Le vrai Mage, c’est Le Prophète :
Le premier je me suis efforcé d’extraire le Mage de sa gangue évocatoire et égoïste. Je l’ai vu non plus en lui-même mais hors de lui, et je l’ai vu non plus rattaché par Jésus, ou Bouddha, au premier Zoroastre, afin qu’il se dressât hors des superstitions aux pieds de l’Autel. Il fallait le dépouiller de l’israélite appareil, de sa Chaldéenne rouerie, et des torves pratiques d’une sorcellerie pompeuse. Au grand jour, ce pauvre Mage clignotait des yeux, faisait triste mine sous sa charlatanesque vêture, dans son arsenal belliqueux d’opérette, bredouillant ses formules compliquées et barbares. Il le fallait mettre face à face avec la Science et la Vie, souriant des conjectures outrecuidantes de l’une, amoureux des profondeurs divines de l’autre. Il fallait le rajeunir, le styler, en faire un Homme.
Trop longtemps il fut hors de l’Art, hors du Monde, décrié. Je l’ai fait marcher parmi ses semblables, Fort et Simple, dur pour les Puissants, bon et doux pour les Pauvres de Cœur, pour les Désolés, réconcilié avec le dévouement ardent et souple des femmes. Je sais bien qu’il n’est pas possible de plier l’irascible orgueilleux au devoir universel. Nos modernes Salomon sont lamentables. Qui les accepterait sans rire ? Qui, les ayant approchés, ne se repentit d’avoir été dupe ? Ils appartiennent aux Mages du Passé, frappés d’un ostracisme qu’ils ne méritèrent que trop souvent.
Quelles luttes pour transformer le Nécromant, l’Envoûteur, le Démonomane ! Eliphas Lévi, dernier maître Magiste avait lassé les plus confiants lecteurs. La génération mystificatrice issue de cet écrivain orageux et vide, pleins d’éclairs et d’inconséquences, admirable et quasi dément, cette génération pesait sur l’opinion, faisait croire à une boutique nouvelle de pharmacie interlope, à des falots et indigents professeurs d’une science de bric-à-brac et de raccroc. La vieille Malédiction cernait de nouveau le Mage. J’ai espéré La conjurer. Et le voici, le Mage, tel le Saint du Futur, éternel exemple, Idéal. Il faut que le Mage devienne Prophète ou qu’il ne soit plus. S’il ne s’appuie pas sur la Religion Eternelle, si, rafraîchi aux ondes mystiques où il laissa sa crasse d’Hérésiarque, il n’exerce pas sur ses Frères le ministère laïque et divin qu’il revêtit, il tombe sous la loupe du folklore, se dissout au laboratoire du chimiste, devient la risée de l’historien. Son salut de l’Antique Persécution pour le Glaive des Combats Intellectuels et des Apostolats Mystiques.
Alors il se hausse vraiment dans l’Action Providentielle, renouvelle ses Révélations en les propageant, apporte en notre société déconfite, lugubre, criarde et hébétée, une Flamme fière, une Révolution pacifique et consolante.
Et il n’est plus seul, ayant dans l’Ombre à ses côtés la tribu des Voyantes et des Prophétesses, celles qui animent sa Foi chancelante aux heures de dégoût, celles qui éclairent l’Avenir empoissé par la Colère de Satan.
Je l’ai vu Poète, car le Poète est le primitif initiateur, celui que tous peuvent écouter sans contradiction, car le Philosophe vexe, systématique, le Savant choque, cynique et étroit, le Politicien ne peut même plus être écouté et cru.
Le Poète chante, il s’adresse à l’Ame impersonnelle, reculée, infaillible et une, il éveille l’Instinct des Femmes, il éclaire l’Intuition du Simple.
Lui seul peut en leur Vraie Langue dévoiler les Dogmes Eternels, que les Cultes enfouirent sous le Chaos de discordantes pratiques, que les prêtres défigurèrent, que les Peuples suivirent avec une aveugle Frénésie, ou lâchèrent avec un monstrueux et aussi aveugle dédain.
Il clora l’ère du Christ au Tombeau pour annoncer l’Epoque du Christ dans les Cieux.
Il Sera Le Premier Saint de Gloire, alors que les autres Saints furent des Saints de Douleur et d’Obscurité.
Il réconcilie l’Espoir et l’effort du Monde avec la Miséricorde et la Justice de Dieu. Il est celui qui cueille avec ses bras levés les Etoiles du Firmament parce qu’il s’est agenouillé sur la Terre d’Humiliation.
Etant Pur il prie, étant Simple il croit, étant Savant et Fort il Lutte.
En vérité, il est celui dont Jésus a dit qu’il révèlerait les Arcanes que lui Jésus, à causes des Temps, avait dû laisser cachés.
Il est l’Homme du Saint-Esprit.
Extrait de La Voie du Guérisseur (Secrets de Haute Magie - Tome I)
*
"Mon nom est Rav3n.. et je ne suis qu'une Ombre..."
