Vous n’êtes pas connecté.

Bonjour, visiteur, bienvenu sur les forums Forum BloodWars - www.fr.bloodwars.net. Si c’est votre première visite, nous vous invitons à consulter l’Aide. Elle vous expliquera le fonctionnement de cette page. Pour avoir accès à toutes les fonctionnalités, vous devez vous inscrire. Pour cela, veuillez utiliser le formulaire d’enregistrement, ou bien lisez plus d’informations sur la procédure d’enregistrement. Si vous êtes déjà enregistré, veuillez vous connecter.

1

07. 09. 2008, 14:40

[RP Privé Turmac & Evangéline] Goutte, goutte, goutte de sang...

INTRODUCTION :

La troisième guerre mondiale avait pris fin... Non pas que les différents états aient signé armistices et traités de paix, mais bel et bien car il n'existait plus un seul gouvernement digne de ce nom sur Terre. Tant et si bien que l'humanité connu ce qu'elle avait redouté depuis des siècles : une guerre nucléaire...
Les bombes ravagèrent la surface du globe, plongeant la Terre dans un hiver nucléaire qui se solda par la disparition de près de 50% des espèces vivantes.

Dès lors, les humains s'organisèrent en petits groupes afin de survivre...

Notre histoire commence après l'hiver nucléaire ; la Terre connait une augmentation des températures rarement atteinte. 75% de la surface terrestre n'est que désert. Une petite communauté d'humains s'est installé au point 49°52 de latitude Nord, 42°23 Latitude Est.
Le lieu était idéal ; un vieux puit donnait encore de l'eau et il semblait qu'une partie du sol était encore fertile...

"La foi, pour celui qui se tient au bord de tout ce qu'il connaît, et qui s'apprête à se jeter dans l'obscurité, c'est la certitude qu'il ne peut se passer que deux choses : qu'il trouvera sous ses pieds quelque chose de solide, ou qu'il apprendra à voler"
Horus Lupercal.

Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Turmac" (07.09.2008, 14:44)


2

07. 09. 2008, 17:02

Farniente… fournaise… soleil brûlant… une chaleur torride qui écrasait tout comme une chape de plomb en fusion et recouvrait chaque parcelle de monde qui existait encore. Et trop, c’était trop.

Mes lèvres étaient sèches comme un papyrus au fond d’un tombeau dans le désert, ma bouche était aussi aride que l’étendu de poussière que je pouvais apercevoir depuis le haut des palissades de bois. Et cette pauvre petite ration d’eau terreuse et chaude qui n’égalait même plus une pinte depuis quelques jours… J’étais en train d’agoniser à petit feu dans le grand brasier de cet univers détruit par la grande Guerre, ce n'était plus vivable. Et la déshydratation, pour une jeune fille délicate comme moi, est un supplice. C’est pourquoi j’ai commis pareil forfait. Enfin laissez-moi vous décrire un peu l’endroit, peut-être comprendrez vous mieux les choses…

Notre petite communauté, ramassis poisseux de survivants de divers horizons, est établie en plein cœur d’une immensité rocheuse et aride, couverte de poussière et d’éminences pierreuses, au milieu de laquelle émergent quelques rares végétaux racornis encore capables de sortir de terre et de s’élever un tant soit peu vers le ciel. Notre « village », si on peut appeler ainsi cette chose délabrée, est un groupement minuscule, en comparaison de l’espace vide qui l’entoure, de petites huttes de terre et de briques grossières, de cabanes de bois et autres édifices rudimentaires au possible. Petit ilôt de "vie" au milieu d'une immensité de désolation parsemée d'arbres morts et noircis tels de sinistres cadavres figés dans leur souffrance. Très joyeux et d'un raffinement admirable, je vous assure... Bref un exemple flagrant de ce qu’est devenue l’espèce humaine aujourd’hui. Enfin, au moins, nous survivons. Et la seule raison d’ailleurs à cette persistance de nos misérables existences, est la présence inouïe d’une source d’eau. D’un puits, plus précisément. Son eau trouble, au même arrière goût de poussière que l’air desséché que nous respirons, nous permet de subsister tant bien que mal, et c’est déjà mieux que rien. Bien que des fois, je me pose sérieusement la question…

Enfin bref, tout ce précieux liquide tiré chaque jour à la force des bras est bien entendu rationné de façon draconienne et chacun ne reçoit qu’une seule dose par jour, quel que soit son âge, sa taille, son sexe ou son rang au sein de cette pâle imitation de communauté. Et moi, j’en avais par-dessus la tête de cette soif incessante qui me taraudait la langue et me tiraillait les entrailles. Et comme je pars du principe que j’obtiens tout ce que je désire… enfin voilà, vous voyez ce que je veux dire. Et maintenant, je me retrouve devant le pantin qui se prend pour le chef. « Monsieur le maire » qu’il veut qu’on l’appelle, parce que selon lui, ce genre de terme et de désignation de supérieur qui se rapportent à une organisation de société et autres simagrées du genre, cela rassure les gens et leur donne une relative impression d’être cadrés et un tant soit peu protégés… Faut-il être naïf…

Enfin bref, je me trouve dans sa hutte (une véritable étuve entre nous…), encadrée par les deux malabars qui lui servent de gardes du corps, et je peux vous assurer que cette bande de joyeux crétins n’a pas l’air commode en cet instant. Tout ça pour une petite ration de ce liquide saumâtre qui ne ressemble même plus à de l’eau ces temps derniers…

Pour être honnête, ce n’est pas le première chose que je subtilise pour mon usage personnel. En revanche, c’était bien ma première tentative en ce qui concernait la denrée la plus précieuse. J’aurais mieux fait de m’abstenir. Mais bon, sur le moment, j’avais trop soif, et entre nous, me priver pour cette bande d’imbéciles n’est pas dans mes priorités. Le faire tous les jours m’horripile déjà bien assez…

Depuis que ces foutues bombes ont explosé, c’est une manie d’ailleurs chez les humains que nous sommes, enfin plutôt, qu’ils sont parce que plus les choses avancent, et plus je me sens différente de ces benêts, que de n’agir qu’en fonction de la « communauté ». Ce doit être leur mot préféré ça « communauté ». Suivi de pas loin par « bien commun » et « intérêt général ». Je n’aurais d’ailleurs que deux choses à dire à ce sujet : "Quelle bande d’hypocrites!" Et "Sans moi…". Sérieusement! Avant, quand leurs miteuses petites vies allaient bon train et qu'ils s'emplissait tous les poches, médisaient les uns les autres et faisaient tout pour écraser leur voisin, c'était presque s'ils ne donnaient pas moins encore qu'aujourd'hui. À la différence que là, ils ne donnent plus grand chose parce qu'ils n'ont plus rien. Bref, une belle équipe de faibles et de lèche-botte. Moi, je pense à moi, pas à eux, et je n'ai pas honte de le dire, contrairement à ces vermines peureuses et soumises qu'ils sont devenus. Des fois, leur bêtise et leur niaiserie m'indisposent tellement que j'ai envie de hurler. C'est vous dire à quel point j'ai encore de l'estime pour l'espèce humaine…

Enfin voilà, et maintenant, l'autre a commencé un discours moralisateur de seconde catégorie dans le genre que sortent les parents sans autorité à leur progéniture quand elle vient de mal agir… vous voyez le genre? " C'est pas bien ce que tu as fait là!! Il faut pas recommencer! C'est pas bien du tout! Bouuuuh!!! Pas beau pas gentil!!Il faut être sage et gentil!! Pas bêtise!! Gentil!" … pffffff… parle à mon cul ma tête est malade troufion…

Je ne l'ai même pas écouté cet empoté… comme si j'avais que ça à faire en plus! J'ai plus quatre ans et j'ai pas envie de l'entendre me casser les pieds avec des bêtises de prolétaire attardé et utopiste… Enfin vous me direz, je ne sais même plus quel âge j'ai. Je ne sais même pas en quelle année nous sommes! C'est vous dire… Je crois que j'avais seize ans, bientôt dix-sept il me semble, quand les bombes ont explosé et éradiqué plus de la moitié de la population mondiale. Et je suis bien incapable de vous communiqué le temps qui s'est écoulé entre le moment où nous sommes arrivés ici et aujourd'hui. Sans parler du temps que l'on a mis avant de tomber sur ce trou à rat. Enfin de toute façon, je n'ai plus l'âge de me faire réprimander de la sorte comme une vulgaire gamine de campagne, et ce gros lourdaud m'irrite au plus haut point. Qu'il m'explique d'abord comment il fait pour avoir autant de bedaine avant de me dire pourquoi je ne dois pas prendre plus que ma micro pinte d'eau journalière! Espèce d'ordure puante va… Si ça ne tenait qu'à moi, j'en prendrait trois par jour minimum de ses rations débiles, alors qu'il s'estime heureux que je ne le fasse pas… Abruti…

- … de ce fait un crime contre la communauté ce qui nous mène inévitablement à une sanction, jeune fille. Et je me verrai donc obligé de…

Il va pas me faire ça ce trou du cul?! Non! Quand même pas! Il ne va pas…

- … sévir, malgré votre âge et votre sens des responsabilité relativement peu développé. Cette fois-ci, je serais clément. Toute autre personne adulte aurait été bannie, mais je ne pense pas que la communauté apprécie qu'une jeune femme à peine sortie de l'adolescence se retrouve livrée à elle-même en milieu hostile sans provisions ni moyen de survie, sans parlé des créatures qui…

Ouf… Je vais pas me retrouver à bouffer des racines d'arbres morts avant de finalement manger ces derniers par la racine… dans le désert sans une goutte d'ombre, la peau brûlée au premier degré, mourrant peu à peu de faim… brrr… rien que d'y penser j'en frémi! Quelle horreur… Comme quoi, même si j'ai toujours eu du mal à avoir l'air gentille et sage quand je suis de mauvaise humeur, j'arrive encore assez à cacher mes émotions pour qu'il ne me foute pas à la porte direct à coups de pieds au derrière… quelle bande de lavettes…

Enfin, même s'il ne le dit pas, il y a d'autres raisons au fait qu'il ne me condamne pas à une mort certaine dans ce désert parcouru de pluies radioactives et de monstres irradiés. En effet, en plus d'être belle, intelligente, consciente de leur débilité profonde et une voleuse agissant plus pour son propre bien que pour celui de la communauté, je suis également des rares ayant reçu un semblant de formation militaire et sachant se battre.

En effet, d'origine anglaise, j'ai passé les dix dernières années paisibles de ma vie en Chine, entre une espèce de temple monastique bizarre et une base militaire. Mon père, un haut gradé, m'avait fait enseigner durant ces quelques années, les combats au corps à corps, les armes à feu. Et le reste du temps, ces gentils religieux s'étaient pris d'affection pour ma jolie petite tête blonde et m'avait enseigné comment me servir d'armes traditionnelles de chez eux, de manière plutôt étrange d'ailleurs, mais diablement efficace. Et ça, ce gros dégénéré doucereux ne pouvait pas l'oublier, parce que même si je faisais mon possible la plupart du temps, pour être insupportable, je lui étais quand même drôlement utile quand il y avait des problèmes de sécurité et autres inconvénients dû à un quelconque assaillant externe. Oui non mais parce qu'il faut pas trop rêver non plus : leurs pauvres pieux de bois qui entouraient le campement ne résistaient jamais longtemps aux créatures qui tentaient de venir festoyer à notre table...
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (07.09.2008, 17:11)


3

07. 09. 2008, 17:02

He he he… je jubile! Je vois bien qu'il rêve de me foutre dehors et de me voir crever de soif au soleil, ce gros porc! Mais pas de bol, tu peux pas mon grand… mouahaha…

- C'est pour cela que, par pure bonté d'âme et pour le bien commun…

Vous avez vu sa capacité à placer ce genre d'expressions débiles dans toutes ses phrases? Moi je trouve ça vraiment impressionnant tout de même… Mais quelle chiffe-molle…

- ... j'ai décidé que tu résideras désormais avec quelqu'un qui s'occupera de t'inculquer quelque valeur de citoyenneté et qui t'apprendra à bien vivre dans la société que nous tentons de rebâtir et de faire vivre de nos jours.

Et merde… c'était trop beau pour être vrai, il ne pouvait pas s'empêcher de me faire une crasse… Mais quel enculé… Un jour j'aurais sa peau à cet empaffé! Non mais pour qui il me prend! Une orpheline instable? Mon cul oui! Depuis que je suis ici, il fait tout ce qu'il peut pour m'enlever ma cuillère en argent de la bouche! Et moi, je ne suis pas décidée à la lâcher, même si elle ne m'est plus d'aucune utilité.

