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26. 09. 2009, 23:41

[RP perso] Nomine Pavoris


Une lance de lumière pâle entrait par une lucarne brisée, diffuse et inaccessible, venant caresser les murs de pierre, et les sculptures grises des hauts-reliefs décorant l'immense salle au plafond pareil à un firmament écaillé, plein d'anges délavés aux sourires ternis et menteurs, aux ailes brûlées par le temps et aux nuages noircis. Il faisait froid à l'intérieur de l'immense pièce poussiéreuse, la fenêtre brisée dans les tristes hauteurs laissant entrer des bourrasques mordantes qui s'engouffraient en sifflant par l'ouverture pour venir balayer inlassablement la pierre grise aux murmures insaisissables. Une nuée de tourterelles s'envola, troublant le vent silencieux, agitation couleur de perle à la grâce affolée, alarme frivole roucoulant dans la peur.

En bas, sur les dalles claires et ternies aux fissures torturées, les pas titubants résonnaient sur la pierre. Une main faible s'appuya sur le mur sec et intact. Le claquement de la porte que le vent referma résonna dans chaque centimètre carré des parois de pierre. Une trace sanglante resta sur le mur. Le bruit des pas se fit précipité, le souffle haletant se mêlait au murmure des murs. Épuisée, l'intruse se laissa tomber au sol, incapable d'un pas de plus. Ses vêtements déchirés et éclaboussés de sang ne parvenaient pas à empêcher les courants d'air glacés de venir lécher sa peau frissonnante. Elle se recroquevilla sur le sol gris et dur, ses dents claquant, ses mains crispées enfonçant leurs ongles blancs dans ses bras frêles à travers le tissu usé de sa veste en lambeaux. Dans la grande salle déserte et froide, ce petit être terrorisé était la seule chose encore vivante, tout le reste semblait vide de chaleur, comme un corps que le monde aurait quitté, une carcasse vide, un noyau de passé, un cadavre, un souvenir de pierre oublié là par la fatalité et l'absurdité.

Ses grands yeux mouillés frémissaient d'horreur, au-dessus de ses joues blanchies d'épouvante où s'épanouissaient en éclaboussures écarlates, des lys de sang. Elle avait vu. Et les images restaient devant ses yeux, refusant de s'estomper, immondes et odieuses, lui nouant l'estomac, lui oppressant la poitrine. Jamais. Jamais elle n'avait imaginé que de telles horreurs pussent être réalisables, de sang-froid, et ce sourire ignoble, lui aussi, restait gravé dans sa rétine, lui donnant envie de hurler. Son être tout entier tremblait dans ce souvenir qui lui coulait encore sur la peau, rouge, noir et chaud, écœurant et plein d'horreur.

Un long moment s'écoula, le temps paressant dans sa course comme s'il s'était arrêté un instant pour l'observer se détruire de peur et de répulsion. Quoi de plus intrigant que l'absurde spectacle d'un humain se tuant lui-même? Pauvre insignifiante petite créature... La jeune femme frémit plus fort, les yeux exorbités, se mordant le poing. Sa raison était-elle donc si fragile? Elle qui jamais n'avait ressenti la douleur du cœur... elle allait mourir de peur? Les larmes la submergèrent. C'était étrange. C'était la première fois qu'elle pleurait pour une raison différente de la souffrance physique. C'était très déstabilisant.

Sanglotant sur les dalles froides et grises, elle répandit ses pleurs salés sur le sol, incapable de se contrôler plus longtemps. Elle ne voulait plus vivre. Elle n'en pouvait plus, de cette vie vide, qui consistait à voir les autres se faire tuer, et à se demander pourquoi son tour ne venait pas, tout en sachant qu'un monstre comme elle n'avait pas le droit à la douce délivrance de la mort. Pourquoi? Pourquoi n'était-elle pas comme tous les autres, qui étaient pleins de rage et de haine, plein de blessures... capables d'émotions sincères et spontanées? La seule entaille en elle prenait toute la place. Elle n'était qu'un gouffre vide, sans fond, que rien n'atteignait. Mais la peur s'était mêlée à l'atmosphère, et maintenant, elle s'en étouffait. Rien ne l'avait préparée à ressentir. C'était trop dur, toute cette terreur.

Le silence du lieu l'assaillit au moment où elle s'y attendait le moins, lui serrant le cœur par surprise, attrapant son souffle d'une poigne diaphane et insensible. Relevant craintivement la tête, elle découvrit l'endroit de son regard brillant et vague. C'était vide, aussi vide qu'elle. Voir la lumière du jour ne la rassura même pas. Elle savait qu'une nuit, une journée, ne représentaient pas grand chose. Si elle devait mourir, elle aurait même presque préféré que cela se fasse tout de suite, plutôt que de rester plus longtemps dans son océan de peur. Elle leva un peu plus la tête. Son regard croisa celui d'un ange au sourire barré d'une tâche rouge. Ses tremblements cessèrent. Cette créature lui évoquait à la fois mensonge et espoir... et l'effrayait aussi.

