Forum BloodWars - www.fr.bloodwars.net

Le Krish sans lequel sa terre se mourrait!

C'était çà le PROJET "RENAISSANCE"! La recherche de leur nourriture principale, la trouvaille d'une source infinie de Krish, pour nourrir 50 milliards de ses congénères!

Cette pensée du but commun fit soudainement oublier ses différents envers Larz. Il était un scientifique au service de sa race et non un politicien corrompu!

D'un ton nouveau, presque extatique, il lâcha quelques bribes d'informations:

- contrairement à ce que vous pouvez voir, cet être infime possède la capacité de régénérer le fluide qui le compose! Cette créature possède très peu de Krish.... en quantité... mais ce Krish, compatible avec le nôtre évidemment, est d'une pureté incroyable!! Extraordinaire!!!!!! La capacité de régénération est, pour le moment, d'un rapport de un pour 10.000! Mais j'espère plus! Je débute seulement les tests!!! Oui ça pourrait atteindre le MILLION!!!!

Larz réagit aussitôt à cette mention. Ce moment parut unique à Gorn. Il vit l'oeil blindé de son ennemi le fixer intensément et luire d'une lueur d'espoir. L'espoir d'un peuple à l'agonie!
Dans un souffle Gorn ajouta:

- Oui! , le Krish, le Sang de cet être peut sauver notre monde!!!

Storm sentit la légère secousse de la liane-alarme sur son poignet et ouvrit immédiatement les yeux.
Enfin ! se dit-il, heureux.

Il s’extraya avec difficulté du creux de l’arbre qui l’avait protégé des prédateurs durant la nuit. Il s’ébroua, et dénoua de son poignet la fine liane qui retomba vers le sol, près de 50 mètres plus bas.
Puis il entreprit, à l’aide de morceaux de mousse, de se débarrasser de la sève recouvrant son corps nu. La sève de l’arbre- rouge coulait comme de l’eau à l’intérieur du tronc et avait la propriété d’éloigner moustiques et autres insectes indésirables.

Sa toilette accomplit, il ferma les yeux, posa la main contre le tronc rugueux et récita la prière de remerciement due à la flore. L’arbre-rouge méritait au moins cela pour l’avoir hébergé durant la nuit.

Il récupéra son havresac accroché à une branche et en sortit ses vêtements.
D’abord son pantalon en peau d’assouil, un animal aquatique, qui épousait parfaitement ses jambes musclés. L’épaisseur du cuir le protégeait efficacement des plantes épineuses et des morsures de serpent.
Ensuite le gilet à manches courtes : le dos du vêtement était recouvert d’écailles de la tortue-shara, très efficace pour absorber les coups, et le devant, tressé d’épais fils de la toile d’une araignée géante, alliait souplesse et protection pour le torse de Storm.
Il enfila enfin ses longues bottes en cuir bleuté du serpent-requin. Etanchéité, solidité !

Pour achever sa tenue, le plus important, il fixa solidement sa mini-arbalète sur son poignet droit. L’arme était légère et peu encombrante. Elle comprenait un ingénieux système d’armement , le plus dur étant de tendre les câbles élastiques propulsant les fines flèches métalliques. Il avait 3 coups, pas un de plus !
Un simple mouvement de poignet et hop, le trait était décochée !

Il possédait aussi une lance et trois couteaux longs et effilés. Il fixa la lance dans son dos, assuré par une lanière de cuir. Puis il ouvrit sa besace et en observa brièvement le contenu : au fond, la pierre de sang lança son éclat rubis et Storm hocha la tête avec satisfaction. Angel serait content! Pour sa nuit d’initiation, Storm avait trouvé la pierre de régénération du premier coup!
Il avait du plonger au plus profond de la rivière, au pied de la chute aux eaux tourbillonnantes et avait même manqué de s’y noyer.
Mais au quatrième essai, à plus de trente mètres de profondeur, il avait réussi à en extraire une de sa gangue rocheuse.

Oui... Angel le vieux vampire serait satisfait de lui, et Storm pourrait gentiment se moquer de son maître qui avait parié qu’il rentrerait bredouille. Ils accompliraient ensemble le rite du sang et Angel lui révèlerait les secrets que seuls les initiés ont le droit de connaître.
Storm avait aussi pris la décision de rejoindre un clan.
A 15 ans il se sentait de taille à affronter ses congénères par qui il avait encore tant de choses à apprendre.
De toute façon il sentait bien que son maître, qui l‘élevait seul depuis toutes ces années, souhaitait aussi son départ.
Il ne pouvait bien sûr plus retenir longtemps son jeune vampire plein de fougue et assoiffé... d’autres horizons!

Angel lui avait tout appris. D’abord lire et écrire. Puis les rituels de base, ceux du matin et du soir, les prières de remerciement, de médiation, d’envoutement et toutes les autres. Il les connaissait par cœur ! Il lui avait aussi transmis l’histoire de sa race, et toutes les façons pour se tenir en société.

Et justement cette société lui manquait ! Bien que ses parents fussent morts depuis longtemps, qu’il n’ait ni famille proche, ni parenté quelconque, il avait hâte de retrouver ses semblables et de se faire une place au sein d’un clan. Le clan d'Halgar lui plaisait bien! Il se composait de près de 600 frères et sœurs!
Ils allaient de temps en temps jusqu'à leur cité faire du troc, du gibier d’eau contre des lampes à huile ainsi que d'autres objets de première nécessité, et Storm les trouvait amicaux et accueillants!
Ouil Les temps allaient changer!

Il referma son havresac et en enfila la lanière sur son épaule. Il choisit une liane solide qui lui permettrait de rejoindre la terre ferme en toute sécurité !
Avant de quitter son refuge provisoire, il jeta un oeil vers le sol encore invisible à cause des épaisses frondaisons environnantes. Son petit déjeuner l’attendait en bas, dans le piège qu’il avait installé! Sans doute un hurleur attiré par l’odeur alléchante de l’appât, ou mieux: un jeune porcin bien gras!

Souriant à l’idée de ce petit festin, Storm se laissa glisser comme une fusée le long de la liane. Et il disparut au milieu du feuillage épais dans le bruissement feutré de ses bottes serrant l’épais fil végétal.

La barge de chasse survolait lentement l’immense forêt verte. C’était un cube métallique d’environ 50 mètres de côté et surmonté d’une coupole transparente amovible. La coupole était baissée et les occupants, installés au sommet de l’engin d’aspect sinistre, se trouvaient ainsi à l’air libre.

Pour la centième fois au moins, Grak jeta un regard mauvais sur le radar de détection. L’énorme Ulruch frissonnait dans l’air frais du matin malgré la protection de son armure de combat. Il était le chef d’équipe et avait un quota à atteindre!
A ce propos, on lui avait dit que les choses pouvaient se défendre.
Pouah! Gorn, ce rat de laboratoire, lui avait montré une image du gibier à ramener et il avait éclaté de rire. Les choses étaient deux fois plus petites que lui et paraissaient chétives, sans force.
Mais le chef du labo avait insisté. Les choses lançaient des dards empoisonnés, il avait failli se faire avoir en se battant avec l’une d’entre elles!

Grak ricana sous sa cagoule à oxygène (oui, l’atmosphère de cette maudite planète n’était pas respirable pour lui, mais les ulruch en supportait la pression). Ha ces choses minuscules pouvaient donc se défendre? On verra bien s’ils le pourront toujours quand il les ramènera à fond de cale, un harpon en travers du corps!

La technique de chasse Ulruch était simple. Fouiller lentement le manteau vert de la forêt qui devenait transparente grâce au radar et capturer ces choses à l’aide des harpons pneumatiques dès qu’elles seraient détectées. La méthode était un peu rude car le harpon les transpercerait et les tuerait surement d’un seul coup. Mais Gorn avait été clair là-dessus. Même mortes, ces choses conservaient le précieux Krish qui gardait également ses fantastiques propriétés.

Grak s’assura que les chasseurs- esclaves étaient bien à leur poste aux quatre coins de la barge. Ils étaient juste chargés de ramener les prises à l’aide de leur gaffe métallique, Grak assurant le tir et la remontée des câbles de son poste de contrôle. Il avait en effet à sa disposition deux canons montés sur des grues qui dépassaient du rebord de la barge.
Une fois la prise harponnée, les grues pivotaient à l’intérieur et il pouvait y déposer la prise attachée au bout du câble. Les esclaves pourraient ainsi détacher le harpon et balancer le gibier à fond de cale par une vaste ouverture en entonnoir situé au milieu de la plateforme.
Une manœuvre simple et efficace!
Hélas pour l’instant, rien à se mettre sous la dent-aiguille ! Le radar montrait une image verte mais parfaitement claire du sol de la forêt. Ca et là des tâches blanches se mouvaient lentement, signe d’activités d’être vivants, des serpents et autres animaux de la jungle.
Cependant, rien qui ressembla à ce que cherchait Grak.

- Mais où se planquent ces foutus choses? rugit-il en tapant de son poing ganté la console radar.

Soudain il remarqua une tâche plus brillante que les autres qui se déplaçait rapidement. Ca y est !! Enfin la cible! D’un geste sûr, il amena le viseur sur le point lumineux et appuya sur le bouton de tir. Un chuintement d’air comprimé résonna sur l’une des grues et le harpon fusa vers le sol ! Sur le radar la tâche stoppa net.

