C'est l'inconvénient quand vous êtes absent trop longtemps, vos hommes oublient à quel point ils ont peur de vous, et ils finissent par ne plus avoir assez peur, voire plus peur du tout. Remettons les choses en place.

-Je suis désolé Majesté je vous jure que je ne vois pas de quoi vous parlez...

Je m'empare d'une dague posée sur l'établi et lui tranche la main d'un coup sec. Ses gémissements se transforment en hurlements de douleur. Il pleure toutes les larmes de son corps, et je vois les spasmes agiter son visage affreusement tordu par la haine et la douleur.

-Pitié Majesté, pitié, ils tiennent ma femme et mon fils je vous supplie de comprendre...

Je lui écrase les doigts de pieds à l'aide du talon de ma botte, ses os se brisent dans un craquement horrible qui résonne comme une douce musique à mes oreilles. Je suis dans mon élément. J'approche mon visage du sien, presqu'à le toucher, et sors doucement mes crocs. L'odeur du sang qui coule de sa bouche me fait frémir d'excitation. Du calme, du calme mon vieux il ne nous a toujours pas dit où est LuneRouge. Ma voix est douce, lente, je lui susurre presque les mots qui signent son arrêt de mort.

Tu n'as ni femme ni enfants fils de pute et nous le savons. Quelque soit la raison pour laquelle tu m'as trahi tu l'as fais de ton plein gré. Maintenant dis-moi où ils sont et je te tuerais tout de suite.


-Par pitié ne me tuez pas je vous jure je n'y suis pour rien...

Ok. Je me suis planté, il est costaud, très costaud. Va falloir que je sorte l'artillerie lourde. Du bout de ma dague je commence à graver sa peau dont le sang coule à flots à présent. N'épargnant aucune parcelle de son corps je le dépèce minutieusement, et je lui coupe délicatement les paupières. Arrivé au niveau de son ventre j'en détache la peau, faisant tomber ses viscères à ses pieds écrasés. Il s'est depuis longtemps évanoui. T'inquiète pas mon gars, tu n'as encore rien vu. D'un coup sec je m'ouvre les veines et fait couler quelques gouttes de mon sang sur ses lèvres que j'ai tailladées. Le liquide fait rapidement effet et il reprend conscience. Après quelques secondes d'égarement il réalise soudain qu'il a le bide ouvert, presque plus un centimètre carré de peau sur le corps et une main en moins. Mais le pire c'est qu'il sent en lui une énergie, une vitalité qui lui fait comprendre que son supplice va durer des heures, et que grâce à mon sang il a maintenant la force de ne plus s'évanouir, qu'il le veuille ou non.

Dis-moi où ils sont, et je te tue à l'instant.

Lentement, avec résignation, il admet enfin sa défaite.

Très bien. Ils l'ont emmenée sur l'île de Turvekammi, au milieu du Lac Pörisjärvi, près de l'ancienne frontière finlandaise.

Je prend quelques secondes pour digérer l'information. Puis, d'un mouvement des deux mains, je lui brise la nuque. Je sors de la pièce, le Régisseur m'attend avec les hommes.

Donnez son corps aux loups. Régisseur, le Lac Pörisjärvi c'est bien ce que je crois?

Oui Majesté, c'est en plein territoire garou.

Quand ai-je vu Timo pour la dernière fois?

Je ne sais pas Majesté, pas de mon vivant en tous cas.

Hum. Bon, envoyez un homme à Näkkälä et faites dire à Timo que son vieil ami Ihsahn a besoin de son aide. Nous aurons besoin de ses meilleurs chamans, de ses meilleurs guerriers garous et s'il pouvait venir lui-même cela me ferait très plaisir. Faites-lui dire également que le sang de Brann L'Ancien coule dans les veines de ma louve. Qu'il nous retrouve au Pörisjärvi sur la rive ouest dans une vingtaine d'heures. Je vais me reposer un peu, à mon réveil nous partirons avec une vingtaine d'hommes.


Le Régisseur s'incline et remonte rapidement les escaliers. Je regarde le corps de Ragnarsson. Espèce de vieux fils de pute, pourquoi fallait-il que ça tombe sur elle?

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Ihsahn" (12.11.2008, 13:25)


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15. 11. 2008, 18:40


- Madame, nous avons des nouvelles du seigneur Cagliost...

-Tais-toi imbécile! Ce n'est pas le moment.


La première voix est timide, hésitante, crispée, et surtout empreinte d'une profonde terreur provoquée par la seconde. En effet cette dernière est aussi glacée que le néant du Tartare, menaçante et aiguisée comme des centaines de lames tranchantes. A vous glacer les sangs, tout bonnement. Mais personnellement, cette voix féminine fait monter en moi bien plus de colère que de crainte, beaucoup plus, et ce malgré ma tête lourde comme du plomb. Un des avantages du fait de ne pas être informée de certaines choses : on ne sait jamais vraiment quand on devrait avoir peur...

Je sens contre ma joue le contact humide et désagréable d'un sol glacé. Mon esprit embrumé émerge peu à peu des limbes nauséeuses de cette inconscience forcée, et les détails de ma raison en ces lieux me reviennent peu à peu, cuisants pour mon orgueil, inquiétants pour le reste. Les hélicos, les fléchettes de narcotiques, Ulva et les hommes à terre, Ihsahn, et ça je me demande si ce n'est pas une hallucination, apparemment angoissé et effaré. Il me semble que je me suis déjà réveillée alors que j'étais dans un des hélico... bien que surpris, ils m'ont ré administré derechef une nouvelle dose de cheval, et c'était reparti pour un petit somme. En même temps, ce n'est pas plus mal, parce que je ne sais pas si je supporte l'hélicoptère mieux que l'avion... alors complètement droguée, je n'ose imaginer...
Je plie et déplie mes doigts prudemment, cligne des paupières, avale laborieusement ma salive. J'ai la gorge plus sèche que le purgatoire des enfers ravagé de flammes. Sédatifs de mes deux...


Je suis étendu à même la terre, je sens un vent glacé passer à travers les fentes de ce qui semble être une tente immense. Je redresse doucement la tête, m'assoie précautionneusement. C'est bon, aucun traumatisme physique notable, à par cette putain de piqûre au cou qui me démange. Putain, ils auraient pu éviter de faire ça là avec leurs satanées seringues, c'est profondément désagréable. Et c'est de pire en pire au fur et à mesure qu'une odeur doucereuse vient me chatouiller les narines. J'ai l'eau qui me monte à la bouche, ma mâchoire tremble. J'ai soif. J'entends un cœur battre la chamade, le doux clapotis du sang frais dans des artères jeunes, la fragrance alléchante d'un organisme en bonne santé et au bouquet délicat. Un humain. C'est un humain qui a parlé tout à l'heure. Aucun doute là-dessus.

Prise d'un soudain besoin de sang, je me jette en direction de la gorge dans laquelle une jugulaire palpite, griffes et crocs en avant, me fiant à mes sens et à mon instinct. Seulement ce dernier ne semble pas encore tout à fait remis de sa longue anesthésie, bien que ma raison ne parviennent pas encore à reprendre le dessus. Je n'ai pas senti le danger. Je heurte durement ce qui semble être des barreaux, mon rugissement rageur se stoppe soudainement. Une décharge électrique traverse mon corps, je suis comme foudroyée. Je suis projetée en arrière et m'écrase durement à terre, les yeux exorbités de surprise, le visage tordu de douleur. Parcourue de spasmes, j'ai du mal à sentir mon corps, que je ne contrôle plus vraiment. Mon esprit est un gouffre noir. Non, pas ça, par pitié. Ma terreur subite doit malgré tout se lire sur mon visage, la voix glacée d'Isabella résonnent de nouveau comme un glas lugubre et clair :

- Oh ne t'inquiète donc pas... Nous n'aurons pas le plaisir de jouer les savants fous avec toi, engeance de folie. Mais je n'ai pas pu m'empêcher de penser que retrouver du matériel familier serait pour toi réconfortant...

Elle ricane de sa voix claire et tranchante. Je perçois ce rire comme des poignards me lardant de coups. Cette femme est... diabolique. C'est le mot qui me vient immédiatement à l'esprit en entendant ce timbre coupant et vicieux. Sachant pertinemment que je ne vais pas pouvoir bouger durant les prochaines minutes, je tente de réfléchir. Réfléchir posément est le meilleur moyen pour repousser la panique. Je ne paniquerai donc pas, puisque j'ai matière à réflexion, contrairement à la dernière fois où l'on m'a enfermée avec ce genre de mécanisme. Pense, et oublie que tu es de nouveau prisonnière d'une cage immonde. Perdre le contrôle ne fera que t'enfoncer. Tu es dans le présent, non pas dans le passé. Reprends-toi.

Faute de pouvoir prendre une profonde inspiration, mes poumons se contractant sporadiquement de façon désordonnée, je relâche le peu de contrôle que j'ai sur mon corps encore sous le choc (elle n'y est pas allée molo sur la charge la garce…) et me concentre. Le type, tout à l'heure, s'apprêtait à parler de Cagliostro. Brann m'en a parlé. C'est donc cette bande de fanatiques au Dieu unique qui me retient. Cet Ordre mêlant tous les adeptes extrémistes, quelle que soit leur nature, qui veut convertir de gré ou de force la planète à sa religion. Dans le monde d'aujourd'hui, je ne vois vraiment pas ce qu'ils comptent encore convertir… Mais passons, cela peut expliquer la présence de cet humain. Et celle de l'autre excitée du bulbe. Sûr qu'il n'y a pas trente-six solution au fait qu'un mortel et une vampire soit dans la même "pièce" en train de me regarder me faire électrocuter, comme de bons amis devant un film.

Une tente une tente… ça veut dire qu'on est plus sur Tamsøy, enfin ça il fallait s'en douter, et qu'ils ont dressé un camp provisoire. Ils ne comptent pas rester. Ça tombe bien, moi non plus. La terre sous moi ne semble pas avoir été couverte de neige, ni avoir été dégivrée. Nous avons donc du gagner une zone moins froide, à plus de deux heures de notre terrain de chasse, si je prends en compte les doses de sédatif, ma résistance à ces derniers et le fait que je me sois réveillée en route. Après, ça peut être bien plus, car je ne sais pas depuis combien de temps nous sommes ici. Mais s'ils ne comptent pas s'attarder, ils n'avaient peut-être pas besoin de s'éloigner trop non plus… Impossible de savoir pour le moment. Je commence à réfléchir à un moyen de partir en faisant le plus de dégâts possible. La voix incisive de mon "hôte" résonne alors de nouveau, coupant court à mes réflexions.

- Vois-tu Louka, cette engeance du Malin résiste mieux aux narcotiques que la plupart des êtres vivants parce que des êtres humains pervertis, s'étant éloignés de la voix du Seigneur, ce sont pris pour des dieux et ont tenté de crée à leur tour des êtres. Seulement vois la déchéance dans laquelle baignent maintenant ces pauvres bêtes, brebis égarées loin du Berger…

Je lui en foutrais moi des moutons!!! Je vais t'écorcher vive, sale chienne. Tu regretteras ton mépris, ton audace et cette prison. Sois-en certaine, j'aurais ma vengeance. Ne serait-ce qu'en démolissant ton camp, tes hélicos, tes fusils à fléchettes, et en décapitant chacun de tes hommes, si je n'arrive pas à t'atteindre toi. Je sens ce sang qui n'est pas le mien bouillir dans mes veines. Oui, ça tu ne le sais pas, mais je n'ai pas que des nanites dans les veines… Et ce que tu oublies, c'est que les absorbeurs se sont déjà évadés une fois. Ils peuvent recommencer. Surtout avec l'expérience et la force acquise. Un autre avantage du manque d'information, mais celui des autres cette fois : ils se trompent forcément à un moment ou à un autre et finissent toujours pas commettre une fatale erreur, même en prenant toutes les précautions du monde. Pfff… comme si chaque absorbeur de sujet expérimental avait réussi à se retourner contre les humains à un moment où il n'était pas dans sa cellule… n'importe quoi. Je perçois vaguement le crissement du cuir, signe qu'elle bouge. Les pas du dénommé Louka s'éloignent, elle a du lui demander de partir. Dès que le bruit des bottes s'est tu, elle reprend, et on sent sa jubilation de dominer ainsi sa proie :

- … Cet imbécile d'Ihsahn s'est donc de nouveau trouvé une idiote capable de le supporter? Ha ha ha… Ce sal chien m'étonnera toujours! …Ah vous les absorbeurs êtes des créations ratées tout à fait fascinantes… vous vaudriez presque un capteur d'esprit si vous n'étiez pas mentalement et psychologiquement aussi faibles pour la plupart. … J'avoue en connaître plus que je ne devrais sur ceux de ta race. C'est d'ailleurs pourquoi tu m'intrigues très chère… Dommage que je ne puisse t'étudier de plus près… Plus les siècles passent, et plus je prends plaisir à étudier les êtres non-vivants… C'est fou toutes les façons qu'il y a de les faire souffrir, tu n'imagines même pas! ( Elle part d'un rire qui se veut léger, mais rien ne pourrait masquer la cruauté dans sa voix) Mais tu t'imagines bien que je ne peux me permettre de risquer nos plans pour cela. C'est dommage, mais ne t'inquiète pas, à la fin de cette histoire, quand nous aurons enfin ce que nous voulons, et que ce gros lourdaud d'Ihsahn sera une bonne fois pour toutes à six pieds sous terre, si tu es encore vivante, nous pourrons rattraper le temps perdu…
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (15.11.2008, 19:21)


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15. 11. 2008, 18:44

J'imagine sans mal, à sa voix, le sourire qui doit ouvrir son visage d'une oreille à l'autre. T'as de l'espoir salope, si ça doit arriver, t'inquiète que je trouverai le moyen de te faire la peau ou de me crever avant. … Une chance qu'elle ne soit pas libre de ses mouvement sur ce plan-là. C'est vrai que même si elle doit terroriser la plupart des vampires et humains présents, elle ne peut pas dévier vers son profit personnel de façon trop visible. Ce serait bête d'abimer un otage... C'est ballot, hein pétasse?

