J’attendais. Le jour était en train de tomber, ce n’était plus qu’une question de minutes avant que je ne puisse de nouveau sortir.
Je guette la disparition du mince filet de lumière qui passe encore par la lucarne de la cave dans laquelle je m’étais réfugiée.
Un instant après, la voie est libre. Je me glisse hors de ma cachette et commence à errer au gré des rues, comme à mon habitude. Le vent fait claquer les feuilles d’un journal abandonné là. Je le ramasse et lit le gros titre.
« Le pseudo vampire a encore frappé ! »
"C’est par cette triste matinée de Décembre que la police a retrouvée un cadavre dans une ruelle. Comme beaucoup d’autres avant lui, il avait été vidé de son sang, sa jugulaire percée par un outil inconnu. Il semble que cela soit l’œuvre d’un tueur en série fou qui croit être un vampire, ces êtres imaginaires peuplant de nombreuses histoires et légendes. C’est du moins l’hypothèse avancée par le chef de la police, qui n’a fait aucun autre commentaires sur le sujet. Les meurtres s’élèvent maintenant à presque un tous les deux jours, parfois plus. Cela va sans dire que ce criminel, qui opère maintenant depuis bientôt deux ans ne saurait
échapper encore longtemps aux forces de l’ordre... "
Je jetais le journal par-dessus mon épaule sans finir de le lire, amusée. Ainsi, ils n’y croyaient toujours pas? Aucune importance, de toute façon je quittais la ville. La phrase "qui opère maintenant depuis bientôt deux ans... " résonnait toujours dans mon esprit
Deux ans? Vraiment? Je n’aurai pas cru. Ainsi, nous devons être en... Voyons, la guerre a débutée quand déjà ? Ah oui, en 2012. Nous devons être alors en 2014. Je soupirais, la nostalgie m’envahissant. Le temps passe à une vitesse... J’ai l’impression que c’est hier seulement que j’ai commencée à "vivre" pour de vrai.
Je me mis en marche; j’avais un train à prendre. Une fois parvenue à la gare, je payais mon ticket avec les économies prélevées sur mes diverses victimes. Dans une ville où un tueur en série était censé opérer, on peut
s’attendre à ce qu’il y ais une grande vigilance au niveau des trains. Mais non, rien. C’est sans la moindre difficulté que je pris place dans l’engin.
Depuis le début de la guerre, la situation s’était légèrement stabilisée dans les provinces, ce qui justifiait l’existence d’un train, qui aurait été impossible auparavant tant la misère était forte. Au bout d’un quart d’heure environ, le "cheval de fer" comme l’appelaient les indiens il y a bien longtemps, se mit en route vers Venise, ma destination. C’est ainsi que je quittais ma petite ville natale d’Italie pour me rendre dans
une autre, bien plus prestigieuse. Ou du moins, plus importante.
Le trajet se déroula sans encombre. J’avais pris la précaution de changer de vêtements, aussi n’avais-je pas l’air d’une gueuse. De plus, j’avais placé mon béret de façon à ce que la couleur de mes iris, pour le
moins singulière, ne puisse que difficilement être perçue par un oeil non averti. Et je faisais semblant de lire un énorme bouquin chipé je-ne-me-rappelle-plus-où, et dont je ne connais même pas le titre, l’air le plus absorbée possible. De ce fait, personne ne m’adressa la parole, à l’exception du contrôleur au moment de la vérification des tickets.
Quand je mis pied à terre, mon premier objectif fut de chercher un abri pour le jour qui commençait à poindre, le voyage n’ayant pas été particulièrement court.
C’est dans une masure abandonnée que je trouvais mon salut. Prenant soin auparavant de voler des draps pour me couvrir à cas où le bois pourri de la ruine laisserait passer les rayons de l’astre mortel, je me blottis dans un coin et m’endormit rapidement.
Un bruit m’extirpa de mon sommeil. Quelqu’un entrait dans la masure. Un rapide coup d’œil par un des trous de la cloison me fit dire que le soleil n’était pas encore tout à fait couché.
Je me tournais vers l’unique porte de la bâtisse. Deux hommes se tenaient devant l’encadrement de la porte. L’un d’entre eux s’adressa à son partenaire
-Tu vois? Je t’avais dit qu’il y avait une gamine planquée ici. On va pouvoir s’amuser...
Il se passa la langue sur les lèvres.
"Décidemment, j’ai le chic pour attirer les tordus", me dis-je en repensant au prêtre d’il y a deux ans.
Je baillai longuement puis me relevai. C’était deux gars minces et de taille moyenne, qui devaient sans doute toujours s’attaquer à plus faible qu’eux. Ils allaient avoir une surprise...
-Eh ben viens me chercher, si tu veux t’amuser...
J’avais pris le ton le plus dédaigneux possible.
-Oh, mais c’est qu’elle nous prend de haut en plus... Pour qui tu te prends gamine?
Je ne répondit pas et me contentai de rester là, sans bouger. Ils s’approchèrent et j’envoyais aussitôt mon poing dans le ventre de celui qui avait parlé. Je ne savais pas me battre au corps à corps, mais eux
n’étaient pas plus doués que moi.
Et moi, je n’étais pas humaine...