Il a déjà tenté de me placer dans une famille, mais ça a légèrement foiré comme qui dirait, et je pensais qu'il avait abandonné cette foutue idée de me mettre sous l'autorité d'un quelconque bouseux absurde. Apparemment non, et il me semble même, à la lueur d'entrain que je vois briller dans ses yeux, qu'il a trouvé la perle rare parfaite pour me faire valser les joyeuses. De toute façon, je suis au-dessus de tous ces moutons idiots et sans cervelle, et qui que ce soit, il se lassera vite de me faire la morale.

- C'est pour ton bien que nous le faisons, mon enfant. Et je pense qu'il est urgent que l'on t'apprenne le respect et l'abnégation. Ta bienséance et ton maintien sont pleins de lacunes qui te mettent en déshonneur dans la collectivité, et il faut réparer cela.

J'enrage!! J'exulte!!!! Je brûle, presque autant que le soleil dehors, de lui hurler qu'il n'est pas mon père, que mon éducation n'a rien à se reprocher, et que s'il a à s'en plaindre, et bien que rien ne l'empêche de m'envoyer voire s'il y a des cons aussi écœurant que lui ailleurs, en plein milieu de la lande désertique. Mais je me retiens, il serait trop content de me voir dans un pareil état de fureur et d'impuissance rageuse. Je m'empourpre toute fois d'indignation sous l'insulte, et soutiens son regard en le gratifiant d'un rictus méprisant et acide. Non, je ne m'abaisserai pas à lui faire ce plaisir, et je reste la tête haute, bien décidée à lui montrer que son autorité n'est qu'un nuage de vapeur que je souffle encore et toujours plus loin à chaque fois que mon regard se pose sur sa répugnante personne.

- Et, après maintes négociations, c'est chez Terrence que tu logeras et suivra un "redressement". C'est quelqu'un de tout à fait charmant, crois-moi, et je suis sûr que vous vous entendrez bien. Lui et moi sommes d'accord sur le fait que la délinquance n'a pas sa place parmi nous, et il saura t'apprendre le respect et l'obéissance.

Le chien!! Le bâtard!! Pourceau du diable! Il a osé! "Délinquance"?! Chez le vieux Terrence!!! S'il voulait me pourrir la vie, et bien c'est réussi!! Il m'humilie même par la même occasion! Ah si seulement mes parents étaient encore là… ce seraient eux qui dirigerait ce monceau d'incapables et je n'aurais pas à subir pareilles infamies! Mon visage se ferme, ma voix se fait glaciale, mes yeux flambent de courroux :

- Si les cochons savaient dirigés des hommes, peut-être aurions-nous la chance d'être mieux orientés. Seulement, ce n'est pas de pot, les porcs ne sont bons qu'à dévorer et à piétiner. Et nous sommes dévorés par la bêtise du porc qui nous administre comme on piétine de la nourriture vitale. Vous pouvez être fier, Monsieur le maire, notre Père tout puissant a permis à un verrat de se prétendre un homme et d'écraser de son sabot boueux la face de ceux qui sont censés le nourrir… Vous devriez être honoré de cette grâce… Et sans vouloir vous offenser, votre braguette est ouverte…

Empourpré désormais bien plus que moi, cet imbécile, porte instinctivement ses mains et son regard à son pantalon en un geste de surprise et de honte, avant de se rendre compte qu'il n'y a aucune fermeture éclair. Je le regarde de haut tandis qu'il boue littéralement sur place, tremblant de tous ses membres et bégayant des insultes incompréhensibles. Ça lui apprendra à médire sur l'éducation que mes parents m'ont offerte. Je connais les bonnes manières et le respect en plus! … Mais seulement si je veux. Et cette vie qui nous est imposée désormais à nous, humains faibles et sans ressources, ne me donne pas du tout envie d'être agréable avec leur monde.

Je lui octroie un sourire éclatant et plein de moquerie, les yeux pétillants des insulte proférées et de cette puérile mais tellement jouissive vengeance. Ce n'est pas parce que cette truie imbue d'elle-même se croit débarrassée de moi que je vais lui foutre la paix… il va en bavé ce con, c'est moi qui vous le dit.

Le vieux Terrence… en fait il n'est pas forcément très vieux… en fait on en sait rien… c'est un grand black barraqué, qui ne connaît pas le mot "chemise" et qui n'ouvre jamais la bouche. Dans le genre pas marrant et rébarbatif, on pourrait l'élire vice-président du conseil à mon avis. Sûrement encore un de ces dégénérés mentaux qui s'offre corps et âme à la "communauté" et qui va me pourrir la vie jusqu'à ce que moi aussi j'arrive à parler du "bien commun" à chaque phrase, qui va m'apprendre le respect en me foutant quinze jour sous une benne, au pain sec avec une goutte d'eau par jour ou autres méthodes débiles de vieux grincheux coincés et chieurs qui prennent un malin plaisir à vous rendre l'air irrespirable. Et puis, même s'il est sympathique, ce dont je doute fort, je ne veux pas y aller, pour la simple et bonne raison que je ne veux ni ami ni famille. On va tous crever, j'en suis sûre, c'est une évidence, alors autant le faire seul. Je n'ai pas envie de perdre deux fois tout ça.

- PETITE PESTE!!!!!! HORS DE MA VUE!!!!!! EMMENEZ-LA!!!!!!!!!!!!! ET QUE JE NE LA REVOIS PLUS AVANT QU'ELLE NE CONNAISSE LE RESPECT DE SES SUPÉRIEURS!!!!!!!

Sur ces mots qui manque me faire exploser de rire, les deux molosses me saisissent chacun par un bras, et me poussent vers la porte branlante (oui, c'est un des rares privilégiés à s'être octroyé une porte… quelle ordure…). Je proteste et tente de me défaire de leur étreinte de fer. 'Tain c'est qu'il ont de la force ces deux là! J'en ai mal tellement ils serrent fort!! Bon, c'est peut-être aussi que je me débats, donc ils sont un peu obligés de forcer…

Je m'agite dans tous les sens, et ils finissent par me soulever de terre. Je vocifère un flot d'injures bien salées, criant et vociférant avec véhémence. Les quelques rares personnes qui mettent le nez dehors par cette chaleur d'enfer nous regardent passer avec des airs tantôt intrigués et inquiets, tantôt amusés. Et moi, je me secoue en vain dans tous les sens en piaillant, enrageant de plus en plus. Bientôt, à l'autre bout du "village", on peut apercevoir une petite hutte isolée. Mon nouveau logis apparemment… ouais… youpi...

C'est donc en m'annonçant par des protestations bruyantes et peu polies, que nous nous arrêtons devant l'entrée, l'un de mes porteurs toquant contre la paroi usée de soleil et de temps. Prenant une mine boudeuse et contrariée, je me tais enfin, au soulagement de mon escorte personnelle. Couillons va… Des pas se font entendre. Bizarrement, je ne sens aucun entrain dans le personnage qui vient d'apparaître dans l'encadrement de l'ouverture…Au moins, on sera sûrement d'accords sur un point…
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Evangéline" (07.09.2008, 17:18)


4

07. 09. 2008, 18:50

Où en sommes nous donc arrivés.. ? Après plusieurs décennies de guerre incessante, nous avions vu le ciel s’obscurcir et nos proches disparaître les uns après les autres… Nous avions connus et connaissions encore les conséquences de la radioactivité, de la sécheresse et des famines.
Comment en sommes nous sortis vivants..? Moi-même je l’ignore ; nous avons sans doute eu plus de chance que les autres… Nous avons tiré nos épingles du jeu, quitte à nous transformer en de véritables monstres parfois.
Mais après tout, avons nous réellement eu de la chance ? Nous avions survécu, certes, mais vivons nous désormais dans un monde en paix ? Parviendrons nous à vivre avec la culpabilité et le remord durant tout le restant de nos vies misérables ?
Entre les mutants et les lycanthropes qui rodent autour du village, nous n’avons pas le temps de rester oisifs et de penser à ce genre de choses… Il nous faut être sur nos gardes à chaque instant et toujours se tenir près à affronter un ennemi (humanoïde ou animal) qui ne nous fera pas de cadeau.

En parlant du village, le notre est plutôt modeste, à l’image de la communauté qui l’occupe… Chaumières en boue séchée, pas de portes, pas de lits mais une simple paillasse. De mon côté, ça ne me dérange pas ; cela me rappelle même mon chez moi avant que je ne quitte ma province natale pour aller me battre contre des gens dont j’ignorais l’existence, qui ignoraient la mienne et qui, comme moi, n’avait aucunement envie de mourir pour des ronds de cuir qui ne les comprendraient jamais.
Nous avons aussi un puits dont l’eau est rationnée afin que la communauté puisse continuer d’exister un minimum… Nous rationnons également la nourriture ; nous chassons les quelques mutants inoffensif qui peuplent ce désert, mais ce n’est pas une partie de plaisir.

En réalité, les choses ne font qu’empirer… Le puits se tarit de jour en jour, le gibier se fait de plus en plus rare et le nombre de mutants dangereux augmente sensiblement. Tout cela fait que je ne suis plus assez fort pour protéger le village…
Touts les anciens le savent, les jeunes l’ignorent… Je suis le gardien de la communauté. Si les autres représentent le dernier rempart, je suis l’avant-garde. Mon rôle est simple, je piste les mutants et autres nuisibles et je les tue ; ce n’est pas plus difficile que ça. Bien sûr, il arrive que quelques mutants parviennent jusqu’au village ; mais cela ne pose jamais vraiment de problème.
Le seul problème, c’est que depuis peu, les mutants passent de plus en plus entre les mailles du filet que je tends chaque jour par mes rondes incessantes autour du bled.

Tout cela m’a poussé à demander à « Monsieur le Maire » la possibilité de former un jeune pour m’assister dans ma tâche.
Il avait été ravi et un sourire malsain avait alors illuminé sa face de goret mal dégrossi… Il m’avait parlé d’une certaine Mélissande et m’avait assuré que la demoiselle était très bien pour ce rôle.
Ce lâche pensait m’avoir en beauté, mais c’était sans compter sur le fait que lorsque je protégeais le village, je surveillais aussi bien l’extérieur que l’intérieur.
Ainsi, j’avais une petite idée de ce que serait mon nouveau disciple… Cheveux blond et bouclés, peau blanche comme de la craie, une apparence innocente et pourtant une véritable petite chapardeuse qui n’en faisait qu’à sa tête sans se soucier le moins du monde de ce que ses actes impliquaient pour la communauté… Tout un programme cette gamine.

Mais après tout, je pouvais bien essayer… Le crotale administratif m’avait assuré que la petite était très sage et obéissante et qu’elle serait sûrement ravie de m’avoir pour maître.
Je savais bien qu’il me mentait et ce n’était pas pour rien… A mon arrivée dans le village, cet espèce de connard dégénéré m’avait pris en grippe sous prétexte qu’un homme de couleur tel que moi n’avait rien à foutre dans pareil région du monde. Il avait alors eu dans l’idée de m’envoyer son bras droit que j’avais redirigé dans un trou afin de lui faire bouffer les pissenlits par la racine.
C’était de bonne guerre… Malgré cela, la communauté m’avait bien accepté et même « Monsieur le Blair’ » ne me faisait chier qu’en de rares occasions.
"La foi, pour celui qui se tient au bord de tout ce qu'il connaît, et qui s'apprête à se jeter dans l'obscurité, c'est la certitude qu'il ne peut se passer que deux choses : qu'il trouvera sous ses pieds quelque chose de solide, ou qu'il apprendra à voler"
Horus Lupercal.

5

08. 09. 2008, 11:39

-ESPECES D’ENCULES !!!! LACHEZ MOI !!!! JE VEUX PAS ALLER CHEZ C’VIEUX CON !!!!

Eh ben… Ca s’annonce bien cette affaire. La petite Mélissande n’a vraiment pas l’air commode ; et encore, je ne l’ai jamais vu de près….
Et ils se rapprochent vite en plus. Sûr que les gardes de l’autre abruti ne veulent pas l’avoir dans les pattes plus d’un quart d’heure. Quel espèce de trou du cul sans fesses ce Gizmo… Il a vraiment décidé de me pourrir l’existence avec cette gamine.
Il sait bien que j’arriverai à la mettre au pas ; mais il ne me facilite pas la tâche… Quelle ordure.

Les gardes frappes à mon mur… Quand je pense que l’autre corniaud ne m’a même pas permis d’installer un rideau à ma porte sous prétexte qu’on avait besoin de draps pour fabriquer de la corde (corde dont a jamais vu la couleur d’ailleurs)… Malgré cela, ça n’empêche pas les gardes d’éviter de rentrer dans mon chez moi ; le bruit et l’odeur comme ils disent.
Quelle bande de cons… Je me lève et me dirige vers l’ouverture dans le mur qui symbolise ma porte d’entrée. Sur le pas de la dite porte, je tire la tronche et la gamine aussi… Faut croire qu’on est fait pour s’entendre.