Elle s'assit, frissonnante de froid. Ressentir quelque chose dans le creux de sa poitrine, même si ce n'était que de la terreur et de la résignation, lui donnait envie de vomir. Dans un sens, elle préférait son habituel état d'indifférence involontaire. Les larmes séchèrent sur ses joues tandis qu'elle observait en frémissant la pièce autour d'elle, figeant le sang qu'elles avaient dilué en sinistres traînées rouges et délavées striant sa peau lisse. Une certitude s'était faite dans son esprit : elle voulait mourir, même si cela la détruisait de peur et d'horreur. Mais elle ne voulait pas que ce fût de la main de ce monstre.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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26. 09. 2009, 23:42

Les membres agités de spasmes nerveux, elle rampa jusqu'au mur à quelques mètres derrière elle. Ses cheveux poisseux de sang et de sueur lui collaient au visage, elle devait sans cesse les repousser pour pouvoir conserver une vision cohérente de ce décor qui la mettait mal à l'aise et l'apaisait à la fois. Les grands murs de pierre ne semblaient pas parler de mort, contrairement à la plupart des endroits abandonnés de la Cité, et les anges du plafond veillaient, hypocrites mais fidèles gardiens, sur la morte et morne quiétude des lieux. Un, en particulier, paraissait la fixer, de ce regard doux et plein de mystère qu'on attribue souvent aux anges, son visage impassible ne prenant d'expression que par ses yeux déteints où pétillait encore la lumière du peintre.

Prise de sueurs froides, elle le contempla, de ses grands yeux vert d'eau mouillés, qui, quelles que fussent les circonstances, semblaient ne fixer rien de précis, comme si les larges pupilles brillantes avaient été aveugles, contemplant un autre monde, invisible et différent. Mais, si son regard à elle était vague, celui du dessin, lui, était aigu, net, malgré les affronts du temps et de l'oubli. Et il ne faisait aucun doute que c'était vers cette chétive humaine que ces yeux immobiles étaient tournés. Prise de malaise sous l’œil scrutateur et fixe, elle se pressa contre les briques grises, la nausée lui brûlant la gorge, sa frêle colonne appuyant presque douloureusement sur la pierre froide.

Pourquoi avait-elle l’impression que ce jeune homme ailé lui en voulait, lui reprochait quelque chose, alors qu’il n’y avait qu’un sourire dans son regard, et que son visage pâli n’était rien de plus qu’un dessin aux couleurs passées, représentant des croyances désuètes et perdues, un rêve d’espoir égaré? En quoi était-elle en faute ? On lui avait interdit de ressentir, n’avait-elle même pas l’ultime droit d’avoir peur et de douter?

Une pierre bougea dans son dos, effritée et instable entre ses consœurs toutes semblables et différentes. Les images du couteau s’enfonçant dans la chair en un grand hurlement à perdre la raison, du sang lui giclant au visage, s’imposèrent violemment à elle. Le rire monstrueux lui vrilla les tympans, la lumière malsaine toute vouée à elle dans le regard du démon aux longues canines luisant dans le noir, l’éblouit de ténèbres, encore. Tu veux goûter, toi aussi, petite fleur ? Regarde, regarde comme il a mal… Un gémissement se glissa entre ses lèvres qu’elle mordait jusqu’au sang. Fébrile, elle se retourna d’un bloc, échappant à la flamme fantomatique de l’ange, et se mit à gratter furieusement les joints fragiles de la pierre, se faisant mal aux ongles, frôlant se les arracher, à force de coups de griffes fiévreux. Se concentrer sur une tâche, s'occuper les mains et l'esprit. Oui, voilà, il fallait qu'elle se concentrât sur autre chose, qu'elle se focalisât ailleurs.

Ses yeux rougis et gonflés clignaient douloureusement, son souffle court soulevant la poussière du mur, et celle du sol tout proche. Pourquoi ce pavé bougeait-il? Ce n'était pas normal. S'acharnant plus encore, la jeune fille vint à bout de l'épaisse couche de crasse durcie qui avait fait ici office de mortier. Étrange…

La pierre finit par se déloger, tombant avec un bruit sourd sur les dalles en contrebas. Elle resta là, à contempler le trou noir qui béait devant elle, pendant de longues secondes. Puis, tout naturellement, sa main fine se glissa dans l'orifice poussiéreux. À tâtons, elle fit le tour de la petite cache. Il n'y avait rien à l'intérieur. … Rien? Ses doigts hésitants et tremblants trouvèrent un contour. Il y avait un trou, et un objet de la même forme que ce trou s'y trouvait enchâssé. Soudain plus curieuse, encore frissonnante toute fois, elle parvint à faire levier avec le bout de ses doigts. Elle retira sa main. Un carnet.

C'était un carnet. Un simple carnet, à la couverture de cuir noir, et aux pages jaunies. Sans trop savoir pourquoi, elle le serra contre sa maigre poitrine, interdite. Pouvait-elle? Les chuchotis du papier l'appelaient irrésistiblement. De toute façon, elle n'avait rien à perdre, et elle en avait trop envie. Besoin même. Elle remit la pierre en place, et titubante, s'éloigna, comme fautive, jetant des regards inquiet au plafond. L'ange gardait son regard posé sur le mur, là où elle s'était tenue recroquevillée, l'air étrange, comme différent. Il s'était glissé dans son regard comme une pointe de soulagement, et une larme de tristesse.