- Bingo! fit Grak.

Il appuya sur un autre bouton qui commandait le retour du câble! Le tambourin où était enroulé le fil métallique siffla en tournant à l’envers. Les esclaves saisirent leurs longues gaffes munies à leur bout d’un crochet pointu, prêts à récupérer la prise.

- Ne le loupez pas surtout! hurla Grak qui s’attendait déjà à voir le corps transpercé s’aplatir sur le pont.

Mais soudain le câble se tendit et la barge s’inclina légèrement.
Ce foutu câble s’était coincé!
Furieux, Grak se pencha par-dessus la balustrade pour voir ce qui se passait. Il vit le câble qui s’enfonçait et se perdait dans les ramures. A coup sûr des branches bloquaient la prise. Grak revint à la console et décida de déplacer la barge à l’opposé de leur position actuelle.
Il n’eut pas le temps de manœuvrer.
Il entendit un bruit de ressort tandis leur engin reprenait sa position horizontale. Il jura de colère en comprenant la situation : le câble s’était rompu!

Il lança un regard haineux vers la grue. Oui il voyait maintenant le bout du câble, remonté à toute vapeur par le tambourin. Sectionné net!
Grak écuma.
La chose avait coupé le câble!
Sans attendre il ordonna aux esclaves de fixer un nouveau harpon. La chasse devait continuer! Il lui fallait son quota et il l’aurait!

Storm récita doucement quelques paroles en langage ancien.
Il ne connaissait pas le rituel des morts et espérait que ce modeste hommage suffirait pour le moment. Ce rituel était l’un des seuls que son maître ne lui avait pas encore apprit. Cela devait se faire lors de la cérémonie de la Pierre de Sang. Qui donc lui enseignerait ce savoir désormais ?

Mais l’esprit d’Angel serait respecté. Storm allait sans tarder annoncer cette tragique disparition au clan des Ombres. Les initiés procéderont alors au rite d’adieu dû au rang de son noble maître.

Les yeux encore plein de larmes, Storm se redressa et contempla le cairn provisoire qu’il avait érigé. Il avait utilisé quelques pierres plates, trouvées ça et là, et les avaient disposées le plus délicatement possible sur l’emplacement du corps désagrégé. Il souhaita que cela suffise à empêcher le vent et la pluie de disperser l'empreinte poudreuse, reste dérisoire d'un vampire d'exception.

Il aspira une profonde bouffée d’air, puis repris sa lance et son havresac posés à terre.
Il était temps pour lui de se mettre en route. Après un dernier regard sur la sommaire tombe de pierre, Storm prit la direction de l’est, vers la cité du clan des Ombres.
Il devait rencontrer le chef Halgar et s’entretenir sans tarder avec lui. Il lui révélerait ce que son maître lui avait apprit à propos de la grotte et de ces inconnus là-haut qui l’avaient tué de cette façon si atroce!

Storm allait prendre sa foulée habituelle lorsque des explosions retentirent dans le lointain. Le sol de la forêt trembla. Puis par-dessus les arbres s’élevèrent de grosses volutes de fumée noire.
LE FEU ! songea t-il alarmé. Mais déclenché par quoi ? Etait-ce l’orage ?
Non, Storm connaissait bien les éléments naturels. Aucun orage ne ferait ce bruit infernal. C’étaient les AUTRES là-haut ! Mais quels pouvoirs avaient-ils donc pour provoquer un tel enfer ?

Son cœur, déjà éprouvé par la mort du vieux vampire, se serra soudain davantage. Il venait de se rendre compte que les explosions venaient de l’est, en direction de la cité des Ombres : ILIANA !

Tel le carreau d’une arbalète, Storm partit en trombe vers la cité de sa belle vampire. Il devait à tout prix la retrouver et la mettre en sûreté. C’était insensé, mais Il avait la certitude que lui seul pouvait le faire !
Sans tenir compte des branches qui lui fouettaient le visage, Storm accéléra encore l’allure, le regard déterminé et la main crispée sur le bois de sa lance.

C’est à pleine vitesse qu’il déboula sur une clairière couverte d’herbes hautes. La végétation lui arrivait presque à la taille et ralentit instantanément sa course.
La clairière faisait bien 300 mètres de diamètre et il pesta contre le temps perdu à rejoindre la frange d’arbres, loin devant lui, là où la forêt reprenait ses droits.
Il vit tout à coup des silhouettes jaillir de ce côté.
De toutes parts, des vampires à longues chevelures noires se précipitaient pour traverser la clairière.
Ceux du clan des Ombres !
Storm en identifia certains qu’il connaissait de vue. Ils fuyaient l’incendie ! L’un d’entre eux arriva à portée de voix:

- Je cherche Halgar, lança Storm d’un ton autoritaire. Où est-il?

Le vampire ne s’arrêta pas mais prit quand même soin de lui dire:

- Il est derrière ! Mais fuis mon ami!

Un instant désemparé par la multitude de vampires qui le dépassait, Storm s’arrêta pour mieux apprécier leur visage.
Mais où était Halgar?
Le chef ne pouvait qu’être accompagné de sa fille bien-aimée!
Il vit soudain une silhouette plus haute que les autres s’engager à son tour dans la clairière et prés de lui, une autre plus fine, élancée comme une panthère-tigre. Son cœur loupa un battement. Oui c’était bien Iliana avec son père à ses côtés. Storm ne s’était pas trompé!

Il s’élança à leur rencontre, le souffle court soudain et les lèvres sèches. Il leur fit un signe en levant haut sa lance. Halgar vit le mouvement et bifurqua vers lui.
Le grand guerrier rejoignit rapidement Storm, suivit de sa fille et de cinq vampires formant leur garde rapprochée.

Halgar avait revêtu une cuirasse de guerre et tenait à la main sa double francisque, une arme redoutable en corps à corps. Iliana quant à elle était magnifique! Une armure légère en fines lamelles de cuir épousait chaque forme de son corps harmonieusement galbé et elle était coiffée d’un superbe casque au long plumeau rouge.

- Tu es Storm, n’est-ce pas jeune homme ? interrogea le chef de clan. Tu tombes bien! Je dois voir ton maître immédiatement! Où est-il?

Le teint de Storm s’assombrit. Tandis qu’autour d’eux fuyait le peuple des Ombres et que déjà tombaient les premières escarbilles incandescentes, signe que l’incendie approchait, Il lui apprit la triste nouvelle.

- Ces salopards vont le payer cher! rugit Halgar en brandissant son arme. Je le promets ! Nous n’avons pas beaucoup de temps! Nous devons nous rendre dans ta grotte le plus vite possible! Ton maître t’a t-il mis au courant de ce qu’elle cache?

Storm eut un mouvement de surprise. Ainsi Halgar connaissait l’existence du domaine caché des Anciens?
- Oui, lui confia rapidement le père d’Iliana. Peu d’entre nous le savent et c’est bien ainsi ! Mais nous devons briser les interdits. La grotte cache des armes avec lesquelles nous pourrons détruire ces maudits blocs volants qui nous pêchent comme de vulgaires poisson-rats!

Iliana s’approcha de Storm et lui posa délicatement la main sur son bras nu.

- Nous savons où elle se trouve, mais conduis-nous en la demeure de ton cher Maître disparu. Nous te suivons!

Le contact de la main douce de la jeune vampire fit frissonner Storm. Il plongea un regard de feu dans celui d’Iliana. Il la conduirait jusqu’aux étoiles si elle le lui demandait!

Brisant cet instant enchanteur, un des gardes hurla soudain un avertissement :

- Attention! Ils nous bombardent!

A droite de leur groupe, une explosion étouffée retentit violemment.
Storm sentit quelque chose le frôler avec le bruit d’une guêpe. Il se tourna dans la direction du souffle. A une dizaine de mètres de là, une trouée s’était faite parmi les vampires en déroute. Des dizaines de corps étaient éparpillés dans l’herbe, affalés en tous sens et inertes.

Et par-dessus la forêt surgit soudain le plus incroyable spectacle qu’ils aient jamais vu! Flottant mystérieusement dans l’air, un cube de métal énorme et sombre apparut lentement en rasant la cime des arbres. Storm évalua l'engin aussi gigantesque que sa colline! Comment une pareille masse pouvait-elle s’élever dans les airs? Ca dépassait l'entendement!

Il n’eut, ni lui, ni personne, le temps de se poser d’autres questions.
Une nouvelle explosion, plus forte et plus puissante les projeta au sol ! Storm eut juste le temps d’entourer la taille d’Iliana pour lui offrir le rempart de son corps.
Il éprouva cette fois la sensation que toute une ruche prise de folie les entourait! Il ressentit des dizaines d’impacts dans son dos qui le plaquèrent violemment au sol.
Horrifié, il vit plusieurs longues aiguilles argentées, brillantes, qui lui traversaient le bras!

Pourvu qu’Iliana ne soit pas touchée, songea t-il en la serrant plus fort.
Il voulu retirer l’une des tiges effilées mais soudain sa vue se brouilla. Sa main retomba sans force et son visage plongea dans l’herbe.

- Non, articula t-il faiblement.

Il eut beau lutter, son corps devenait insensible et il se sentit sombrer dans l’inconscience.
L’herbe se mit à défiler sous ses yeux.
Quelqu’un le trainait par les pieds!
Il tenta de résister mais ses membres ne lui obéissaient plus.
Ces aiguilles… Elles doivent être empoisonnées!