Mon corps se désengourdit lentement. Je me redresse, chancelante, et me mets debout, plus vacillante qu'un roseau dans le vent furieux de la tempête. Je la regarde enfin. Si physique n'est pas aussi effrayant que son timbre, ses yeux sont bien pires encore. Mais comparé à ce qui repose au fond de ma mémoire, ton regard de plomb, ce regard vil et tout droit sorti des enfers, avec ses iris d'un vert si pâle qu'il semble couvert d'un linceul, ne m'arrache même pas un frisson. Oui tu m'impressionnes, mais mes actes et mes réactions ne te le montreront en rien. Tu as de l'expérience, de la force, du venin. Et moi j'ai un tel désir de partir que tu ne pourras rien contre. J'obtiens toujours ce que je veux. Sinon, c'est une rage mortelle qui ravage tout.

Son corps aux formes généreuses est pris dans la gaine noire d'une combinaison de cuir. La tache laiteuse de son visage est comme une lune dominant un ciel nocturne nuageux. Son nez aquilin et fin donne un air dur à ses traits. Elle a une longue figure aux joues larges et aux pommettes saillantes, au menton vaguement pointu. Son faciès en lui-même présente une beauté ancienne, guindée, mais c'est surtout l'expression glacial qu'elle arbore et l'aura terrifiant de ses yeux qui font toute la grandeur de son paraître. Cette femme doit faire peur à n'importe qui de censé. Pas de bol, je suis pas d'humeur à être raisonnable... Je viens de me rendre compte (oui, seulement, je sais…) que je n'ai plus mes sabres. Ni mes autres armes auxquelles je tiens d'ailleurs.

Je ne peux retenir un grondement sourd de faire vibrer ma poitrine encore douloureuse pourtant. Ça aussi tu me le paieras. Je t'écorcherai vive pour cet affront, truie du Tartare (décidément, je ne me résous pas au fait qu'elle soit l'adoratrice d'un Dieu du ciel et non pas du Diable…). Tu n'aurais jamais du me séparer de mes lames sans me tuer. Par ma damnation éternelle je le jure, tu souffriras par ma main. Elle lit ma rage dans mes yeux, son regard planté dans le mien. Je soutiens cette glace qui me brûle sans ciller, incarnation même de la colère et du défi. Mais elle finit par se détourner, non pas en baissant les yeux, mais parce qu'elle sait pertinemment que je ne peux rien faire. Et je sais mon impuissance autant qu'elle en jubile.

- Sur cet agréable échange je te laisse. Nous avons beaucoup à faire… Et les prières au Tout Puissant n'attendent pas! Je reviendrai te voir, impie. Et ne cherche même pas à t'enfuir, car tu es encerclée par des êtres qui n'adorent pas les "sangsues". Si tu quittes ce camp, tu finiras éventrée. Car ils sentiront ton odeur… Reste dans la lumière de notre Seigneur… Il a placé autour de toi sa protection!

Ces derniers mots sont vibrants d'arrogance, d'ironie moqueuse et d'exultation. C'est ça, moque-toi, on verra bien qui se fera éventrer au final… Comme si cette prison était une protection! Tu riras moins quand je me serais fait la malle! Un jour je t'enfermerai dans une cage semblable, mais si petite que tu ne pourras faire un geste sans hurler de douleur. Et moi je me délecterai de ce spectacle, tout en te décrivant ta déchéance et ta honte, sale petite prétentieuse de capteuse d'esprit! Ta morgue piétinée m'agitera le cœur des joies de la vengeance. Tu vas savoir ce qu'il en coûte de m'offenser de la sorte.

Elle tourne les talons, et disparaît après avoir refermé la tenture épaisse. Je me retrouve seule, avec une soif dévorante me tordant les entrailles. Les effets de ces drogues sont vraiment affreux. Mais j'ai encore assez d'énergie pour forcer le passage. J'ai dix fois plus d'énergie que le jour où j'ai du le faire la première fois. Cent fois plus d'expérience. J'ai le calme et le résonnement. Cette bataille est pour moi. Et elle commence maintenant. J'attends quelques minutes, j'écoute attentivement, je ferme les yeux, me concentre sur mon ouïe. Oui, elle n'a pas menti, j'entends des psalmodies. C'est maintenant ou jamais. Avant qu'on ne m'envoie un gros malabar pour me surveiller.

Une idée me vient, moins dangereuse que la première. Ici, le sol semble moins gelé, et si l'installation est simplement posée au sol… Bon, on tente, c'est toujours moins risqué que l'électrisation violente volontaire. Je frappe le sol à grands coups de poings, au bout de quelques minutes, il apparaît que je ne me suis pas trompée. Je peux passer par en dessous. Je m'acharne contre le sol dur et froid. Pas gelé à cent pour cent, mais pas du beurre non plus. Ma peau vampirique finit par craquer, et c'est les phalanges en sang que je continue ma besogne, me contentant de grimacer. Pendant ce temps, je réfléchis aux dernières paroles de la sinistre blonde.

Je n'ai pas tout compris. "Sangsues"… Des lycans peut-être? En général c'est le genre de termes qu'ils adorent employer. Mais que foutraient des loups-garous en ces lieux? Ils faisaient pas assez chier à Ultima, fallait qu'ils viennent emmerder le monde ici aussi? Ce ne doit pas être ça. J'y réfléchirai plus tard, mon trou est devenu assez profond pour que je passe les deux bras à travers. Ça devrait aller. Je ne peux pas prendre le temps de faire un orifice assez grand pour passer entière, je vais devoir faire autrement. Ça va être douloureux, mais rapide. Je retiens mon souffle. Cette salope m'a enlevé mes gants aussi, comme de par hasard. C'est parti à main nu, attrapons le taureau par les cornes comme on dit. Je serre les dents. Je glisse mes mains en dessous de l'épaisse barre métallique. Aurais-je assez de force pour la soulever malgré le courant électrique? Nous allons bien voir.

Je saisis soudain la cage et pousse un grand coup vers le haut. J'étais préparée à la décharge, je ne lâche pas prise. Bizarrement, le choc me paraît moins fort que prévu. C'est lourd, très lourd, trop lourd, je vais craquer. Je mets toutes mes forces dans la tâche, laissant peser tout mon poids vers le haut et l'arrière, mes talons encrés dans le sol durci par le froid. Je dois juste résister assez longtemps. Je ne dois pas desserrer mon étreinte. La douleur est atroce, j'ai l'impression de vibrer de la tête aux pieds, comme si des milliers de tronçonneuse s'appliquaient à me passer au crible. Je contracte ma mâchoire jusqu'à en avoir encore plus mal, pour retenir le hurlement qui se rue dans ma gorge et me retourne l'estomac. J'ai mal, mais je préfère encore ça et pouvoir sortir.

L'armature métallique bascule enfin. Je m'écroule au sol, agitée de violentes convulsions. Les nanites ont toujours mal réagit à l'électricité, et vice-versa. Durant quelques minutes je ne peux plus bouger, de nouveau, et du sang emplit ma bouche. Tiens, ça faisait longtemps… Le liquide, bien qu'il vienne de mon propre organisme, me calme un peu, et apaise la brûlure de ma gorge. Oui, je vais m'en sortir, j'ai déjà vu pire en charge électrique. Je me redresse laborieusement. Je me concentre. Je place de nouveau le mur de glace devant mes yeux et mon cœur, cette muraille qui s'était évaporée à cause des ces barreaux si redoutés et honnis. Maintenant j'ai le contrôle, et je sais exactement par quoi je vais commencer. Verhängnis et Raserei.

Je me glisse hors de la tente, après avoir jeté un vague coup d'œil à l'extérieur. Rien à signaler. Étrange, je pensais au moins avoir droit à quelques imbéciles à égorger. Je me faufile, rasant les autres chapiteaux de tailles diverses, pour me rapprocher de la source de bruit. Plaquée au sol et hors de vue, j'observe l'assemblée. Pathétique. Un rictus de dégoût m'échappe. Et mon sang de fait qu'un tour lorsque soudain j'aperçois ma possession aux hanches d'Isabella. La garce!!! La chienne!!! Elle a osé!!! Je te ferai avalé tes yeux espèce de putain!!! Vipère de Satan! Sale traînée! Salope! C'est à moi! Tu n'étais même pas autorisée à seulement penser les toucher autrement que par leurs lames dans ton cœur souillé!!! J'aurais ta peau! Et j'y graverai au fer rouge un grand "T" pour "traînée", "traîtresse" et "Tartare"!!!
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (15.11.2008, 19:35)


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15. 11. 2008, 18:47


Aveuglée par une rage sans nom, je me redresse d'un bon et me rue vers ma destination suivante. Ils vont la voir passer celle-là! Bande de pourceaux du Diable!! J'arrive vers les hélicoptères. Il n'y a aucune surveillance. C'est étrange. Pas grave, tant mieux, je m'en fous. Je les emmerde tous, ils vont me payer ça. Je m'empare d'un bidon d'essence énorme. Ma force entachée par la décharge de tout à l'heure et désormais soutenue par un courroux qui vaut bien des litres et des litres de sang. Passée en mode furie, ils pourraient tous me tomber dessus à bras raccourcis que j'en ferais quand même de la charpie. J'ouvre le récipient, et commence à en renverser le contenu un peu partout. J'en vide jusqu'au générateur, sur les moteurs des appareils, partout là où ça fera mal. J'épargne un fusil à pompe, un sac et une tenue de rechange.

Je pénètre dans le seul bâtiment en dur du camp par une lucarne du toit. Là, il y avait quand même de la sécurité devant la porte. Évidemment, il a fallu que je vienne voir. Je compte bien semer le plus de bazar possible. Je tombe dans un bureau, je fouille dans les papiers à toute allure. Ah! Voilà ce que je cherchais, une carte! … Putain de merde de nom de Dieu de fait chier… On est sur une putain d'île…Bon pas grave, le sac est étanche, l'arme à un étui qui l'est également, ma tenue jusqu'à une certaine limite, je résiste assez bien au froid et j'aurai de quoi me changer. En revanche… oh non… mais qu'es-ce que j'ai fait au Ciel…La légende est explicite, tous les territoires autour de ce foutu bout de terre flottant sont des territoires garous. Ça va être coton.

"Heureusement", là encore j'ai un avantage : en plus des nanites toutes neuves et reluisantes que j'ai eu un jour pour Noël, les humains m'ont offert il y a fort longtemps pour mon anniversaire, un tour gratuit pour des tentatives de modifications génétiques supplémentaires (avoir créer un monstre ne leur suffisait apparemment pas, il fallait aggraver les choses…) ainsi que des jolies injections de sang. Mes anciens propriétaires étaient très intéressés par les seigneurs des bêtes et les lycanthropes… Souffrances inutiles que j'ai toujours préféré taire. Honte des hommes, honte du Ciel… Et aujourd'hui, leurs expériences à moitié ratées ne me sont plus si inutiles que ça. Je ne l'aurais jamais cru. "Grâce" à ça, les lycans ne semblent pas repérer mon odeur, contrairement à celles des autres suceurs de sang, qu'ils qualifient "d'abominablement écœurante" (mais ça, je doute que ça soit plus réellement du à l'odeur qu'à leur haine viscérale…). J'ai donc des chances de rester en vie un peu plus longtemps, et ça me permettra peut-être de sortir de leur territoire. Bon, j'ai déjà perdu trop de temps. J'aviserai le moment venu.