Secouant la tête, serrant très fort le cahier, elle alla se réfugier sous le rai de lumière, à l'abri derrière un amas de pierres et de gravats, qui la dissimulait au reste de la pièce. Les larmes se remirent à couler nerveusement sur ses joues ingénues. Déjà, les images lui revenaient, et sa poitrine se bloquait, refusant de la laisser respirer. La peur revenait l'étouffer, dès qu'elle lui laissait la moindre petite ouverture. Les genoux repliés, elle s'adossa au mur chauffé de soleil, et se mit grelotter. Baissant les yeux, elle contempla un instant l'insolite secret du mur. Sa main caressa la couverture. Jouons! Elle l'ouvrit. L'encre était un peu passée, un peu comme la fresque au-dessus d'elle. Mais les mots, même s'ils avaient perdu pour la plupart, leur belle teinte corbeau éclatante, restaient nets et intacts. Sur la deuxième de couverture, il y avait un tampon à moitié effacé, et une photographie, accompagnée d'un nom, d'un grade, et d'informations basiques. Sur la première page : " Six juin 2016 " annonçait l'entête à gauche. Et en guise de titre…

" La peur tue-t-elle? ".
Un long frisson lui hérissa l'échine." Je ne sais pas si en lisant ces pages, vous trouverez une bonne réponse à cette question. "
Et se laissant entraîner par les mots qui avaient été pensées, elle se mit à faire la seule chose qu'elle avait toujours su faire, et qui l'avait en quelque sorte fait survivre : lire.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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16. 10. 2009, 21:54

Six juin 2016




La peur tue-t-elle?

Je ne sais pas si en lisant ces pages, vous trouverez une bonne réponse à cette question.

J'ai trahi. Ma patrie et mon rang. Mes convictions. Et en écrivant ces mots, je trahis cette fois les hommes et le pays au service desquels je suis désormais. Pourquoi? Pour rester fidèle à une seule chose. Une chose qui a mes yeux vaut plus que tout le reste, maintenant. Pas l'argent. Pas l'honneur. Pas la raison. Pas même l'humanité. Non. Je me roule dans la fange juste au nom de leur mémoire. De sa mémoire. La sienne... La leur... et peut-être aussi, un peu, la mienne. Le seul serment que j'ai tenu est de rester en vie, même au prix d'être un traître. Le seul, à partir d'aujourd'hui, que je fais et que je ne briserai pas, jamais, est celui de garder sur ces pages la vérité, jusqu'à la moindre miette, quel qu'en soit le prix. Parce que la vérité a un prix bien lourd. Je suis un traître qui pactise avec des monstres immondes. Je ne m'en suis rendu compte vraiment qu'aujourd'hui, et je pense pouvoir parler du prix de cette atroce vérité. Ici on défit Dieu et on crache sur le respect et la raison. Ici on tue, non pas pour vivre, mais par cupidité, par indifférence. Pour rien, au fond. Je suis militaire, j'ai été un simple soldat. Je sais ce qu'est tuer pour vivre. Ici, la mort est une folie. Rien de plus. Une démence innommable. Si ç'avait été par simple soif de sang, cela aurait été moins horrible. Ici, la mort et la vie semblent avoir perdu tout leur sens, toute leur force.
Tout ce qui me reste au milieu de cette folie, en tout et pour tout, c'est ma conscience. Et pour que jamais elle ne soit perdue, je la mets sur ces pages, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus, ou jusqu'à ce que je meure.
Si vous lisez ces mots, c'est que je suis mort. Alors, peu importe, pour moi, à partir de ces lignes, tout est fini, je n'ai plus rien à perdre. Si je vis, ce n'est plus pour moi. Je vis pour un serment, pour ces mots de conscience, et aussi, peut-être, dans l'attente d'une occasion de tenter de racheter, ne serait-ce qu'un peu, ce que j'aurais aimé être? Je ne suis plus. Je ne suis rien de plus maintenant que ces mots dans ses yeux qui se sont éteints, et que ces plaies sur ces chairs que j'aurais du protéger. Je ne suis plus rien que cette dernière volonté, ce serment.

Pourquoi alors ai-je peur, si peur?

D'où vient cette phobie de tout et de rien qui m'oppresse? D'un instant à l'autre, la porte peut s'ouvrir à la volée, les canons se braquer sur moi, et tout s'arrêter. Le battant claquerait contre le mur nu et gris, la détonation résonnerait, ultime son, ultime écho, et tout se terminerait en un champ d'orchidées écarlates fleurissant sur le tissu blanc de ma chemise, bel épanouissement rouge et tendre. La douleur éclorait en moi autant que ses sinistres fleurs de mort, et je m'éteindrais, une rose vermeil sous mes mains croisées sur ma poitrine. Sans avoir rien pu faire, encore. Tout pourrait se terminer ainsi. Pourtant… Non, ce n'est pas cela. Cela ne me fait rien. Ils m'ont déjà tout pris, qu'ils prennent aussi mon souffle ne changerait pas grand chose, et ce n'est pas ce que je crains, pas vraiment. Je n'ai plus assez de souffle pour avoir peur de ça. Et pourtant, j'ai peur. Je suis même complètement mort de trouille. Et je ne sais même pas pourquoi.