Le désespoir envahit Storm. Ils étaient en train de mourir!
Soudain, l’herbe disparut et fut remplacée par un matériau brun, plus rugueux. Il vit une botte, puis une armure glisser devant ses yeux désespérément immobiles. Enfin, l’horizon fut masqué par le matériau brun.

Un filet! songea Storm dont l’esprit dérivait de plus en plus. Halgar avait raison… Ils nous pêchent comme des poisson-rats…

La dernière vision qu’il eut, fut celle d’une paroi métallique, grise, rouillée et qui défilait interminablement sous son regard voilé.

… Comme des poissons-rats….

Fin du chapitre 6

Du poste de pilotage surplombant le vaste pont découvert, Grak manoeuvrait les grues au bout desquelles pendaient les filets pleins à craquer.

Cette fois le chef d'équipe exultait tout en poussant avec dextérité boutons et leviers du tableau de commande.
Pas à dire, il était le meilleur pour traquer le gibier: excellente sa méthode de battue par le feu! Il se félicita aussi d'avoir pensé aux grenades soporifiques. Résultat net et sans bavure! Le gibier tombait dans les vaps à la moindre éraflure des aiguilles gainées de produit anesthésiant et permettait donc un prélèvement sans risques pour les chasseurs.
Ouais, le vieux Grak était vraiment le plus malin. Les autres chefs de barge n'avaient qu'à bien se tenir, c'est lui qui aurait le meilleur quota!!!

De son oeil d'expert, il surveillait les esclaves qui, de leurs longues gaffes crochues, contrôlaient le mouvement de balanciers des nasses suspendues au dessus du pont. Avec une habileté et une délicatesse surprenante pour sa corpulence, Grak télécommanda d'une griffe experte le filet le plus proche, et l'amena juste au dessus de la trappe béante, au milieu de la barge.

Il attendit que le filet se stabilise puis appuya d'un coup sec sur la commande d'ouverture. Le piège à mailles d'acier libéra d'un coup sa morbide cargaison.
Grak observa les dizaines de choses inertes disparaître dans les profondeurs de la barge. Les corps de certains vampires rebondissaient sur le rebord de la trappe et roulaient sur le pont comme des poupées désarticulées. Les esclaves les repoussaient alors rapidement vers le large entonnoir qui les avalaient telle la gueule d'un monstre affamé.

Les nasses furent bientôt vidées et Grak ordonna de nettoyer le pont en vitesse. Certains objets appartenant à ces choses étaient en effet tombés du filet et encombraient la passerelle métallique. Ces babioles risquaient de blesser un membre de l'équipage s'il marchait dessus. Les esclaves jetèrent donc également par la trappe quelques armes blanches, casques et autres pièces d'armures, dérisoires témoins de leurs propriétaires disparus.

Le chef d'équipe se frotta les griffes avec satisfaction. Il était temps de redescendre les filets sans perdre de temps. L'équipe au sol devait s'impatienter: il y avait encore environ 200 de ces choses éparpillées dans la prairie que la barge survolait.
En se penchant un peu, il pouvait voir en contrebas les esclaves qui ratissaient le terrain, certains traînant 2 ou 3 corps à la fois vers la zone de ramassage, d'autres maniant de temps en temps une courte matraque pour assommer ceux encore conscients. Ha, ces esclaves connaissaient leur boulot!
Normal, se dit Grak en faisant crisser ses dents-aiguilles, c'est lui qui les avait formés!

Il jeta un oeil vers la jauge de remplissage de la barge. Déjà pleine à 50%! Encore une ou deux fournées comme celle là et il pourra rentrer au vaisseau mère. A cette pensée Grak eut un gloussement d'impatience. Dès son retour il se précipiterait au bar des pilotes pour écluser quelques gobelets en compagnie des autres chefs d'équipe. Ils se raconteraient des anecdotes de la chasse en se frappant les cuisses et chacun irait de sa tournée jusqu'à vomir à seaux! Ha ouais, çà c'était la vraie vie du chasseur de l'espace!
Grak se mit à rire sous sa cagoule à oxygène. Chasseur de l'espace! Elle était bien bonne celle là!
Plié en deux, il sortit de la cabine de contrôle pour se diriger à grands pas vers les grues dont les filets, maintenant vides et plats, redescendaient rapidement vers le sol. Pour la forme il zébra le dos d'un des esclaves à l'aide de son fouet, histoire de leur rappeler qui était le patron. La brute à quatre yeux et au cuir épais parut ne même pas se rendre compte de la cinglante morsure et continua à guider les câbles du filet à l'aide de sa gaffe.

A quelques encablures de là, Grak vit une autre barge s'approcher lourdement pour se positionner comme lui au dessus du champ de bataille. Il reconnut l'emblème en forme de losange et salua de la griffe le confrère qui approchait.

- Tu peux venir mon pote, dit-il à voix haute, y en aura pour tout le monde!

Ricanant toujours, il s'accouda au bastingage pour suivre avec avidité la récolte du précieux Krish.

La scène se dissipa puis disparut dans l’esprit embrumé de Storm. Mais les mots demeuraient encore en lui, comme gravés au fer rouge.

- Aide-moi à être fort Grand-père!

Storm lutta de toutes ses forces pour sortir de sa léthargie. Il sentit qu’il y arrivait et se concentra plus fortement. Tel un plongeur crevant enfin la surface de l’eau, il parvint à ouvrir les yeux pour rejoindre la réalité!
La douleur éclata dans toutes les fibres de son corps.
Mais pourquoi avait-il si mal ?
Serrant les dents, il parvint à canaliser quelque peu ses souffrances pour se concentrer sur son environnement. Mais il ne comprenait pas ce qu’il voyait! Une faible lueur provenait d’un peu plus bas, éclairant vaguement un mur rougeâtre et luisant d’humidité. Il y avait aussi ce martèlement lancinant qui lui vrillait les tympans. Et il n’arrivait pas à se lever…

Soudain alors qu’il penchait la tête avec difficulté, il comprit ce qui se passait.

Il était suspendu par les pieds!

Il devait absolument faire baisser la pression de son crâne et qui menaçait de lui faire reperdre conscience.
Dans un effort surhumain, maîtrisant les élancements terribles, il parvint à agripper sa jambe et à amener la tête à hauteur de sa taille.
Le martèlement cessa instantanément. Sa vision redevint normale mais ce qu’il vit lui sembla un cauchemar!
De chaque côté pendaient des corps, également attachés par les pieds. Des corps inertes qui oscillaient légèrement, les bras ballants, le visage masqué par leurs longs cheveux poisseux de sang.

Horrifié, les bras tremblants de tension nerveuse, Storm sentit qu’il devait tenter le tout pour le tout. Il ne tiendrait pas longtemps dans cette position tétanisante. S’il se laissait retomber, jamais il ne pourrait se redresser à nouveau tant la faiblesse l’envahissait.
Ses chevilles étaient entravées par une simple corde nouée sur un câble métallique qui courait le long du plafond.
Une corde!
Sa main la plus haute saisit le bord de sa botte et il s’y accrocha. Encore un effort et ses doigts saisirent le manche du couteau caché à l’intérieur.
Ca y est, il tenait l’arme.
Il tendit le bras au maximum pour engager la lame au milieu des liens serrés à bloc. Il devait réussir du premier coup, quitte à s’ouvrir le pied.
Dans un dernier râle de souffrance, il exerça une pression vers le haut.
Un claquement sec et il chuta lourdement au sol. Ses épaules amortirent la chute.

Ca y est, Il s’était libéré!

Ses chevilles le brûlaient atrocement, signe que le sang affluait à nouveau dans ses veines meurtries.
D’instinct il se palpa pour vérifier la gravité de ses blessures. Rageusement il arracha trois pointes toujours enfoncées dans son biceps. C’est avec çà qu’ils l'avaient eu!!! Il devait y avoir un poison ou quelque chose autour!
Heureusement sa cuirasse l’avait protégée. Il l’enleva et retira également la dizaine de traits métalliques plantés dans les écailles protectrices. Sans elles, il serait probablement toujours inconscient. Non, il serait déjà mort! Et surtout, l'amulette de son maître lui avait transmis sa force pour résister à la paralysie mortelle, il en était sûr! Presque religieusement il l'a serra un instant, adressant un message muet à l'esprit du vieux vampire.

Il réajusta ses vêtements et repris son couteau tombé au sol. Machinalement il voulut réajuster son arbalète de poignet mais constata à sa peau meurtrie qu'elle lui avait été arrachée. Son havresac avait également disparu et donc sa Pierre de sang. Quelle importance maintenant?
Sa main s'affermit autour du manche en corne de son poignard: il devait agir vite pour sauver ses frères!

Fébrilement Storm s'approcha d’un premier corps et l’examina à la recherche d’un souffle de vie.
Ce frère hélas n’avait pas survécu aux dards mortels. Il passa au suivant et fit le même terrible constat. Storm tomba à genoux pris de nausée et désespoir. La tête lui tourna et d’instinct il saisit l’amulette de son maître entre ses doigts tremblants.
Il devait se ressaisir à tout prix. Il devait y avoir d’autres survivants, il devait y en avoir!

Il releva la tête et regarda rapidement autour de lui.