-Le vieux con prend le relais. Merci messieurs…

Les gardes me saluent et partent aussi vite qu’ils sont arrivés… Je me retrouve donc seul avec miss gueule de raie ; elle n’a pas l’air si méchante et ses yeux bleus myosotis donneraient presque à cet être un côté mignon. Mais bon, quand on fait la gueule, on n’est jamais vraiment mignon.
Je n’ai même pas à lui faire signe de rentrer, elle l’a déjà fait et s’installe à ma table… Elle scrute tout mon logis et semble atterré par le manque de mobilier ou tout simplement de possessions terrestres.
Un Naginata, un arc et un carquois posés dans un angle, une paillasse, une table, une cruche, deux bols et trois pantalons… C’est vrai que ça ne pèse pas lourd. Mais cela me convient…
Après tout, je n’ai pas besoin de bien beaucoup plus ; vu que la majeure partie de mon temps je la passe en dehors du village… Et d’un côté, ce n’est pas plus mal. Ah, ça, j’ai un sens de l’abnégation assez développé et actif tant que je ne reste pas trop longtemps au contact de mes semblables. Y a qu’à les voir cette bande de lavettes ; s’ils trouvent quelqu’un pour faire le sale boulot à leur place, ils ne se gêneront pas pour le lui faire faire… Bien sûr, ils sont un minimum reconnaissant de ce que je leur évite, mais ça s’arrête là ; après tout, je ne suis encore qu’un étranger dans cette région et mes escapades en dehors du périmètre de sécurité n’est que le prix à payer pour qu’ils me tolèrent. Mais là, quand même, ça fait cher payer pour un tas de bouse séché et une ration d’eau par jour ; je n’ai même pas le droit d’emmener avec moi un nécessaire de secours au cas où il m’arriverait une tuile… Et l’arrivée de la marmaille malpolie ne va pas arranger les choses.

En parlant de la marmaille, la jeune Mélissande a posé son regard sur moi et semble m’analyser comme si je n’étais qu’un rat de laboratoire auquel on aurait injecté un nouveau sérum censé éradiquer toute forme de maladie sur Terre… Malgré un caractère de chiotte flagrant, la jeune fille n’est pas laide ; à croire que l’âme ne se reflète absolument pas sur le physique. Blanche comme un cul, blonde, aux cheveux bouclés, yeux bleus, le tout empaqueter dans un ensemble noir et blanc (chemise blanche, pantalon noir et rangers)… Une série de couteaux de lancé est accroché à sa ceinture et à un bracelet qu’elle porte à l’avant bras gauche (une droitière donc).
Je m’approche d’elle, elle continue de me fixer avec un regard qui ferait passer l’être humain pour un proche parent de la vache charolaise… Je m’assoie en face d’elle et pose mes mains sur la table, paumes tournées vers le ciel. Plongeant mon regard dans le sien, je lui lance :

- T’as envie de te barrer d’ici ? Je vais te proposer un marché… Pose tes mains dans les miennes, si tu arrives à enlever tes menottes avant que je ne les touche, tu pourras partir.
-C’est quoi ce plan chelou ? Tu me prends pour un lapin de trois semaines ? Je vais me barrer d’ici, vas-y essaye donc de me toucher les paluches.
-Donc tu acceptes mon marché…
-Un peu mon n’veu.

Paf… La demoiselle se retrouve les mains fixées à la table par la pression qu’exercent les miennes sur les siennes. Une expression de profonde surprise envahit alors le visage de miss je me la joue…
Puis, la surprise s’estompe… Elle me regarde avec un profond sentiment de haine dans le regard. Elle bout intérieurement, ça se sent rien qu’aux légers tremblements qui parcourent ses membres...

-Attends, j’étais pas prête… On recommence et je me casse.
-Non, tu as laissé passer ta chance… Maintenant, trouve toi un coin et installe ta paillasse ; on se lève tôt demain.
-Vas te faire foutre connard ! J’ai dis qu’on recommençait alors on le fait !
-Ecoutes moi bien petite effrontée, tu vas vite te calmer.
-Sinon quoi ? Tu vas me cogner ?
-Exact.
-Te gêne pas, c’est pas un papy qui va me faire mal…
-A ta guise.

VLAN… Et une mandale dans la tronche de mademoiselle-je-ne-respecte-pas-les-anciens…
La joue de la jeune fille rougis légèrement tandis que ses yeux s’emplissent légèrement de larmes ; je n’y suis pas allé avec le dos de la cuillère mais plutôt avec le plat de la main, ça a dut faire mal.
Là, elle est véritablement hors d’elle, du moins intérieurement. Elle doit sûrement penser à venir me faire la peau durant la nuit. Bah, si elle essaie, je lui recollerai une raclée…
Je fouille dans ma besace que j’avais posé sous la table la nuit dernière. J’en sors un morceau de viande séchée et le lui lance.

- Tiens, prends des forces, t’en auras besoin demain. Et après, vas te coucher…
"La foi, pour celui qui se tient au bord de tout ce qu'il connaît, et qui s'apprête à se jeter dans l'obscurité, c'est la certitude qu'il ne peut se passer que deux choses : qu'il trouvera sous ses pieds quelque chose de solide, ou qu'il apprendra à voler"
Horus Lupercal.

Ce message a été modifié 3 fois, dernière modification par "Turmac" (08.09.2008, 17:32)


6

08. 09. 2008, 19:58

- Écoute-moi bien petite effrontée, tu vas vite te calmer.

Laisse-moi rire vieux débris... Non mais il se prend pour qui le shnock? J'ai déjà bien assez les nerfs, y a pas besoin d'en rajouter une couche! Il se la joue avec sa rapidité qui force l'admiration, je dois bien l'admettre même si ça m'écorche l'intérieur du crâne, et en plus il croit qu'il va pouvoir me donner des ordres?! Non mais et puis quoi encore?! 'Tain... j'aurais mieux fait de me méfier un peu tout à l'heure et de me concentrer sur son défi ridicule au lieu de me focaliser sur un moyen de me faire la malle... Et pis vlà qu'il prend des airs menaçants en plus... Encore un qui veut remplacer mon père tiens, ils ont de l'espoir c'te bande de troufions... mais quel trou du cul!

-Sinon quoi ? Tu vas me cogner ?

En général, j'ai trois modes de comportements bien distincts : Respectueuse et agréable,
hautaine et méprisante, ou agressive et insolente. En l'occurrence, on est en plein dans la troisième possibilité. Ce type me fout dans une rage incroyable. Pire encore que l'autre gros blair', c'est vous dire... Je ne sais même pas pourquoi il me tape sur le système à ce point, mais ce qui est une certitude, c'est que pour le moment, j'ai pas vraiment envie de savoir. Tout ce que j'ai en tête là, c'est d'être mauvaise et de le pousser à bout jusqu'à ce qu'il me laisse retourner à ma chère solitude. Oui, en cet instant, je rêve d'être seule, toute seule, seule au monde. Et de voir un être humain devant moi fait monter des flots courroucés de mes entrailles.


-Exact.

Si je n'avais pas été dans un tel état d'emportement contenu, j'aurais bien éclaté de rire. C'est le pompon... Le vieillard grisonnant qui se balade à moitié à poil toute la journée veut me frapper... On aura tout vu... Je scrute le fond de ses yeux. Tiens, c'est bien un des seuls qui ne baisse pas le regard... pas comme tous ces chiens qui ne peuvent plus regarder quiconque en face... Bande de cabots méprisables...

Je regarde donc au fond de ces pupilles d'un noir venu d'ailleurs, qui sont comme deux îles au milieu de l'onde pure de ses iris limpides comme l'eau des torrents de montagnes. Il y a de la sagesse dans ce flot immobile... mais je n'ai pas envie d'être sage, je veux être seule, je veux qu'on me laisse remâcher mon mépris et mon spleen tranquille, et qu'on me lâche les bask une bonne fois pour toutes!!! Merde! Fais chier putain! ... je vois bien qu'il n'est pas du genre à parler à la légère, mais au fond, un bon coup dans la gueule ça peut pas faire de mal... Et puis ce serait bien le seul qui oserait! pfff... Je dois me tromper, plus personne n'a assez de plomb dans la cervelle et de fierté pour protéger sa dignité comme il se doit! Même pas moi... oui, même moi je m'abaisse presque au niveau que ce ramassis de larves, en me comportement comme la dernière des gamines de rue. Et pour être honnête, plus ça va, plus je m'en fous profondément, de passer pour de la marmaille de bourge qui se croit tout permis, d'être méprisée autant que je les méprise. Ouais, si ce vieux veut se faire plaisir, il va bien s'amuser. Et si son caractère est aussi flasque que celui des autres, et bien il va pas avoir la vie facile...
- Te gène pas, c'est pas un papy qui va me faire mal...


- A ta guise.
Sa main part d'un coup, je perçois juste le mouvement. Je n'essaie même pas d'esquiver. Et ZLA... La douleur se répand comme une étincelle sur une traînée de poudre dans mon visage. Ça me fait un choc. Je pensais vraiment pas qu'il le ferait. J'en reste une seconde pantoise, me délectant de ce châtiment justement mérité. Cela fait tellement longtemps déjà, la dernière fois qu'il m'a frappée... C'était quand nous... je le hais ce vieux!!! Je vais lui faire regretter d'avoir posé la main sur moi!!! Des larmes de rage montent à mes yeux, tandis que je porte instinctivement ma main à ma joue qui doit porter une jolie marque. Putain de bordel de fait chier de merde!!! Il s'est pas retenu ce sadique! Le jour où j'lui en renverrais une comme ça il va chialer cet enfoiré!

La rage, comme une oeillère, m'empêche de regarder dans la direction de ce souvenir hurlant qui est bientôt totalement couvert par les mugissements de la tempête de fureur qui me balaie de l'intérieur. Je foudroie le vieux con du regard, avec bien plus de hargne encore que je n'en octroie d'habitude à l'autre porc qui se croit roi. Je le HAIS, oui, je décide de le haïr, et je le haïrai. Il aura gagné ça... Soit fier le vieux, t'as pêché le gros lot...

- Tiens, prends des forces, t’en auras besoin demain. Et après, vas te coucher…

Il m'envoie avec toute sa délicatesse de rhinocéros, un pitoyable morceau de viande séchée. Me donner des ordres... croire que je vais courber le dos tout ça parce qu'il ne craint pas de porter la main sur moi... Et il a de l'espoir en plus. Bon, on passe en mode "glacial", option numéro deux enclenchée.
- Vous n'avez aucun ordre à me donner. Je ne suis pas ici de mon plein gré, et je ne compte en aucun cas me soumettre à la personne qui ne sera à mes yeux que mon geôlier tout au plus. Vous ne valez pas plus à mes yeux que l'immonde pourceau qui m'a mise entre vos mains. Alors amusez-vous autant que vous voulez, mais ne faites pas l'erreur de vouloir me contraindre, parce que l'on oblige personne à rien. Jouez-la plus fine que ce porc endimanché, sinon vous aurez affaire à une pierre. Et puis Monsieur trou du cul premier ne m'a jamais dit que j'aurais à me lever aux aurores par vos bons soins... alors je ne le ferais pas...

Et même s'il me l'avait dit, je l'aurais pas fait du con... Nous nous contemplons sans un mot, la tension presque palpable dans l'air. Je ferme mon visage, comme j'ai si bien appris à la faire depuis que je suis arrivée ici. Lui, aussi impassible qu'au premier abord, me détaille, et s'attarde notamment sur mes armes. Je lis dans ces yeux qu'il considère ça comme de la confiture donnée aux cochons... Pfffff... Il m'a pas vue m'en servir ce couillon à moitié sauvage! Mais... c'est pas bête ça... en plus d'être antipathique, je vais jouer les godiches, ça va ptète le motiver à me laisser me barrer tranquille... bon, pas trop non plus sinon ça sera pas crédible, mais bien assez pour qu'il soit profondément exaspéré... ouais, je commence ça dès demain... et advienne que pourra...

