J'arrive vers les premiers rochers éparpillés au sol, m'adosse à l'un d'eux et reprend ma respiration, essoufflée. Putain, le sprint… j'ai fait les cinq cents mètres en trois secondes là… Tiens, une aspérité… Je prend appui, me hisse sur l'énorme pierre, et scrute l'étendue désertique. Putain de bordel de merde de fait chier… j'ai couru pour rien… y pas un seul truc qui bouge, rien que du sable et de la caillasse! Pfffiou… j'ai vraiment flippé pendant un moment… j'ai le coeur qui bat à cent à l'heure!
Je saute à terre. Sifflement, bruit sec du métal contre la roche. Cliquettement d'une flèche qui ricoche et tombe à terre. Nom de Dieu! Finalement, j'ai pas couru assez vite… je m'accroupis derrière un monticule de gravillon et de branches mortes et scrute l'obscurité. La flèche venait de par-là…
Je contourne, me faufile au ras du sol, rampe le plus silencieusement possible. Une deuxième flèche juste au-dessus de moi, l'air de dire "je sais où t'es, pas la peine de te donner tant de peine". Putain je vais vraiment l'atomiser ce mec s'il continue! Et pas qu'à moitié cette fois! Par les cornes de Satan, il va voir s'il continue à se moquer de moi comme ça! Je bondis à découvert. Et bah tiens, je l'ai trouvé ce con-là… Et hop! Réception juste devant son nez! Et une bonne gerbe de poussière en plein dans la tronche, une! Il a pas l'air habitué à ce genre de chose he he he… Faut pas t'attendre à du cent pour cent fair-play couillon… Je saute en avant pour tenter de le désarmer, mais manque de pot, il a eu le réflexe de reculer et je ne frappe que du vide. J'enrage encore plus. Je cogne, j'attaque, je pare. Ses mouvements sont d'une perfection incroyable. Sa technique atteint le summum de l'excellence. Je me prends deux trois coups qui n'ont rien a envier à la baffe de tout à l'heure, et je sens ma mâchoire enfler. Putain l'enculé!
J'ai beau m'y connaître en arts martiaux, là, ça me dépasse, et je n'ai pas vraiment la possibilité d'analyser ses mouvements dans cette purée de poix qu'est l'obscurité ambiante. Bon, je tente le tout pour le tout, il faut que j'arrive à m'éloigner et à le semer, voire à l'immobiliser, sinon il ne va pas me lâcher la grappe et je vais me retrouver à passer le balai dans sa case. Et il n'est pas question que je remette les pieds là-bas maintenant que j'en suis partie.
Au moment où la technique voudrait que je pare et contre-attaque, j'anticipe, me baisse, fauche, pivote, évite le corps qui chute, me redresse d'une poussée sur les avants-bras et décampe sans demander mon reste. Putain mais c'est qu'il est collant le papy! Je suis pourtant sûre que sa tête à heurté le sol! Pourquoi il s'est pas gentiment assommé!? C'est un casse-couille celui-là, mais un vrai!! Pas un petit gabarit dans le genre valseur! Un pot de colle comme il est pas plaisant d'en avoir au derrière… Putain me fait chier ce connard!
Et en plus il récupère vite, malgré l'âge… j'ai déjà une flèche qui vient de me siffler entre les jambes. J'esquive, je saute et j'accélère. Et finalement, je me rend compte que je me suis faite avoir en beauté. Et un peu trop tard avec ça. Oui non mais parce qu'à force de gambader joyeusement en sautillant allègrement sur les côtés pour fuir ses traits, je me retrouve en haut d'une pente plutôt raide si vous voyez ce que je veux dire… Il s'est bien foutu de ma poire ce con. Et maintenant, moi qui déboule comme une furie, qui freine d'un coup, qui agite les bras dérisoirement et qui bascule. Bon, j'ai du bol, c'est pas un à-pic, juste un versant bien caillouteux et particulièrement glissant. Je débaroule de manière admirable jusqu'en bas, les bras rabattus devant le visage, poussant de stridentes exclamations de douleurs. C'est sûrement pitoyable à voir, et c'est particulièrement douloureux à vivre.
Je m'écrase lamentablement au terminus, les quatre fers en l'air et les fesses en avant. Vraiment déplaisant… et vexant avec ça. Je me tale donc magistralement le derrière avec un dernier glapissement outré et me redresse d'un bond, chose que je regrette bien vite. Rien de casser, mais un paquet d'égratignures et des bons bleus. De quoi lui en vouloir pour une bonne décennie de plus à ce crétin dégénéré! Je laisse échapper un chapelet de jurons et me retourne. Il est en train de descendre prudemment et sur ses deux jambes, par le même chemin que moi, avec la flèche encochée et un air amusé qui perce même à travers la pénombre lunaire. Je vais le bouffer…
- C'est ce que l'on peut appeler du rebondissement…
Le jeu de mot qui tue… je vais l'anéantir… Au son de sa voix, à la moquerie dans son intonation, je recommence à bouillir de rage. Ma main gauche se glisse dans son étau de fer fixé à ma ceinture, dans un mouvement lent et mesuré. Avec cette luminosité et mes autres déplacements simultanés, il y a de grandes chances pour qu'il ne le remarque pas… Je tremble de fureur, j'ai envie de lui sauter à la gorge et de hurler. Putain!! Mais pourquoi il veut pas me lâcher! Je suis pas un chien! Merde!