Je tremble. J'ai la gorge serrée. Cruel tourment que de se consumer avec du vide. Pourquoi cette terreur? J'aimerais tellement que Phobhos soit encore là… Il a toujours su quoi faire… Il a toujours su faire comme il faut… même être un salop, même mourir, même haïr, les autres ou lui-même. Moi je n'ai pas l'âme d'un héros. Pas même celle d'un traître. Je ne suis qu'un petit soldat, un humain comme un autre, moins que d'autres. Et je n'ai ni la force de me battre pour ce qui est perdu d'avance, ni celle de me résigner. J'ai peur. J'ai l'impression que je vais en mourir. Je n'avais jamais pleuré avant aujourd'hui, si on oublie les larmes d'enfant. Je n'avais rien. Jamais rien perdu. Et en une seule journée… j'ai tout vu disparaître, jusqu'au illusions de fierté, et je me rends compte d'à quel point ce qu'on considère comme "rien" peut être important au fond.

Le seul véritable orgueil est mort aujourd'hui. L'innocence est en cage. Tout est saccagé. Mais moi que suis-je désormais, si ce n'est cette peur qui m'habite jusqu'à la moelle, qui me glace les sangs, qui me pâlit le front de sueurs froides, qui me hérisse le cœur jusque dans ses derniers et ultimes tréfonds? Il ne reste que moi, il ne reste que ça, il ne reste plus rien d'autre. Et ce n'est rien de plus que de la terreur, qui fait trembler jusqu'à ma main, écrasant tout sans même daigner se nommer. Si je ne lui avais as promis j'aurais déjà… Mais je ne peux pas. Et j'ai peur. Sans même savoir pourquoi. Peur à en mourir.



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La jeune femme grelottait de manière incontrôlable, le visage ravagé de larmes qu'elle ne contrôlait plus. Ses doigts livides crispés sur le cuir de la couverture, elle se cramponnait aux pages et aux mots, se noyant dans un souvenir imaginaire, voyant à travers la rosée froide tombant de ses cils, le visage de la photo penché au-dessus du papier encore blanc, les joues striées des mêmes traînées évanescentes que les siennes, et le cœur serré par cette même terreur sans nom, qui reste dans l'ombre tout en vous étranglant d'une poigne de fer noire et glaciale, impitoyable, sans pitié. Vous laissant vide. Ne vous laissant rien d'autre que l'angoisse et la détresse.

Mais elle, n'avait pas la force de ces traits noirs et déteints, qui malgré les affronts du temps et du destin, perduraient, hurlant et chuchotant à travers les brumes de l'ignorance et des mauvaises certitudes. Avait-elle le droit d'y poser un peu sa joue, le temps de sentir? Même ce souvenir perdu était plus consistant. Plein à ras-bord. Débordant. Pouvait-elle seulement déborder?

… 8 Juin 2016…
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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06. 01. 2010, 20:06

8 Juin 2016




J'ai mis un pied en enfer,



Et je sais maintenant que je n'en ressortirai jamais. Je vais finir ma vie ici, parmi eux, avec l'envie permanente de vider mon chargeur pour voir ces blouses blanches couvertes de sang, ces uniformes hypocrites ensanglantés. Que la Mort passe de l'autre côté des barreaux. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour faire couler ce navire de mort.



Mais pour l'instant, je n'en ai aucun moyen. Je suis surveillé sans cesse. Je ne peux pas faire un seul mouvement sans être épié de toute part, pas prononcé un mot qui ne soit écouté et analysé. Ils ont peur que je les roule dans la farine. Ils claquent des dents à l'idée que je les vende à mes anciens supérieurs. Comme si je n'avais que ça à faire... De plus, ils ne pardonnent pas facilement la trahison, de l'autre côté du Pacifique... Si j'y retourne, je finis sur la chaise. Enfin, si j'ai droit à un procès...



Ici, je sais que j'ai encore à faire mes preuves, prouver qu'on peut me faire confiance. Cela me laisse une chance d'empoisonné le système de l'intérieur. Je vais leur donner le change comme jamais on ne leur a donné. Je n'ai plus de morale à flatter, mon seul but est de tous les faire tomber. S'il faut tuer pour ça, je n'hésiterai pas.



... Et toujours et encore cette peur, qui ne semble réagir à rien, qui ne fait que croître, et ne craint rien ni personne, tout droit venue du néant.