Mon regard se pose sur une enveloppe cachetée. Mes mains volent à la feuille de papier. Mes yeux parcourent les lignes composées d'une écriture fine et régulière. Je ne comprends pas un traître mot de la langue utilisée. Je glisse la missive dans une poche du sac, que je referme consciencieusement, et m'apprête à partir. Tant pis, je prends, on ne sait jamais, vu que c'était pas ouvert, ça pourra toujours les emmerder. Et Ihsahn sera sûrement ravi d'avoir ça entre les mains.

Je marque un arrêt, un frisson m'agite. Mais suis-je bête! Voilà pourquoi c'était si facile! Voilà pourquoi il n'y avait aucun homme de ce côté-là du camp! Mais qu'est-ce que je suis longue à comprendre!!! J'ai failli ne pas voir! Merde, c'est pas vrai! Comment peut-on être aussi aveugle et sourde!

Cette garce sait que nous allons en Égypte, c'est une évidence, et elle ne compte pas nous laisser nous promener tranquillement sur ses plates-bandes. Non, pas du tout. Elle compte même nous avoir à l'œil en permanence. J'effleure du bout des doigts mon cou. C'est ça, ce n'est pas le simple trou d'une aiguille. Merde… pourquoi faut que ça tombe sur moi… avec un émetteur, je ne peux aller nulle part. Ils s'attendent à ce que je parte le plus vite possible rejoindre Ihsahn, pensant que de là, même si nos plans ont été perturbés, nous finirons bien par nous rendre à notre destination de départ. Mais sous surveillance. Ainsi ils n'auraient rien à craindre, ils sauraient exactement quand et où réagir. Et si ça se trouve, ils ont fait ça uniquement pour être sûrs de l'endroit où frapper AVANT qu'on ne se rapproche trop du but. Et pour ça ils ont besoin de connaître exactement notre position.

C'est la merde. Je peux pas rentrer. Je planterai pas Brann. Ce serait trop bête. Je suis pas comme ça. … Et bien les loulous, vous allez avoir une belle surprise, parce qu'en plus de pas être partie sans vous faire un petit cadeau d'au revoir, je vais me barrer dans le mauvais sens.

Je ressors par le toit. Comme je m'y attendais, tout le monde est revenu à son post mais personne ne semble surpris. J'ai vraiment tardé. Maintenant va falloir jouer serré. Parce que je suppose que vous ne vous attendez absolument pas au joli feu d'artifice que je vous prépare. Un sourire satisfait et vengeur étire mes lèvres sèches. Je sens mes yeux briller de rage. Ce n'est que le début mes chéris. Vous n'auriez pas du me prendre pour une lâche qui s'enfuit le plus vite et le plus loin possible. Je me venge toujours, même si je dois commencé par peu. Il ne faut jamais juger prévisibles les personnes que l'on en connaît pas. Mais bientôt vous allez voir que le point sur le radar n'a pas bougé, et vous rendre compte de votre erreur. Je me délecte à l'avance de vos réactions et des cris paniqués des pauvres humains qui seront confrontés au feu et aux explosions. Profitez, ce n'est qu'un commencement, le premier mètre d'un long chemin. Et je ne vous attends pas pour faire le premier pas…

J'ai peu de temps avant que quelqu'un ne donne l'alarme. Je redescends à l'intérieur. J'ouvre les tiroirs du bureau qui ne sont pas fermés à clé. Je n'ai pas le temps de défoncer les autres, surtout qu'ils sont apparemment blindés. Une boîte d'allumettes. Bingo. Ça va être la fête à la maison…Je m'empare au passage d'un couteau, que je tiens fermement d'une main, puis remonte précipitamment sur le toit. J'ai entendu des bruit de pas dans le couloir. Je dois faire vite.

Avant de descendre, je jette une allumette enflammée par la lucarne grande ouverte, droit sur un monticule de papier. J'en balance une deuxième sur le velours d'un fauteuil. Si tu tenais à tes affaires, pétasse, tu vas pleurer. He he he…C'est bête, tu ne sauras jamais si j'ai pris quelque chose ou non dans ce bureau… pas avant d'en subir les conséquence tout du moins. Et ce jour-là, tu auras mal, très mal, crois-moi.

Je saute à terre, me réceptionnant avec souplesse. Je fonce à toute allure vers la fin de la traînée d'essence que j'ai laissée, qui se trouve à une vingtaine de mètres. Je craque une allumette. Dis bonjour à maman… L'essence s'enflamme à une vitesse incroyable, et le feu se propage à toute la trace. Je fais volte-face, et cours vers l'Est. Derrière moi, une explosion retentit, suivie de peu par des cris de douleur. Y en a qui étaient un peu trop prêt peut-être… He he he. Mais la chose qui me procure le plus de plaisir est la voix vibrante de rage impuissante qui s'élève, qui hurle des ordres et des injures, qui croasse tel un corbeau furieux. Cette voix jusque là si méprisante et si victorieuse, qui maintenant ne peut contenir sa fureur et sa hargne. Une joie sauvage me fait frissonner. Ce n'est que le début, très chère. Je vais te pourrir la vie jusqu'à ce que tu sois à bout. Tu paieras jusqu'au bout.

- Cette sale petite garce est encore ici!!! Rattrapez-la!!! Elle a eu accès aux documents, on ne peut pas prendre le risque de la laisser en vie!!!

C'est ça, trouve des excuses pour justifier ta vengeance. En réalité, c'est juste ton orgueil blessé qui réclame ma mort. De toute façon, tu ne m'auras pas. Un type surgit juste devant moi, arme à feu brandie. Pas de bol gars, t'es un humain. Va rejoindre le Dieu pour lequel tu te pervertis. Le gus ne se laisse pas démonter par ma vitesse et tire plusieurs coups. Pauvre inconscient. Si j'avais été à l'arrêt, tu aurais peut-être eu une chance, mais là, tu es perdu. J'esquive sans difficultés, passe en dessous de son bras tendu et tranche sa gorge. Je bois quelques gorgées au passage pour reprendre des forces, m'empare de son pistolet et repars aussitôt en courant. Je sens un regain d'énergie. Je ne suis pas au meilleur de ma forme.

Ça y est, y en a qui me colle au train. Je sors le fusil à pompe. Je me retourne brusquement. Je tire. Boum, en plein dans le mille. Après plusieurs autres appuis sur la détente, je me remets à courir. J'en ai descendu assez pour prendre un peu d'avance. Mais si je traîne trop, la cavalerie va rappliquer. La base provisoire est heureusement située non loin du rivage, non loin de la direction que je compte prendre. L'autre vieille truie a du envoyer ses hommes de l'autre côté en pensant que j'allais quand même fuir dans le bon sens, j'ai un peu de marge. Quand elle va se rendre compte que j'ai capté son plan pourrave, elle va péter un plomb. Ça risque d'être marrant… dommage que je ne puisse pas voir ça.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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15. 11. 2008, 18:49


Merde, j'avais pas pensé qu'ils avaient sûrement des bateaux… Bon, tant pis pour les pauvres munitions qu'il me reste. Je vise les réservoirs d'essence. Hop-là, armada à l'eau. Juste un pour moi. Je saute dedans. Un gars déboule. Je lui balance mon fusil à pompe dans la tronche. Rudement efficace, même sans munitions. En plus c'est chouette j'aurais pas à mouiller ma carcasse. Je saisis le type inconscient par le col et le tire à bord. Je bidouille les fils, le moteur vrombit et la petite embarcation part avec des gerbes d'eau tandis que des cris se rapprochent de moi. Je plante avec empressement mes crocs dans la jugulaires de ma victime, et absorbe un maximum de sang. Des ordres résonne sur la berge qui s'éloigne de plus en plus. Trop tard bande de porcs, allez faire mumuse ailleurs, votre Dieu n'est pas avec vous aujourd'hui.

Des tirs commencent à fuser, mais je serais bientôt hors de portée. Mais… putain merde c'est pas moi qu'ils visent, c'est le réservoir! Oubliant à bord ma dernière arme à feu, je plonge le plus loin possible et fend la surface du lac. D'un coup, alors que commençait à peine à raisonner dans mes tympans le fracas de la déflagration, le silence. Un silence lourd, comme une couverture gorgée d'eau froide, et reposant à la fois, auquel on s'abandonnerait bien. Mais s'arrêter ou s'abandonner au repos du silence signifie périr. L'eau est glacée, plus froide que la mort. Si je ne nage pas, si je n'atteins pas vite la rive, je vais finir gelée. L'air à l'intérieur de mes poumons semble se congeler, et je dois faire des efforts colossaux pour continuer à le retenir dans ma poitrine. Mes vêtements pèsent des tonnes. Mes membres s'engourdissent peu à peu, inéluctablement. Le froid est comme autant d'hameçons se plantant dans ma chair. Mais ce n'est rien comparé au déchirement de laisser mes deux lames derrières moi. Ce n'est rien comparé à la haine qui grandit en moi. Cette garce n'aurait jamais du s'attaquer à moi de cette façon. On ne touche pas au sacré.

Je nage sous la surface. La température de l'eau m'empêche d'ouvrir les yeux, mais je sais que je vais dans la bonne direction. Parce que je sens que je m'éloigne d'eux. Résistant à la tentation qui me serait fatale de faire demi-tour, je continue de me d"battre contre les flots froids comme de la glace. J'ai l'impression de ne pas avancer, comme si j'étais prise dans de la glace. Pourtant mes membres brassent l'eau, et bientôt, enfin, je heurte le bord. Mon soulagement est immense. Je pousse un soupir quand je m'extirpe enfin de la masse glaciale. Je me traîne sur la terre couverte de brindilles. C'est plein d'arbres. On a vraiment du s'éloigner de la banquise. Enfin je n'en sais rien, je suis perdue dans cette région. Et la carte de tout à l'heure, en plus d'être imprécise, ne couvrait qu'un faible périmètre. Je me redresse avec difficulté, complètement frigorifiée et titube jusque sous le couvert des arbres. Je suis épuisée, harassée, pétrifiée de froid. Mais je dois continuer, il ne faut pas que je reste là. Si je m'arrête, ils me rattraperont. S'ils m'attrapent…et bien je ne sais pas… mais je n'auraient sûrement plus jamais l'occasion de récupérer mes sabres et de me venger, cette fois. Donc, ne serait-ce que par mauvais caractère et entêtement, je vais filer le plus loin possible.

Pour éviter de "mourir" de froid et de m'engourdir trop, je me dévêtis, et enfile la tenu sèche, bien que glacée comme les doigts d'un ange de la mort, qui est restée à l'abri dans le sac à dos. L'étiquette voulait bien dire "étanche", je ne m'étais pas trompée… Je fourre la mouillée à la place, et me mets à courir. Je dois prendre le plus d'avance possible. Le sang que j'ai réussi à boire me donnera des forces pour quelques temps, mais pas beaucoup, je suis épuisée. Il ne reste plus qu'à éviter les lycans. Pour ça, je pense qu'il n'y aura pas de problème, je n'ai jamais eu de mal à esquiver les autres êtres vivants. Pour me trouver, eux qui n'ont pas de radar branché sur la fréquence de mon émetteur, ils auront un mal de chien. Oui, ils auront du boulot.

Je suis calme à présent. Je sais ce que j'ai à faire pour le moment. Je ne pense pas que Brann tente de venir me récupérer. Il m'a prévenu que je risquais ma vie. Dans un sens, pour le coup c'est pas plus mal, parce qu'être avec moi est dangereux pour l'instant. Les émetteurs injectés sous la peau sont très dur à retirer de nos jours quand on est pas la personne à l'avoir placé. De plus, je suppose que cette chienne a du recourir aux dernières technologies humaines d'avant guerre. Des émetteurs que les nanites ne parvenaient pas à dissoudre, exprès pour surveiller les "petits protégés de l'armée". Maintenant c'est un truc impossible à se débarrassé pour faire chier la pauvre cloche qui a eu l'idée de génie de sortir de son chez soi pour aller crapahuter joyeusement au pôle nord. Et je ne me sens pas de m'ouvrir les veines pour attendre que cette merde sorte de mon corps. Ça y est, je recommence à m'énerver. Il faut que je me calme.