Sur ce, je m'assois à même la terre battue, et mâchouille en silence ma maigre pitance sans même plus accorder un regard à mon cher hôte, qui lui en revanche me toise avec une profonde irritation. Et bah tiens, c'est qu'il a l'air de pas aimer la compagnie le ptit père... Et bah vas-y! Fous-moi dehors direct! Qu'on en finisse... je sais parfaitement que t'as pas plus envie que moi de vivre avec quelqu'un... malheureusement, sa réponse n'est pas aussi à mon goût que je l'espérais... t'inquiète troufion, je t'aurais à l'usure... Je lâcherai pas de si tôt, oh que non! Crois-moi!... frappe autant que tu veux, prive, insulte, méprise... t'es pas prêt de m'avoir dans la poche, vieux fou...
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 3 fois, dernière modification par "Evangéline" (09.09.2008, 16:51)


7

11. 09. 2008, 12:21

-Es-tu un animal pour manger de la sorte ? Tu ne fais que déchiqueter la viande sans même prendre le temps de la savourer… Arrêtes donc de bâfrer ; je vais te montrer ce que c’est que manger.

La jeune fille qui viens de me faire un joli numéro de gosse pourrie gâtée me regarde désormais avec de grands yeux ronds et stupéfaits. Y a pas à dire, les choses se perdent…
Elle avait pris le morceau de viande et avait commencé à mordre dedans comme si elle n’avait pas mangé depuis deux semaines, ce que je sais être complètement impossible si l’on s’en réfère au nombre de vol de nourriture dans le village depuis une semaine. Ne prenant même pas le temps de mastiquer, elle engloutissait les morceaux à une vitesse ahurissante…
Les choses se perdent…

-Attends, grand père, j’ai même plus le droit de manger comme j’ai envie… Faut pas charrier non plus. Je bouffe comme je veux, merde.
-Pas sous mon toit et tu vas arrêter de m’appeler « grand père » également.
-Comme tu veux le fossile…

A croire que mes cinquante ans font de moi un vieillard sénile… Elle a vraiment le chic pour briser les noix cette gosse. Tout chez elle n’est que provocation gratuite et incitation à la crise de nerfs caractérisée… Je sens que je vais m’amuser à essayer de la faire devenir un peu plus responsable et adulte. Sûr qu’elle ne va pas arrêter de jouer avec mes nerfs, de me caresser à rebrousse poils juste histoire de voir à quel point je peux endurer son comportement de chiotte.
Mais pour le moment, elle a posé son morceau de viande sécher dans un bol et attend que je fasse ce que j’ai projeté de faire… Prudence, elle a surement un vieux plan foireux derrière la tête.

- Bien, alors… Pour bien manger, il faut d’abord mâcher longuement ses aliments pour imprégner le palet de toutes les saveurs que contiennent les dits aliments. Vas-y, mâche longuement… Tu sens les saveurs envahir ta bouche.
-Mgroum… C’est surtout dégueu comme barbaque.

Là je ne peux pas lui donner spécialement tort… Il est vrai que cette viande séchée n’est pas très ragoutante et que je ne la mange que quand il ne me reste rien d’autre. Et à voir la grimace que fait mon interlocutrice, elle n’a pas dut en manger souvent.

-Et puis, à quoi ça m’sert d’apprendre ces conneries… Quand je bâfrais, comme vous dîtes, je ne sentais pas le goût au moins.
-Apprendre à goûter peut s’avérer fort utile dans beaucoup de situations.
-Ouais… Genre quand y a un truc qui a une sale tronche et un autre qui parait super appétissant ; on goute comme ça on est sûr que c’est le truc qui a une belle gueule qui est le mieux à manger…
-Bon… Puisque tu ne crois que ce que tu vois, nous allons faire une petite expérience. Tiens, prend ce morceau de viande et cette fiole. Dans la fiole, il y a un poison ; tu vas en mettre sur un des deux morceaux de viande que nous avons et je les goutterai afin de deviner quel morceau tu as empoisonné…

Elle prend un morceau de viande supplémentaire et la fiole que je lui tends. Je me lève et sorts de ma demeure… J’attends une dizaine de minutes puis rentre de nouveau. Elle a mis un morceau dans chaque bol et attend. Je m’installe et saisi les deux récipients ; je mords dans un morceau et mastique longuement, je recrache le tout. J’attends un peu puis passe au suivant et fais de même.
Durant toute la durée de l’opération, Mélissande ne m’a pas quitté du regard… Et je comprend pourquoi, cette petite vermine a empoisonné les deux morceaux ; l’un avec mon poison et l’autre avec un poison qui m’est inconnu.
Elle veut jouer à ça, on va s’amuser…

-C’est ce morceau le morceau empoisonné.
-Exact, vous m’impressionnez…
-Bon, maintenant, prend la moitié de l’autre et mangeons.

Elle s’exécute. Nous avons chacun une moitié et nous commençons à manger… Tout au long du repas, aucun signe extérieur ne pourrait faire croire que la petite garce tente de me faire la peau. Il n’y a que ses yeux qui brillent d’une lueur malsaine, comme s’ils lui permettaient de voir le cheminement du poison dans mon système sanguin. Le repas se passe sans un mot.

Nous terminons chacun notre maigre pitance et je me lève… Je m’écroule, face contre terre.

-Alors vieux con… On s’est fait posséder par une jeunette ? V’là c’que c’est d’vouloir m’enfermer.

Et elle sort discrètement de mon logis… J’attends cinq minutes, je me relève et crache par terre une petite boule de viande à peine mâchée. Maintenant, nous allons voir si cette gamine a vraiment du potentiel ou si l’on ne me l’a envoyé que pour m’emmerder.
La nuit est propice au pistage et à l’embuscade…
"La foi, pour celui qui se tient au bord de tout ce qu'il connaît, et qui s'apprête à se jeter dans l'obscurité, c'est la certitude qu'il ne peut se passer que deux choses : qu'il trouvera sous ses pieds quelque chose de solide, ou qu'il apprendra à voler"
Horus Lupercal.

8

12. 09. 2008, 23:15


C'est plus fort que moi, à chaque fois qu'il ouvre la bouche, il faut que je devienne encore plus désagréable. Vous savez, c'est comme un animal qui devient agressif et dangereux parce qu'il se sent en danger. Le problème, c'est qu'à part le fait qu'il risque de me rendre la vie impossible avec ses manières du genre "savoure ou lieu d'engloutir", ce troufion n'est pas ce qu'on peut appeler "un danger préoccupant". Franchement, je préfère encore me le coltiner que de me retrouver face à l'une de ces bestioles que l'on aperçoit parfois vers les grandes falaises rouges. Oui, vraiment, il est quand même moins effrayant, et carrément moins menaçant. Encore que, quand on s'est pris la baffe qu'il m'a collée... Enfin bref, je ne sais pas pourquoi, mais je ne dois pas rester avec lui.

Après avoir joui quelques minutes de l'irritation qui commençait à percer dans ses yeux, et après avoir joué le jeu un moment avec sa bidoche passée de date (bon, au moins c'est nourrissant... mais ça compense à peine le goût ignoble...), une idée m'est venue, au moment où il a proposé cette idée débile de deviner où se trouvait le poison. Faut vraiment être inconscient pour proposer un truc pareil à quelqu'un comme moi qui ne demande qu'à se barrer en courant après avoir foutu le feu à la baraque... ou alors vraiment être très sûr de soi. Dans les deux cas, je dois sauter sur l'occasion. Si ça foire, tant pis, ça voudra dire que de toute manière il en aurait fallu plus. Sinon, j'aurai une occasion de me barrer, et de ne plus jamais revenir dans ce trou pommé plein de troufions et de saloperies. Oui, partir, ne jamais revenir, être libre de mourir seule, loin de leur bêtise et de leur niaiserie. Avec un peu de chance, je trouverai même un autre camp de réfugiés, un peu moins pourri, et avec de quoi vivre un peu plus longtemps. La mort me tente, mais n'est pas encore un but tout de même...

Donc, idée de génie, mise en action. Le vieux me laisse seule avec la barbaque. Presque sans hésitation, je plonge la main dans ma chaussure, fouille entre les lacets, et saisis du bout des doigts la minuscule fiole qui s'y cache. J'observe en silence le liquide transparent qui lèche avidement les épaisses parois de silice comme pour mieux tenter d'atteindre le goulot étroit. Un frisson me parcourt l'échine. Finalement, j'hésite. Le regard profond et pâle me revient à l'esprit. Mes hésitations sont balayées. Je ne resterai pas plus longtemps ici. Ma place n'y est pas. Ma place n'est à aucun endroit où vit encore cette engeance du diable. Ma place n'existe plus vraiment. Le monde a été détruit, rien ne sert de courir après le néant et la vacuité des instants perdus. Je pars, même pour nulle part, même pour une mort certaine dans l'estomac d'une bestiole plus grosse que les autres ou sous les rayons impitoyables du soleil de plomb. Le trouble de me retrouver face à quelqu'un qui semble presque moins hypocrite que les autres, me décide à tenter la chose. Oui, car pour réussir à me donner cette impression, il faut vraiment être pire que tous les autres. Et maintenant, il m'apparaît plus sage de sortir non seulement de ces murs, mais aussi de l'enceinte de cet hommage silencieux au Cornu. Tous des faux-culs, tous des menteurs, tous des ordures, chacun pour sa gueule et bon vent!

Sur cette pensée, j'ouvre le petit flacon et en renverse une goutte, une seule infime gouttelette, sur le morceau de chair séchée avant de reboucher et de remettre à sa place le récipient. Sur le fragment restant, je dépose le poison du Fossile. Je remets les bols à leur place, j'attends. Bientôt il revient, et se met à mastiquer avec application. Je ne le quitte pas des yeux, tentant de distinguer le moindre signe de défaillance. S'il s'écrase maintenant, ça veut dire que son organisme n'est plus assez résistant pour supporter ne serait-ce qu'une infime dose. Sinon, ça veut dire qu'il n'en mourra pas… enfin en théorie. Le venin que j'ai utilisé n'est pas réellement mortel, mais avec les temps qui courent, même ce primaire élixir de plantes peut devenir fatal, tant les corps et les esprits sont affaiblis. Vengeance des enfers...

Il désigne un des morceaux et le déclare empoisonné. À vrai dire, je ne sais même plus lequel était souillé par quel liquide, tant je suis perdue dans mes pensées et à la fois fixée sur lui. Il me semble qu'il a bien ingéré le bout de viande, mais j'ai un mauvais pressentiment. Ce gars me parait trop malin pour se laisser avoir comme un bleu. Enfin, chacun fait bien ses faux pas... alors pourquoi pas?

Nous mangeons, en silence, moi tellement concentrée que j'en oublie d'engloutir à toute vitesse la nourriture pour l'embêter. Je m'applique à rester impassible. Il ne faut surtout pas qu'il ait de bonnes raisons de s'inquiéter s'il ne s'est encore rendu compte de rien. Je jubile intérieurement. Et bah tu vois couillon, t'es en train de te faire avoir… Tu vas en voir de toutes les couleurs avec cette mixture de derrière mes fagots, le vieux… he he he… ça ne devrait plus tarder maintenant! Non mais franchement je vous jure… comme si j'allais rester une eternam avec cet enquiquineur professionnel tout ça pour le bon plaisir d'une grosse enflure puante…

Me délectant de l'idée de mon proche départ, je tente d'oublier mes doutes. Et avant que je n'ai pu encore hésiter, mon "hôte" se lève, pour mieux s'affaler face contre terre. Un dernier élan de rage immature me fait siffler une ultime provocation dérisoire, et je me faufile à l'extérieur, prenant garde à ne faire aucun bruit.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

9

12. 09. 2008, 23:17

Je frôle les parois poussiéreuses et usées des petites huttes, me baissant pour éviter les rectangles lumineux des "fenêtres", simples orifices découpés dans les frêles murs. Mon ombre tremblote avec les ondulations des torches et des quelques rares lanternes, et je sens la fraîcheur de la nuit qui commence à pénétrer mes os. Il a beau faire aussi chaud qu'en plein milieu des flammes de l'enfer durant la journée, la nuit est aussi glacée que les limbes. Le halo blafard de la lune pleine répand sur les ténèbres impénétrables sa brume de lumière argentée. Mais ses étincelants rayons ne parviennent par à percer l'obscurité compacte. On distingue le monde et pourtant on n'arrive pas à voire plus loin que le bout de son nez. C'est le genre de nuit où l'on évite de sortir de son lit, où l'on reste bien au chaud chez soi à regarder en rêvant les étoiles par la fenêtre. Moi, c'est le genre de nuit, comme vous pouvez le constater, où je fais tout et n'importe quoi sans réfléchir. L'astre lunaire ne fait qu'éclairer les caprices, le noir enveloppe la raison et les étoiles guident les impulsions. Rien qui risque d'être concluant sans chance. Mais il est un peu tard désormais, et je me vois mal revenir, dans mes petits souliers avec un "Je suis désolée d'avoir mis du poison dans votre nourriture, je ne pensais pas vraiment à mal, je voulais juste aller voir ailleurs si vous y étiez…". Maintenant, je vais droit devant moi, sans plus m'arrêter, m'éloignant le plus possible de toute cette vermine. Enfin, quand je dis "droit devant moi", ce n'est qu'une image biens sûr, parce que là, il faut encore que je récupère deux trois affaires.