Aujourd'hui, la paperasse est finie, je suis officiellement Capitaine. Capitaine Moore. Rien que le prononcer me donne envie de vomir. Ils vont me faire visiter la base. Sauf les laboratoires et le quartier des cellules. Plus tard, si je monte en grade, j'y aurai accès. Mais pour l'instant, je vais devoir me fondre dans la masse, me faire oublier. Devenir l'un des leurs. Je sais que j'y arriverai sans problème. La question que je me pose est juste... à quel prix? Je ne veux pas perdre mon âme. Être un traître à soi-même, n'est-ce pas la trahison suprême? Qu'importe, lui je ne le trahirai pas. Je l'ai juré. En le trahissant maintenant, c'est ma conscience que je trahis. Je vivrai. Et je le vengerai. Avec tout le panache et les sacrifices que lui aurait concédés. Et c'est ma seule consolation en ce jour de malheur. Qui sera suivi de centaines d'autres...
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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16. 01. 2010, 14:45

Comme de coutume, sa cellule était plongée dans l'obscurité la plus totale. Pas de fenêtre, pas d'ouverture, rien. Juste la porte hermétiquement close, et qui ne laissait filtrer aucune lumière. Il faisait noir comme dans le fond du désespoir. Le silence oppressant n'arrangeait pas les choses. Cependant, il faisait moins froid qu'on aurait pu le craindre. Mais, recroquevillée dans un coin de la cellule, la jeune fille grelottait, claquant des dents, ses mains livides à force d'être crispées à l'extrême, enserrant ses genoux repliés. Elle n'avait plus de vêtements. C'était plus facile pour les tests, ça leur évitait de devoir la contenir au moment de les lui enlever. Ainsi ils n'avaient plus qu'à la sangler à la table d'observation. Fini les moments où il fallait se débattre, et où il restait l'espoir d'arriver à empoigner un des scalpels soigneusement rangés dans un coin. Elle savait qu'un jour ils lui seraient destinés, même si pour l'instant ils s'étaient contenter de la piquer et de la toucher, de la faire passer sous des appareils étranges. Oui, elle sentait que tout cela serait bientôt fini. Et que ce serait pire ensuite.

Elle avait essayé de leur parler, de demander pourquoi, pourquoi tout cela, avait promis de ne pas faire d'histoire s'ils la laissaient partir. Mais ils n'avaient rien écouté. Elle avait l'impression d'être un objet, ou plutôt un animal. La honte de la nudité l'avait quittée, l'espoir avec elle, et ne restaient plus que l'incertitude, la peur, le chagrin. Ils lui avaient tout pris. Tout. Elle n'avait plus rien. Absolument rien. Rien, peut-être à part cette infinie appréhension dont elle aurait aimé mourir. Oui, elle ne pensait plus qu'à mourir, mais elle ne le pouvait même pas. Elle aurait pu essayer, bien sûr, se jeter contre les murs, refuser de manger, se laisser dépérir, se jeter sur un gardien, en espérant qu'il se servirait de son instrument de mort. Mais même ça, elle ne le faisait pas. Parce qu'elle avait promis. Elle lui avait promis. Il lui avait sauvé la vie, et c'était la seule chose qui lui restait. Elle était en vie. Et elle lui avait juré sur son cœur et son âme de ne pas gâcher cela. C'était la seule chose qu'il lui avait donné sans contrepartie, c'était la seule chose qu'elle garderait de lui. La seule chose qu'elle garderait tout court. Et l'idée de devoir se décomposer lentement, de corps et d'esprit, dans ce réduit de ténèbres et de terreur, où le temps et le soleil n'avaient plus court, l'emplissait d'un sentiment d'horreur et de détresse indéfinissable. Elle était dénuée de tout ce qui lui avait été cher. Ils étaient tous morts. Tout avait brûlé. Tout était parti en rivières de sang et d'effroi.

Comme souvent, elle se mit à pleurer. Au début, ce n'était que des sanglots. Puis, après les sanglots étaient venus les gémissements. Puis, les plaintes. Les cris. Les hurlements. Au départ, ses gardes venaient pour tenter de la faire taire. Mais, devant ce spectre qui semblait presque encore une enfant dans sa douleur innocente, ils avaient renoncé. De toute façon, la porte était plutôt insonorisée. Et ses crises ne duraient jamais longtemps. De plus, ils avaient l'habitude. C'était leur monde. Même si en général les détenus étaient plus vieux, elle n'était après tout que l'une d'entre eux. Ils n'étaient pas autorisés à se laisser attendrir ou émouvoir.

Les images défilaient dans son esprit, tâchées de rouge, vrillées de cris déchirés, rendues floues par la perte des repères. Et toujours, en filigrane, ces yeux couleur d'été et d'orgueil, ces yeux où, l'espace d'un infime instant, elle avait lu l'excuse. Et cette bouche tordue de mépris, aux crocs effilés et cruels, cette poigne mauvaise, le choc du sol, les coups, le poids horrible sur ses côtes, le bruit sec de la rupture, la vague de souffrance, aiguë et imparable. Sa vision se brouillant, les protestations autour. Puis le noir. Ce noir où elle avait sombré et dont elle n'était pas ressortie. Elle avait griffé, mordu, hurlé, frapper. Mais c'était plus par réflexe, par instinct. Au fond, à l'intérieur, il n'y avait plus l'ombre de la moindre résistance. Elle coulait. Et il n'y avait pas de fond.