Oui, tout est fini, je dois me calmer. Maintenant je dois juste trouver un moyen de me sortir de ce bourbier, et aller régler son compte à Isabella. Quand à ce qui est d'Ihsahn… je ne sais trop que faire. J'ai probablement en ma possession une missive importante de Cagliostro, vu la réaction de sa sous-fifre blonde. Et j'aurais voulu l'accompagner en Égypte… Enfin, pour le moment, ne sachant pas ce que prépare ce fichu Ordre, je préfère ne pas prendre de risque. Bizarrement, c'est une personne que je me sentirais mal de mettre en danger, même si un homme de sa trempe ne semble pas pouvoir être mis en péril par qui ou quoi que ce soit.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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15. 11. 2008, 22:13

Silencieux comme des ombres nous évoluons à travers les pins centenaires qui bordent le Lac Pörisjärvi. Nous avons rendez-vous avec
un émissaire de Timo dans quelques centaines de mètres, ils sont assurément en train de nous surveiller en ce moment même. Staline le disait bien, la confiance n'exclut pas le contrôle. Je reconnais bien là mon vieil ami: il m'a renvoyé une réponse laconique, genre "Nous y serons", c'est à dire que la partie n'est absolument pas jouée. En même temps il me doit une explication, que fout l'Ordre sur ses terres? On verra bien.

Je sens qu'Ulva est en train de commencer à frémir, ressentant l'appel de la terre de ses ancêtres. Elle me prévient de la proximité d'une grosse troupe de garous, derrière un bosquet touffu non-loin de nous. Je fais signe à mes hommes et nous nous arrêtons. 18 commandos triés sur le volet, avec un mixage de compétences diverses et pour tous l'assurance d'une discrétion et d'une rapidité à toute épreuve. La bande idéale pour ce genre de missions. Nombreux c'est vrai, mais silencieux. Sauf pour les garous, ici rien ne leur échappe.

-Vous êtes aussi bruyants qu'une troupe de sangliers affamés! Ukko Ylijumala a sans doute dû interrompre sa sieste à cause de votre
raffut! J'espère que vous n'espériez surprendre personne à ce train-là!!

La voix goguenarde appartient à un immense loup-garou dont le pelage gris et la longue crinière donnaient les indications nécessaires, comme autant de signe distinctifs: âgé et puissant, un chef. C'est Timo Timilinnen, chef des garous de Näkkälä. Je m'incline bien bas devant sa puissance, j'ai beau bien le connaître je sais qu'il est capable de me décapiter d'un revers de la main si ça le chante, mais c'est peut-être pour ça que nous nous respectons autant, je suis aussi de ce genre.

Je viens te demander de l'aide noble Timo, ainsi que la permission de traverser ton territoire.

-Tu t'es pas fais chier à la demander y a des dizaines de kilomètres quand tu y es entré, tu manques pas de culot.

Il est hilare. Je déteste ça et il le sait pertinemment, et il en abuse l'enculé. D'un coup il me saute dessus et me saisit d'une étreinte féroce.

-Espèce de vieux fils de pute t'as plus intérêt à laisser passer tant de putains d'années sans donner de nouvelles!

Sa voix est profonde et intense, rocailleuse et sourde comme les milliers de rivières qui peuplent ce pays. Quel bonheur de le revoir...

-Tu voix me parler des avortons qui se sont installés sur Turvekammi? Je crois qu'ils ont eu une sacrée surprise il n'y a pas si longtemps.

Qu'est-ce qu'ils foutaient là? Ils y sont encore? Ils se sont installés quand?


-Ooh tout doux Ihsahn, ils ont débarqué y a deux ou trois jours pas plus, ils semblaient au courant de ta venue. J'étais très affairé ailleurs alors je ne m'en suis pas préoccupé de suite. De toutes façons leur campement n'existe plus, quelqu'un vient de faire tout péter y a pas une heure!

LuneRouge... Ça ne pouvait être qu'elle, et elle me plaisait de plus en plus.

-Tu ne me dis pas tout mon vieil ami, je le vois bien, c'est tout vous ça les vampires, toujours à garder tant de secrets!

Je m'apprête à lui répondre que les garous ne sont pas mal non plus question secrets quand un long hurlement déchire la nuit. Immédiatement les garous sont sur le qui-vive, les nerfs tendus et les oreilles frémissantes, étudiant les nombreux bruits de la forêt comme si elle leur parlait, ce qui semble être le cas.

-C'est un signal d'alarme.

Les garous derrière leur chef s'agitent silencieusement.

-Timo, il faut y aller tout de suite.
-C'est une sangsue Timo, celle que nous suivons depuis plusieurs minutes déjà.
-Elle en train de bafouer l'honneur de nos ancêtres Timo.

D'un simple reniflement Timo fait taire tout le monde puis il se tourne vers moi.

-Ihsahn une vampire a violé notre site sacré, tu la connais peut-être c'est elle qui s'est enfuie de l'île en faisant tout péter.

Oui Timo c'est mon amie, ne lui faites pas de mal je t'en prie elle ne le savait et...

-Ce n'est plus mon problème Ihsahn, je ne suis pas au-dessus des lois sacrées des lycans tu le sais bien.

Alors laisse-moi au moins lui parler en premier...


J'attends sa réponse anxieusement, guettant le moindre signe qui pourrait me donner l'occasion d'appuyer ma demande.

Tu comprends je n'ai pas l'intention d'outrepasser vos lois...

-J'ai très bien compris! C'est bon tu auras le droit de lui parler avant que nous l'emmenions au Gardien des Lois qui lui annoncera son châtiment.

Soulagé, je serre la main de mon ami et nous nous précipitons vers le "lieu du crime", le site sacré des lycans, leur cimetière en quelque sorte. Les garous sont extrêmement minutieux dès qu'il s'agit de leurs morts, ceux-ci sont déposés à même la terre sur un vaste terrain ou les esprits sont nombreux et où seuls les chamans ont le droit d'aller, sous peine de mort. Même les lupins qui vont là-bas se font dézinguer alors imaginez un vampire, bref elle s'est mise dans de beaux draps, ça va être coton de l'en tirer. Je me demande vraiment ce qui lui est passé par la tête, elle a pas senti le pouvoir qui émanait du lieu? Pourtant moi je le sens bien...

Il s'agit en fait d'une immense clairière, à quelques centaines de mètres du lac. Un brouillard épais couvre le sol, et il y règne un froid glacial. LuneRouge est debout en plein milieu de la clairière, comme si elle était en train d'attendre quelque chose ou quelqu'un. Elle a sans doute compris qu'elle avait été repérée et elle attend patiemment que quelque chose se passe. De toutes façons cela ne fait que quelques minutes qu'elle est là. Je m'avance prudemment vers elle, restant prudemment à l'orée du bois pour ne pas attiser la colère des garous.

LuneRouge, c'est moi, Ihsahn.

Elle est sur le point de parler mais je l'en empêche d'un geste.

Ne dites rien, vous êtes sur le territoire sacré des lycans et vous êtes à présent en grand danger de mort, les prêtres-chamans ne sont pas des tendres et ils n'ont pas vraiment la fibre humaniste.

J'entends un rire étouffé derrière moi et des grognements indignés.

LuneRouge vous allez faire exactement ce que je vais vous dire: venez lentement vers moi, sans parler et...

BANG!!!!

Le bruit assourdissant nous fait tous sursauter, et j'ai juste le temps de voir LuneRouge s'écrouler sur le sol moussu de la clairière. Mes yeux croisent ceux de Timo qui me jette un regard implorant mais d'un signe de tête je lui fais comprendre qu'il peut toujours se lustrer le poil et je m'élance sur le sol sacré.

Les cris des lycans choqués se mêlent à ceux des humains qui nous attaquent. Ils ne se sont rendu compte de rien et croient encore que nous sommes deux au milieu de cette putain de forêt de merde. Je sens que je suis sur le point d'exploser, dans deux secondes tout va péter je craque je craque je craque JE CRAQUE!!!!!

Bande de fils de putes mais venez donc, venez sucez ma bite saloperies de lopettes d'humains de merde, venez sentir la puissance de la fureur de votre Dieu, eh oui votre Messie minable est mort sur un vulgaire bout de bois et là vous êtes perdus comme de misérables insectes que je vais écraser comme on se débarrasse d'une vermine, et je suis le seul, unique et dernier putain de dieu que vous aurez jamais l'occasion de croiser!!!! DECHRISTIANIZE!!!!!

Je me rue comme un taré sur le groupe d'humains qui se dirige vers la clairière. J'esquive les dizaines de balles qui pleuvent autour de moi ces gorets tirent comme des femmes ils n'ont aucune chance, d'un geste souple ma hache est dans ma main puis ma main est en l'air puis ma hache fend un premier crâne puis un deuxième et enfin tranche un cou!

Par Thor! Ils n'ont encore rien vu, je me jette au coeur de la mêlée et je me rends compte que les garous s'y sont mis également, les cris de haine et de douleur se mêlent dans une danse de mort apocalyptique alors que les entrailles humaines se déversent à même le sol sacré des lycans, telles une offrande à leur dieu impie. Entre deux décollations je réalise qu'Isabella est là elle qu'elle ne se mêle pas des combats, elle se dirige tout droit vers LuneRouge. Je me mets à courir dans sa direction, évitant le coup d'épée désordonné d'un homme en tunique blanche bizarre que je découpe en deux, sautant par-dessus les cadavres qui jonchent le sol. Je vois Isabella tendre son arme juste au-dessus de la tête de LuneRouge encore inconsciente, je sens qu'Ulva est juste derrière moi et d'un mot silencieux elle se rue sur la blondasse amoureuse de son Dieu.

ISABELLA!!!

M'entendant elle se retourne, et ce mouvement de trop lui est fatal puisqu'elle roule brutalement au sol, écrasée par le poids de ma louve qui commence par lui arracher la main. Deux secondes plus tard je suis sur elle et lui découpe la deuxième main, puis lui file un bon coup de botte en pleine tête, l'assommant pour le compte. Je me rapproche de LuneRouge et m'agenouille dans la neige, posant mes mains sur son visage meurtri. Elle revient à elle doucement. Au moment où elle ouvre les yeux je sens encore la profondeur de son regard, une puissance bizarre genre mystique m'attire vers ses lèvres mais je n'ai pas le temps de me poser vraiment la question car elle a complètement repris connaissance. J'ôte doucement mes mains de son visage, quittant à regret ses joues dont je n'avais pas imaginé qu'elles puissent être si douces.

Eh bien chère amie, vous pouvez vous vanter de m'avoir fait peur, et ce n'est pas peu dire...

Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Ihsahn" (15.11.2008, 22:19)


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16. 11. 2008, 19:45

Flou... Brouillard... Brume... Je ne sais plus... où je vais, ni trop où je suis d'ailleurs... Cet arbre, là, ne l'ai-je pas déjà aperçu tout à l'heure? ... tous les arbres se ressemblent... Pourtant d'habitude je les voie tous différents... J'ai la tête qui tourne. Ça me file la nausée. Je crois bien que je me suis perdue... c'est à n'y rien comprendre... J'ai... Sommeil. Ce n'est pas normal, il y a quelque chose qui cloche. Je dois réfléchir, comprendre ce qui se passe, réagir! Je... Ma tête pèse des tonnes... je suis gelée jusqu'aux os... Je crois que c'est ça qui m'aide encore un peu à garder les yeux ouverts. Cette sensation mordante de froid sur mon visage brûlant et mes doigts engourdis. Mais qu'est-ce que c'est que ce merdier encore? Je ne sais même plus depuis combien de temps je marche... Je ne devais pas courir d'ailleurs au départ? .... je ne sais plus... moi qui aie passé la majeure partie de ma vie dans les bois, je ne cesse de trébucher, je dois faire un bruit affreux... alors que j'étais censée être discrète... pourquoi déjà? ...je ne sais plus... je crois qu'il y a un sérieux pro... blème...

J'ai un doute affreux sur l'endroit où je suis et la direction dans laquelle je dois aller. Et mon esprit a un mal de chien à se fixer sur une idée. Et il tourne autant que ma vision tangue et se brouille. Je ne comprends plus ce qui se passe. Il faut que je sache ce qui m'arrive avant de sombrer dans l'inconscience, ce qui ne devrait plus tarder vu mon état. Qu'est-ce qui pourrait me mettre dans un état pareil? Je supp...

Je dois faire un énorme effort pour ne pas vomir. Un haut-le-cœur plus intense que les autres, ma vision qui se brouille, je trébuche, tombe. Instinctivement, mes mains tentent de s'agripper à quelque chose. Je me retiens désespérément à une branche basse. Le moignon d'un bras cassé du végétal me déchire la peau. La douleur me cisaille la paume et vient mettre une décharge à mon cerveau embrumé. L'odeur du sang me met l'eau à la bouche. Ça y est, je vois un peu plus clair. Je me souviens un peu mieux. Vite, pendant ce bref sursis, ce sursaut de conscience. Je m'assure de mon équilibre, qui bien que précaire, ne me fait point encore trop défaut. Et je lâche vivement la branche pour presser violemment mes lèvres contre la plaie qui ne tardera pas à se refermer. Le goût du sang, bien que ce soit le mien et que je n'y gagne aucune énergie, réveille mes sens endormis, anime encore un peu plus mon cerveau.

