Je ferai un autre post. Effectivement, il vaut mieux pouvoir comparer (désolée, je comptais faire ça le week-end dernier, mais j'ai eu quelques imprévus irl).
EDIT : Voici la deuxième version. Elle n'est pas beaucoup plus longue, mais j'y ai apporté plus de précisions concernant les deux protagonistes, l'enfant surtout, et la vampire. Par contre, je reste volontairement peu précise sur les personnages secondaires. Dites-moi ce que vous en pensez.
Il était une fois un petit garçon de onze ans qui rêvait de voir le Père Noël. Pas un père Noël de pacotille, non ! Pas un de ces hommes déguisés à la barbe mal accrochée, avec un coussin sur le ventre ! Mais le vrai Père Noël, le seul, l'unique, avec son sourire bienveillant au coin des yeux, son traîneau enchanté et ses rennes volants...
Les autres enfants se moquaient de lui : « Le père Noël n'existe pas, hé, ballot ! »
Sa soeur, une grande perche d'adolescente hystérique au parler distingué, se moquait de lui : « Wah hé, l'aut', t'es trop con, sérieux ! 'tain, tout le monde sait qu'il existe pas, l'vieux ! »
Les adultes de sa connaissance – parents, amis de la famille, voisins - se moquaient de lui : « Alors, mon garçon, on croit encore au Père Noël ? »
Bref... Il était la risée de tout le monde. Mais lui s'entêtait dans sa foi absurde. Celle-ci ne se limitait pas au Père Noël, d'ailleurs : les personnages de contes lui semblaient aussi réels que les gens de son entourage, et les récits qu'il dévorait continuellement n'étaient pas différents à ses yeux des livres d'Histoire. Sa perception du monde en était altérée, du moins selon le point de vue des autres.
Lui pensait simplement être plus observateur... Il lui semblait voir des créatures d'écorce se fondre aux arbres noueux. Il croyait que les feuilles des arbres étaient des fées : en automne, quand elles prenaient des teintes cuivrées ou jaune d'or, les minuscules demoiselles aux membres délicats prenaient leur envol, arrachaient leurs ailes desséchées et se réfugiaient dans les crevasses des murs ou du sol pour hiberner. Souvent aussi, les ombres fantastiques qui se dessinaient dans sa chambre, la nuit, à la lueur des étoiles, le poussaient à regarder par la fenêtre à qui, à quoi elles appartenaient : il percevait alors un mouvement furtif mais, avant qu'il eût pu satisfaire sa curiosité, la créature avait fui.
Tout ceci ne l'aidait pas à être accepté par les autres, au contraire. Sans compter que cet enfant - dont les yeux cernés trahissaient une constitution fragile, dont le visage délicat trahissait une rêverie mélancolique, dont les gestes maladroits lui valaient moult réprimandes – s'entêtait à croire en toutes ces choses, demeurait sur ses positions, quitte à se gagner le mépris de tout le monde pour défendre ses convictions de grand rêveur coupé de la réalité. Alors ses yeux un peu vagues s'animaient d'une flamme d'exaltation effarante ; il serrait les poings à en faire blanchir les jointures de ses doigts grêles ; ses narines fines palpitaient dans sa petite figure rougie par la colère ; toute son attitude, enfin, prêtait à rire par le caractère excessif de cette fureur et par le ridicule de son entêtement... Surtout en ce qui concernait le Père Noël.
« Ce n'est pas parce qu'on ne l'a jamais vu qu'il n'existe pas, lâcha-t-il ce soir-là d'un ton renfrogné, en réponse aux habituelles boutades de sa famille.
Un éclat de rire généralisé accueillit sa déclaration et sa moue boudeuse.
- A ton âge, mon garçon, c'est un peu fort d'y croire encore. Et pourquoi pas croire à la Reine des Neiges, tant que tu y es ?
