La douleur me déchira littéralement. La tête en bas, à moitié, voire au trois quart écartelée, je luttais pour ne pas hurler. Et c'est pour dire à quel point cette merde faisait mal. La dernière chose que j'avais vu avant que cette purée de poix aubergine ne vienne m'envelopper de la tête aux pieds, ç'avait été le visage de miss je-tords-du-cul. Et rien de rassurant, croyez-moi... Des yeux rouges striés de noir, brillants de cruauté, et un sourrie carnassier et sadique qui révélait des dents blanches, des canines aigues. Nom de dieu... ça ne sentais même plus le roussi, on en était déjà au stade de la chair fondue.
J'étais à près de 5 mètres au dessus du sol, et je peux dire que pour une fois, je détestais être en hauteur et aurait donné cher pour être sur le sol. Dix pieds sous terre, bien planquée dans un terrier, m'aurais même mieux convenu en l'occurence. Les effluves violettes me montèrent très vite à la tête, et tout tournait déjà bien trop pour que je réagisse lorsqu'un éclair vint me frapper au crâne. Je m'attendait à éprouver de nouveau une fulgurante douleur, à sentir ma tête exploser sous l'impact. Mais non, rien de tel ne se produisit. Juste la désagréable impression de m'éloigner et de m'endormir en même temps. Puis tout devint noir.
J'avais l'impression de tomber dans le vide. Peu à peu des sensations étranges m'envahirent, comme si... comme si pendant l'espace d'un instant, je ressentais autre chose que ce que j'étais censée éprouver. Vraiment dérangeant et inhabituel. Puis à nouveau plus rien, le néant. Je ne sais combien de temps s'écoula pendant ce moment d'inconscience, mais je suppose que ce ne fut pas très long.
Je repris peu à peu mes esprits. Je sentis le contact froid du sol de pierre sous mon corps, une mèche de cheveux qui me chatouillait la joue, et... et le doux frottement de vêtements qui ne semblaient pas vraiment être les miens! Ma tête me faisait, de nouveau, un mal de chien, et encore, même ces braves bêtes n'ont pas droit à tant de douleur en général. Je bougeais prudemment les doigts, puis le bras, pour ensuite progressivement tâter le sol autour de moi. Bon, rien de suspect, pas de sang, rien qui puisse signaler une quelconque blessure ouverte.
Soudain je pris conscience de quelque chose de vraiment alarmant : mes perceptions avaient changé. Sous le coup de la surprise, j'ouvris brusquement les yeux et me redressai en position assise en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Je voyais, à travers les ténèbres ambiantes, mais je sentais une différence, qui m'échappait certes, mais qui était bien là. Peut-être ce parfum étrange dans l'air, ce coin sombre qui ne l'était plus tellement désormais, ce silence inquiétant qui n'était pas coutumier à la grande bibliothèque, habituellement emplies de craquements et d'autres bruits que faisait son immense carcasse en supportant tout le poids qu'on lui infligeait.
J'avais l'impression d'être sourde, et qu'un imbécile venait de renverser une bouteille de parfum, voire de déo pour "fontaine ambulante". Je portai instinctivement ma mains à mes narines pour les boucher, voir si je ne rêvais pas ou si je n'avais pas un quelconque liquide sur le visage qui aurait pu expliquer cette odeur si forte. Mal m'en pris, car des ongles acérés vinrent m'écorcher.
Putain de bordel, depuis quand j'avais des griffes pareilles?! Je contemplai mes mains, les yeux de plus en plus écarquillés, à la vue des "mes" ongles, bien trop longs à mon goût et couverts d'une conséquente couche de "vernis" rouge, qui avait une significative odeur de sang. Mais qu'est-ce que cela signifiait? Cela ressemblait à une mauvaise plaisanterie de Ninix, qui prenait un malin plaisir à coller des post it dans le dos des gens et autres blagues d'un humour doûteux, à ras les paquerettes. Mais bizzarement, je me dis que ça n'avait aucun rapport avec lui. Oui, parce que me mettre des faux ongles et les enduire de sang pendant que j'étais sonnée, ça c'était dans ses cordes, mais me coller deux air bags version XXL et me fringuer comme une traînée de luxe sur le point de faire son boulot, ça, ça l'était déjà nettement moins.
Horrifiée, Je poussais un cri perçant, du genre qui vous fait vibrer les tympans pendant un moment. Enfin, j'aurais voulu, parce que ce ne fut pas mon habituel sirène ultrason qui raisonna contre les épais mur de la salle, mais une voix plus sulfureuse, plus suave, plus... beurk, du genre qui fait rappliquer tous les mâles à cinq cent mètres à la ronde. Merde de merde et de re merde. C'était pas possible!! ça ne se pouvait pas!! Affollée, je me relevai d'un bond et m'observai, hérissée, totalement affolée, catastrophée et sous le choc. Je n'arrivais pas à y croire. Enfin, je fus bien obligée de me rendre à l'évidence, quand, relevant les yeux, je m'aperçus un peu plus loin. Je laissai échapper un flot de jurons, d'un air aterrée, et restai là, les bras pendants, l'air ébahi, trop sonnée par la vision de MON corps en train de se mouvoir sans moi.
Oui, c'était bien moi, qui, un peu plus loin, venais de me remettre sur mes deux pieds, et m'étirais allègrement comme un chat, et m'époussetait d'un air satisfait. Enfin, quand je dis "moi", en l'occurence, c'était plutôt "mon corps", parce que pour ma part, j'étais plutôt en train de devenir dingue, dans un corp de... succube. Oui, c'était bien ça, j'étais dans le corps de l'autre blondasse. Parce que maintenant, bizarement, ça me paraissait logique (quand les brumes du sommeil se dissipent enfin... ) c'était forcément ça. J'étais peut-être pas la plus calée sur le sujet, préférant les romans et autres bouquins sur la symbolique, la sorcellerie et je ne sais plus quoi encore, les livres de démonologie ne m'étaient pas forcément totalement inconnus, et ça, cette chose immonde qui m'avait tchourée ma bonne vieille carcasse, c'était une saleté de succube. Et merde, même pas droit à un bel inccube plein de muscles...
Même durant mes pires cuites, je n'avais encore porté de pareilles fringues. Une véritable catastrophe. Bon, OK, au moins, la nature de ce corps faisait que je n'avais pas froid, mais c'était pas une raison! Au moins, maintenant je savais à qui envoyé les filles de ma maison close pour leur apprendre leur boulot et comment s'habiller... En revanche, je n'appréciais pas du tout le fait de porter moi-même ces machins. Une sorte de... jenesavaisquoi à la danseuse orientale (même pas un vêtement, un sous-vêtements plutôt...) avec des perles, des trucs en or et tout un fatras de pierres qui pendouillaient, faisait office de "haut" (pour sûr, ça descendait pas très bas...), tandis qu'une "jupe" assortis tentait vainement de se faire passer pour telle. En effet, c'était plus un cache-sexe tout en rubis et autre trucs dorés, tout entouré de voiles de mêmes couleurs, particulièrement transparents. S'y ajoutaient des chainettes et autres breloques. Bref, on se serait cru à un remix des mille et une nuits, version un-poil-plus-dénudé. La grande classe quoi...
- Euh... pour Shéhérazade, c'est pas ici ma grande! Alors reprends ton joli cul, tes deux pastèques ambulantes (j'exagère...) rends-moi mon corps, il te va pas du tout tu sais, et après je suis sûr que ça ira mieux! Lui balançais-je, tentant de reprendre un peu d'assurance.
Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Evangéline" (03.07.2008, 16:34)