Cette garce a du trouvé le moyen de m'injecter une quelconque drogue à effet retardé, ou quelque chose comme ça... Mais si elle comptait de toute façon me laisser partir, ça ne colle pas. Elle devait avoir prévu autre chose, pour le cas où les événements ne tourneraient pas comme prévu. Mais quoi? L'émetteur est bien trop petit pour contenir une quantité de produit susceptible de faire autant d'effet. C'est donc autre chose. Quelque chose sur moi ou avec moi qu'elle peut contrôler. Ou alors c'est que j'ai usé de plus d'énergie que je n'aurais du. Mais pour que je sois dans pareil état de désorientation, cela me parait peu probable. J'ai plus de ressources que ça. Quand même. Je dois trouver ce que c'est pendant que je suis encore un minimum alerte. Je crois bien que je tourne en rond, je n'arrive pas à me repérer.

Alors... réfléchissons... je suis trop fatiguée, il faut que je m'assoie. Je me laisse glisser le long d'un tronc d'arbre. Un cri de douleur m'échappe. Quelque chose m'a fait mal, dans le dos, comme si j'avais tenté d'arracher quelque chose planter dans ma chair. ... Et bien voilà pourquoi je ne l'ai pas vu lorsque je me suis débarrassé de mes vêtements mouillés... Glissant mes doigts glacés sous la couche protectrice qui seule m'empêche d'entrer en hypothermie depuis mon passage dans l'eau du lac, je tâte mon échine en frissonnant. Le contact neutre du métal m'arrache, malgré les brumes de mon esprit, une grimace de colère. Mon orgueil en prend un coup. J'aurais du me méfier un peu plus.

Je glisse le long des contours lisses. C'est bien ça. Le genre d'appareil qui s'accroche en passant sous la peau et qui peut délivrer des doses de produit à intervalles régulier, si on appuie sur le bon bouton de la télécommande qui va avec. Bon, Il faut que je m'en débarrasse avant que je ne sois complètement dans les choux et que cette bande de fanatiques me tombe dessus avec à leur tête Blondasse 1ere. Je saisis fermement la chose, et tire sèchement. La peau s'arrache, la chair se déchire. Ma mâchoire se crispe mais le cri devient gémissement. Mes résistances sont déjà bien minées. Il faudrait que j'entre dans une phase de régénération violente, pour que mon sang se renouvelle correctement et que cette blessure se referme à une vitesse normale. J'ai eu de la chance que cette immondice de la technologie ne soit pas agrippée à un os.

Je me sens plus épuisée que jamais. Je crache sur l'appareil avant de le jeter à terre, dans la mousse et les brindilles. Va au Diable, démone qui confond ciel et enfer. J'aurais ta peau pour dessus de lit, le jour où tu tomberas entre mes mains. Ensuite je te laisserai te régénérer, lentement, aspergeant ton corps de sel et d'autres substances acides, toi souffrant par chaque millimètre carré de cette peau acquise dans une douleur cuisante. Et quand ton épiderme se sera reconstitué, de nouveau je te l'arracherai, lentement, par à-coups déchirant en même temps ta chair. Et chacun de tes cris de douleur me ravira d'une euphorie vengeresse. Et avec ce deuxième trophée, je me ferai des rideaux.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (17.11.2008, 18:57)


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16. 11. 2008, 19:48


M'imaginer les tourments que subira cette chienne le moment venu me permet de ne plus penser à ma propre douleur. Il faut que j'avance, ne serait-ce que pour trouver un point de repère. Il n'est de toute façon pas très bon de rester longtemps au même endroit. Seulement... j'ai de plus en plus de mal à garder les yeux ouverts, et les idées claires. Et tandis que je me remets à avancer, les jambes hésitantes et la démarche chancelante, mes bottes fourrées butant contre chaque irrégularité du terrain, mon esprit se remplit peu à peu des brumes d'un sommeil bourbeux, auquel je résiste tant bien que mal. Je sens quelque chose de bizarre. Ça me rappelle quelque chose. J'ai déjà du passer par ici. Encore quelques dizaines de mètres et j'y serai. J'avance de plus en plus prudemment, dans la mesure de mes moyens. Être revenue ainsi en arrière est dangereux. Si Isabella me trouve alors que je suis dans cet état, c'est ma peau qui servira de tapis, et pas la sienne.

Mince... Ce n'est ce lieu bizarre que j'ai préféré éviter à l'aller? Je crois bien que si. Un hurlement aigu retentit soudain, et je n'arrive à y voir qu'un lugubre présage. Une plainte lupine dont je comprends sans mal le sens, malgré mon engourdissement autant mental que physique. Je viens de faire une bourde, et ça c'est le clairon de mes ennuis. Encore des merdes en perspective. J'ai vraiment la poisse dans ce pays de chiotte. J'aurais mieux fait de rester à Ultima, au moins là-bas les ennuis avaient appris à venir par vagues, et non pas par tsunamis entiers. J'avance encore d'un pas, mais je sens que le produit dans mes veines, bien qu'il ne soit plus renouvelé, arrive à un point critique. Si je tente d'avancer avant que les nanites n'aient fait leur boulot, je vais perdre connaissance. Seulement elles ne sont pas en forme, et ça ne va pas assez vite. À ce rythme-là, j'aurais les garous, les tapettes à croix et tous les écureuils du coin sur le dos avant d'avoir pu faire un pas de plus. Pff... de toute façon, vu ma chance, j'ai plus qu'à attendre. On verra bien qui sera le premier à me trucider. Mais qu'est-ce que je raconte moi...

LuneRouge, c'est moi, Ihsahn.

Je tressaille, cligne vivement des paupières et regarde dans la direction d'où vient la voix. Bizarrement, ce son familier me tire pour un temps de mon brouillard intérieur. Brann? Mais que fait-il ici? Pourquoi sa voix prend-elle une telle intonation? Je suis figée. Cette brusque netteté de ma vision et de mes autres sens a fini de me désorientée. C'est trop de narcotiques et autres conneries dans la même journée. Ma ténacité face à tous ces produits est complètement à bout. Je n'ai plus le contrôle. Il n'est pas censé être là. Je sens que je vais paniquer.

Mon nez perçoit une odeur qui affole les battements déjà embrouillés de mon cœur. Une fragrance douce à mon âme tourmentée, une senteur que je reconnaîtrais entre mille, que je percevrais même morte et enterrée. Raserei. Verhängnis. Elle est là, et ils sont avec elle. Non pas ça. Ça veut dire qu'elle a ramené toute sa cavalerie. Et si Brann est seul... J'ouvre la bouche pour parler, l'avertir, lui dire de partir, mais il me coupe d'un geste et reprend la parole. Je n'entends pas ce qu'il dit, je n'écoute pas. Je dois les faire tirer avant qu'il ne soit à découvert. Que cette pute n'ait pas ce qu'elle veut aussi facilement. Ouais, je vais t'emmerder jusqu'au bout, même si je vais peut-être en crever.

Brann me regarde bien en face, ses yeux dans les miens, inquiets et qui tentent pourtant de me calmer. Ma panique subite doit se sentir. Seulement, ce n'est pas forcément ce qu'il croit. Je ne sais pas d'ailleurs ce qu'il croit au juste, mais s'il s'était rendu compte de la présence des hommes dans mon dos, il n'agirait sûrement pas comme ça. Il ne serait même probablement pas là. Bon, je vais devoir me démerder. Encore une fois. Ça y est, je sais. Quelques centièmes de secondes à peine se sont écoulés. Tu vas vraiment avoir envie de me trucider salope.

Lentement, très lentement, avec une vitesse d'escargot, je passe ma main droite dans mon dos. Ihsahn n'a rien vu, il est trop concentré sur ce qu'il me dit, et il me regarde toujours dans les yeux. Ces derniers doivent être un beau fatras de tout et n'importe quoi. Il ne peux pas lire quoi que ce soit de précis. Tant mieux, vu son caractère et l'entêtement borné dont je le soupçonne de faire preuve en maintes circonstances. Bon, c'est maintenant ou jamais. Ma vitesse s'accélère brusquement, passant à un stade qu'un oeil humain doit avoir du mal à voir nettement, mais peut distinguer quand même. Juste assez pour que le changement brutal d'allure et le mouvement en direction de l'endroit où aurait pu se cacher une arme, surprenne les tireurs embusqués. Un truc tout con. Mais en l'occurrence, un truc qui marche. Détonation. BANG.

Je crois bien qu'il y a eu deux tirs simultanés. Enfin, c'est pas que je crois, c'est qu'il me semble qu'une balle a éraflé ma joue et qu'une autre vient de se loger dans mon flanc. Je m'écroule au sol. Enfin. Si je survis assez longtemps, j'ai une chance de m'en sortir, même si Ihsahn fiche le camp. Enfin, dans ce cas, il me faudra vraiment beaucoup beaucoup de bol. Y a plus qu'à croiser les doigts, puisque les Dieux sont contre moi. Enfin pour le moment, je suis en train d'entrer en régénération. Ceux qui ont eu le réflexe de tirer n'étaient pas vraiment préparés, ils ont visé comme des bleus, ça ne devrait pas être trop grave. Si ça se trouve, la balle est ressortie toute seule de mon organisme.

Tout devient noir, mes paupières se sont fermées. Je gis à terre, et je sens les vibrations de bottes heurtant durement le sol en une course furieuse. Le bruit atténué de grognements furieux me parvient, et des râles d'agonie ne tardent pas à se faire entendre. Que se passe-t-il donc? ...des lycans? ...mais pourquoi? ... le calme noir habituel m'envahit, et tout me parvient atténuer. Ma hanche m'élance, mon dos me brûle, ma joue est cuisante. Je me laisse docilement bercer par l'oubli et la souffrance. Ces sensations sont devenues tellement coutumières à présent...

Je m'endors, doucement. Je perçois vaguement le cliquettement de la sécurité d'une arme, juste au dessus de ma tête. J'entends un cri non loin. Il me semble reconnaître Brann. Je perds conscience, sachant que je remonterai bientôt à la surface.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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16. 11. 2008, 19:48

Je crois que je vais mieux. Puisque j'ai soif, c'est bien que ce doit être le cas. Je sens parfaitement le froid qui me mord tendrement le visage, comme pour me souhaiter la bienvenue une fois de plus à mon retour dans le monde des vivants. Cette partie acérée de moi, infime et silencieuse, enfouie dans mes tréfonds, hurle une énième fois sa rage. Oui, je vis encore. Si je puis me permettre le terme. Allez, il faut se réveiller, se lever et avancer de nouveau dans les limbes pernicieuses de la non-vie. Ton heure n'était pas celle-ci, tu aurais du mourir il y a longtemps certes, mais ta perte ne te sera pas rendue en ce jour. Que ta faiblesse se repaisse une nouvelle fois de ce répit. Que ta honte en souffre encore jusqu'à la prochaine faille.

J'entrouvre vaguement les yeux. Il y a du mouvement juste au-dessus de ma tête. Je distingue à peine le ciel. Soit c'est vraiment gros, soit c'est très près... Mon corps répond de nouveau normalement, émergeant à peine du sommeil lugubre de la régénération pourtant. La glace qui étreint mon corps me réconforte un peu. J'aime le froid. Bien que le souvenir très déplaisant de mon récent plongeon dans le lac m'ait dégoûtée pour un bon moment des bains glacés. Rien qu'à la pensée de cet épisode glacial, je frissonne. Mon corps est encore plus ou moins engourdi par endroits suite à ce passage dans l'onde à l'âme de glace qui m'a pénétrée jusqu'à la moelle. Même les nanites ne sont pas venues totalement à bout à cet effet de la nature impitoyable auquel ce corps damné s'est soumis. ... J'aime à penser que la nature n'a pas perdu tous ces droits... La lumière nous est peut-être refusée, mais nous sommes encore humains dans un sens, par notre vulnérabilité immense à mille et une choses. Un zest de fragilité infini devant Ceux que nous avons bafoués. Une immensité de faiblesse pour le parjure de nos vies. L'évanescence de notre damnation.