- Mais c'est qu'il veut pas lâcher prise le petit vieux… et en plus il fait de l'humour... c'est la compagnie qu'il vous faut? Prenez un animal! J'ai pas une gueule de cocker que je sache! Alors merde! Retourner brouter l'herbe et…
Je n'ai pas vraiment le temps de finir de lui dire le fond de ma pensée, parce que je dois m'aplatire au sol pour éviter la flèche qui vole droit vers ma tête. Je m'apprête à lui dire le nouveau fond de ma pensée, c'est-à-dire que je suis sur le point de lui hurler qu'il n'est qu'un taré qui ferait mieux de se trouver un asile, lorsqu'un grognement rauque et menaçant se fait entendre, juste derrière moi. Bon, OK, j'avoue, il est ptète pas aussi décati que ça le papy… je fais volte-face, oubliant totalement mon cher "tuteur", et chaussant en un clin d'œil mon deuxième poing américain, prête à cogner le premier truc qui me saute à la gorge.
En voyant le mastodonte qui est à à peine deux mètres de moi, j'en reste sur le cul. C'est ENORME, ça bave et en plus c'est plein de dents. C'est tout ce que je distingue, mais c'est déjà bien assez pour me donner envie de lui offrir une jolie mort sur-le-champ. Bon, pas le temps de se laisser bouffer, autant passer tout de suite à l'offensive. Je me décale pour laisser les flèches du fossile passer sans me percer de part en part, et commence à asséner une belle série de coup dans des zones qui me semblent sensibles, avec le peu que j'arrive à discerner, tandis que la bête, un peu trop massive pour esquiver, brame et dévoile d'un air menaçant une deuxième rangée de crocs particulièrement pointus. Elle agite ses énormes pattes griffues devant elle, m'obligeant à reculer. Coup de chance, la lune se met briller plus fort, comme si le brouillard qui l'enlaçait avait enfin desserré son étreinte vaporeuse. Bon, c'est encore plus moche avec la lumière, mais au moins, je vois la jugulaire tout de suite. Couteau dégainé. Un énorme coup de griffe me passe à ça du visage et je dois battre un retraite, le temps qu'elle se reporte sur la flèche qui vient de se ficher dans une des ses pattes. Je bondis, ma lame tranche en partie l'épiderme épais et caoutchouteux, sectionne la monstrueuse artère. Un jet de sang d'une ampleur proportionnel à celle de l'animal fuse dans l'air, aspergeant copieusement les alentours. Le truc s'écroule sur le flanc. Vraiment pas très efficace comme bestiole… Un sourire malsain naît sur mes lèvres, tandis que je retire ma lame toujours fichée dans la gorge blessée, en la faisant tourner. Bien fait pour ta gueule créature du tartare… La plaie ainsi élargie, le fluide vital jaillit plus abondamment encore, et je recule prudemment, ne voulant pas non plus être trempée par cette rivière vermeille qui gicle, éructe et dégouline sous la pâle lueur céleste. Un spectacle envoûtant… tout ce sang…
Je baisse ma garde, cesse de me méfier. Grossière erreur, car dans un dernier sursaut, la grosse bestiole agonisante se retourne dans un dernier cahot et m'entaille sympathiquement l'avant-bras. Putain… Décidément, les profondeurs en ont après moi aujourd'hui! Mais merde!! Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça! Rah!!! Putain de ta race de fait chier de merde!!!
Je tombe, encore, en poussant un cri. Bon, au moins tout ça me ramène un peu à la réalité, et surtout au problème de départ : le pot de colle périmé. Je dois me barrer. Tenant mon bras blessé, grimaçant à cause de mes membres endoloris par ma précédente chute (très artistique, j'insiste… pff…), je me redresse le plus vite possible. Bon, encore une fois, j'ai agi sans vraiment réfléchir. Encore une fois, monsieur "qui savoure et qui mâche et qui se trimballe avec du poison chez lui", est plus rapide. Je me prend un sacré coup dans la nuque. C'est qu'il a plus envie de jouer le vieux… Douleur sourde, néant. Retour à la case départ. Et merde. Putain, fais chier…
Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Evangéline" (12.09.2008, 23:36)