Soudain, la faisant sursauter, la porte s'ouvrit. La lumière lui fit mal aux yeux, elle se tassa dans son recoin, à moitié dissimulée derrière le minuscul lit qu'on lui avait accordé, tremblant de tous ses membres. Ce n'était pas l'heure, elle en était sûre! Cela faisait trop peu de temps qu'ils l'avaient emmenée la dernière fois. Elle se retint de gémir. Mais peut-être avait-elle vraiment perdu toute notion du temps? Peut-être son esprit ou son âme se mourraient-ils? Les dieux l'abandonnaient…

- Ils veulent la transférer dans le quartier central pour des derniers tests avant de la confier au labo.
Entendit-elle.


Elle reconnut la voix d'un de ses gardiens. Celui-là était plus jeune que les autres, avec des cheveux roux, et un visage à l'expression toujours froide. D'une indifférence à glacer les sangs. Elle en avait peur.

- Déjà? Et qui se chargera de son cas?

- Carter.

- Pas étonnant… ça faisait un moment qu'il attendait une occasion de tester ses foutus trucs avec les autres sauvages…

- Ouais… Mais ce qu est bien c'est qu'on reste chargés d'elle, ça va nous rapporter.

- Oui… Bon, allez, on y va! Vaut mieux pas traîner…

L'autre, c'était le premier qu'on avait affecté à sa surveillance. Il n'avait pas l'air méchant, mais il ne lui adressait pas plus la parole que son collègue. Elle était transparente. Bientôt n'existerait-elle plus peut-être?

Ils entrèrent dans la petite pièce, attachèrent des chaînes aux menottes qui lui lacéraient les poignets depuis des jours et des jours déjà, lui enfilèrent un sac sur la tête.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (16.01.2010, 14:46)


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23. 01. 2010, 13:25

Et en effet, les pages se succédaient, toutes noircies de la même écriture tassée et régulière, toutes imbibées de haine, de dégoût, et par-dessus tout d'une terreur sourde et lourde qui pesait dans l'air autant que sur le papier. La jeune femme frissonnante lisait frénétiquement, se concentrant toute entière, au point de sentir par-dessus ses doigts gourds, ceux chauds et fins du souvenir, dont le stylo courait encore à l'intérieur du calepin oublié. Elle sentait le souffle court, l'indifférence profonde à cette mort rôdant pourtant autour avec une imminence oppressante, la rage sans fond, l'amour et l'orgueil brisés... Elle voyait les hésitations de la pointe encrée sur les lignes, les tremblements des lettres, les murmures des points de suspensions, et ces yeux verts fuyants, tourmentés, ceux qui sur la photo étaient à la fois francs et impénétrables, comme voilés par un poids trop grand pour qu'on puisse vraiment le comprendre. Était-ce donc ça le prix à payer pour qui prenait des résolutions trop graves pour qu'on puisse y survivre, corps et âme?


Elle frissonna violemment, encore, ses cheveux couleur d'ambre tombant en mèches fillasses devant ses yeux écarquillés. La voix du tueur résonna à nouveau dans ses oreilles. Je vais te trouver mon petit ange... Viens! On va jouer... Et ce rire atroce, immonde, plein de sang... Elle gémit de terreur. Non, elle ne voulait pas être un monstre! Elle ne voulait pas! C'était hors de question! Elle s'enfonça un peu plus profond dans l'eau noire et froide de la lecture. Et les pages défilèrent, et les dates avec elles, en un ballet de papier jauni ayant pleurer des larmes d'encre et de peur indélébiles. Il racontait tout. Les violences aux prisonniers étrangers, comment lui-même y prenait par, sans le moindre plaisir, mais sans la moindre émotion non plus. Après tout, eux aussi étaient des tueurs, eux-aussi jouaient avec des vies et des âmes humaines. La seule différence c'était que lui ne s'était pas fait prendre par l'ennemi. C'était le risque, quand on prenait parti durant une guerre. Lui et eux, c'était la même chose. Ils ne pouvaient pas se défendre, c'était la seule chose qui leur donnait une image plus reluisante que celle leurs bourreaux. Mais ils étaient tous coupables, lui y compris, ce n'était pas envers eux qu'il aurait de la pitié. Non, c'était vers d'autres choses qu'il entendait se tourner quand le moment serait venu...


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11 septembre 2016



Paix à l'âme de ceux qui sont morts.