"Au creux du Néant, une poussière voudrait devenir une Etoile..." Une main pour refermer précotioneusement le Grimoire... l'autre le plaque contre la poitrine.
Sous les traits de la Lune, une silhouète semble tressaillir intérieurement, laissant transparaître une insondable fragilité. Vêtu d'un ensemble de voyage de belle facture aux couleurs nacrées, l'homme arbore semble-t'il un gilet de cuir souple sous les replis d'une épaisse tunique de lin blanc. Il semble aisé la démarche presque indolente et avance lentement le long du sentier redescendant la colline. Aevoss se redressa discrètement afin de se retourner à couvert d'un épais rocher. Ses compagnons l'écoutaient tout en scrutant de temps à autre leur dernière proie de la journée.
"Bon les gars ça devrait aller je crois, il ne s'agit que d'une espèce de pélerin. On devrait avoir de quoi se faire plaisir un moment..!"
"La bête a l'air plein aux as..."
Aevoss reprit
"On fait comme d'habitude, pas la peine de se prendre la tête.."
"Je ne comprend pas ces crétins qui se croient à l'abri." ricana Lorin.
Le groupe de bandits ne se compose que de six hommes, mais il leur est facile de s'occuper des voyageurs isolés.
"Avec cette Abbaye" pensa Aevoss
"nous avons une affaire prospère.. le pauvre ne va pas comprendre ce qui lui arrive..." il sortit de ses pensées, mettant un terme aux sarcasmes de ses compagnons.
"Bon les gars.. Biggs est sans doute prêt, si y'a un souci il nous couvre. Fenri, fonce lui couper la retraite au cas où il essaie de filer et préviens nous dès que tu es en place. Azkan et Monéo vous vous placerez sur ses flancs, quant à toi Lorin.." ce dernier le regardait d'un air sadique, léchant le tranchant de son poignard rouillé puis y passa les doigts.
"Tu viens avec moi espèce de fou.."
"Je sais..."
Le groupe s'était déjà dispersé allant cerner le voyageur isolé. Les deux derniers bandits allèrent discrètement vers leur proie, se plaçant à la lisère du chemin à couvert derrière de larges chênes. De là où il est.. Aevoss peut voir la gueule hideuse de Lorin. Souvent, il se disait que Lorin ressemblait à un Farfadet mais avec une ascendance trollesque presque insupportable...
"Vraiment de plus en plus moche ce type.." Il se risque à jeter un oeil vers le sentier : rien.
"Il ne devrait pas tarder." Il pût apercevoir entre les arbres et la végétation éparse Monéo qui venait de se placer à une demi-douzaine de mètres sur leur droite. Il ne pouvait voir Azkan de sa position mais ce dernier devait sans doute se trouver dans les fourrées en face, à quelques pas de la rivière d'Eaubelne.
L'étranger finit par apparaître au bout de plusieurs secondes, Aevoss put maintenant apercevoir qu'il s'agissait apparemment d'un membre de l'Eglise, la Croix de Malte figurant sur sa tunique.
"Peut-être un Templier.. si c'est le cas, nous aurons fort à faire..."
Un hullulement se fit entendre, le signal.. Biggs était prêt et à bonne portée d'arc et Fenri en place non-loin.
"Je crois qu'ils ont choisit de s'en prendre à moi..." L'homme continuait d'avancer, marchant lentement.
Il arriva à quelques mètres de Lorin qui ne tint plus, sortant d'un bond afin de le stopper.
"Mais quel ***"
"Halte-là ! La bourse ou la vie cloportre ! T'as intérêt à être coopératif ou j'te jure que je t'éventre..." Lorin faisait passer son arme d'une main à l'autre.. jouant avec d'une danse macabre.
Aevoss tout en sortant précipitamment des buissons déclara
"Ouais, mieux vaut éviter un bain de sang inutile.. tu seras triste d'avoir ainsi été delesté mais tu auras au moins la vie sauve.. étranger."
"Singlante entrée en matière."
La silhouète s'était immobilisée.. et Aevoss put voir que l'homme portait un bandeau sur les yeux.. marque évidente de la cécité...
"Rien à craindre d'un..."
"Putain c'est un aveugle ! Bon tu craches la bourse ou je dois venir la prendre sur ton cadavre..?!" cracha Lorin.
Monéo et Azkan étaient sortis de leur cachette afin de se rapporcher. Un long silence s'écoula laissant entendre le bruit de pas des deux compères avant que Monéo ne poursuive d'agacement.
"T'es sourd en plus d'être aveugle...?! Envoies la monnaie si tu n'veux pas qu'on te crève là tout d'suite !"
Derrière se trouvait Fenri qui venait de faire son apparition, se rapprochant d'eux sa massue à la main. Il n'était qu'à cinq ou six mètres d'eux à présent.
"Il est cerné."