Et où donc se cachaient leurs agresseurs qui les avaient accrochés là comme des carcasses dans un abattoir ? se demanda t-il prêt à en découdre.

Il observa plus précisément la sorte de cuve métallique où ils avaient échoués.
Le sinistre endroit n’était éclairé que par quelques globes lumineux encastrés dans les parois et qui dégageaient une faible lueur blafarde. Storm n’avait jamais vu de pareilles lampes. Il semblait ne pas y avoir de flamme à l’intérieur. Des braises peut-être?
Et quelle dimension faisait sa prison?
Il suivit des yeux le câble sur lequel étaient attaché des dizaines de vampires. Il provenait du plafond percé d’une vaste ouverture sombre. De l’autre côté et à une vingtaine de mètres, le câble faisait un coude et disparaissait par un large couloir en angle droit.
Il remarqua que le câble pouvait coulisser sur des sortes de poulies. Les corps étaient suspendus sur une ligne infernale pour être amené Dieu sait où!

Mais pour l’instant rien ne bougeait. Seul résonnait dans les profondeurs un bruit sourd et lent que Storm ne parvenait pas à identifier.
Le regard déterminé, il se releva et reprit sa macabre inspection. Mais ces frères étaient morts. Ils avaient dus être très proches des explosions car ils étaient tous transpercés de dizaines de ces aiguilles argentées. Certains portaient aussi la trace de coups violents sur le visage, ce qui les avait achevés à coup sûr!

Il parvint au coude qui s’ouvrait sur une nouvelle salle.
Il s’arrêta soudain, les yeux ouvert sur une nouvelle abomination!
A quelques mètres de lui, une créature énorme s’affairait sur un corps. Elle mesurait plus de deux mètres et si elle semblait humanoïde la comparaison s’arrêtait là!
Le monstre était gras et adipeux et n’était vêtu que d’une sorte de pagne. Il tourna sa tête bovine vers le jeune vampire. Rien d’humain en effet dans ce crâne massif à quatre œil et au nez largement épaté et gluant de morve.

Une tête de taureau sur un corps d’obèse!

La créature chargea lourdement dans un sourd grondement de colère.
Storm était prêt et il lança immédiatement son couteau droit dans l’un des yeux de la bête. Le poignard s’y enfonça jusqu’à la garde mais ne ralentit pas l’imposante masse de chair en mouvement. D’instinct, Storm dégaina son deuxième couteau accroché à sa ceinture et se rua sur son gigantesque adversaire. Il évita les bras épais qui tentaient de le saisir et frappa trois coups secs et rapides.
Les yeux crevés, la bête s’écroula à ses pieds en poussant d’épouvantables cris de souffrance. Storm l’acheva en perçant le gras de la nuque. La lame se glissa entre deux vertèbres et le corps monstrueux cessa de s’agiter.

Haletant, Storm se remit en position de combat, prêt à affronter l’assaut d’une autre de ces créatures. Mais rien ne sortit de l’ombre. Les mystérieux battements sourds avaient couvert le bruit de la lutte.

Storm détailla le corps flasque. Ainsi c’étaient ces choses immondes qui tuaient son peuple? Il cracha sur le cadavre et s’apprêtait à nouveau à chercher des survivants lorsqu’une voix faible l’appela:

- Frère…

Un vampire prisonnier du câble agitait le bras vers lui. Storm se précipita et le décrocha d’un habile coup de lame. Il s’effondra sans force et Storm le prit par les épaules pour le redresser. Il lui enleva une ces maudites aiguilles plantée dans l'épaule. Il ne vit pas d'autres blessures.

- … j’ai soif, articula celui qu’il avait délivré.

Storm secoua tristement la tête pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas d’eau.

- De l’eau? fit l’autre incrédule.

Il jeta un regard alentour et vit le cadavre de l’esclave Ulruch. Il rampa vers lui, saisit le poignet rond et gras et, sans hésiter, mordit à plein crocs la chair rugueuse. Cela ne dura que quelques secondes et quand il se releva, sans aide, Storm lui trouva le teint frais et le regard clair.

- Haaa! Ca va mieux! affirma t-il en s’étirant. Désolé d’avoir dû faire çà devant toi petit ! Je vois que t’as pas encore passé le rite de la Pierre de Sang! Bon, reste pas planté là!

L’air stupéfait de Storm amena un fin sourire sur son visage anguleux, mais il reprit vite son sérieux pour ausculter les corps toujours pendus à ce fichu câble. Storm s’empressa de l’aider.

- Il faut qu'on se trouve des armes! Ces salopards ont dû m'arracher l'arc que j'avais! A propos comment t’appelles-tu l’ami?

Storm se nomma en songeant qu'il était heureux d’avoir trouvé un survivant si volubile. Seul il se demandait s’il ne serait pas devenu dingue dans ce lieu morbide.

- Ben moi c’est Alkane mon pote! lança le vampire qu’il avait sauvé. Dis-donc tu l’as bien nitraté le gros bœuf là!… HÉ ICI!!! Vas-y décroche-le!!!

Alkane venait de découvrir un autre vampire en vie. Ils se hâtèrent de le délivrer.

- Par le Sang c’est Willyn! Aide-moi vite!

Ils l’amenèrent près de l’Ulruch et le nouveau survivant préleva également une dose de sang qui le remit d’aplomb aussi rapidement qu'Alkane. Ce dernier précisa à Storm que Willyn et lui faisait partie du Clan des Ombres depuis une éternité. Ils allaient continuer à chercher d'autres survivants, lorsque soudain le câble se mit à coulisser dans un grincement strident de poulies rouillées. Les corps se mirent à avancer lentement.

- Allons voir où ils les emmènent! ordonna Storm, mais prudence!

Anxieusement ils remontèrent la file de cadavres. Mais vers quel enfer se dirigeaient-ils?

Ils traversèrent un nuage de vapeur provenant d’étroits conduits grillagés et incrustés dans le sol métallique. Sur ce revêtement leurs solides bottes de peau leur assuraient un déplacement furtif mais la faible clarté et le fin brouillard environnant rendaient la progression hasardeuse.
En tête, Storm heurta du pied un obstacle invisible. Il s’arrêta pour vérifier ce que c’était.
A tâtons il ramassa rapidement l’objet et l’observa sans y croire.
C’était la double francisque d'Halgar!
La lanière du manche dans laquelle le guerrier engageait le poignet avait été coupée.

- Des armes! s’exclama Alkane en découvrant un peu plus loin un fatras hétéroclite entassé dans un coin.

Les monstres avaient du débarrasser les corps de tout ce qui leur semblait dangereux et les jeter là.

Storm songea à son arbalète perdue et à la pierre. Mais il eut beau chercher dans l'amoncellement, il ne les retrouva pas.

Alkane s’empara d’une longue claymore gluante de sang et la testa en quelques moulinets rapides, un sourire mauvais aux lèvres. Willyn, quant à lui, dénicha un arc en bon état, encore accroché à son carquois rempli de flèches…
Storm glissa la lourde hache dans sa ceinture, il comptait bien la rendre prochainement à son propriétaire, et ramassa un autre poignard ainsi que quelques Shuriken aux lames tranchantes comme des rasoirs.

Ainsi parés, ils reprirent leur marche rapide. Un long grincement aigu et le câble s’immobilisa.

- Attention, chuchota Storm en s’accroupissant.
Ses compagnons l’imitèrent en revenant à sa hauteur. Le large couloir où il progressait finissait là mais s’ouvrait sur une salle encore plus grande que les précédentes.
Le plafond incurvé culminait à près de dix mètres de hauteur et çà et là pendaient les globes lumineux qui intriguaient tant le jeune vampire. Les murs rougeâtres et boursouflés de rouille étaient renforcés de larges arches en métal faisant songer à la cale d’un vieux navire. Mais un navire gigantesque.
Cette fois l’endroit était vivement éclairé et on y voyait comme en plein jour.
Les trois vampires se cachèrent à l’ombre d’un épais pilier de métal et purent observer la scène qui se déroulait sous leurs yeux médusés.

Le centre de la salle était occupé par une dizaine de ces monstres comme celui que Storm avait abattu. Ils officiaient sur le corps des malheureux toujours pendus la tête en bas. Les évadés virent l’un des colosses s’approcher d’un corps ballant et lui enfoncer une énorme aiguille dans le thorax. L’aiguille était reliée à un long tuyau qui aboutissait à des bonbonnes transparentes alignées au centre de l’esplanade.

- Ces ordures aspirent le sang de nos frères ! chuchota Willyn. Il faut faire quelque chose!

Alkane désigna soudain deux autres créatures. Elles venaient de faire une irruption bruyante en dévalant une volée de marche par une cage d’escalier courant sur le mur du fond. Elles étaient différentes des monstres à quatre oeil! Les démons de l'enfer semblaient s'être donné rendez-vous dans ce lieu maudit! Elles étaient plus grandes et surtout vêtues d’une sorte de scaphandre entièrement noir.
Le crâne, découvert, était lisse et brillant et une sorte de masque recouvraient le bas de leur visage qu’on devinait large et épais. Le masque se soulevait au rythme de leur respiration lourde.
Ce qui frappa le plus les rescapés fut que ces créatures n’avaient qu’un œil!

DES CYCLOPES!