J'arrive à ce qui m'a servi de refuge jusqu'à maintenant : une sorte de niche creusée dans la pierre d'un gros rocher qui trône à l'extrémité Nord du camp. Une de ces énormes masses rougeâtres qui sont comme des gros muffins géants parsemant le paysage. Celui-ci est plutôt de taille restreinte par rapport aux petites montagnes qui s'élèvent à environ cinq cents mètres à l'Est, mais les cavités naturelles qui le rongent sont assez vastes pour permettre de s'y blottir à l'abri et d'y mettre quelques babioles. Et justement, je me suis dégotté un joli boyau rocheux un peu plus profond que les autres, et j'y ai planqué un paquet de choses. Mais pour le coup, je ne peux pas tout prendre. J'ai un mauvais pressentiment, et faut que je me presse. Je sens que va y avoir une couille dans le potage…

Je plonge littéralement dans mon terrier de pierre et m'enfonce dans les profondeurs sombres dont je connais désormais chaque aspérité. Tant de nuits passées à frissonner dans ce ventre de roc… J'avance à tâtons, à quatre pattes, et fouille une cache avec des gestes fébriles. Je saisis mon blouson de cuir pour éviter de mourir de froid avant la fin de la nuit, un vieux briquet, un petit paquetage contenant quelques provisions entreposées "au cas où ", deux petites gourdes d'eau économisées sur mes rations quotidiennes (je ne fais pas QUE dans l'illégalité quand même…), mes couteaux de rechange et mes poings américains, mon nécessaire d'entretien, la montre à gousset de mon père, et quelques autres babioles qui tiennent encore dans la vieille sacoche que j'ai réussi à conserver par miracle hors de portée de M'sieur le Blair. Tout un tas de chose qui auraient dues être réquisitionnées, mais que je n'ai jamais déclarées au registre. Quels bande de fumiers et de trou-du-cul…

Je me faufile hors de ma cachette. Ça fait bien cinq minutes que j'ai laissé l'autre vieux troufion sur le carreau. Et plus j'y pense, plus j'ai du mal à me rappeler si je l'ai vu ou non déglutir… Prise d'un doute, je suis parcourue d'un frisson glacé. Vous savez, ce genre de sueur froide qui vous parcoure l'échine lorsque vous vous sentez observé ou traqué… Je détale comme un lapin. Je galope à toutes jambes dort en direction du "Mont Corail", comme ils l'ont nommé pour sa couleur d'un orange rougeâtre… quelle imagination, je suis admirative… pff… médiocres va…

Soudain, une idée me frappe : chemise blanche et cheveux blonds, en plein milieu de la nuit sous le clair de lune même timide, c'est vachement discret. J'enfile mon blouson que j'avais jusqu'alors sur le bras, courant toujours. Je rabats la capuche sur mes boucles flavescentes, sans ralentire l'allure. Nom de Dieu, j'espère que c'est pas trop tard...
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Evangéline" (13.09.2008, 16:49)


10

12. 09. 2008, 23:18


J'arrive vers les premiers rochers éparpillés au sol, m'adosse à l'un d'eux et reprend ma respiration, essoufflée. Putain, le sprint… j'ai fait les cinq cents mètres en trois secondes là… Tiens, une aspérité… Je prend appui, me hisse sur l'énorme pierre, et scrute l'étendue désertique. Putain de bordel de merde de fait chier… j'ai couru pour rien… y pas un seul truc qui bouge, rien que du sable et de la caillasse! Pfffiou… j'ai vraiment flippé pendant un moment… j'ai le coeur qui bat à cent à l'heure!

Je saute à terre. Sifflement, bruit sec du métal contre la roche. Cliquettement d'une flèche qui ricoche et tombe à terre. Nom de Dieu! Finalement, j'ai pas couru assez vite… je m'accroupis derrière un monticule de gravillon et de branches mortes et scrute l'obscurité. La flèche venait de par-là…

Je contourne, me faufile au ras du sol, rampe le plus silencieusement possible. Une deuxième flèche juste au-dessus de moi, l'air de dire "je sais où t'es, pas la peine de te donner tant de peine". Putain je vais vraiment l'atomiser ce mec s'il continue! Et pas qu'à moitié cette fois! Par les cornes de Satan, il va voir s'il continue à se moquer de moi comme ça! Je bondis à découvert. Et bah tiens, je l'ai trouvé ce con-là… Et hop! Réception juste devant son nez! Et une bonne gerbe de poussière en plein dans la tronche, une! Il a pas l'air habitué à ce genre de chose he he he… Faut pas t'attendre à du cent pour cent fair-play couillon… Je saute en avant pour tenter de le désarmer, mais manque de pot, il a eu le réflexe de reculer et je ne frappe que du vide. J'enrage encore plus. Je cogne, j'attaque, je pare. Ses mouvements sont d'une perfection incroyable. Sa technique atteint le summum de l'excellence. Je me prends deux trois coups qui n'ont rien a envier à la baffe de tout à l'heure, et je sens ma mâchoire enfler. Putain l'enculé!

J'ai beau m'y connaître en arts martiaux, là, ça me dépasse, et je n'ai pas vraiment la possibilité d'analyser ses mouvements dans cette purée de poix qu'est l'obscurité ambiante. Bon, je tente le tout pour le tout, il faut que j'arrive à m'éloigner et à le semer, voire à l'immobiliser, sinon il ne va pas me lâcher la grappe et je vais me retrouver à passer le balai dans sa case. Et il n'est pas question que je remette les pieds là-bas maintenant que j'en suis partie.

Au moment où la technique voudrait que je pare et contre-attaque, j'anticipe, me baisse, fauche, pivote, évite le corps qui chute, me redresse d'une poussée sur les avants-bras et décampe sans demander mon reste. Putain mais c'est qu'il est collant le papy! Je suis pourtant sûre que sa tête à heurté le sol! Pourquoi il s'est pas gentiment assommé!? C'est un casse-couille celui-là, mais un vrai!! Pas un petit gabarit dans le genre valseur! Un pot de colle comme il est pas plaisant d'en avoir au derrière… Putain me fait chier ce connard!

Et en plus il récupère vite, malgré l'âge… j'ai déjà une flèche qui vient de me siffler entre les jambes. J'esquive, je saute et j'accélère. Et finalement, je me rend compte que je me suis faite avoir en beauté. Et un peu trop tard avec ça. Oui non mais parce qu'à force de gambader joyeusement en sautillant allègrement sur les côtés pour fuir ses traits, je me retrouve en haut d'une pente plutôt raide si vous voyez ce que je veux dire… Il s'est bien foutu de ma poire ce con. Et maintenant, moi qui déboule comme une furie, qui freine d'un coup, qui agite les bras dérisoirement et qui bascule. Bon, j'ai du bol, c'est pas un à-pic, juste un versant bien caillouteux et particulièrement glissant. Je débaroule de manière admirable jusqu'en bas, les bras rabattus devant le visage, poussant de stridentes exclamations de douleurs. C'est sûrement pitoyable à voir, et c'est particulièrement douloureux à vivre.

Je m'écrase lamentablement au terminus, les quatre fers en l'air et les fesses en avant. Vraiment déplaisant… et vexant avec ça. Je me tale donc magistralement le derrière avec un dernier glapissement outré et me redresse d'un bond, chose que je regrette bien vite. Rien de casser, mais un paquet d'égratignures et des bons bleus. De quoi lui en vouloir pour une bonne décennie de plus à ce crétin dégénéré! Je laisse échapper un chapelet de jurons et me retourne. Il est en train de descendre prudemment et sur ses deux jambes, par le même chemin que moi, avec la flèche encochée et un air amusé qui perce même à travers la pénombre lunaire. Je vais le bouffer…

- C'est ce que l'on peut appeler du rebondissement…

Le jeu de mot qui tue… je vais l'anéantir… Au son de sa voix, à la moquerie dans son intonation, je recommence à bouillir de rage. Ma main gauche se glisse dans son étau de fer fixé à ma ceinture, dans un mouvement lent et mesuré. Avec cette luminosité et mes autres déplacements simultanés, il y a de grandes chances pour qu'il ne le remarque pas… Je tremble de fureur, j'ai envie de lui sauter à la gorge et de hurler. Putain!! Mais pourquoi il veut pas me lâcher! Je suis pas un chien! Merde!

- Mais c'est qu'il veut pas lâcher prise le petit vieux… et en plus il fait de l'humour... c'est la compagnie qu'il vous faut? Prenez un animal! J'ai pas une gueule de cocker que je sache! Alors merde! Retourner brouter l'herbe et…

Je n'ai pas vraiment le temps de finir de lui dire le fond de ma pensée, parce que je dois m'aplatire au sol pour éviter la flèche qui vole droit vers ma tête. Je m'apprête à lui dire le nouveau fond de ma pensée, c'est-à-dire que je suis sur le point de lui hurler qu'il n'est qu'un taré qui ferait mieux de se trouver un asile, lorsqu'un grognement rauque et menaçant se fait entendre, juste derrière moi. Bon, OK, j'avoue, il est ptète pas aussi décati que ça le papy… je fais volte-face, oubliant totalement mon cher "tuteur", et chaussant en un clin d'œil mon deuxième poing américain, prête à cogner le premier truc qui me saute à la gorge.

En voyant le mastodonte qui est à à peine deux mètres de moi, j'en reste sur le cul. C'est ENORME, ça bave et en plus c'est plein de dents. C'est tout ce que je distingue, mais c'est déjà bien assez pour me donner envie de lui offrir une jolie mort sur-le-champ. Bon, pas le temps de se laisser bouffer, autant passer tout de suite à l'offensive. Je me décale pour laisser les flèches du fossile passer sans me percer de part en part, et commence à asséner une belle série de coup dans des zones qui me semblent sensibles, avec le peu que j'arrive à discerner, tandis que la bête, un peu trop massive pour esquiver, brame et dévoile d'un air menaçant une deuxième rangée de crocs particulièrement pointus. Elle agite ses énormes pattes griffues devant elle, m'obligeant à reculer. Coup de chance, la lune se met briller plus fort, comme si le brouillard qui l'enlaçait avait enfin desserré son étreinte vaporeuse. Bon, c'est encore plus moche avec la lumière, mais au moins, je vois la jugulaire tout de suite. Couteau dégainé. Un énorme coup de griffe me passe à ça du visage et je dois battre un retraite, le temps qu'elle se reporte sur la flèche qui vient de se ficher dans une des ses pattes. Je bondis, ma lame tranche en partie l'épiderme épais et caoutchouteux, sectionne la monstrueuse artère. Un jet de sang d'une ampleur proportionnel à celle de l'animal fuse dans l'air, aspergeant copieusement les alentours. Le truc s'écroule sur le flanc. Vraiment pas très efficace comme bestiole… Un sourire malsain naît sur mes lèvres, tandis que je retire ma lame toujours fichée dans la gorge blessée, en la faisant tourner. Bien fait pour ta gueule créature du tartare… La plaie ainsi élargie, le fluide vital jaillit plus abondamment encore, et je recule prudemment, ne voulant pas non plus être trempée par cette rivière vermeille qui gicle, éructe et dégouline sous la pâle lueur céleste. Un spectacle envoûtant… tout ce sang…

Je baisse ma garde, cesse de me méfier. Grossière erreur, car dans un dernier sursaut, la grosse bestiole agonisante se retourne dans un dernier cahot et m'entaille sympathiquement l'avant-bras. Putain… Décidément, les profondeurs en ont après moi aujourd'hui! Mais merde!! Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça! Rah!!! Putain de ta race de fait chier de merde!!!

