[Avertissement HRP: si vous désirez vous joindre à moi/nous pour conter cette histoire, merci de mp avant, vous êtes les bienvenus ]
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Assise sur un morceau de béton à peu près plat, la jeune femme jouissait de ce qu'on pourrais presque appeler un bassin d'origine naturelle: l'effondrement d'une fontaine et le bris d'une canalisation d'eau courante fournit à ce trou aux bords irréguliers un apport constamment débordant d'eau fraîche et claire.
Ne craignant pas le froid, la demoiselle se prélasse donc avec un flegme tout particulier, plongée dans le liquide translucide jusqu'aux épaules, profitant de la quiétude des lieux.
Admirant sur la surface de l'eau le jeu combiné de la lumière de la lune perçant le toit du centre commercial abandonné avec celui d'un vieux néon survivant, tremblotant faiblement dans la nuit, elle en trouble la quiétude du bout des doigts, observant et analysant les ridules formées en surface.
Ça et là flottent paresseusement quelques débris de vies oubliées, d'une humanité déchue: poussière, feuilles mortes, lambeau de tissus... tout, ici, lui rappelle sa calme solitude et son isolement mortifère.
Et l'ennui.
Mais n'est ce pas aussi bien? Les choses ne sont elles pas parfaites telle qu'elles sont?
La jeune vampire soupire faiblement, causant de nouvelles perturbations concentriques venant troubler l'harmonie aqueuse de l'ensemble par le soulèvement et la lente retombée de sa généreuse poitrine de neige.
Tout le problème est là: elle n'en est plus aussi sure.
En quelques centaines d'années seulement, elle a contemplé de ses iris dorés le monde en plein changement. Les habitants des grandes villes mourant les uns après les autres, les mutations diverses, la pauvreté, la monté inévitable de la violence motivée par un faible niveau de ressources et le peu d'abris viables disponibles... une longue spirale qui ne se stabilise qu'à peine, enfin, pour apporter quoi?
La paranoïa. La guerre perpétuelle. La compétition pour le pouvoir, la recherche continuelle d'artefacts...
La complainte ténue de l'eau qui s'écoule ne lui apportant nulle réponse, la caïnite décide de sortir enfin de sa torpeur, s'extirpant de son bain improvisé avec la lenteur féline du prédateur sortant tout juste d'une sieste un peu trop longue.
Se glissant dans une robe rouge quelque peu démodée, avec grâce malgré ses muscles légèrement engourdis, elle cache aux éventuels regards son corps dénudé et parfaitement blanc, bien qu'à part la vermine nul ne puisse être en mesure de le contempler.
A quoi bon, de toute façon?
Soudain aux prises avec une petite pique d'agacement, la demoiselle émet un bref claquement de langue contre son palais, faisant fuir un rat famélique et lépreux de la racine tordue qu'il était en train de ronger.
Cette nuit, le décors de gris, d'argent et d'acier ne lui est d'aucun réconfort et l'impression de vide qu'elle ressent au creux de son ventre n'est pas causé que par la soif.
Mais à défaut de mieux, autant aller se repaître.
Autant aller chasser, se changer les idées, se procurer ce trop bref apport d'adrénaline dans ses veines.
Essorant ses longs cheveux sombres d'un geste désinvolte, le tissus encore collé à ses membres fins par l'humidité, Aurélia se met en route.
A la recherche d'une proie.
De sang à prélever.
D'une vie à voler.