Le cœur de Storm cessa tout à coup de battre. Il venait de trouver Iliana!
La vampire se situait non loin de lui mais en pleine lumière. Elle était totalement inconsciente et immobile. Pas un souffle n’animait ses lèvres. Plus loin il vit son père. Non!!! Son torse était percé de la longue aiguille et le tube luisait de l’éclat rouge de son sang!
Le chef des Ombres bougeait lentement les bras mais ce n’était que des spasmes de souffrances. Son visage avait l’apparence de la craie.

Il fallait agir et vite!

Storm remarqua que les créatures à un œil paraissaient commander les autres d’allure plus fruste : ils parlaient d’une voix basse et gutturale, et les monstres au torse nu, après avoir écouté immobiles, s’empressaient de s’exécuter.

- C’est eux que nous devons d’abord éliminer, fit Storm en se tournant vers ses camarades. Si nous tuons les chefs ça déstabilisera les autres !

Willyn engagea silencieusement une flèche sur son arme tandis que Storm et Alkane se préparaient à bondir.

- Maintenant ! hurla Storm dès que le plus proche cyclope fut à portée.

Il lança son poignard de toutes ses forces. La lame transperça le front du nouveau venu avec un bruit mat. Le géant s’écroula d’un bloc, mort avant d’avoir touché terre.
La flèche de Willyn visait l’autre cyclope, légèrement en retrait. Mais elle fut déviée par l’un des obèses serviles qui pivota dans la seconde du tir. Il se prit le trait en pleine gorge et s’écroula dans un cri étranglé, un flot de sang jaillissant de la blessure.
Le cyclope survivant dégaina une arme étrange à bout cylindrique et la tendit vers le petit groupe de vampires. Une flamme en jaillit et un vacarme assourdissant emplit la soute!
Storm entendit encore le bruit de guêpes et se jeta au sol, tout en balançant l’un des shuriken. Le petit disque aux ailettes tranchantes traversa le groupe de monstres empesés et cette fois atteignit sa cible. Il se planta en vrombissant dans la large cuisse du monstre au scaphandre. Celui-ci poussa un cri de rage et battit en retraite vers l’escalier tout en lâchant des salves de feu.

C’était la panique parmi les monstres.

Ils avaient vu leurs maitres tués ou blessés et couraient en tous sens, affolés, ne sachant s'il fallait attaquer ou s'enfuir.
Alkane de son côté ne restait pas inactif. Sa large épée avait déjà éventré un de ses adversaires, et il venait d’un seul coup d’en décapiter un autre. Willyn lâchait trait sur trait réduisant ses adversaires à l'état de porc-épic et son carquois se vidait rapidement.
Le sang inondait le sol en une mare visqueuse.
Storm vit une des créatures déraper dans la couche vermeille, il en profita pour lui trancher les carotides. Devant ce massacre, les bêtes infernales s’égayèrent dans les couloirs et disparurent en poussant des meuglements plaintifs. Willyn en abattit encore un d’une flèche en pleine nuque puis les vampires se retrouvèrent seuls et haletants au milieu de la soute jonchée de cadavres ensanglantés.

Storm jeta un coup d’œil vers l’escalier, mais le cyclope avait disparu.

- Il risque de revenir avec des renforts, fit-il. Occupons-nous de nos frères!!!!

Installé dans son poste de pilotage, Grak était satisfait.
Il venait d’envoyer son rapport au vaisseau-mère et attendait la réponse avec impatience. Il avait trop hâte de quitter cette planète pourrie et de pouvoir enfin respirer une atmosphère normale. Il commençait à en avoir marre de porter un filtre à oxygène.
Les esclaves, eux, supportaient sans problème l’air ambiant. Ils pouvaient respirer n’importe quoi! Il en avait même vu se promener sans scaphandre dans une atmosphère bourrée d’ammoniaque!
Ouais, plutôt résistants ces esclaves! Ils étaient cependant un peu mous du bulbe. Ils avaient beau avoir quatre cerveaux ca les rendait pas plus intelligent. On pouvait cependant leur apprendre quelques tâches basiques, comme diriger un filet, ramasser des cadavres ou surveiller les prises, la base quoi!

A propos de surveillance Grak se dit qu’il ferait bien d’aller faire un tour dans les soutes, histoire de voir si le conditionnement du gibier se faisait normalement. Il appela par radio son second qui devait roupiller quelque part.
Valait mieux être accompagné quand on se mélangeait aux esclaves. Pas qu’ils risquaient d’être agressif, non, mais on a vu plus d’un Ulruch se faire piétiner suite à un mouvement de panique du à un ordre mal interprété. Dès que les esclaves se trouvaient réunis à plus de dix des leurs, ils avaient tendance à réagir en troupeau.

Le second ne tarda pas à arriver en traînant la jambe et se frottant l’œil qu’il avait rouge et gonflé.
Encore à se remettre de sa dernière cuite, songea Grak en lui envoyant une tape sur la tête.
Il n’était vraiment pas aidé sur cette barge de merde. Déjà qu’ils n’étaient pas nombreux: Quatre Ulruch pour une trentaine esclaves! D’ordinaire ça suffisait pour une chasse normale. Mais là entre les pochards et le boulot à surveiller, ca devenait un peu juste.

Il enjoignit son subalterne à le suivre et il sortit sur le pont qu’il traversa à grandes enjambées.
Puis il souleva une trappe qui donnait sur un escalier métallique. L’odeur du sang frais lui sauta au visage malgré l’épaisseur du masque.

- Ha! Ca sent la chair fraîche! cria t-il gaiement.

Ils dévalèrent cinq ou six volées de marches et parvinrent dans la cale principale. Celle-ci était fortement éclairée comme il convenait et il put d’un coup d’œil s’assurer que les opérations se déroulaient parfaitement. Le câble principal où étaient accrochées les prises passait au milieu de la soute. Là les esclaves leur pompaient le sang par paquet de dix. Une fois le sang prélevé et stocké dans les bonbonnes prévues à cet effet, on faisait avancer le câble à nouveau et les esclaves répétaient l’opération.
Les corps vidés du Krish étaient tout simplement balancés par-dessus bord par un sas latéral.

Grak s’avança parmi les esclaves et les somma par des mots simples de maintenir la cadence.
Son second le dépassait pour vérifier si les aiguilles de pompage étaient positionnées selon l’angle adéquat lorsque soudain tout dégénéra!
Grak entendit un choc sourd et vit son second se raidir puis s’affaler en avant, un long poignard planté au milieu du front!
Des hurlements sauvages retentirent et un esclave s’effondra à son tour en tentant de retenir le flot de tripes qui s’écoulait de son ventre ouvert.

Le chef d’équipe dégaina son Tage IV et tira au jugé! La déflagration fut énorme dans l’espace réduit. Les esclaves s’agitèrent en tous sens. Grak comprit ce qui se passait réellement en voyant devant lui trois ou quatre spécimen de l’espèce qu’il chassait taillader à tout va dans le troupeau d’esclaves!

Par les dieux de merde, jura t-il, ces choses sont sensées être accrochées au câble!

Il sentit soudain une douleur atroce dans sa cuisse gauche. Un objet à pointes métalliques venait de transpercer sa combinaison! Tirant décharge sur décharge il recula en boitant jusqu’à l’escalier, le cœur battant à tout rompre.

Une mutinerie! Il avait affaire à une saloperie de mutinerie!

Il commença à gravir les escaliers en boitant furieusement.
Il devait appeler le vaisseau-mère au plus vite!

Dix survivants!
Storm et ses compagnons n’avaient découvert que dix des leurs encore en vie parmi les vampires immobiles, pendus au câble comme des poulets dans un abattoir. Les dards, issus des grenades lancées par l’ennemi, avaient distillés leur poison mortel dans l’organisme des vampires et avait eu raison de la plupart d’entre eux. Ce carnage s’expliquait aussi en partie par les zones atteintes, des parties vitales comme le cœur ou la tête ayant été touchées, sans parler des coups de grâce assénés par leurs bourreaux.

Si la plupart des survivants eurent la force de s’abreuver sur les cadavres des monstres abattus, il restait néanmoins deux corps toujours allongés sur le métal froid. Deux corps que Storm regardait désespéré, impuissant à leur venir en aide.
Il s’agissait d’Iliana et de son père.
Tous deux avaient le visage pâle comme la mort qui planait en ces lieux et ils semblaient plongés dans un profond coma dont personne n’avait pu les sortir. Ils n’avaient donc pu se revigorer en aspirant la moindre goutte du sang salvateur. Ils étaient trop faibles pour cela.

Storm avait arraché l’aiguille plantée dans le thorax d’Halgar mais trop tard. Le chef de clan avait été quasiment vidé de son sang et se mourrait. Iliana, bien que Storm l’ai protégé lors de l’attaque, avait reçu un long dard pointu dans la jambe, en plein dans l’artère fémorale. Il avait posé un garrot avant d’enlever la vicieuse tige de métal, mais en dépit de ce modeste soin, la belle vampire ne reprenait pas conscience.

- Elle va mourir! lança Storm à ses genoux et en larmes.

Autour de lui, la petite communauté de survivants s’était resserrée, silencieuse.
Une main se posa sur son épaule. C’était Alkane.

- Il faut y aller mon frère! Nous n’avons que trop perdu de temps. Nous devons fuir et rejoindre la forêt!

Storm secoua la tête. Non, il ne repartirait pas sans elle, pas question. Il trouverait le moyen de la sauver, il trouverait!