Pardon à ceux à qui j'ai ôté la vie. Je n'ai pas pu écrire hier, parce qu'il y a eu un sacré branle-bas de combat. Des prisonniers qui tentent de s'évader juste après leur incarcération, avec l'aide d'une taupe. Terry Kooper. Un jeune sous-officier tout droit importé d'Australie. Ça faisait un moment que j'avais remarqué son manège. Dieu me pardonne, mais je l'ai vendu. Je l'ai vendu, et je l'ai tué. Lui et tous ceux qu'il essayait de faire sortir. De sang froid, une balle en pleine tête. Chacun. Je revois encore son regard suppliant, j'entends encore sa voix horrifiée et ses tentatives de négociation. « S'il vous plait Capitaine Moore! Vous pouvez comprendre, vous n'êtes pas comme eux! S'il vous plait, laissez-nous partir! Venez avec nous si vous le voulez, vous êtes le bienvenu! Personne ne mérite de vivre dans cet enfer, de quelque côté des barreaux que ce soit… Pour l'amour du ciel, s'il vous plait, capitaine, regardez les choses en face! Ils… » C'est là que j'ai tiré. Non, il avait raison, je ne suis pas comme eux : je suis pire, maintenant. J'ai eu une chance de sortir de cette horreur, et je ne l'ai pas saisie. Je crois que ma culpabilité est complète maintenant. Mais enfin, je suis à peu près sûr que je peux faire pire… l'être humain peut TOUJOURS faire pire.

J'essaie à peine de me trouver des excuses. C'était des criminels amenés ici pour servir de sujets pour tester des produits dangereux. Mais ce n'est pas une raison. En tout cas, mon plan a parfaitement fonctionné. Maintenant, on me craint. Et surtout on me respecte. Après tout, ici ce n'est pas comme dans mon ancienne unité. Les plus méritants ont les honneurs, même s'ils sont des traîtres. La patrie n'a qu'une place secondaire. C'est la Cause le plus important. Et en l'occurrence, je sers très activement leur foutue cause. Je vomis la possibilité d'être considéré comme l'un des leurs. Mais, ça va bientôt être le cas… Très bientôt. Pardon… mais il le faut.

J'ai réussi à savoir où ils l'avaient transférée et jusqu'à quand. Il leur faut quatre mois en tout pour faire les tests souches et tout ce qui s'en suit, l'étudier telle qu'elle est, avant… avant de la… modifier. J'ai des frissons rien qu'à cette pensée. Jamais je ne me ferai à cette atrocité. Au début, faisant partie de l'équipe qui devait évacuer les cadavres, malgré mon grade de capitaine (les preuves, toujours les preuves)… On ne peut pas comprendre si on ne le voit pas. L'état de ces corps déformés, déshumanisés, charcutés, poussés à bout, usés, jusqu'à la trame. Et il y en a tant… C'est tout bonnement immonde. Bref. Ça a été décidé il y a peu : ça y est c'est sûr, ils vont lui faire intégrer le projet. Je n'ai pas réussi à la revoir depuis son arrivée. J'imagine qu'elle doit être complètement terrorisée. Enfin, s'ils ne l'assomment pas avec des sédatifs 24h/24... Mais ça m'étonnerait, ils ne prennent pas cette peine avec leurs cobayes la plupart du temps, et puis ça risquerait de gâcher sa "pureté". C'est vrai qu'avant ici, elle n'avait jamais eu accès à aucune substance. Rien. Pas même une aspirine. Absolument rien. L'être humain sans les vices de la technologie et de la modernité. Mais maintenant, que va-t-elle devenir… un de ces monstres qu'ils gardent dans des cages, qu'ils transforment en animaux, qu'ils dressent, qu'ils testent, qu'ils assoiffent et qu'ils pervertissent jusqu'à l'essence? Ou un des ces cadavres déformés, perclus de souffrances, aux membres livides et crispés, et dont la simple vue suggère des horreurs telles qu'on sait qu'on ne peut les comprendre, une profanations dont personne ne parle, que tous ici tentent d'oublier, mais qui donne la nausée jusqu'au fond de l'âme de tous ceux qui ont encore la plus infime once de bon sens? Je ne sais pas quelle possibilité me terrifie le plus. Je ne sais pas, absolument pas. En préférer une est déjà immonde.

Il y a un grand abysse noir devant moi. Je ne pensais pas qu'on pouvait faire plus sombre que le tunnel où je me suis déjà engagé. Mais peu importe. Je dois me concentrer sur ce qui compte encore vraiment. Il me reste un peu moins de vingt jours pour tenter de l'approcher. Ensuite, il faudra que je m'enfonce un peu plus dans la fange innommable de leur folie, pour pouvoir l'atteindre, encore, et continuer à voir un peu de lumière.

Ce soir, comme tous les soirs, je sais que j'aurais du mal à dormir. Mais, aujourd'hui, c'est différent. C'est encore pire. Parce qu'un nouveau souvenir est venu se rajouter à mes cauchemars. Et je sais qu'il reviendra désormais chaque soir, en première ligne, toujours aussi net et cinglant. Au moment de fermer les yeux, j'adresse un vague pardon au Ciel, sans raison, par habitude. Puis, je plonge. Et sa voix revient et me tourmente. C'est lui qui aurait du vivre, pas moi.


"Tu sais, Jake, la peur, on ne s'y fait pas. Moi j'ai eu tellement peur, pendant si longtemps que j'ai fait comme si j'avais oublié. Mais c'est vain, c'est inutile. Si tu arrêtes de te battre, elle te dévore. Ne tourne jamais le dos. Jamais. Cela signerait ton arrête de mort, tu comprends? On peut être mais ne plus vivre. On devient la peur. Crois-moi, je connais ça mieux que personne. Mais, c'était écrit, peut-être…"
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (23.01.2010, 13:28)


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27. 02. 2010, 14:44

13 septembre 2016







Elle ne m'a pas reconnu.