Je tombe, encore, en poussant un cri. Bon, au moins tout ça me ramène un peu à la réalité, et surtout au problème de départ : le pot de colle périmé. Je dois me barrer. Tenant mon bras blessé, grimaçant à cause de mes membres endoloris par ma précédente chute (très artistique, j'insiste… pff…), je me redresse le plus vite possible. Bon, encore une fois, j'ai agi sans vraiment réfléchir. Encore une fois, monsieur "qui savoure et qui mâche et qui se trimballe avec du poison chez lui", est plus rapide. Je me prend un sacré coup dans la nuque. C'est qu'il a plus envie de jouer le vieux… Douleur sourde, néant. Retour à la case départ. Et merde. Putain, fais chier…
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Evangéline" (12.09.2008, 23:36)


11

13. 09. 2008, 23:39

Je sors de ma hutte. La petite a déjà foutu le camp… Mais bon, les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas marcher sans laisser de traces. De plus, le sol poussiéreux qu’est la terre battue de ce bled est idéal pour suivre une proie…
La gamine se dirige vers le nord du campement, elle prend garde à ne pas se faire repérer par les habitants cantonnés dans leurs chaumières respectives ; ils devraient d’ailleurs faire un peu plus attention à ce qu’il se passe dans leur bled ces cons… De toute façon, chaque fois c’est pareil. Ils comptent sur mes bons soins pour éloigner les saletés qui pourraient les bouffer en deux secondes et quand l’une des dites saleté se pointe, ils courent dans tout les sens en appelant à l’aide. Généralement, on ne compte qu’un mort et quelques blessés pour une bestiole pesant dans les 250 kilos.

La piste de Mélissande s’arrête devant un tas de rochers rouges. Une petite anfractuosité où peut passer un homme attire mon attention ; la petite est dedans… Je me cache à une dizaine de mètres et attends que la miss ressorte de sa planque.
Deux minutes plus tard, la voilà qui se précipite hors de son terrier avec un tas de trucs sous le bras… Elle s’éloigne. Vu la vitesse à laquelle elle va et la force qu’elle met dans chacune de ses foulées, je n’aurai aucune difficulté à la rattraper si je jette un œil dans la planque de cette petite peste…

L’intérieur est assez étroit, mais je peux m’y faufiler avec assez d’aisance. Au bout de quelques mètres, je tombe sur une cavité un peu plus grande où est entreposé un fourbi sans nom… Il y a de tout, ça va de la babiole sans intérêt à l’objet rare qui ne demande qu’à être réparer. Il y a même un vieux Luger Parabellum 7,65mm, une rareté dont la gamine n’a certainement pas vu l’utilité car le chargeur est vide. N’empêche qu’un tel engin peut s’avérer utile… Allez hop, in the pocket le jouet.
Il y a pas mal de vieux trucs qui ne peuvent plus marcher du tout… Je trouve, entre autres, une mitrailleuse Vickers datant de 1916 dont le percuteur est complètement explosé ; un SMG Thompson rouillé comme pas permis… Si seulement les gens prenaient soin de leurs affaires, on pourrait se défendre efficacement contre les nuisibles.
Putain… Un trésor sur quoi je viens de tomber… Un Compound, un arc à poulie magnifique en parfait état. Finalement, cette petite chieuse m’aura été utile… Cette arme magnifique me changera de mon vieil arc recourbé.
Je sors… Mais, qu’est-ce que c’est que ça ? Une photo ? Tiens donc… On verra plus tard de quoi il en retourne ; hop, dans la besace.

Bon, la marmaille qui braille n’est pas vraiment loin ; je la vois mettre sa veste de cuir noir et sa capuche… Il était temps, après 100 mètres hors du périmètre de sécurité. C’est trop tard ma belle, je sais où tu te cache et où tu te dirige… Je vais pouvoir tester ce nouvel arc à poulies.
Elle vient de s’arrêter, le souffle court. Je l’aperçois entre quelques rochers, je me rapproche un peu ; juste assez pour être sûr de ne pas la blesser. Je connais bien ce terrain, les collines de grès forment un ensemble de pics acérés avec des pentes assez raides. On voit très bien le travail de l’érosion sur cette roche… Il n’y a pas à dire, la Troisième a véritablement changé la face du monde. A mi chemin de Lugansk et de Volgograd, un désert était apparu.

Ah, me voilà à bonne distance… Je vise, tire… Elle sursaute, se couche au sol… Je tire, la loupe… Elle se lève et fonce vers moi. Elle court vite la rase-bitume ; elle est sur ma position en moins de deux.
Oh, la garce, du sable dans les yeux… Une vraie charogne, tout pour gagner quitte à utiliser des techniques de lâches…
Elle m’attaque, elle n’a pas peur. Voyons voir si elle se dégonfle comme tant d’autres ; je lui balance une série de coups que je ne retiens pas le moins du monde… Elle encaisse mais n’abandonne pas, c’est un bon point pour elle… Mais, qu’est-ce que ???
La petite se met à faire n’importe quoi… Au moment où la logique voudrait qu’elle pare, elle esquive plus ou moins adroitement… Elle arrive même à me faucher les guibolles.
Malheureusement pour elle, ce n’est pas ma première chute…
Je me redresse d’un bond et décoche une nouvelle série de flèches, la dirigeant là où je veux qu’elle aille… Gagné. Elle vient de se casser la gueule pour atterrir 10 mètres plus bas… Je jubile intérieurement lorsqu’elle se relève et s’aperçoit qu’elle ne peut plus fuir.
Je me permets même une touche d’humour pour l’emmerder :

-C’est ce que l’on peut appeler du rebondissement…

Elle me répond assez sèchement et tente de saisir quelque chose dans sa poche… Le brouillard m’empêche de voir ce que cela peut être, mais je ne m’attends pas à ce que ce soit un bouquet de rose. Par contre, quelque chose d’autre est avec nous, la puanteur ne peut me tromper… C’est une de ces saloperies de « peaux vertes » ; une espèce de mutant mi sanglier mi lion mais en beaucoup plus gros que les deux réunis. Je cherche, où se planque cette bestiole de merde ?
Là ! Un mouvement dans la brume, une masse d’air a bougé légèrement… Putain, ça se dirige derrière la gamine. Pas le temps de gueuler…
Je décoche une autre flèche, Mélissande se baisse et laisse le monstre se prendre mon projectile.
Le combat est rapide, la petite se défend bien et arrive même à terrasser le monstre malgré quelques erreurs…
Je descends pour la féliciter lorsqu’elle se fait avoir par l’une des choses dont il faut se méfier avec les mutants : « le dernier soubresaut » ; généralement, ils ne le font pas mais on ne sait jamais. Lorsqu’on envoie un de ces monstres bouffer les arbres par la racine, faut toujours rester assez prudent quand on reprend ses armes sur le corps encore chaud. Suffit d’avoir bloqué un nerf avec une flèche, une lame ou une balle et la bestiole bouge une dernière fois avant de crever…

Et là, Mélissande viens d’avoir droit à sa première blessure de guerre… Mais c’est qu’elle a de la suite dans les idées la pimbêche ; elle tente encore de se barrer avec la blessure qu’elle vient de recevoir.
Bon, finis de jouer, j’ai pas le temps pour ces conneries… Un bond coup dans la nuque, la voilà qui pionce.
Allez, maintenant, direction ma petite cachette à moi. J’ai de la chance, c’est à peine à dix minutes d’ici… Je prends le corps endormis sur mon dos et avance d’un pas assuré vers les collines de grès rouge. Là, j’entre dans une petite grotte (du pied gauche, ça porte bonheur) et dépose mon colis sur une paillasse… Je m’affaire à fouiller dans les différentes planques qu’il y a un peu partout dans ce petit abri de roches. Ca y est, j’ai trouvé son bonheur : du fil, une aiguille, un bandage et de l’alcool…
Elle ouvre un œil.


- Qu’est-ce que tu branle vieux shnok ? Laisses moi tranquille… Je veux me barrer d’ici…
- Pour l’instant tu vas te reposer. On verra le reste après…

Là, elle se rendort… Je peux commencer à soigner ses petites blessures ; les premières d’une longue série…
"La foi, pour celui qui se tient au bord de tout ce qu'il connaît, et qui s'apprête à se jeter dans l'obscurité, c'est la certitude qu'il ne peut se passer que deux choses : qu'il trouvera sous ses pieds quelque chose de solide, ou qu'il apprendra à voler"
Horus Lupercal.

12

15. 09. 2008, 19:00


Ça tourne. J'ai envie de vomir. Je vois le vieux en train de trifouiller à quelque pas de là. Je cligne des yeux pour tenter de distinguer ce qu'il est en train de tripoter avec autant d'attention. C'est flou, impossible de distinguer quoi que ce soit de précis. J'arrive par miracle à lui demander ce qu'il fait, mais j'ai moi-même du mal à saisir le sens de mes propres mots sur le moment. Putain, c'est vaseux… J'ai le bras en feu, la tête comme une cocotte minute, et tout le corps comme si j'avais été battue pendant des heures à coups de bâton. Mais le pire je crois après mon avant-bras, c'est quand même ma nuque. Mais je n'en suis pas sûre. De toute façon j'ai mal partout alors…

J'ai l'impression que ma tête va péter en morceaux lorsque sa réponse s'engouffre dans mes oreilles et fait vibrer douloureusement mes tympans.

- Pour l’instant tu vas te reposer. On verra le reste après…

Ce surplus de vibrations m'éclaircit la vue, et je distingue, énorme dans ses mains, une aiguille. Bon, je crois qu'il est temps de retomber dans l'inconscience, et vite… Je referme les yeux. Pas besoin d'attendre longtemps avant de m'enfoncer dans le néant. Je crois que c'est la première fois que je lui obéis sans arrières-pensées...

La douleur se transforme en une musique de fond lancinante, vous savez, du genre que l'on entend sans écouter, que l'on perçoit sans vraiment sentir. Je devine encore une légère activité devant mes paupières, peut-être un peu de lumière. Mais tout tourne tellement… J'ai envie de vomir. Je crois que c'est pas nouveau… je sais plus, ça tourne. Putain, elle m'a pas loupée la bestiole… J'ai l'impression de m'embourber dans une brume compacte et glacée. Je frissonne… Où suis-je déjà? Les soieries ondulantes qui dansaient jusqu'à présent au travers de mes paupières clauses tourbillonnent à m'en donner plus encore la nausée. C'est comme une palette allant du jaune au charbon qui se serait embrouillée à l'intérieur de ma tête et devant mes yeux.

Il est là, devant moi, à terre, immobile. J'ai peur. Je ne sais pas quoi faire, je suis perdue, affolée. Je tremble de la tête aux pieds. Il y a une autre forme à terre pas loin, baignant dans un sang épais qui dégage une odeur écœurante. Elle provoque chez moi un effroi teinté de dégoût, mais ce n'est rien comparé à l'épouvante et à la panique qui me nouent les entrailles à la vue de son corps inconscient. J'ai le cœur et une question au bord des lèvres : Est-il… mort? Ma gorge est nouée, mes jambes sont flageolantes, mes mains moites. Je n'ose plus bouger, je suis tétanisée, je préfère ne pas savoir, et cette incertitude me paralyse de la tête aux pieds. Pourtant, mes jambes vacillantes avancent malgré moi. À peine ai-je fait trois pas que je m'effondre à terre. Il me semble que j'ai mal dans le dos mais seul mon corps à l'air d'en être conscient, mon cerveau ne veut pas entendre raison, il veut se rapprocher de ce corps inerte au détriment de tout le reste. Je tente de ramper, d'avancer, mais rien n'y fait. Impossible de bouger mes bras d'un pouce, c'est comme si quelqu'un me les maintenait au sol. La terreur me balaye. Il faut que je l'aide, il faut que j'arrive à m'approcher pour le secourir. Il ne peut pas… S'il… je… Pourquoi je n'arrive plus à bouger mes membres?!

Ça brûle maintenant, c'est affreux. J'ai de la lave en fusion sur le bras, c'est obligé! Pourtant il n'y a aucune chaleur, rien que de la douleur, cuisante. Ma peau et ma chair sont transpercées par une lame invisible et un étau de fer me maintient, me rendant incapable du moindre mouvement, me clouant sur place. Oui, ces poignards que je ne parviens pas à distinguer doivent être en train de se planter dans la roche, me condamnant au tourment de devoir regarder sans rien pouvoir faire. Si ça continue je vais pleurer. J'avais oublié à quel point c'était cruel le désespoir… et cette douleur qui remonte jusque dans mon épaule. J'ai froid. Tout est de plus en plus sombre, je sombre, mais il ne faut pas, je ne dois pas, il faut que…

- Arrête de t'agiter comme ça gamine. Je n'arriverai à rien si tu continues à gesticuler de cette façon. Si tu ne veux pas d'une vilaine cicatrice, cesse de gigoter!

J'ouvre grands les yeux et la bouche pour aspirer une bonne goulée d'air pour mieux m'emplir de la réalité. La souffrance dans mon bras est mille fois préférable à la détresse qui m'emplissait quelques secondes plus tôt, même si elle me déchire littéralement. Agitée de tremblements incontrôlables, je tente toute fois de me calmer. Je laisse retomber mon crâne douloureux. Je regrette bien vite ce relâchement. J'étouffe un cri.