Son regard troublé de larmes s’arrêta soudain sur les bonbonnes remplis de sang. Le sang des vampires morts! Il se releva d’un bond et fouilla fébrilement parmi les dizaines de tuyaux transparents reliés aux épais flacons de verre. Il en arracha un et un flot de sang rouge et écarlate en jaillit violemment. Il plia le tuyau pour faire cesser la fuite et revint vers Iliana.

- Mais que comptes-tu faire? s’exclama Alkane en lui saisissant le bras.

- Lâche-moi! cria Storm. Si le sang est la seule façon de lui sauver la vie, je lui en donnerais et de force s’il le faut!

Les deux vampires allaient s’empoigner lorsqu’une voix retentit près d’eux. Une voix calme mais empreinte d’autorité.

- Je vais m’en charger, laissez-moi faire!

Ils cessèrent de lutter pour observer celui qui avait parlé. C’était le plus vieux vampire que Storm ait jamais vu.
Sa peau était parcheminée de rides profondes et il se tenait légèrement voûté. De long cheveux gris retombaient sur ses épaules encore puissantes et les ongles de ses mains décharnées avaient poussées en épaisses pointes recourbées. Il portait une longue toge noire percée d’une multitude de poches et décorés de dizaines d’objets étranges accrochés à de petites chaînes.

- Je suis Olm! Le sorcier-praticien du clan des Ombres… ou de ce qu’il en reste.

Il saisit lentement le tuyau des mains de Storm. Celui-ci laissa faire, subjugué par l’éclat jaune de ses yeux d’intensité légèrement hypnotique.

- Tu n’as pas encore passé le Rite de la Pierre de Sang, jeune Storm, expliqua le vieillard, cela se voit. Aussi ignores-tu forcément certaines vérités, ce que n’aurait pas manqué de te révéler ton vénérable Maître Angel, puissent-il reposer en paix dans les Champs d’Altaïr! Je n’ai pas le temps de t’expliquer ce que nous tous ici, initiés, connaissons déjà. Sache seulement que le fait de boire le sang d’un autre vampire est considéré comme un sacrilège. Seul le sang d’autres espèces peut être consommé. Oui, déjà toi qui n’a jamais goûté le sang, tu t’étonnes et te demandes l’utilité de cette pratique. Tu préfères toujours la viande cuite et les fruits sucrés n'est-ce pas? Ainsi sont les jeunes, les Noobs, jusqu'à ce qu'ils soient sevrés par le rite de la Pierre de Sang! Lors de cette cérémonie, Angel t’aurait appris que vers sa quinzième année, un vampire doit impérativement se nourrir de sang frais, et ceci chaque jour jusqu’à la fin de sa vie. Sinon ces cellules dégénèrent rapidement et il meurt! C’est ainsi, et il y a des raisons pour cela, des raisons précises en rapport avec l’apocalypse dont parle les légendes.
Le sang permet enfin une cohésion de tout notre être, être qui tombe en poussière pour les plus anciens d’entre nous dés que le cœur cesse de battre. Ainsi, cela ne se voit pas encore, mais tu es déjà en train de mourir! Ne t’en fais pas, continua le sorcier devant l’air stupéfait de Storm, tu ne risques rien… pour le moment.

Il sortit alors de l’une de ses poches profondes, une petite écuelle de terre cuite soigneusement recouvertes de motifs cabalistiques. Avec précaution, il la remplit du liquide vermeil qui s’écoulait du tuyau.

- Oui, il est interdit par nos lois de boire du sang de nos frères, continua le vieux sorcier. Outre les évidents motifs religieux, on parle ici d’anthropophagie, le mélange risque également de devenir un dangereux poison pour celui qui en absorbe. Nous ne supportons en principe que le sang des êtres dit «inférieurs». Cependant, si ce sang est administré dans des conditions adéquates et surtout avec les chants rituels appropriés, le receveur pourra alors le supporter et développer de nouvelles capacités. Il deviendra alors un nouveau maillon et un maillon supérieur dans l’évolution de notre race. Ceci est un des plus grands secrets du peuple vampire, je vous demande donc de ne jamais le divulguer à quiconque! Cependant, le prix à payer risque d’être lourd pour celui qui boit le sang de ses frères. Je vous laisse imaginer lequel. Ecartez-vous maintenant!

Le sorcier s’agenouilla près du corps inerte d'Halgar et se mit à psalmodier un chant grave dans une langue inconnue. Il se balança d’avant en arrière en fermant les yeux puis leva la coupe au ciel. Enfin, toujours chantonnant à voix basse, il souleva la tête du chef de clan inconscient et lui versa doucement le sang de ses frères entres les lèvres. Le liquide sacré lui déborda d’abord sur les joues mais le sorcier insista. La gorge d'Halgar frémit soudain et il se mit à avaler lentement. Ses paupières frémirent et son corps fut soudainement agité de soubresauts.

- Tenez-le, ordonna le sorcier, maintenez-le fermement au sol pour qu’il ne se blesse pas!

Il passa ensuite à Iliana et répéta son rituel. La jeune vampire se mit également à frémir de tout son corps. Storm se précipita et lui maintint délicatement la nuque, son autre main bloquant son buste soulevé de violentes convulsions.

- Réveilles-toi Iliana, supplia t-il. Réveilles- toi!

Et son vœu fut exaucé. La vampire cessa de bouger. Puis elle ouvrit les yeux et inonda Storm de la lueur de ses yeux verts. Elle lui sourit faiblement.

- Je suis là mon ami! N’aie pas peur! dit-elle d’une voix faible.

Emerveillé par son regard lumineux, Storm l’aida à se relever. Iliana s’effondra un instant dans ses bras, puis elle se reprit. Son équilibre s’affermit et elle fit quelques brefs mouvements des bras et de la tête.

- J’ai fait un affreux cauchemar… J’ai rêvé que…

Elle prit soudain conscience de ce qui l’entourait. La grande soute métallique, les cadavres suspendus, les survivants, son père qui se relevait vacillant comme un vampire ivre… Elle alla vers lui et s’enquit de sa santé.

- J’ai l’impression d’avoir fait la foire toute la nuit! Par le sang, cette gueule de bois!!! lança le chef des Ombres d’une voix tonitruante.

Lui aussi observait les lieux d’un regard perplexe et sombre puis il prit sa fille dans ses bras redevenus puissants.
Storm s’avança et lui tendit respectueusement sa double francisque. Halgar s’en saisit. Il tapa fraternellement l’épaule du jeune vampire puis leva son arme.

- Ma chère lame a soif! Qu’attendons- nous pour lui donner à boire?

Les vampires qui l’entouraient levèrent à leur tour les armes qu’ils avaient récupérées un peu partout et lancèrent avec lui leur cri de guerre.
Le petit groupe s’élança alors vers l’escalier métallique qui menait à la sortie.

A coup sûr il ne sera pas bon de croiser le chemin de cette horde déchaînée!

Grak était en train de devenir fou!

Enfermé à double tour dans son poste de pilotage, il envoyait message sur message et rien! Pas de réponse du commandement central, le vaisseau-mère restait muet!
Il savait que les appels courants étaient traités par le central des communications qui les enregistrait et donnait suite si nécessaire. Sinon ce serait un beau bordel. Il avait joint le code rouge à son message, le signal de détresse, et malgré çà personne ne lui répondait!!!
Qu’est-ce qu’il se passait là-haut?

Aucune réponse non plus des autres barges, pourtant il en voyait deux qui dérivaient lentement non loin de la sienne. Mais leur pont semblait désert, il le voyait au travers de sa longue vue! Il commençait à se demander si ces choses n’avaient pas massacrés tout le monde là-bas aussi, ca serait le bouquet! Du gibier armé de flèches décimant la race la plus évoluée de ce secteur galactique? La crise de rire!

Justement qu’est-ce qu’il foutait le gibier?

A travers les vitres blindées de son petit local de guidage, Grak regarda pour la millième fois le pont d’un air inquiet.
A part deux esclaves qu’il avait affectés à la surveillance de la trappe d’accès aux soutes, trappe fermée et verrouillée, le vaste pont était désert. Il espérait que ses esclaves aient eu raison des mutins mais il en doutait.
Il revoyait encore les choses manier leurs armes à une vitesse telle qu’il était difficile, voir impossible d’esquiver leurs coups. La douleur cuisante dans sa cuisse, bandée provisoirement d'un vieux chiffon, en était la meilleure preuve!

Ouais, ces saloperies avaient sûrement massacré tout le monde, même ses mécanos, les deux derniers membres de son équipage «normal» et qui passaient leur temps en salle des machines. Il avait aussi tenté de les joindre, sans succès pour le moment. Ils se terraient peut-être dans un coin, en attendant que ca se passe!

A croire qu’il était seul au monde, ragea t-il en frappant du poing la vitre blindée.

Et bien, il ne le resterait pas longtemps!
Il revint en boitillant vers la console et pianota sur quelques touches. Puisqu’on semblait l’ignorer, il devait reprendre la situation en main et rentrer au bercail par ses propres moyens!