Je ne pensais pas la voir. Elle n'était pas censée être là. Je m'étais décidé à visiter toutes les cellules, de ne rien m'épargner... sauf ça. Je n'étais pas prêt. Je ne m'y attendais pas. Dieu me pardonne, je suis un lâche. La preuve, je suis encore en vie.

La porte s'est ouverte, j'ai jeté un coup d'œil froid dans la cellule. Je sentais la nervosité de mes hommes autour. Ils ne me connaissent pas encore assez pour savoir comment je réagis. Sur le moment, je n'ai pas compris ce qui les mettait mal à l'aise comme ça. Ensuite, j'ai vu que c'était une femme, contrairement aux détenus précédents. Sur le coup, j'ai cru que c'était à cause de ça. A vrai dire, il n'y a pas beaucoup de sujets féminins dans le projet, ils préfèrent les mâles, plus résistants selon leurs dires. Les femmes, ils les gardent pour d'autres expériences, même si Carter en a intégré plusieurs tout de même. De toute manière, il n'y a pas foule de demoiselles parmi les "livraisons" que nous recevons. Ici, ce n'est pas un centre "ouvert", c'est une base militaire de haute sécurité. On ne reçoit pas les volontaires comme c'est le cas à d'autres endroits, si j'ai bien compris. D'ailleurs, il paraît que là-bas ils se retrouvent avec des surplus de sujets féminins. Je me demande si les Américaines se comporteraient elles aussi de cette façon... S'offrir à la nation... Quelle horreur.

Ses yeux. C'est à cause de ses yeux, que je l'ai reconnue. Parce que je ne les voyais pas, et qu'un doute horrible m'a saisi aux tripes. Je me suis retourné et j'ai demandé qui c'était. Ils ont eu peur, cela se voyait dans leurs yeux. Et ils ne répondaient pas, j'ai répété la question comme on crache du venin. " La fille de la zone noire. " a finit par lâché mon second. Ce type ne me plait pas, il est beaucoup trop calme et sûr de lui. Toujours est-il que j'étais hors de moi, fou de rage. Je n'ai même pas été fichu de savoir qu'ils l'avaient transférée là. Je pensais bien la revoir, oui, évidemment, mais pas comme ça. Pas si vite. Pas si facilement. Bien sûr, je ne suis pas stupide, ils me testent. Mais là, j'ai bien failli craqué. Il n'en aurait pas fallu beaucoup pour que je change du tout au tout de comportement, que je les descende tous, que je butte tous ces fils de pute, juste pour la sortir de là avant qu'ils ne la souillent, ne la tuent. Qu'ils lui fassent subir la même chose qu'aux autres, qu'ils la réduisent au même niveau, qu'ils détruisent ce... ce que... Mon Dieu, il en aurait fallu si peu, si peu...

Mais il n 'y a rien eu, même pas ce "peu" qui aurait pu tout faire basculer. Elle est restée prostrée, tremblante, gémissant lorsqu'un des hommes faisait un mouvement un peu trop brusque, un peu trop ample, les ombres dansant sur ses bras blancs, presque gris, comme vidés de vie. Ses bras qu'elle gardait désespérément devant ses yeux pour empêcher la lumière - et ces hommes sûrement - de l'atteindre. Une longue minutes durant, je suis resté là sans rien faire, sans rien dire, attendant quelque chose qui ne venait pas. N'importe quoi, mais quelque chose. Une réaction. Des injures, des coups, des larmes, des suppliques, au moins un regard, une remarque, une question, un crachat. Quelque chose. Mais rien. Rien, parce qu'on ne réagit pas face à rien. Et apparemment, je ne suis plus rien.

- Ils ont déjà commencé le traitement?

- Les préliminaires seulement, pas les opérations proprement dites.

Je n'ai rien rajouté. J'ai fini mon inspection du secteur, sans un mot. Glacial. Je pense que je l'ai égalé dans ce domaine-là au moins désormais. Être aussi glacé qu'un iceberg. Sans émotion apparente. Est-ce que lui aussi, sous le masque, était aussi torturé, blessé? On avait beau être proches, je n'ai que rarement aperçu le revers de la médaille. Mais que je te hais de devoir désormais porter ton fardeau à ta place.


Maintenant, face au papier, face à moi-même, je ne sais plus quoi faire. Je ne suis pas assez fort, je suis trop faible pour résister à tout ça. Je n'y arriverai jamais. Mon âme est trop frêle, trop ancrée dans mon corps, je ne peux pas la piétiner comme ça, je n'en ai pas la force. Je ne sais pas comment faire. Je suis en vie mais cela ne me sert à rien. Pourquoi? Pourquoi n'y a-t-il plus rien? Même elle, elle ne me connaît plus. Et si elle est là, s'ils vont lui faire du mal et lui voler sa vie, c'est ma faute.

J'aurais du la tuer. Oui, j'aurais du la tuer pendant que je le pouvais encore.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...

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