« - J'ai l'impression d'être dans un sac de toile qu'on aurait balancé au fond d'un puits, avec une cuillère à café pour sortir de là. Jvois pas trop comment sortir de cette merde. »
Iridia s'était retiré dans sa tente pour étudier le problème. Le tourner dans tout les sens, secondes après secondes, histoire d'y voir plus clair. Le dôme cédait. Ses faibles connaissances en électronique, les plus avancées de la cité probablement, lui indiquait qu'il s'agissait d'une défaillance d'ordre énergétique. Ou le cœur de l'alimentation, ou le transfert d'énergie. Ceci dit, les humains n'avaient jamais créé de boucliers de cet ordre. C'était avant la guerre de la pure science-fiction. On pouvait se dire que si l'une des unités cédait, les autres foutaient le camps avec. Les Anciens auraient-ils fait une erreur de cet ordre ? Ils étaient aux abois à l'époque. Pas le temps de faire dans la dentelle. Mais sans trop douter, la vampire pariait sur l'alimentation principale. Ça y ressemblait bien. Des défaillances brutales, aléatoires et globales. Et là, ça faisait chier. Parce que personne ne savait d'où venait l'énergie du dôme. Le secret s'était perdu. Et très prosaïquement, jusqu'alors, tout le monde s'en foutait.
S'ils n'avaient pas passé le dernier siècle à se mettre sur la tronche, ses congénères auraient pu faire des miracles et sensiblement améliorer leur quotidien, ainsi que celui de leurs subordonnés. Ce qu'elle avait tenté de faire, à sa petite échelle. Mais il fallait se rendre à l'évidence : les vampires, toutes races confondues, étaient des saloperies de parasites. Au niveau purement physique, mais aussi psychologiquement. Incapables du moindre progrès technique ou moral. Tout juste bons à perpétuer une guerre qui avait perdu la moindre raison d'être. Probablement à cause de leur mégalomanie, ce sentiment de puissance, clairement immérité, cette crise en était la preuve.
« Plutôt austère de travailler avec vous. »
Le prophète venait d'entrer dans la tente. Elle avait bien précisé qu'elle dormirait avec lui jusqu'au coucher du soleil. Ne tenant pas à se retrouver seule avec Turmac pour le moment, la situation ne s'y prêtait vraiment pas.
« J'essaie de démêler ce sac de nœud. Mais avec le peu de données dont je dispose, ça va pas être de la tarte. »
L'homme sourit. Il avait l'air vieux, ses yeux bleu perçant votre âme comme un fil monomoléculaire dans une motte de beurre. Ses rides traçaient une cartographie complexe, kabbalistique, sur son visage. Il enleva le chapeau posé sur sa tête et s'installa.
« Le nœud gordien. Souvenez-vous d'Alexandre. Il faut trancher dans le vif. »
Encore un qui avait compris son intérêt pour les légendes grecques. La belle affaire.
« Et vous auriez pas un réacteur nucléaire dans le camion ? Non mais parce que sans ça, je ne vois pas de solution. »
Le soleil se levait à présent, mais la tente les protégeait. Ils étaient coincés désormais. Iridia avait posé des sismo-senseurs autour du campement avant de se coucher. Le cadavre de la méduse, au moins la tête laissée par la gamine insolente, devrait faire l'affaire pour la journée. C'était toujours mieux qu'un panneau « Attention, vampires méchants. ».
Un peu plus tard dans la journée, les sismos s'emballèrent, tous en même temps. Le sol trembla quelques secondes. Iridia attrapa son scanner, histoire de voir à quoi ça ressemblait. Secousse généralisée, en provenance du Sud. Une grosse explosion à leur point de départ. Le prophète esquissa un sourire.
« Voilà. Acte 2. Ça a sauté. »
Elle se retourna pour le foudroyer du regard.
« Et qu'en savez-vous ? »
Il s'étira avant de s'asseoir sur sa couchette.
« IL me l'a dit. Même en dehors de la cité, je peux encore Lui parler. Celui qui m'envoie. IL n'est pas des nôtres. Mais nous avons des intérêts communs. Et Il vient de me dire que le bouclier vient d'exploser. Surcharge critique, je suppose, mais ça c'est votre boulot. »
Voilà qui n'arrangeait pas leurs affaires. L'explosion avait, elle en était certaine, vitrifié une grande partie des immeubles encore debout. En pleine journée. Ça devait être une véritable hécatombe. Et, si la Forge avait été touchée, irrémédiable. À présent, elle était au moins sûre que c'était les piles qui s'étaient emballées.
« On peut encore s'en tirer, à condition de faire vite. »
Un peu plus tard, un bruit de ronflement se fit entendre. Le véhicule démarrait. Iridia bondit.
« C'est quoi encore ce bordel ? »
Pas de doute, le camion était en train de se faire la malle, avec dieu sait qui aux commandes. Coincée dans cette tente avec l'ancien, elle enrageait.
Ce message a été modifié 2 fois, dernière modification par "Iridia" (31.05.2011, 02:33)