Mais il était hors de question de revenir au vaisseau-mère avec la barge chargée de ces choses si imprévisibles et dangereuses! Il ne tenait pas à semer la panique! Qui sait quels dégâts elles seraient capables de faire dans le gigantesque engin avant qu’on parvienne à les maîtriser?
Non, il avait une meilleure idée! Il allait tout faire péter et fuir dans le canot de sauvetage! Et alors adieu gibier de merde!
Le butin serait perdu mais le Capitaine devrait pas en faire une maladie. C'était les risques du métier après tout! Et puis ce monde regorgeait de Krish! Il se referait!

Il engagea le système de préchauffage des moteurs du petit canot de sauvetage qui était fixé par des boulons explosifs sur un des côtés de la barge de chasse.
Le petit engin de seulement dix mètres de long ressemblait à une barge miniature avec sa coupole transparente amovible. Il n’y avait que cinq places à bord, ce qui était suffisant d’ordinaire pour un équipage classique, les esclaves étant abandonnés à leur sort en cas d’évacuation.

Voilà ! Dans moins d’une demi-unité de temps, il serait prêt à partir!

Il s’occupa ensuite de la phase la plus délicate: le système d’autodestruction!

Il lut les instructions complexes à l’écran, puis pianota quelques instants sur le clavier. Sur le panneau de contrôle, un couvercle s’ouvrit d’un coup dévoilant un gros bouton rouge encadré d’autres touches.
Bon il y avait un code, mais Grak en tant que chef d’équipe le connaissait évidemment par cœur. Il était en train de le composer quand il entendit soudain un remue-ménage sur le pont.
Il se précipita vers un hublot et ce qu’il discerna lui fit frémir l’échine.
Il vit la trappe d’accès aux soutes trembler puis se déformer sous de furieux coups donnés de l’intérieur. Les deux esclaves munis de leurs gaffes tournaient autour en poussant des mugissements apeurés.

Par les dieux pourris! Les choses étaient en train de défoncer la trappe!

Celle-ci fut soudainement projetée en l’air! Une sorte de géant, comparé à la taille de ces choses, bondit en hurlant hors de la cale et en effectuant de grands moulinets avec une sorte de hache.
De leurs longues perches à crochet les esclaves tentèrent de le repousser mais il les évita sans peine. D’un bond hallucinant la chose sauta sur le plus proche et lui enfonça son arme dans le milieu du crâne. L’autre esclave fut presque coupé en deux d’un revers de lame alors qu’il tentait de lui asséner un coup dans le dos.

Le gibier qu’il avait traqué leva alors la tête et le vit lui, Grak, et leur regard se croisèrent à travers l’épaisseur du hublot. Le chef d’équipe Ulruch n’avait jamais vu une telle lueur de haine briller dans l’œil de qui que ce fût!

La chose poussa un hurlement et se mit à traverser le pont au pas de charge. Dans sa direction!
Effrayé malgré lui, Grak eut un mouvement de recul. Il n’allait quand même pas l’attaquer! Cette chose était presque deux fois plus petite que lui!!!
Il dégaina par réflexe son fidèle Tage IV. Il faillit tirer à travers le hublot mais se souvint de justesse que le verre était blindé et qu’il risquait de se prendre la décharge par ricochet.

Ne sachant que faire il recula jusqu’à ce que son dos touche la paroi opposée. Ca y est! La chose arrivait! Elle était juste derrière le hublot!
Elle leva sa grande hache et frappa la surface transparente de toutes ses forces. Le son aigu du métal résonna dans la cabine et Grak vit avec horreur que la vitre s’était fêlée!!! IMPOSSIBLE!

Surmontant sa panique, Grak se dit qu’il était temps d’abandonner le bâtiment.
Il se tourna vers la paroi opposée et ouvrit un hublot d’un coup sec. Un violent courant d’air pénétra dans la cabine faisant voler divers papiers en tous sens. Il pencha la tête à l’extérieur et fut soulagé. Le canot de sauvetage était juste en dessous à moins de trois mètres. Une hauteur ridicule pour lui.
Heureusement il se trouvait du bon côté pour rejoindre l’engin!
Il allait passer le torse par l’ouverture quand il se rappela soudain quelque chose. Il revint en hâte vers la console et pressa d’un coup sec le bouton de la commande d’autodestruction ! Un klaxon d’alerte retentit immédiatement et une voix monocorde, issue d’un haut-parleur invisible, donna l’ordre d’évacuation d’urgence.
A coup sûr il n’allait pas traîner dans le coin!
Il retourna vers le hublot et cette fois s’y engagea franchement. Dans l’affolement, le canon du pistolet, qu’il tenait toujours, heurta l’encadrement de l’ouverture et l’arme lui échappa. Elle rebondit à l’intérieur de la cabine.

Bah, se dit-il, aucune importance!

Il regarda une dernière fois en direction de la chose mais le gibier avait disparu. Il devait sans doute chercher une autre issue pour le coincer!

Grak se laissa glisser et tomba lourdement sur le capot de la barge de sauvetage. Il faillit glisser et tomber pour s’aplatir au sol, cent mètres plus bas! Affermissant sa précaire position il rampa jusqu’à une proéminence métallique et tira dessus à trois reprises! Dans un chuintement d’air comprimé la coupole s’ouvrit en dévoilant les sièges du véhicule. Grak sauta dans celui du pilote et appuya sur la commande de fermeture. La coupole se rabattit et il se retrouva bien à l’abri au sein d’un espace à nouveau protégé. Satisfait d’être en sécurité, Grak vit aussi que tous les voyants de contrôle étaient au vert.

Impeccable ! Il allait pouvoir décoller !

Il comptait envoyer les gaz lorsque soudain il entendit une sourde explosion provenant des entrailles de la barge de chasse.
Il fut projeté sur le côté tandis que ses tripes lui remontaient le long de la gorge. Grak vit l’énorme vaisseau prendre de la gîte comme un navire qui sombre dans les eaux noires d’une mer déchaînée...
Il était en train de tomber!
Il comprit ce qu’il se passait: il avait tout simplement oublié d’engager le compte à rebours! Une première charge venait de faire sauter les moteurs! Privé d’énergie, le vaisseau tombait tout simplement vers le sol. La phase finale était engagée. Le générateur principal tournait à présent à vide. Il n’allait pas tarder à surchauffer et à exploser à son tour comme une bombe!

Mais quel crétin! gueula t-il en écrasant la manette d’accélération.

Les boulons explosifs claquèrent et le canot se libéra enfin du vaisseau principal.
Au grand soulagement de l’Ulruch, l’engin reprit une assiette normale et fila vers le ciel. Sur l’écran de vue arrière, il vit la silhouette trapue de la barge s’enfoncer verticalement dans la forêt, broyant les arbres sous son épaisse coque.
Ca fera une belle boule de feu dans quelques instants ! Adieu gibiers de malheur!
Finalement c’était lui qui avait encore le dernier mot!

- Pas à dire mon vieux Grak, t’es vraiment l'meilleur! fit-il dans un rire quelque peu forcé.

Ouais, il avait eu chaud!

Le calculateur de bord lui donna les coordonnées du vaisseau-mère. Il programma sa destination et le canot s’aligna selon un axe oblique pointant vers les nuages.

Il ne fut bientôt qu’un point brillant dans le ciel.

Lancée à toute vitesse en rase-motte au dessus de la forêt, l’appareil d’assaut de Larz et ses soldats impériaux approchait de la zone de crash de la barge n°15.

Le bel optimisme du chef du projet «renaissance» s’était envolé et il affichait à présent un air contrarié en songeant aux derniers événements.

En un rien de temps la situation avait en effet dégénérée.
Car ce n’était plus à un appel d’urgence qu’il avait affaire mais à TROIS!
Deux autres barges de chasse avaient en effet également déclenché leur signal d’alarme.

Situé sur la trajectoire de la barge 15, Larz avait donc décidé d’intervenir d’abord sur ces derniers incidents.

Dans le premier engin qu’ils avaient accosté, la barge 6, la mutinerie battait son plein! Les choses, une dizaine au total, avaient massacrées les esclaves à fond de cale et cherchaient un moyen d’en sortir lorsqu’ils avaient débarqués sur le pont.
Ses soldats avaient eu un mal de tous les diables à les abattre en les pourchassant dans les coursives sombres et mal éclairées.
Elles étaient aussi tellement rapides que des dommages co-latéraux s’étaient produits. Deux soldats s’étaient entretués alors qu’ils visaient la même cible. Celle-ci s’était faufilée entre eux et dans le feu de l’action les soldats avaient appuyés ensemble sur la détente de leurs armes. Un carnage!
Ils avaient en fin de compte réussi à acculer les choses au plus profond des soutes de la barge. Et même là, ils avaient dû utiliser des grenades à gaz pour les finir, aucun de ses soldats ne voulant plus s’exposer directement.
Bilan : trois morts et cinq blessés parmi ses soldats d’élite!

La deuxième barge avait été plus facile à secourir: l’équipage et les esclaves avaient été tous anéantis et plus aucune trace du gibier à bord!
Après une rapide enquête, il avait constaté que les choses avaient utilisé le même moyen pour fuir que pour entrer : les filets ! Ceux-ci avaient été redéployés et touchaient le sol, cinquante mètres plus bas!
Ainsi ces maudites bestioles avaient des capacités de raisonnement suffisantes pour utiliser leurs machines!
Larz avait du réviser son jugement à leur propos: ces choses pouvaient se défendre et même tuer!
De plus, elles étaient susceptibles d’avoir la capacité de réfléchir pour effectuer des actions de groupe cohérentes!
Très bien, il ferait avec!