Je suis un peu pommée, je sais plus trop où je suis et ce qui ce passe. Et en plus j'ai mal de partout. Fais chier tiens! Je cligne des paupières, ma vue est brouillée. Je me rends compte que je suis en sueur. Des gouttes perlent à mon front et dégoulinent sur mes tempes, parfois dans mes yeux. Je serre les dents. Y a un truc pas cool qui se passe au niveau de mon avant-bras… gauche je crois. Ou ptêt' droit, j'en sais rien. En tout cas, mon autre membre supérieur est presque aussi crispé que son congénère. Pourquoi je suis contractée comme ça déjà? La douleur sûrement… oui, c'est sûrement ça vu le mal de chien que ça me fait.

- Calme gamine, j'ai presque fini.

Qui c'est déjà? … … … Putain de bordel de merde! Ça me revient! Malheureux réflexe de ceux qui percutent : je me redresse d'un coup. Enfin j'amorce le mouvement de me décoller du sol, et on me renvoie au sol sans ménagement. Ma nuque est comme une noix qu'on vient de presser dans un casse-noisettes. Ce vieux couillon s'est pas retenu!! Je dois avoir un putain de poc dans le cou! Je retiens un gémissement de douleur. Putain mais merde!! Qu'est-ce qu'il fout cet enfoiré?! Il m'écorche vive en commençant par les bras ou quoi?! … oh putain… ça y est, ça me revient aussi…

Je serre les dents et ne bouge plus d'un poil. Tous mes muscles sont crispés. De nouveau cette sensation ignoble, ma peau est transpercée et quelque chose glisse entre mes tissus, passe à travers mon épiderme. Pourquoi une aiguille… maman… T_T
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (15.09.2008, 19:06)


13

15. 09. 2008, 19:05


- Détends-toi, tu me gènes dans ma tâche à te raidir comme un bout de bois.

- Je peux pas…

- Et pourquoi donc?

On sent qu'il aime déjà pas la réponse… C'est pas ma faute si je supporte pas ces machins…

- Parce que… j'ai une… aiguille… dans le bras…

Ma voix est montée dans les aigus et j'ai du mal à desserrer les mâchoires pour parler. Je ferme les yeux le plus fort possible pour résister à l'envie de regarder. Je sais que si je pose les yeux sur cette chose en train de s'enfoncer dans mon bras, je vais tourner de l'œil ou paniquer complètement. J'entends Terrence qui grommelle et je devine qu'il est en train de saisir quelque chose. Pendant ce temps, la main qui tient l'objet de torture fait légèrement bouger ce dernier dans mon membre. Je vais vomir.

Et là, sans prévenir, il applique quelque chose d'humide sur la plaie. Enfin, je crois que c'est plutôt un chalumeau ou un truc comme ça. Je pousse un gémissement. Mon bras libre vol à mon visage et je me mords le poing. Putain l'enfoiré! Il aurait pu prévenir! Enculé! J'aurais ta peau! Merde! Putain de bordel! Re-merde! Chiotte!! Chiotte!! Chiotte!! C'est encore pire que de se faire blesser!! C'est pas humain! Nom de Dieu!!!

- Tu sens moins là?

Je vais le bouffer ce vieux con… On sent qu'il en a marre, qu'il est énervé, fatigué, mais c'est pas une raison, bordel! Ooh… Putain, ça fait mal… Bon, soyons positive, au moins je sens plus rien d'autre, et je suis bien réveillée maintenant.

Ça dure encore quelques minutes à peine, qui me semblent une éternité. Bon, au moins il a la délicatesse de ne pas me refaire deux fois le même coup. Au bout d'un moment j'ai ouvert les yeux et j'ai fixé le premier truc qui s'offrait à ma vue, parce que le noir tremblotant régnant derrière mes paupières commençait à sérieusement m'oppresser l'estomac. Bon, il y a plus agréable spectacle pour occuper son attention, que le visage du type qui est en train de vous recoudre la blessure qu'un mutant immonde vous a faite alors que vous fuyiez ce même homme pour pouvoir aller vous pommer dans le désert de manière particulièrement irréfléchie et idiote. Enfin bon, c'était ça ou rien. Donc depuis cinq minutes, je le détaille du haut du crâne jusqu'au bas du menton. Il me fait penser à un acteur américain du début du millénaire… j'ai oublier son nom… et franchement je m'en bat le coquillard à coup de pelle à tarte.

Comme celles de n'importe qui de nos jours (sans compter l'autre bouffon qui pète plus haut que son cul bien sûr), les formes de son visage semblent avoir été aspirées par la fatalité, rendant ses traits plus émaciés qu'ils n'ont dû l'être auparavant. Ses cheveux courts grisonnants laissent à penser qu'il est déjà d'un âge, mais en regardant de plus prêt son visage… le jour de sa naissance ne doit pas être si éloigné que ça tout compte fait. Un collier de barbe fine assortie à ses cheveux enlace ses lèvres minces qui n'ont pas l'air prompte au sourire. Sûr que le papy est pas un grand pro de la risette… Sa peau n'est ni noire ni dorée et elle embaume le soleil et la chaleur. Ses joues sont grêlées de multiples marques et autres taches, mais aucune cicatrice. Soit il sort pas très souvent, soit il est vraiment très doué…

Mais ce qui reste le plus frappant chez lui je crois, c'est ce regard qui surmonte tel un souverain les pommettes saillante de cet homme énigmatique. Ce regard d'un blanc vaguement bleuté qui paraît translucide comme la plus pure des eaux, comme la plus fraîche des rations de cette substance devenue si rare et précieuse. Ce regard qui me tape grandement sur les nerfs.

-Voilà, c'est terminé. Maintenant repose-toi pendant le temps qu'il te reste encore. La nuit est déjà bien entamée… Et je te déconseille fortement de prendre la poudre d'escampette, parce que je ne vais pas me fatiguer deux fois à aller sauver tes fesses de morveuse.

Je me redresse tant bien que mal en position assise. Putain, vu mon état, il croit vraiment que je vais aller compter fleurette aux mutants?! Je suis pas tarée non plus… enfin, pour tenter de s'enfuir en pleine nuit dans la lande désertique, presque sans matériel ni provisions, faut pas être très sain d'esprit non plus… Oh et puis chiotte, je l'emmerde ce vieux croûton! Je fais ce que je veux! Voilà! Non mais oh… Si je veux jeter ma peau en pâture en faisant n'importe nawak, et bah c'est moi que ça regarde et puis…

Je détourne le regard et ouvre la bouche avec l'intention de le remercier. Mais à peine mes lèvres esquissent-elles la première syllabes que mon regard se pose sur quelque chose qui fait arrêter mon cœur de battre. Je me fige, cesse de respirer, les yeux exorbités et la bouche grande ouverte. Mon sang commence bouillir, je vois rouge, je me mets à trembler. Non, c'est impossible, ce n'est pas… Il n'a pas pu, il n'a pas… Après peut-être que ce ne sont… Si, je les auraient reconnues entre mille. MES AFFAIRES, ce sont MES AFFAIRES qui se trouvent à quelques pas de là. D'un côté, MON arc (les flèches… on va dire que je n'avais pas vraiment pu… bref, j'en ai pas), et pas loin, LE luger, et là, pas de doute, c'est bien le mien, parce que j'ai une vue plongeante sur la cross. Et les deux initiales gravées à l'or fin ne sont pas sorties du trou du cul de ce chien galeux.

Je frémis de la tête aux pieds et tourne la tête vers lui, les lèvres tremblantes de rage contenues. Si c'était possible, je crois bien que j'aurais des flammes plein les mirettes tellement j'ai envie de lui sauter à la gorge. Je crache, en appuyant bien sur chaque syllabe :

- Comment avez-vous osez toucher à ça?!

- Si c'était pour les laisser rouiller au fond de ton trou à rats, ces objets sont tout aussi bien ici avec moi.

- Vous n'aviez pas le droit! C'est à moi! Vous n'êtes qu'un sale…

Nouveau choc. Je porte ma main à ma bouche pour étouffer mon cri. Ce qu'il vient de sortir de sa poche… c'est… non… il n'a quand même pas… je… Il n'a pas le droit! Oh non, pas ça! Mon visage est distordu de haine, mes muscles sont tendus à craqués, et la douleur se fait de nouveau sentir dans tous mon corps. Je ne vais pas tarder à lui sauter à la gorge. Oui, il va regretter. Il n'aurait jamais dû faire ça. JAMAIS.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

14

20. 10. 2008, 14:23

He ben, c'est qu'elle en avait pas beaucoup dans le ventre en réalité la mioche... Une aiguille et hop, la voilà qui panique.
Vraiment, y a des fois faudrait avoir une caméra en état de marche juste pour qu'ils puissent se regarder quelques minutes plus tard et voir à quel point ils sont pathétiques par moment... Enfin, au moins elle ne me claquera pas entre les doigts, c'est déjà ça. Ca m'aurait tout de même briser les noix que cette gamine se retrouve complètement raide avant même que je n'ai pu lui apprendre quoi que ce soit d'utile. D'un côté, ça m'aurait débarrassé d'un poids à traîner demain, mais je ne suis pas aussi con quand même...
Bah tiens, v'là autre chose, elle semble complètement hors d'elle, comme d'habitude...

- Comment avez-vous osez toucher à ça?!

Elle semble loucher en direction des deux trois babioles que j'ai perquisitionné dans sa planque... Merde, c'est qu'elle a l'air d'y tenir à ses vieilleries. N'empêche qu'elle peut pas me reprocher de m'être servit...

- Si c'était pour les laisser rouiller au fond de ton trou à rats, ces objets sont tout aussi bien ici avec moi.

Et toc, je t'apprendrai à réfléchir un peu petite abrutie.

- Vous n'aviez pas le droit! C'est à moi! Vous n'êtes qu'un sale…


Bon, autant lui montrer la pièce la plus importante, histoire qu'elle ne m'insulte pas pour rien cette fois ci.
Je plonge ma main dans ma poche et en sort la vieille photo que j'avais trouvé dans son trou à rats... Là, elle est estomaquée comme jamais... Les yeux agars, la bave aux lèvres, de multiples tremblements parcourant ses membres et les pupilles cherchant de droite et de gauche un quelconque objet pouvant servir à me fracasser le crâne...
Le type sur la photo doit être quelqu'un d'important à ses yeux. Grand, le crâne râsé, un bouc taillé soigneusement, le tout joliement empaqueté dans un treillis... Un militaire sans doute, ou peut-être un milicien...

- C'est qui ce type ?

- Va chier vieux débris !!! Je t'emmerde !!! Rends moi cette photo !!!

- Pas avant que tu n'ais répondu à ma question.

- Ca te regardes pas l'ancêtre !!! Alors rends moi ça !!!


- A ta guise, elle sera à toi si tu l'attrape... Regardes, je la pose sur cette aspérité de la paroie rocheuse. En attendant, je vais nous trouver un ou deux trucs à manger.

En théorie, la moufette n'arrivera jamais à attraper sa précieuse photo... Grimper à trois mètres avec un bras en moins et une telle impulsivité, c'est pas possible... Elle va se faire mal et ce sera bien fait pour sa tronche, elle n'avait qu'à pas m'insulter cette morveuse.
Bon, trouvé un peu de bequettance maintenant.
Le mutant de tout à l'heure fait déjà un joli voyage dans les tripes d'un de ses congénères... Grande croisière, départ oeusophage à destination du colon.
Pff... Même pas un lapin ou une connerie du genre. Va encore falloir chasser des reptiles...
"La foi, pour celui qui se tient au bord de tout ce qu'il connaît, et qui s'apprête à se jeter dans l'obscurité, c'est la certitude qu'il ne peut se passer que deux choses : qu'il trouvera sous ses pieds quelque chose de solide, ou qu'il apprendra à voler"
Horus Lupercal.

15

18. 07. 2009, 20:24

Et il sort, sans autre forme de procès. Le silence de la grotte m'assaille. Je frissonne. Le froid est mordant à cette heure de la nuit. Les larmes me montent aux yeux. J'ai mal. Partout et sur tous les plans. Le corps, l'esprit, le passé et l'orgueil. Mais qu'ai-je donc tant fait au ciel?

Une bouffée de rage me donne un coup de fouet. Il va voir ce vieux con, si je ne vais pas l'attraper ma photo! C'est la mienne, et je l'aurais! Que ça lui plaise ou non! Et quand je l'aurais récupérée, il n'y posera plus jamais un doigt, plus jamais! JAMAIS! Ou je le tue de mes propres mains! Je me redresse tant bien que mal sur mon bras indemne. Enfin, c'est vite dit parce qu'il est couvert de bleus et de coupures. Mais rien d'insurmontable. De toute façon, même avec les deux bras en moins, je la récupérerai! Rien à foutre qu'elle soit à trois mètres de haut et gardes par Cerbère lui-même, je l'aurais!! Moi, moi et personne d'autre, et pour toujours.