Ma poitrine reprend un rythme normal. De mes blessures, il ne reste que quelques picotements. Mon esprit encore embrumé ne parvient pas à déterminé ce qui me bouche la vue. Mes autres sens sont saturés de sensations... inhabituelles et déconcertantes pour ma conscience encore altérée par le sommeil de mort du retour à la non-vie. Quel est donc ce souffle chaud sur ma peau? Cet aura brûlant qui semble me surplomber comme une soleil noir? Mon visage encore immobile et endormi profite de l'irradiation douce de cette brise saccadée qui caresse mes joues avec miel, dans le froid de loup de cette nuit éternelle. J'ai l'impression de sentir de nouveau la caresse de ses cheveux quand il se penchait au-dessus de moi... Mais mon nez perçoit une odeur qui envoie mes souvenirs vers d'autres horizons. La fragrance alléchante et enchanteresse du sang, Tiédie par le corps du prédateurs, soufflée innocemment par une haleine chaude allégée par l'ivresse du combat, et purifiée par l'air froid. Mes lèvres s'entrouvrent d'elles-même, comme pour happer ce souffle à la douceur inhabituel, et en savourer chaque note. Ma bouche s'emplit de la saveur de ces expirations, ma salive se teinte du parfum enivrant de ce corps dont je ne reconnais pas la nature.

C'est comme ces rêves de sensations, qui, bien que totalement dépourvus d'images, sont ceux qui nous paraissent les plus réels. Peut-être parce que nous ne sommes pas habitués à être bernés par nos autres sens, tandis que la vue elle se laisse souvent abusée. Mais ce sont ces songes, qui nous envoûtent et nous trompent sournoisement, qui sont ceux dont il est le plus douloureux de s'extirper. Et toujours, on repousse le moment où il va falloir se réveiller. Mais à force d'éloigner l'instant où l'on va ouvrir les yeux et découvrir la réalité, on finit par se laisser dériver, lâchant la berge, et on oublie que ce n'est qu'un rêve, on se laisse emporter par l'espoir fou que tout ce qu'on a pu vivre ne soit qu'un mauvais rêve, un immonde cauchemar. On oublie toutes les fois précédentes où l'on a été déçu par ce genre d'aveuglements ridicules et tellement... humains. On oublie que l'on est au-dessus de ces rêves enfantins. On oublie qu'on a cessé d'espérer depuis longtemps. On oublie que notre existence n'a rien d'une fiction, qu'elle a été pire que n'importe quel cauchemar. Qu'il est impossible de revenir en arrière. Et quand soudain on s'arrache, plus ou moins volontairement, à ces chimères innocentes et insensées... ce n'est qu'une idiote et cuisante désillusion.

De tous les rêves de ce genre qui me harcèlent depuis toujours, celui-là est à classer parmis les plus convaincants. Il faut bien avouer que le cerveau humain est un véritable manipulateur, capable de créer des illusions très frappantes, capable d'emmener un esprit au-delà de l'imaginable. Maintenant, je vais ouvrir les yeux et ne voir rien d'autre que la réalité, vide et déserte. Personne n'a de raisons d'être si près de moi de toute façon. Cela en serait presque indécent, une seule personne vivante en ce monde aurait ce culot, et elle est à des milliers de kilomètres d'ici. Enfin si je suis toujours au même endroit. ... C'est étrange, plus mon esprit émerge, et plus j'ai l'impression que quelqu'un me serre bel et bien le visage entre ses mains, avec une précaution et une douceur exagérées. J'ai l'impression que ma peau s'enflamme tandis que ce contact de paumes à la fois souples et rugueuses se fait comme une coulée d'eau sur mes joues brûlantes. Mon corps a cessé de grelotter de froid. Mais qu'est-ce que ça veut d... N'y tenant plus je soulève brusquement les paupières, et tant pis si la déception et l'amertume sont immenses. Mes yeux s'ouvrent grands, je suis parcourue d'une véritable décharge électrique de surprise.

Je me raidis d'un coup. Putain mais qu'est-ce qu'il fait exactement là?!?! Attendez attendez attendez... Non mais pourquoi sa bouche est-elle si près de la mienne?!? C'est quoi ce bordel?!!?!!? Par tous les Dieux du Ciel et de l'Enfer… Non mais bordel de Dieu qu'est-ce qu'il fout là ce triple con du Tartare?!?!? Mes mains se crispent sur le sol contre lequel je suis plaquée. Si je pouvais, je m'enfoncerais sous terre. Putain… mais pourquoi est-ce que je réagis comme ça moi? C'est tout bonnement n'importe quoi. Pas la peine de faire des bonds de dix mètres pour si peu, ce n'est qu'un … Non mais merde qu'est-ce qu'il fiche là, juste à côté de mon visage et ses mains sur moi?!? Attendez attendez attendez, faut arrêter les conneries, ça va plus du tout… Non mais quand est-ce que quelqu'un me fera le plaisir de me laisser reprendre ce putain de contrôle de mes deux que le monde entier semble décider à m'empêcher de recouvrer?!?!?

Je sens que je vais craquer. Je vais péter un boulon. Faut vite que quelque chose se passe, qu'il arrête de me regarder comme ça et qu'il recule d'une bonne centaine de mètres, sinon je vais griller un fusible. L'alerte rouge du pétage de plomb tourne à toute allure en hurlant sa sirène criarde. C'en est trop dans la journée… Oui non mais parce qu'en plus, JE NE SAIS MÊME PAS SI ON EST LE JOUR OU LA NUIT!!! Je vais devenir tarée… RECUUUUUULE!!!! T'as rien à faire là!!!!! Oh… s'il te plait dit un truc, bouge, fait quelque chose mais arrête de me regarder comme ça dans les yeux avec ce truc bizarre dans ton regard qui me hérisse l'échine. J'ai accepter de venir avec toi, et c'était pas pour devenir dingue… laissez-moi reprendre le contrôle, par pitié… Trop de choses tournent, tes lèvres sont trop proches, mes souvenirs trop cuisants, et mon étourdissement trop récent. Ce n'est pas moi, c'est un fantôme, au nom du Ciel, laissez-moi être la glace qui retient mon cœur.

Eh bien chère amie, vous pouvez vous vanter de m'avoir fait peur, et ce n'est pas peu dire...
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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29. 11. 2008, 22:56

Il a enfin lâché mon visage, comme à regret toute fois. Mais à quoi tu joues le frère des loups?! Retourne bouffer tes ours décolorés et arrête de me faire ressentir des choses dont je n'ai ni le besoin ni l'envie. Je ne lui réponds pas. Ce n'est pas la peine de creuser dans une direction vers laquelle je ne veux pas m'engager. Il a qu'à se garder tiens. On s'approche pas autant d'une dame quand on est un tant soit peu doué de bonnes manières. Je me redresse, prenant soin d'entrer le moins possible en contact avec lui. Je sens que cet homme va devenir dangereux. Rappelle-toi la dernière fois que tu as fait confiance. Garde toujours à l'esprit que s'attacher revient à souffrir. Ne le regarde plus dans les yeux sans avoir avant la certitude que ton regard sera un bloc de glace impénétrable. Cela suffit, tu as pris assez de risques comme ça.

Je suis bientôt debout, lui à mon côté, tandis que je chancelle. Il me faut du sang. Et toi, ne t'avise pas de me soutenir, je ne vais pas tomber et je n'ai pas besoin de toi. Un regard glacial et le message passe. Parfait. Je ne suis pas d'humeur à être sociable, et mon orgueil prend le dessus. Pourquoi? Parce que… Et puis d'abord, je n'ai absolument pas perdu mon sang-froid. Et non je n'ai pas froid. Et non je n'aime pas les gens qui ont les mains chaudes. Putain mais satanées voix intérieures, quand allez-vous donc vous taire!?! C'en est plus qu'assez, je veux qu'on me laisse tranquille! Que ce soit lui, vous, ou l'autre blonde dégénérée!!! … Blonde dégénérée… Blonde dégénérée… Elle est où la pétasse? J'ai un compte à régler avec elle… Oui, et quand cela sera fait, je pourrais enfin retrouver mon calme… Oui c'est cela, c'est elle qui me met sur les nerfs comme ça, il n'y a pas d'autre solution. Surtout que… mes sabres!!!! Il me faut mes sabres!!! Voilà tout le problème, c'est évident.

Mon regard est attiré comme une aimant vers un corps inanimé gisant à quelques pas de là, sous le regard inquisiteur et menaçant de l'énorme louve d'Ihsahn, dont les grognements sourds à l'encontre de la masse immobile, n'ont absolument rien de rassurant. La chevelure blonde ensanglantée m'informe de l'identité de la personne. Je jette un regarde en coin au maître de la Divine Comédie. Beau boulot très cher, mais ne compte ni sur un merci, ni sur quoi que ce soit de ma part. J'avance vers Isabella assommée. Alors ma grande, ça fait quoi d'être à ton tour dans les choux, dans ta jolie combi moulante que je vais me faire un plaisir de te faire fondre sur le corps avant de la tirer et de t'arracher ainsi la peau? Un grand sourire illumine mon visage, un sourire qui n'a rien de radieux, mais qui témoigne d'une joie sauvage et sadique. Je n'aime pas particulièrement faire souffrir mon prochain, bien que cela ne me dérange pas outre mesure en général. Mais toi tu es allée trop loin, sale chienne! Tu vas connaître la douleur pour m'avoir ainsi méprisée, pour t'être attaquée à ce que tu n'aurais jamais du seulement effleurer par la pensée. Cauchemarde. Parce que ce n'est que rêve comparé à tout ce que j'ai envie de te faire subir. Même si t'es aussi vieille que l'autre montagne à côté, je te promets que je réussirai à te faire chialer, pauvre raclure du Tartare.

J'entends du bruit autour, mais ne regarde pas. Tout ce qui m'importe est devant moi à terre. Ihsahn ne m'empêche pas d'approcher. Je ne suis pas assez bête pour la tuer maintenant, et il le sait. Et pourtant ce n'est pas l'envie qui me manque… Ah tu ne paies rien pour attendre, misérable déchet de la folie du Ciel. Je m'accroupis près d'elle, et arrache de sa hanche mes fourreaux où reposent mes chères armes tourmentées. Mes lames. Reflets de mon âme. Éclats impérissables du souvenir tailladé au fer ardent dans la chair tendue et tendre du passé. Lambeau d'un rêve. Ultimes diamants des larmes de ce Ciel à jamais perdu dans les abîmes du néant éternel. Oh mes chères lances de destinée, poignards de mes songes, que vous avez manqué à ma peine…

Mes mains recueillent avec douceur un des deux fourreaux. Le contact lisse me fait frissonner d'aise. Les battements de mon cœur s'apaisent, et mon souffle me semble soudain léger, comme si ma poitrine se libérait d'un poids écrasant. Mes doigts caressent et enlacent la nacre noir, effleurent avec une tendresse maladive les arabesque sanglantes qui sont comme les volutes d'une folie centenaires et rongeante, sournoise, corrosive. Mes lèvres tremblent de soulagement. Je retrouve cette part de ce que je suis devenue, ce bord de la plaie. Une voix au fond de ma tête siffle, amère, que ce n'est pas raisonnable, que ce n'est que lubie insensée. Mais les vibrations de mes entrailles couvrent ce murmure de raison. J'ai eu si peur sans eux… Sans leur battement contre moi, sans le son cristallin de l'acier giflant l'étui en fuyant sa prison ouvragée, sans le fracas silencieux du cœur figé en eux et qui fait battre le mien en harmonie avec les éclaboussures de sang qu'ensemble nous jetons à la face des Cieux. Sans le souvenir qui est attaché à eux, par la colle de mon esprit, comme un aimant fixé à jamais sur le fer de la mort à la limite des mondes, à l'endroit où trépassent les vivants, mais où une étincelle semble rester toujours, gardien immobile contemplant avec un air impénétrable ma déchéance. Un cisaillement perpétuel de mes chairs spirituelles, mais qui retient par un lambeau de mon cœur mon âme, l'empêchant à la façon d'un hameçon de tomber dans le puit de folie qui la guette. Trop dur, trop longtemps… mais jamais trop loin pour oublier…

Me souvenant de la présence d'être vivants autour de moi, j'attache mes précieux complices à mes hanches, sans un mot, sans un souffle. Pas le temps de les harnacher dans mon dos. Je saisis par le col Isabella encore inconsciente et plante mes crocs dans sa gorge tiède. Le goût du sang vampirique est un sucre acide sur ma langue engourdie et je sens des picotements le long de ma colonne vertébrale. Hum… Délectation… mes forces me reviennent, et venant avec elle, le goût de ma vengeance. Oui, l'odeur de ta vie quittant ton corps, répugnante vermine, est le nectar de ma hauteur. Mes jambes se font plus sûres et moins faibles sous moi, mes gestes moins hésitants. Je me réchauffe, je sens de nouveau la nette morsure du froid ambiant sur mes joues qui ont, je le sais, repris des couleurs. Mes yeux brillent de la glace de l'air, mais ne luisent d'aucune profondeur. Ça y est, j'ai repris le contrôle. Et le premier qui tente seulement d'y toucher encore, le regrettera amèrement. Que reprenne la musique de la disgrâce et de l'indifférence.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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29. 11. 2008, 22:57

