Oh oui, je comprenais que trop bien. Et pour cause, son boss avait employé mes services pour un paquet de trajets en zone 5. Un vrai fils de pute classe number one. Si vous arrivez à imaginer un croisement entre un bourreau moyenâgeux et un hypocrite mafieux au sadisme raffiné, et bien vous voyez quel genre de maître dirige le quartier dans lequel je vis.
Parce qu’il faut que je vous explique.
P’être que pour la race vampirique, je suis Joe-le-taxi. Chauffeur intouchable de son état, et surtout par de nombreuses petites ficelles dans lesquelles je n’ai surtout pas intérêt trop faire vibrer. Toutefois, Joe est un mortel, et comme tous les mortels, faut bien que je crèche quelque part, et ce, au nez et à la barbe de tout ce beau petit monde.
J’ai entendu raconter pas mal de rumeurs à ce sujet là : Bunker souterrain à la Batman, Quelque part dans un paradis en dehors de la ville, y en a même qui disent que j’ai une base aéroporté et que mon taxi me téléporterait ici et là. Y en a, j’te jure…
La vérité c’est que je vis comme tout le monde dans un trois pièces meublés avec ce qu’à bien voulu nous laissé la guerre et que je réside sur le territoire d’un petit vampire à la con qui se prend pour dieu le père comme pas mal des siens.
Ok, le garage, lui, est BEAUCOUP plus sécurisé que l’appart, mais y a toujours rien de batmanesque là-dedans.
Toujours est-il que pour le commun des mortels et donc certainement du boss des lieux, je suis Joe, tout simplement. Humain parmi humain, mortel parmi les mortel, chair à pâté parmi la chair à pâté. D’ailleurs en parlant de pâté… un miaulement criant famine se fit entendre venant de derrière le fauteuil. Une tête toute féline au poil brun et blanc en dépassa.
- Oh, mais qui es-tu toi ? S’amadoua Tom le baraqué en soulevant doucement la minette qui se laissait faire, hagarde.
- Ah, ça c’est Chips. Répondis-je amusé sans même avoir détourné le regard, imaginant parfaitement le gros balaise redevenu enfant face à la douceur de ma Chips.
- T’es un gros matou toi, tu manges bien dis donc. Riait une fois de plus Tom de son sourire colgate.
J’attaquais le col.
- C’est une matoute plutôt, Chips est une femelle.
- Oh ! S’exclama-t-il de façon très comédienne. Désolé, mademoiselle ! Il riait et il m’amusait.
Je me demandais comment un mec aussi sympa pouvait être à la botte d’un… mais après tout, quel être humain n’était pas soumis à la domination des créatures de la nuit dans Ultima ? Il survivait, comme à chacun, un job comme un autre, le mien consistait de lui mentir.
-Donc Joe, je suis là afin de faire un recensement. Poursuivit le costumé trois pièce que je jalousais intérieurement, posant Chips déjà ronronnante sur ses genoux. L’avantage de Chips, s’est qu’elle s’accommodait vite des situations. Profiteuse va !
« Notre maître souhaite mieux connaître ses gens, ce qu’ils savent faire, ce qu’ils font, vous voyez ? Exploiter au maximum les ressources dont il dispose pour les coordonner afin que tous nous puissions en tirer un meilleur parti. »
Tu parles… je connaissais déjà le topo. Le dracula du coin voulait simplement augmenter la production de sa boucherie de quartier ou bien encore alimenter les patrouilles de flics afin de mieux se protéger d’un rival, ou un truc du genre. A moins qu’il ne comptait monter un truc plus gros pour sa maison de passe, qui sait ? Mais le coup du gentil loup qui s’occupe du troupeau de chèvres, ce n’était pas nouveau pour moi. Toutefois, il me fallait jouer le jeu si je voulais préserver ma véritable identité.
- Et bien Tom, vous savez, je fais comme pas mal de personnes ici. Je donne des coups de mains par-ci, par-là, je bricole, je touche à tout et je rends service quoi.
- Ah ? Et quel genre de services plus précisément Joe ? Expliquez-moi cela. Son ton devenait plus inquisiteur.
Mince, un faux plis.
- Oh, vous savez, on va dire que… ch’uis dans la cuisine. Je connais pas mal de choses pour tout ce qui est vin, gastronom…
Le téléphone retentit. Mon sang se glaça.
- Vous avez un téléphone ? Interrogea Tom hébété.
Tom était dans mon dos mais c’est comme si je pouvais voir l’expression de stupeur sur son visage. Stupéfaction et tension. Il fallait que je trouve un prétexte, vite, tout, n’importe quoi.
- Oh vous savez, c’est un vieux téléphone, une relique. Et je crois qu’il y a encore des rigolos à Ultima qui s’amusent à faire des numéros au hasard, ça arrive tout le temps.
Deuxième sonnerie.
Tom ne disait plus rien et je me rendais compte de la connerie que je venais de lui balancer. Pourquoi garderais-je un téléphone sans aucune utilité ?
Troisième. Le vieil appareil à cadran vrombissait sur la petite table contre le mur en face de moi.
Quatrième. Les seuls voisins que je n’avais jamais eus dans cet immeuble abandonné furent un couple de personnes âgées à moitié sourdes. Ils ne m’avaient jamais posé de question s’ils avaient entendu quoique ce soit chez moi. Ils sont morts d’isolement il y a trois ans, bouffés par les rats. Au moins ils sont morts ensembles.
Cinquième sonnerie. Le cri strident appelait à sortir de la pièce exiguë, rebondissant entre quelques mètres carrés. J’y entendis pourtant un bouton de holster qui se détachait.
Sixième sonnerie. Je priais.
« Salut Joe. J'ai une mission spéciale pour toi. Bien payée. 4ème Cercle, chez Shadowleaf, passe me voir et on en discutera. Le plus vite. Ouais. Merci »
Et merde…