Il était particulièrement difficile de rester léthargique en pleine journée, sous la chaleur du soleil et dans un milieu hostile de surcroit. L'ermite du désert n'avait pourtant pas le choix et nous ne connaissions pas encore les événements à venir. La survie avait forcée la main au destin et nous allions de nouveau rencontrer notre Némésis. Tout cela en revanche ne se fit pas brutalement, sans pour autant avoir de présages, augures et autres événements typique de la romance antique. En réalité le réveil de Phegon se fit comme sa léthargie: Pleine de doutes et mue par l'instinct de survie. Une fois émergé du sable qui avait su le protéger de la morsure fatale de la grande brulante le vampire s'en alla en quête de proies. Il devait effectuer le rituel, seul le rituel pouvait l'apaiser, rien d'autre ne devait avoir d'importance.
Pour la toute première fois le désert semblait accueillant, presque paisible. L'horizon était noire, un noir profond, plus que n'importe quel mot pourrait décrire. Le désert semblait vouloir que l'on s'y enfonce, il nous appelait... Dans ces moments il appelle toujours. Phegon restait impavide, le désert pouvait vouloir et être cela ne changeait rien à la volonté de l'ermite et encore moins à ce qu'il fut. L'erreur est considérée comme humaine, mais c'est un tort, une erreur, que font tous ceux se sentant supérieur à autrui. L'erreur est la marque de l'arrogance, rien de plus, et cette fois ce fut l'hémophage qui fit preuve d'arrogance. Le désert était calme, vide et aucune proie ni même résidus de proie n'avait laissée de trace. N'importe qui, dans un état normal, aurait remarqué ce fait et s'en serait méfié, mais Phegon était confiant et affamé, incapable de déceler les mâchoires dans lesquelles il s'engouffrait avec une assurance digne d'un suicidaire.
Le sable se mit en mouvement d'une façon brutal. Un tourbillon encercla l'ermite qui se retrouva immédiatement immobilisé. Le sable avait-il gagné une volonté propre? Le vampire devenait-il fou? La faim venait-elle de le tuer? Toutes ces questions auraient pu avoir réponses plus douces que la réalité ne le fut. L'ermite venait de refermer l'étreinte de la paume sur laquelle il dansait depuis longtemps, celle du maitre des ténèbres, Za'gar.
Le spectacle qui s'offrait à nos yeux n'était qu'horreur, prémices de violence et de mort. Le maitre se tenait droit et fier laissant son corps abominable bomber des muscles presque à nus. Une aura de domination toute puissante faisait vibrer l'air, ou peut-être les nanites qu'il contrôlait? Une réponse n'aurait de toute façon rien changé aux événements.
"Mon enfant, puissant, vaillant mais ô combien imprudent.
Je suis ravi de te rencontrer, peut-être sans volonté,
Errant de la nuit et du sable, griffes et crocs du diable,
Il est temps de te damner pour devenir mon allié,
Viens je t'invoque et t'appelle à un destin cruel..."
Le rituel ne dura pas plus longtemps, un homme nu venait de s'engouffrer dans le sable et les nanites. Son regard était empreint d'une arrogance sans limites et son corps musculeux ne présentait pas le moindre signe de contraction. Le calme de l'homme était étrange mais évident: Son insolence était un bouclier face à la domination du maitre. Za'gar semblait agacé par cette interposition et Phegon s'en trouva étonnement soulagé. Lors du rituel une douleur violente l'avait meurtri, ses chairs le brulaient, ses os craquelaient et tout son être semblait muter dans un crescendo morbide.
"Que veut l'enfant lycanthrope? Ne connais-tu donc ni ta place ni ton rang? Oserais-tu imposer ta pestilence à tes maitres? Couche-toi chien et laisse aux vampires les droits que tu as perdu en ta malédiction. Tu n'es et ne sera rien, si la conscience est encore en toi retourne à ce que tu es et ne te mêle plus jamais des affaires supérieures."
Cette fois l'arrogance du loup-garou fut surpassée, le seigneur l'avait été plus encore et avec l'arrogance vient l'erreur. La meute fit son apparition, furieuse et puissante d'une colère aveugle ils emportèrent Phegon à travers la nuit et le sable en sacrifiant leurs chairs et leurs sang pendant que leurs nouveau chef faisait front. Le jeune lycanthrope regarda Phegon dans les yeux et lui esquissa un sourire carnassier.
"Nous ne te laisserons pas devenir son allié, ta vie nous appartient et aucun être ne pourra se la réclamer, pas même toi."
Le loup se fit mettre en morceaux en un instant, les nanites le dévorèrent alors qu'un violent souffle éparpillait ses quelques restes vers la meute. Les hommes étaient rapides et habitués à ces conditions, une fois encore Za'gar avait fait une erreur, et son arrogance Phegon lui ferait payer, du moins ce fut le serment qu'il fit en cette instant. Sa vie était sauve au prix de celle de ses ennemis, nul déshonneur n'eut été plus grand et nulle soif de vengeance plus brulante.