De nouveau écumante d'une salvatrice colère qui me donne la force de m'asseoir, je vacille pourtant (oui, même assise… sans commentaire…), nauséeuse. Putain de nom de Dieu de merde… pas cool pas cool pas cool du tout… je serre les dents, me concentre. Ma vision se clarifie. C'est bon, tu peux le faire Méli. Vas-y. C'est bon. T'en es capable, t'es une grande fille, t'es forte, tu vas la récupérer ta foutue photo. Je me lève précautionneusement. Oups, je sens que je vais tenir sur deux jambes bien longtemps. Je m'empresse de faire quelques pas, de quoi atteindre la paroi la plus proche. Sur une aspérité, au-dessus de moi, trône ma plus chère possession, en dehors de ma propre vie.

Je vois rouge. Rabattant mon bras blessé contre moi, je m'agrippe à une prise avec l'autre, et commence à monter rageusement. J'arrive à grimper de quoi… hum… cinquante bons centimètres quand même… avant de m'arracher les paumes sur la pierre rappeuse et de me casser magistralement la gueule par terre. Putain! Ça fait au moins la troisième ou quatrième fois dans la même journée!!! Chiotte de merde de fait chier putain! Ça commence à bien faire! … On va dire que minuit et passé et que j'ai entamer le cota de demain… enfin d'aujourd'hui. RRRRRRRRhhhh…

Je suis de plus en plus en rage. Et en nage par la même occasion. Mais rien à foutre, je m'obstine. J'escalade, je saute, je tombe, je me fais mal, je recommence, je glisse, je progresse, retombe et ainsi de suite pendant un temps indéterminé durant lequel je complète consciencieusement ma collection d'égratignures et de bleus. Trop le bonheur. Mais je m'entête, je continue, encore et encore, avec toute la rage que j'ai dans le ventre. La photo ne quitte pas un seul instant mes pensées. Je la veux. Je la veux trop pour seulement songer à m'arrêter. Alors je recommence, je retente l'ascension, et je tombe de nouveau. Puis je me relève, et je recommence. Pour mieux aller m'écraser de nouveau sur la roche dure et impitoyable du sol. Et encore, je me redresse, me relève, grimaçante, pour mieux retenter à nouveau ma chance.

Le visage distordu dans une expression de fureur aveugle, j'entreprends pour la énième fois de m'accrocher aux prises difficiles qui m'arrachent les mains. Cette fois-ci, j'ai presque réussi. Enfin, je bats mon record tout du moins. Faut dire qu'à force de me casser le nez sur ce foutu mur de pierre, et de me briser les ongles sur les prises trop friables, ces dernières commencent à diminuer de population. Mouahahahahaha. Je vais y arriver, je vais y arriver! J'ai les yeux brillants de larmes. Mais je les retiens. Déjà et d'une, c'est pas pratique de se casser la gueule quand on y voit rien, et en plus, mon amour-propre a assez morflé comme ça. Ça suffit… Et là, mon unique prise supérieure me fait défaut. Je ne sais pas pourquoi cette fois-ci. La roche trop glissante peut-être. Ou trop friable. Ou bien ma main, fourbue de crampe et écorchée, a lâché prise toute seule. Dans tous les cas, je vois de nouveau mon objectif s'éloigné de moi. Mon dos heurte cruellement le sol. Cette fois je ne me relève pas.

Ce n'est même pas à cause de la douleur. C'est juste que je n'e peux plus. Je suis épuisée, je tremble. Je sais bien, et cela depuis un moment, que cela ne serre à rien, de m'obstiner de la sorte. Mais je ne peux pas, m'arrêter. Je n'ai pas le droit. Je me l'interdis. Mais là, je n'ai plus la force, ni courage. Toute ma colère s'envole d'un coup, soufflée par un subit mistral de désespoir. Papa… Papa… Je me roule en boule par terre, autour de mon bras défectueux replié sur ma poitrine, et je me laisse sangloter. C'est trop cruel. J'en ai marre. C'est pas juste. Je veux que ça s'arrête. Pourquoi on ne me laisse pas tranquille? Pourquoi, hein? J'ai jamais tuer personne de sang-froid. J'ai jamais voulu toute cette merde de guerre. J'ai jamais fait que m'occuper de ma gueule, comme tous les autres s'occupaient de la leur. Alors… pourquoi? J'ai plus rien. Plus rien. À part moi-même. Alors qu'on me laisse un peu en paix…

Je relève la tête en reniflant et regarde autour de moi. L'autre gland est toujours pas revenu. Tant mieux. J'ai pas envie de voir ça gueule de psychopathe misanthrope. Et encore moins envie qu'il me voit comme ça. À cette pensée, je me redresse d'un coup. Non, pas question que monsieur le bachi-bouzouk me voit dans un tel état d'abattement. Ah ça, non non non!

J'essuie rageusement mes larmes. Il va voir ce qu'il va voir! Je suis sûre qu'il me croit totalement incapable de faire quoi que soit! Et bien il aura tout le loisir de s'étonner à son retour…

Je me mets à quatre pattes (trois en fait…), et observe autour de moi. Il doit bien y avoir de la corde ou un truc comme ça pour m'aider dans cette foutue planque! … Bingo! Là, derrière la caisse renversée! Je m'improvise un truc pour tenir mon bras. Ce sera déjà un poids sur lequel me concentrer en moins. Bon, ensuite… réfléchir. C'est pas une mauvaise idée ça…
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

16

18. 07. 2009, 20:25

Les parois de la caverne sont loin d'être rectilignes. Ça fait des vagues, des recoins, des minis impasses… et comme de par hasard, si je m'étais décalée un peu sur la gauche, j'aurais vu que justement, il y avait un truc comme ça juste à côté. Bon, arrivée en haut, il faudra que j'arrive à tendre le bras, et le mauvais… mais rien à foutre. J'ai beau être plus petite que l'autre gland (ce qui m'a empêché de passer par le même chemin que lui pour atteindre mon bien), je vais réussir à monter là-haut quand même. La roche fait un creux assez profond et pas très large, un peu plus de un mètre… un mètre trente peut-être. J'entreprends donc de m'appuyer sur la pierre des deux côtés, ce qui m'offre des prises sûres, et me stabilise puisque j'appuie également avec mes deux jambes tout en gardant l'équilibre avant arrière grâce à mon bras libre. … je me rends vite compte que la grimpette est nettement plus éprouvante et difficile qu'à première vue. Mais je ne lâche pas prise, je serre les dents, et je monte autant que je peux. Je tremble de plus en plus sous l'effort. À un moment j'ai l'impression que je vais tourner de l'œil, mais je contracte un peu les muscles de mon bras blessé, et la douleur me clarifie tout de suite les idées. Je transpire à grosses gouttes. J'ai mal de partout. Mais qu'importe. J'y suis presque. Encore un tout petit effort et… juste un tout petit peu plus haut…

Une de mes jambes me fait alors un coup de p***. Refusant soudain de supporter la pression plus longtemps, elle lâche, le temps de quelques secondes. Je me rattrape de justesse avec mon épaule, qui heurte durement la pierre inégale. Et une belle écorchure en plus, une! Ça fait un mal de chien. Je grimace et serre très fort la mâchoire. Putain, c'est pas le moment de flancher, bon Dieu! Allez Méli! Les larmes me montent de nouveau aux yeux. Non, non, non!!! Hors de question de retomber par terre maintenant! Tu atteins la prise suivante, et plus vite que ça! Tu te reprends tout de suite! Rah putain de bordel de merde! Chiotte!! Tu heurtes encore une seule fois ce sol sans avoir au préalable repris possession de cette photo, et je te tue, c'est clair?!?!?

Ma jambe ne semble plus vouloir fonctionner. Je sens la colère remonter en puissance. Putain! Jambe droite de Mélissande Clarks, tu te remets au boulot, et immédiatement! … ooooh… mon autorité naturelle fait des merveilles même sur moi-même… quel bonheur… Bon, allez, bouge toi le cul toi aussi espèce de chiffe molle! Tu crois pas que t'es assez pitoyable espèce de loque? Alors redresse-toi, et mets-moi la main sur cette putain de photo de morde à la con de mes deux! Ah non mais…

Je m'appuie de nouveau sur ma jambe, soulage mon épaule de l'appui douloureux qu'elle subissait contre la roche, et reprends tant bien que mal mon ardue ascension. Je me rapproche laborieusement, mais sûrement. Et bientôt… m'y voilà. Je n'ai plus qu'à tendre le bras. Mais encore faut-il que ce dernier veuille bien coopérer…

Je retire doucement mon membre blessé de la corde sur laquelle il repose. Ça tire sur la peau au niveau de là où le vieux m'a recousue, mais rien d'atroce. Je commence à l'étendre, la douleur se fait plus pressante. Oh ta gueule toi, franchement là tu fais plus chier qu'autre chose… si tu pouvais attendre, juste quelques secondes, le temps que je l'attrape… mais non, rien à faire, ça fait trop mal. Je recommence à bouillir intérieurement. Putain mais c'est pas vrai ça! Merde à la fin! Je vais l'étrangler ce vieux quand il va rentrer!! Et après je jouerai au foot avec sa tête(quoi ça risque de me faire mal au pied? Rien à foutre!!

D'un coup, je sais ce que j'ai à faire. Mais ça va faire très mal. Alors je ne réfléchis pas trop, et j'agis. Je serre les dents et je détends le bras d'un seul coup. Je pousse un cri de douleur. Mes doigts touchent le papier glissant de la photo. Ma main se referme sur la petite aspérité. Je tombe.

Je heurte le sol une fois de plus. J'ai les yeux fermés, et ma choire tremble tellement elle est contractée. Je vais bientôt hurler. Je vais péter un câble. Je vais aller foutre le feu à ce pseudo-village de mes deux et je planterai leur tête à tous sur des piques…

Un doux contact se fait sentir sur ma joue. J'ouvre immédiatement les paupières. Et là, juste sur mon visage… la photo. J'ai… j'ai réussi! Je l'ai faite tomber! Elle a juste mis plus de temps que moi à toucher terre… je me mets à pleurer de joie. Oui, je sais, j'ai les nerfs fragiles, ET ALORS? Si j'avais pu j'aurais sauté de joie jusqu'au plafond… enfin non, ras le bol de ce putain de plafond de mes deux, plus jamais de plafooooond, vous m'entendez?!? Plus jaaaaamaiiiiiiiiis!!!!!!!!

Je me traîne plus qu'autre chose jusqu'à la paillasse, sur laquelle je m'étends comme je peux. Faut dire que maintenant, j'ai le dos tellement en compote que j'en arriverais presque à plaindre les ptits vieux avec leurs rhumatismes… sauf que là c'est forcément pire.

J'ai la main gauche, celle qui m'a servit tout le long à m'agripper à la roche, complètement massacrée. Le bras droit, je n'en parle même pas, y a du sang qui s'est remis à couler, c'est l'horreur.

J'aperçois la bouteille d'alcool que l'autre sadique à utilisée tout à l'heure. Elle est juste à côté. … Bon, faut te résigner Mélissande, fait un petit effort… je m'empare d'un linge pas encore trop tâché de sang posé à côté de la bouteille, prend celle-ci aussi au passage, et entreprends de tamponner mes diverses éraflures, de même que les points de suture. Ça fait un mal de chien, mais c'est nécessaire. Et l'autre abruti ne pourra pas se plaindre d'avoir à le faire lui-même.

Ceci finit, malgré l'impression de cuire en divers endroits, je m'endors comme une masse, totalement épuisée, mon bras droit négligemment rabattu sur ma poitrine, au-dessus de ma précieuse photo, glissée dans une poche intérieure. Maintenant que je l'ai récupérée, je ne la lâche plus. Je n'ai même pas songé à me faire la malle. J'aurais pu essayer bien sûr, mais je sais que j'aurais probablement fini dans un trou avec une cheville foulée en plus de tout le reste, et que, si j'avais la chance de passer la nuit, le vieux aurait du venir me repêcher au petit matin. La grande classe quoi. Donc, je me suis abstenue. Demain non plus, je crois que je ne retenterai rien. Si je dois me barrer, ce n'est pas pour toute suite. Alors je vais faire un effort. Je ne promets rien ,bien sûr. D'ailleurs, même si c'était le cas, il ne faudrait pas me faire confiance comme ça, juste pour si peu. Mais dans tous les cas, attendons de voir quelques jours. Je n'ai rien à perdre, à part mon indépendance. Mais ça, je pourrai le retrouver plus tard. En attendant… qui vivra verra.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Discussions similaires