J'observe enfin ce qui se passe, analysant du mieux que je peux la situation. Des garou un peu partout, l'air courroucé et horrifié, inquiet, des cadavres humains gisant au sol, Ihsahn bien droit, Isabella inconsciente entre mes mains, des hommes de mon hôte. Mon cerveau se rembobine les minutes précédentes, examine les données que je n'ai pas déjà traitées. Il a parlé tout à l'heure, mais je ne l'ai pas vraiment écouté. Il me semble pourtant me souvenir du mouvement de ses lèvres - je tique en pensant ce mot - formant les paroles "territoire sacré". En même temps, on est un peu dans le cimetière des éléphants mais version cabots, pas besoin d'être omniscient pour s'en rendre compte… à condition d'avoir tous ses moyens bien sur… Enfin bref, de toute façon, si je devais crever pour y avoir pénétré, maintenant, la donne a changé, vu que tout le monde a mis les pieds ou les pattes dans le plat à son tour… et en ajoutant du sang par-dessus qui plus est… Et bah c'est du joli… ... je crois que j'ai encore provoqué une catastrophe…

Un énorme lycan à la fourrure d'un gris de plomb luisant s'approche. Il est immense, énorme, magnifique, terrifiant. Les plis aux coins de ses yeux montrent que ces derniers doivent souvent être rieurs, bien que pour le moment, son expression soit grave. Mais calme toute fois. Il me lance un regard en coin, impénétrable, totalement neutre. J'ai toujours eu une profonde admiration pour les personnes capables d'être inexpressives sans cependant être froides et glacées… Avoir la capacité de ne rien dire ni montrer de ce qui est à l'intérieur, sans toute fois raidir l'extérieur. Je n'ai pas une immense sympathie pour les lycanthropes, ceux peuplant Ultima me tapant grandement sur les nerfs, mais je dois bien avouer que celui-ci force le respect et l'admiration. Il adresse quelques paroles rapides à voix basse à Ihsahn et fait volte-face tout en appelant ceux de son espèce par un bref aboiement. Les lycans disparaissent à une vitesse hallucinante dans les taillis épineux, quittant avec une précipitation nerveuse et angoissée la terre sacrée profanée en ce jour maudit.

Nous-même nous nous retirons en grande hâte. Nos pertes sont légères à première vue. … une petite vingtaine de commandos… il s'est ramené avec une petite vingtaine de commandos... et bien! C'est que l'Ordre semble vraiment tenir à cœur à notre nordique… une vingtaine de commandos pour ce camp… alors qu'à moi seule j'ai tout fait péter… Ce doivent être des ennemis redoutables en d'autres circonstances. Mais mademoiselle La Blondasse semble avoir tout fait foiré aujourd'hui… sale garce, tu vas payer, je te l'assure. Je t'enfoncerai un linge imbibé d'acide dans le gosier, je te l'enfournerais dans la gorge, jusque dans ton estomac. Le produit te lacérera les nerfs de l'intérieur, et ensuite, quand ton organisme aura commencer douloureusement à digérer ce festin empoisonné, je le retirerai, entraînant en même temps la paroi intérieur de ton organe!!! Et ton immortalité fera durer longtemps, longtemps, très longtemps, ton supplice. Ma vengeance sera l'arbre d'un fruit de délectation au nectar suave et acide à la fois, ta douleur en sera la sève, et tes cris les feuilles. Moi je serai le vent rieur qui agite le tout par rafales cruelles et lentes. Ah que tu n'aurais jamais dû t'attaquer à cette part de moi…

Les troupes se rassemblent, Ihsahn se place en face de moi et s'apprête à parler. Je lie les mains d'Isabella dans son dos, par habitude plus qu'autre chose vu la quantité de sang que je lui aie aspirée, et la confie à un homme de forte carrure qui la balance sur son épaule avec tout le manque de respect que l'on peut accordé à un sac de matraques. Merveilleux. J'ignore presque royalement celui qui est pourtant le maître de tout ce beau monde. Je ne sais pas si c'est parce que je suis vexée ou parce que je ne sais pas si je parviendrai à masquer dans mon regard ce que peut contenir mon esprit. En tous les cas, je lui accorde à peine un regard désintéressé en coin, attendant qu'il daigne parler. … Dépêche-toi triple buse… Ton silence m'agace et m'inquiète…

- Vu qu'ils sont tous désormais fautifs autant que nous, il n'y aura pas de sanction cette fois-ci. Ils ne sont pas assez fanatiques pour tous se tuer et nous avec. Et apparemment l'Ordre a été contacté par radio avant que nous ne puissions tuer tous les fous ne fuyant pas malgré notre surnombre imprévu et une position des garou a été attaquée plus loin vers l'Ouest. Ils doivent s'y rendre au plus vite pour défendre leur territoire. Profitons-en pour partir et…

Je lui tourne le dos et part dans la même direction que ses hommes qui ont déjà reformé les rang et avancent en silence entre les arbres. Sans le regarder, mon visage cachant de toute façon mal mon impatience et ma rancœur, je lâche platement :

- Vous me ferez bien la faveur, très cher, de laisser cette charmante Isabella entre mes mains dans un de vos charmants cachots. Pendant qu'elle et moi régleront certains comptes, vous pourrez me raconter certaines choses, et m'informer de ce que je ne sais pas encore. À l'occasion, je suis sûre que notre très agréable amie se fera un plaisir de nous apprendre quelques petites informations… si ce n'est pas le cas, je suis sûre que vous et moi parviendrons à la dérider… Et si vous avez éventuellement des questions, il serait possible que je puisse hypothétiquement y répondre également. Ne traînez pas, sire Ihsahn, j'ai hâte d'être de retour à votre fort plaisante demeure pour pouvoir entreprendre ce délectable entretien…

Le ton est sans réplique. Elle est à moi mon grand, que ça te plaise ou non. Sinon on ne sera pas amis longtemps toi et moi. Ce serait bête, surtout maintenant que je suis bien décidée à aller mettre mon sabre dans le cœur de l'imbécile heureux qui a eu l'idée grotesque et de fort mauvais goût d'employer pareille vermine, jusqu'en Egypte apparemment. Oui… le moment où nous nous séparerons et retournerons chacun à nos occupations coutumières recule encore, Brann…Et je doute de plus en plus de pouvoir résister longtemps à l'envie de regarder encore au fond du puits sans âge de vos yeux à la fois d'hiver et d'été… Que je donnerai cher pour être certaine de ne plus jamais rien éprouver autre que la haine ou l'indifférence… Et pourtant je crois que je sacrifierai plus précieux encore pour arriver à me défaire de cet orgueil qui n'est pas vraiment mien… Quand me laisseras-tu enfin en paix, toi qui m'as offert la vie en échange du sacrifice, et de ton souffle et de ma mort… Quand enfin réussirai-je à me défaire de ce fardeau…

Pense à ta haine, oublie ta peur. Balaie les doutes, fait souffler le vent là où tu veux qu'il te mène. Ferme les paupières de ton cœur, ouvre grand tes yeux. N'y laisse que la glace que tu crains de voir fondre et dont pourtant l'écume te fait frémir d'aise…
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (29.11.2008, 23:26)


27

06. 01. 2009, 10:53

Ulva soulève une oreille, croise mon regard et se lève doucement. Elle a senti mon malaise. Je caresse son épaisse fourrure, et en émettant des grognements de satisfaction elle me lèche la main de sa langue rapeuse.

Plus de deux heures qu'elles sont seules dans cette pièce,et je n'ai rien entendu jusqu'à maintenant, et ce long cri glacé. Le pire c'est que je n'arrive même pas à identifier son propriétaire, est-ce Lune, ou la pute?

Que dois-je faire? Je sais très bien que si elle était en danger Lune ne m'appellerais pas, je crois qu'elle préfèrerait crever plutôt que s'abaisser à demander de l'aide. J'ai vraiment pensé ça? C'est vraiment ce que je pense d'elle? Allons vieux débris c'est ce que tu sais d'elle, mais au fond de toi tu espère qu'il n'y a pas que ça, qu'il y a autre chose...

Putain les femmes me... enfin plutôt ces femmes, j'ai encore décroché la timbale, un de ces jours je vais dans un pays chaud et décomplexé et je prend la première ivrogne qui passe.

Ah ah très marrant le Roi Ihsahn vous a ramené une prostituée brésilienne mes chers sujets, elle danse la samba et fais des massages bien sûr bien sûr c'est tout à fait mon genre ça. Je devrais me taper une humaine tant qu'à faire, je n'aurais aucun mal à lui faire croire que je suis un demi-dieu. D'ailleurs je suis un demi-dieu, pour eux en tous cas c'est ce que nous sommes.

Ulva essaye de me distraire en faisant semblant de me mordiller le mollet, adorable cette petite elle a senti mon trouble, je joue un peu avec elle en simulant la douleur, on rigole ensemble, je lui dis que je l'aime et elle me répond qu'elle ne me quittera plus jamais. J'ai beau lui expliquer qu'on va sans doute se barrer en Egypte puis faudra bien rentrer à Ultima, même si j'ai abandonné le Clan j'ai toujours un manoir à gérer, mais elle ne veut rien savoir, c'est elle et moi et celà sera toujours ainsi. Elle me confie alors une immense nouvelle: elle est prête, prête à transmettre son sang, prête à s'accoupler pour me donner un nouveau Brann. Elle m'explique qu'elle sait très bien ce qu'il en est, qu'elle ne pourra pas prendre le premier mâle venu, qu'elle me fait confiance quoi qu'il arrive.

Je me met à genous et l'enserre entre mes bras, lui promettant que tout se passera très bien.

Cette nouvelle m'a redonné une sacrée banane, je me décide à entrer dans la petite pièce quelles qu'en soient les conséquences. D'une légère poussée de la main je fais pivoter la lourde porte métallique du cachot, et m'arrête brusquement.

La scène d'apocalypse qui s'offre à mes yeux est d'une cruauté sans nom. Tétanisé, je ne peux même pas ouvrir la bouche pour crier, je ne peux que contempler l'indicible horreur à laquelle mon âme assiste, bien malgré elle.

Heureusement que je sais déjà que j'irais en Enfer...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Ihsahn" (06.01.2009, 10:57)


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15. 01. 2009, 17:46

Je ferme les yeux un moment. Je dégouline de sueur, j'ai le souffle court. La lumière dansante des torches dessinent des arabesques brûlantes derrière mes paupières. J'inspire un grand coup... mais ne parviens pas à rouvrir les yeux. Non, je sais à quel point ça va être dur, et je ne me résous pas à cette... non, ce n'est même pas de la culpabilité... juste du mépris et du dégoût... tant de haine... Je sens la colère s'estomper peu à peu, la rage bouillonnante se refroidir, tout mon élan s'atténue. Cette déferlante de rancœur et de désir de souffrance a fini de s'écouler en mon être, elle s'est complètement répandue sur le sol, en un flot écarlate à l'odeur vicieuse et suave. Et mes veines se sont vidées de leur cruauté vengeresse en même temps que les siennes répandaient sa non-vie sur les dalles froides et sombres. Allez ma grande, il va bien falloir que tu contemples l'immondice issue de ta damnation...

Avant de soulever les paupières, je prends un instant pour repenser aux dernières heures. Pendant tout le trajet jusqu'ici, je n'ai pas lâché un mot, gardant à l'intérieur chaque émotion et chaque pensée. Puis, du moment où la porte du cachot s'était refermée sur mon dos, ce sang plein d'une rage centenaire et dévastatrice, ce sang sauvage et brutal, ce sang qui n'était pas le mien, avait pris le dessus. J'avais lâché la bonde de la fureur de mon orgueil et de ma folie monstrueuse.