C'était le jour du réveillon. Tous étaient réunis dans le grand salon lambrissé qui faisait la fierté de sa tante, femme rondelette et souriante, comme chaque année ; et comme chaque année, on s'amusait aux dépens de l'enfant crédule. Celui-ci, sans se départir de cette moue qui le rendait adorable, répliqua à sa tante, qui se trouvait assise près de lui :
- La reine des Neiges existe, je l'ai entrevue derrière les flocons hier soir, en regardant par la fenêtre.
- Mais ouais bien sûr ! T'as rêvé frérot !
Serrement de poings, montée de sang au visage.
- Certainement pas, je n'arrivais pas à dormir, et...
- C'est ça, ouais... et mon...
- Oh, ça va, vous deux ! lâcha un des adultes présents, exaspéré. Et toi, surveille ton langage, miss, tu es pire qu'une poissonnière.
- Papa ! comment qu'tu peux...
- La ferme ! »
Le petit garçon, lui, n'écoutait plus. Rêveur, il repensait à la silhouette entrevue dans la tempête de neige qui avait fait rage la veille. La Reine des Neiges avait beau être le personnage d'un conte d'Andersen, l'enfant avait du mal à imaginer qu'elle ne pût pas exister. Il était sûr et certain de l'avoir aperçue, et malgré l'obscurité, la grâce de sa tournure et la légèreté de sa démarche dansante l'avaient frappé à tel point qu'il avait remis en question la méchanceté qui était sienne dans le conte : elle était si belle ! Peut-être Andersen était-il jaloux ? Peut-être avait-il quelque grief contre elle quand il avait écrit ce récit diffamatoire pour attirer toutes les haines sur la noble Reine de l'Hiver ? Le garçon se jura qu'il en aurait le coeur net, et pas plus tard que ce soir.
Cette nuit-là, quand tout dormait dans la demeure de sa tante, il se glissa hors des draps et se dirigea vers la fenêtre. La neige, plus blanche que jamais, s'étendait à perte de vue dans la campagne déserte et réfléchissait les rayons de la lune, rendant la nuit aussi claire que le jour. Quelques flocons tombaient çà et là. De la Reine, point trace. Mais il était plus tard, sans doute, quand il l'avait entr'aperçue une première fois... Fort de cette idée, l'enfant attendit à la croisée, le coeur battant, les yeux grands ouverts dans l'obscurité.
Les étoiles brillaient, froides et indifférentes à ce petit garçon qui veillait, entre les nuages de neige qui étouffaient les sons. Le silence environnant était si intense que ce dernier, au bout de quelques minutes, songea que, peut-être, la Reine des Neiges ne viendrait pas. Qu'est-ce qui l'obligeait à repasser dans cette campagne déserte, après tout ? Sans doute préférait-elle demeurer dans son palais de glace somptueux, loin du monde des hommes qui avait banni son nom au point de la considérer comme une chimère... L'enfant bâilla, soupira. Tant pis... une autre fois.
Alors qu'il allait retourner se pelotonner dans son lit, le garçon la vit. Comme la veille, pâle silhouette déliée dans la nuit blanche, elle semblait à peine marcher, tant son pas était léger : derrière elle, c'est à peine si l'on distinguait l'empreinte de ses petits pieds nus. L'enfant, admiratif, contempla la peau ivoirine, les cheveux argentés parés d'une tiare, les prunelles de lune qui se levaient vers la fenêtre. Elle lui adressa un léger signe de sa main fine au doigts effilés, avec une grâce et une fluidité de mouvement qui eût rendu jalouse les étoiles de l'Opéra. Il ouvrit sa croisée. Rêvait-il quand la dame vêtue de lin blanc s'éleva jusqu'à sa fenêtre pour le bercer de ses bras froids comme glace ? Qu'importait, il se sentait si bien sous son regard maternel... Souriant, il leva une main vers son visage gracieux encadré de longs cheveux souples et brillants. Elle lui rendit son sourire, dévoilant des dents blanches, très blanches et très pointues...
Nul ne sut jamais si l'enfant avait été emmené par sa Reine des Neiges ou s'il avait fugué. Quoi qu'il en soit, le lendemain matin, sa fenêtre était ouverte, son lit défait, et sur le bord de la croisée, la neige était tachée de rouge.