Au départ, elle n'avait même pas frémi, pas même crispé la mâchoire. Mais je savais où je voulais en venir, et les premiers coups n'étaient portés que dans le but d'exalter ma rage, déjà bien grande et bouillonnante pourtant. Les poignets dans des carcans d'acier, suspendue au milieu de la petite pièce froide, les chevilles enserrées dans un seul étau enchaîné au sol, elle était impuissante, totalement, complètement dans l'incapacité de faire quoi que ce soit contre son sort. Et le simple fait de la sentir trembler de dégoût et de fureur au contact de mes mains sur elle, la simple vision de sa colère impuissante… quel plaisir sauvage et cruel m'envahissait des pieds à la tête à cette vue… Oui, j'étais bien décidée à faire payer cette chienne, en plus de la faire parler. Elle allait regretter amèrement son dédain, et surtout, elle allait se mordre les doigts de m'avoir ainsi sous-estimée, et d'avoir touché à l'intouchable. Je voulais que chaque parcelle de son être soit transpercé de douleur, je voulais saturer chacun de ses nerfs de la plus atroces des souffrances, je voulais qu'elle ait mal jusqu'aux fondements de son être, je voulais qu'elle regrette chaque vie qu'elle avait volé. Ma rage monstrueuse, ma rage d'hybride, était une lave qui inondait mes veines avec violence, prenant de plus en plus de puissance, dépassant tout, à part peut-être la cruauté qui m'emplissait l'esprit. Je perdais peu à peu mon contrôle intérieur.

Quelque chose avait du lui souffler qu'il valait mieux pour elle que je craque totalement et que je l'abatte sur-le-champ dans un accès de fureur incontrôlé. Mais toutes ses provocations, ses insultes, n'eurent pour effet que d'attiser la flamme parfaitement maîtrisée de mes desseins, et pour réponse de simples sourires carnassiers. Puis on avait commencé le "travail" dans toute son ampleur, et elle avait peu à peu compris qu'elle n'avait aucune chance. Elle avait peu à peu vu quels tourments l'attendaient, et cette horreur effarée que j'avais le délice de lire sur ses traits racés et tendus, avait été un carillon de plaisir sonnant l'avènement de sa défaite et de sa souffrance. Oh comme j'ai honte de la jouissance ricanante qui m'avait envahie lorsqu'elle avait admiré avec effroi son sang se répandre sur le sol, comme j'ai la nausée en repensant à l'excitation qui me faisait frissonner chaque fois que je sentais les vibrations de ses hurlements monter de plus en plus prêt de ses lèvres puis se bloquer subitement au prix d'efforts surhumains et cuisants, et comme je suis écœurée de la joie triomphante et profonde qui fut la mienne tandis que je voyais toute la morgue de son regard se teinter peu à peu d'une peur sans nom tendant fatalement vers des larmes honteuses et suppliantes… Oh! Quel plaisir vengeur et cruel a pu être le mien! J'en avais le cœur plein, rempli à l'extrême, et je m'en gorgeais avec délice… Maintenant je le vomis, là où mon âme aurait du se trouver. Et j'ai peur d'y retourner ne serait-ce qu'en pensées.

Mais le pire… le pire ce fut son cri. Il m'avait traversée comme une foudre infernale, le hurlement vicieux d'une banshee, la musique criarde des Enfers. Il était sa souffrance, il était son jugement. Il fut ma sentence, moi qui était le tortionnaire pourtant. Ce long cri froid, glacé comme le néant, c'était toute sa force qui s'échappait par sa gorge, sous la forme de vibrations tranchantes comme son fiel perdu, c'était le glas de son honneur, l'abdication de son orgueil. En cet instant, elle avait été comme ces tyrans qui d'un seul coup ploient et se brisent, pour ne devenir alors que de pauvres créatures à l'égarement pathétique et à la douleur pitoyable. Et moi, à l'intérieur, dans ce chaos qui m'envahissait, je hurlais avec elle, je hurlais à m'en arracher la gorge, à m'en déchirer les cordes vocales, à m'en vriller les poumons, je hurlais aussi fort que ma douleur, aussi profond que mes meurtrissures, je hurlais aussi fort qu'elle. Mais personne n'entend ce genre de cri. Non. Personne ne comprend l'immonde souffrance qui lacère bourreau de l'intérieur. Personne ne comprend ces affres-là. Et moi, j'étais sur le point de me briser à mon tour, avec elle, sous le poids de sa douleur. Peut-être était-ce cela au fond, que j'avais voulu depuis le début, peut-être que la finalité de tout ceci n'était que la recherche de mon châtiment dans son propre supplice, créé par ma main…

L'équilibre… encore et toujours l'équilibre… ma vengeance aussi avait un prix…

J'étais tombée à genoux dans le sang qui baignait le sol, les poings serrés, la mâchoire distordue dans ce hurlement de silence qui n'en finissait pas de raisonner en mon âme comme le sinistre tintement de ma folie. Mille épées rouillées de larmes, plantées en mon cœur par les mains tourmentées de mes fantômes perdus. Les yeux exorbités, je contemplais les éclaboussures écarlates de ma chute qui se faisaient cristaux teintés sous les clins d'œil des flambeaux. Et je voyais briller dans leurs facettes sanglantes, le sourire narquois de la mort, les rictus moqueurs et cruels de la fatalité, qui m'avaient étreint brutalement le cœur, faisant cesser cet égarement insensé, calmant avec rudesse les battements douloureux de ce qui restait encore dans ma poitrine. Mon visage avait repris son impassibilité, sa froideur de marbre. J'étais devenue de nouveau cette statue aux yeux bleus, qui seuls n'étaient pas de pierre.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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15. 01. 2009, 17:47

Je m'étais relevée lentement, avec toute la mesure dont j'étais capable. Bien droite devant elle, j'avais plongé le gel de mes yeux dans le néant des siens, qui ne m'évoquaient plus la moindre crainte désormais. Ils avaient perdus cet éclat terrifiant qui leur avait conféré tant de profondeur et de glace. Ils avaient perdu l'orgueil qui les faisait briller. Je n'avais éprouvé aucune joie. J'avais gagné. Je l'avais broyée dans mon poing, je l'avais humiliée, je l'avais dominée. C'était fini. J'avais eu ma revanche. Maintenant, il ne me restait plus qu'à obtenir ce que d'autres voulaient, et à la livrée à ses véritables bourreaux. Elle tremblait de tous ses membres, prise de spasmes incontrôlables, les muscles tendus, crispés à l'extrême. Ses paupières scarifiées de marques qui ne s'effaceraient sûrement jamais complètement, semblaient lourdes, et chaque fois qu'elle les abaissait, je pouvais distingué les deux lettres gravées dans la fine couche de chair. T… C… chacun y verrait ce qu'il voudrait. Le temps les polirait, leur donnerait l'aspect d'une nacre pâle et presque invisible, mais moi je savais que pas à un seul instant dans son esprit, elles ne disparaîtraient, que pas une seule seconde, elle ne les verrait faiblir…

Un filet de sang coulait au coin de sa bouche. Elle avait levé un regard sombre plein d'une haine indescriptible.
* Tu vois, maintenant tu comprends ce que c'est…*
Avais-je pensé. J'avais approché mon visage du sien, et avais murmuré, doucement :

- J'avais bien dit que tu hurlerais… Maintenant tu vas me dire ce que le seigneur Ihsahn a besoin de savoir…

Pour toute réponse, elle m'avait craché à la figure le sang et le fiel qu'elle avait sur la langue. Un spleen immense s'était emparé de moi, illuminant mon regard comme la lune éclaire la glace sur les mers. Nos yeux liés, elle semblait de plus en plus agitée, comme si elle ne supportait pas ce qu'elle voyait. *Quoi? C'est de voir tout ce que mes dieux ont craché eux aussi dans mon être, qui te met dans un état pareil? Ou c'est simplement que tu y vois qu'un être tel que toi ou moi n'a plus sa place au côté des Créateurs, quel que soit sa voie? Ton Dieu t'a autant oublié que les autres… Non… ne pleure pas, ce n'est pas à toi de verser des larmes… * J'avais senti quelque chose rouler sur mes joues, dessinant des sillons tourmentés dans le sang qui les maculait. Puis je m'étais détournée, le temps de nettoyer mes jambes dégoulinantes. J'avais remis ma tenue d'Ultima avant de m'enfermer avec elle dans le cachot, et aucune goutte de sang ne la maculait encore, à part sur les bottes. Après avoir essuyé ces dernières, il n'était resté pour seule trace sanglante, que ce nuage aux nuances changeantes, sur mon visage, parcouru des sillons d'une triste pluie.
Les questions, les coups et les réponses arrachées s'étaient enchaînés sans que je vis vraiment le temps s'écouler. Les secondes étaient devenues larmes sèches figées dans le vermeil, les minutes des flashs d'images anciennes ou oniriques. Je laissais parfois un peu de temps à son corps pour se régénérer, lui faisant boire mon sang de force pour la tenir plus éveillée. Et malgré ses pauvres efforts pour tenir ou mourir plus vite, malgré ses regards plein d'une haine bien pâle et maladive en comparaison de ce dont je l'avais vu capable, les réponses étaient tombées les unes après les autres. Pauvre petite capteuse d'esprit tombée entre les main d'un être d'une race ayant visité les recoins les plus sombres de la souffrance physique… Croyais-tu vraiment pouvoir résisté, malgré tes siècles d'existence et de crime au nom du Ciel? Même avec tout cela tu ne peux égaler ce que les humains ont perpétré… Même en ayant tenté de le reproduire, même en l'ayant vu subir… Non… Tu n'avais que trop peu de chance…

La feuille de parchemin se noircissait de lettres au même rythme que le sol disparaissait sous un flot de plus en plus profond de sang. Maintenant tout ce qui devait y figuré est couché sur le papier, vierge de la moindre touche rouge. J'ai réalisé ma tâche, j'ai accompli ma vengeance, il est temps maintenant de sortir, et pour cela je dois ouvrir les yeux. Allez…

La porte s'ouvre, m'épargnant d'incertaines hésitations. Je me tourne vers l'importun, qui est comme je pouvais m'en douter, le seigneur des lieux. Je m'étonne qu'il n'ait pas débarqué plus tôt… Il est plus patient que je n'aie pu le penser. Il arbore un air horrifié. Ah… tiens… Il ne s'attendait pas à ça de ma part… à moins que ce ne soit le carnage en lui-même qui l'écœure à ce point… Oh bah mon grand, t'as bien du en voir des pires que ça… non?

Il faut bien avouer que la créature accrochée au centre de la pièce n'est pas en très bon état. Le corps presque entièrement privé de peau, certains membres formant des angles inhumains, certains composant de l'organisme écarteler et placés à des endroits où ils n'auraient jamais du être… Et j'en passe. Les seuls choses encore à peu près intactes d'Isabella sont ses yeux et ses oreilles. Ce sont également les seuls parties de son corps dont les marques ne s'effaceront pas. En effet, quand on sort d'une fabrique à monstres, on sait un bon nombre de façons de les abîmer, et dans ce cas rien de plus facile que quelques scarifications ou amputations minimes… des toutes façons ses lobes ne lui servaient à rien…

Je suis là, à quelques pas d'elle, les bras ballants, le parchemin à la main, et je l'observe. Mes yeux font les moindres contours de son visage marqué par le temps, prenant soin d'éviter toute fois ses yeux. Au bout d'un temps, il pose à son tour son regard sur moi. Refusant de lire ce qui s'y trouve, je préfère encore regarder Isabella. Son organisme sanguinolent est entré en régénération, je peux déjà en voir les effets, bien qu'elle ressemble encore plus à un morceau de viande qu'à un véritable être humanoïde. … J'exagère un peu, son visage est moins atteint que le reste, quand même… N'empêche qu'elle n'est qu'un amas rougeâtre sanglant. Le sol est un miroir pourpre posé sur le noir des pavés, les murs sont des fresques incarnates aux rehaussements grenats. Seule entité immaculée et inaltérée par ce venin rubis, moi… Enfin presque, et je sais qu'il est trop tard pour tenter de dissimuler l'unique trace de sang visible sur ma personne. De toute façon cet fierté-là je l'ai piétinée depuis bien longtemps déjà… Faisant comme si de rien n'était, je lance tout en le dépassant pour finalement m'arrêter sur le seuil extérieur, lui mettant au passage le papier entre les mains :

- Sire Ihsahn, j'espère que vous n'avez pas trop attendu, et veuillez m'excuser d'avoir été si longue. J'ai réuni toutes les informations recueillies, vous jugerez par vous-même de leur utilité.
Sortant l'enveloppe dérobée durant ma fuite du camp, je la lui tends tout en poursuivant, l'air morne mais la voix bien plus blanche et tremblante que je ne l'aurais voulu. Je vous remets également ceci, en espérant que cela vous sera d'une quelconque aide. Maintenant si vous me le permettez, votre majesté, je vais me retirer dans les appartements qui m'ont été dévolus et y rester jusqu'à ce qu'une éventuelle raison m'en fasse sortir. Si vous avez besoin de ma présence, je suis à votre disposition, pour quoi que ce puisse être, dans la mesure du possible.


Je tourne le dos sans attendre la réponse, contenant de plus en plus difficilement mon trouble et mon agitation.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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