Le pilote le tira de ses réflexions en lui signalant qu’il survolait à présent l’épave de la barge n°15.
Sur l’écran Larz voyait la silhouette du gros vaisseau enfoncée dans la masse verdoyante de la forêt.
D’en haut, l’engin ne semblait pas trop abîmé car il s’était écrasé en conservant sa stabilité, comme s’il s’était posé normalement. Seule une petite fumée s’échappant de la trappe centrale indiquait un éventuel incendie dans ses soutes.
Aucune trace de survivants à proximité. Le radar ne détectait rien non plus sous le couvert des arbres. Mais la nuit se mettait à tomber et bientôt les détecteurs seraient inefficaces: un minimum de lumière était en effet nécessaire au fonctionnement de ces appareils délicats.

Le navigateur à droite du pilote lui envoya le rapport d’évacuation transmis par l’ordinateur de bord.
Ha! Il manquait le canot de sauvetage! Ce chef d’équipe affolé dont il avait vu l’enregistrement avait donc réussi à se sauver!
Larz n’avait pas pris la peine de lui signaler qu’il arrivait à la rescousse. Il n’avait rien à dire de ses objectifs à ce genre de minable!

Larz revint sur l’image de la barge en contrebas.
Bon, il y avait une vaste clairière à proximité. Ils pourraient se poser là pour examiner l’engin et les alentours. Il remarqua qu'une partie de la forêt avait été la proie d'un incendie visiblement stoppé par le large espace naturel. Une zone de moins à ratisser! Après ce contrôle de routine il rejoindrait le vaisseau-mère sans attendre. La plaisanterie avait assez duré et il en avait plein les bottes.
Le restant de la flotte de chasse avait déjà quitté les lieux et rejoins la sécurité du vide sidéral. Plus question de raffiner le Krish sur place comme l’avait préconisé le Capitaine Mold. Cette planète était encore bien trop dangereuse ! Chaque barge ferait son travail mais en orbite géostationnaire et sans rejoindre le vaisseau-mère. Pas tant qu’ils auraient ces saloperies à leur bord! Même mort on ignorait tout des dangers que représentait ce gibier. Les cadavres seraient donc éjectés dans l’espace! Bon débarras!

Il allait donner l’ordre d’atterrir quand une lueur éclatante l’aveugla soudain. S’ensuivit une explosion assourdissante qui lui fit sauter les tympans.
La navette bascula sur le côté et fut projeté vers le sol comme si une main géante cherchait à l’aplatir. Certains soldats qui avaient défaits leur harnais de sécurité furent catapultés contre le plafond de la barge pour retomber ensuite pesamment sur leurs camarades. Des os se brisèrent. Les lourdes armes à feu qui échappaient aux griffes de leur propriétaire traversaient la cabine comme des projectiles. Des détonations retentirent et Larz sentit une décharge lui traverser le bras! A l’avant, éclairé des multiples lueurs des spots d’alerte, le pilote luttait comme un fou avec les commandes pour reprendre le contrôle de l’appareil. Finalement un choc énorme les jeta tous à terre dans un fracas de métal torturé et l’agitation furieuse cessa nette!

Larz dont la tête avait heurtée avec violence son écran de contrôle se redressa en serrant les dents-aiguilles de douleur. Un épais filet de sang s’écoulait d’une de ses oreilles. Il n’entendait plus rien et ne parvenait plus à bouger le bras! Par le hublot éclaté, il vit une longue étendue herbeuse avec en lisière la forêt qu’ils avaient survolée. Une odeur puissante de végétaux envahit ses narines. Au moins il lui restait l’odorat. L’odorat! L’atmosphère de la planète pénétrait dans la cabine et il ne portait pas son filtre à oxygène!

- Par les tripes de Vriss! Pensa t-il avec difficulté tandis qu’un voile noir obscurcissait son œil unique, çà c’est ce qu’on appelle un putain d’atterrissage!

Et le cyclope s’évanouit!

LIBRES!

Ils étaient enfin libres! Les vampires survivants avaient réussi à s’évader de leur abominable geôle sanglante. En file indienne, ayant adopté la longue foulée des coureurs des bois qu’ils étaient tous, la petite troupe s’enfonçait à présent au plus profond de la forêt.

La nuit tombait, enveloppant les fuyards de son ombre protectrice.
Storm s’était placé juste derrière Iliana. Il pouvait ainsi veiller sur elle mais aussi, et surtout, la détailler à loisir sans qu’elle soit gênée par son regard curieux. Il admirait la sveltesse de ses pas et la merveilleuse harmonie qui émanait de son corps fuselée. Elle se déplaçait avec la grâce mortelle d’une panthère-tigre dont elle possédait la force et la souplesse. Storm était fasciné. Elle l’envoûtait. Se rendait-elle compte du charme qu’elle déployait autour d’elle et dont aucun vampire mâle, il en était sûr, ne pouvait résister? Savait-elle à quel point il avait succombé à son parfum ensorceleur et qu’elle occupait maintenant la moindre de ses pensées ?

Peut-être le savait-elle à présent….

Il repensa à leur évasion de cette maudite machine flottante.

Ils avaient suivi Halgar jusqu’en haut de cet étrange escalier métallique. Là, un panneau bloquait la sortie mais le chef de clan l’avait démoli à grands coups de francisque rageur.
Sautant à l’air libre, il n’avait fait qu’une bouchée des deux énormes bêtes qui attendaient dehors. Il les avait réduites en pièces! Rien ne pouvait arrêter cette masse de muscles en furie!
Il avait ensuite immédiatement repéré un de ceux qui semblait diriger le vaisseau.
Le cyclope s’était réfugié dans une sorte de cabane en métal située sur un des côtés de la plateforme.
Tel un prédateur ayant repéré sa proie, Halgar s’était précipité et avait immédiatement cherché un moyen d’atteindre sa victime. Il avait donné un puissant coup de hache sur une fenêtre ronde, mais la vitre était plus solide qu’elle ne paraissait. Le temps qu’il fasse le tour du bâtiment, le cyclope avait rejoint une autre cachette.

Entretemps, à l’aide de son poignard, Storm avait réussi à finir de briser la vitre que le chef des Ombres avait fêlée et s’était faufilé dans le réduit. Il avait jeté un regard par où s’était enfui leur geôlier. Il vit ce dernier à l’extérieur et plus bas, à nouveau enfermé dans une autre de leurs machines infernales.
Le cyclope semblait occupé à une tâche mystérieuse et Storm n’insista pas. Il était hors de portée.
Le jeune vampire allait sortir lorsqu’il avait remarqué l’arme qui traînait par terre. C’était cette arme qui faisait le bruit de guêpes! Il s’en saisit. Elle était lourde et trop grande pour lui, aussi l’avait-il accroché à une lanière dans son dos. Il l’étudierait plus tard et ça intéresserait sûrement le sorcier-praticien! Cette arme leur permettrait de mieux connaître leur ennemi inconnu.

Il avait réussit à ouvrir la porte principale de l’intérieur. Iliana attendait derrière et le rejoins aussitôt. «Nous devons trouver un moyen de sortir d’ici» lui avait-elle dit.
Il n’avait pas eu le temps de lui répondre. Le sol s’était dérobé soudain sous leurs pieds.
Instinctivement ils s’étaient saisis par la main et Storm l’avait entraîné à l’abri, dans la cabine.
Il avait eut un léger haut le cœur et il s’était agrippé d’une main à une poignée de métal incrusté dans le mur tandis que de l’autre il avait enserré la taille d’Iliana.
Il l’avait regardé anxieusement. Le vaisseau de métal tombait.
Avait-elle peur?
Mais au milieu du vacarme ambiant d’une sirène stridente et du vent violent qui les décoiffait, Iliana souriait. Elle souriait de se sentir légère, de se sentir libre et ses cheveux dansaient dans le vent comme animés d’une vie propre. Ils s’étaient regardés dans les yeux et ils furent seuls au monde.
Et Storm lui avait souri à son tour, malgré le danger et la mort environnante, gagnée par l’allégresse de la jeune vampire.

L’engin fut freiné dans sa chute par les ramures épaisses des arbres géants qui craquèrent sous le poids de la coque.
Serrés l’uns contre l’autre ils avaient à peine sentis le choc de l’atterrissage.
Main dans la main ils avaient ensuite sauté par-dessus le bastingage bordant le pont du gigantesque engin.
Accompagné de la poignée de vampires survivants, ils avaient utilisé les longues lianes pour rejoindre la terre ferme.
Storm n’avait pas lâché Iliana tout le temps qu’il leur fallut pour descendre de la hauteur des cimes. Il aurait voulu que la longueur de la liane soit sans fin.

Halgar avait ensuite décidé de s’éloigner au plus vite de l’épave.
Ils surent qu’il avait pris la bonne décision quand un peu plus tard une explosion avait retentie, loin derrière eux.

Depuis, ils couraient….

Halgar, en tête de la petite troupe, avait accéléré sa course et Storm allongea sa foulée pour ne pas se faire distancer. Le chef de clan semblait ne pas vouloir s’arrêter. Il avait rapidement exposé son plan de fuite avant de partir. Filer droit au nord pour semer d’éventuels poursuivants, puis effectuer un crochet à angle droit pour rejoindre la grotte d'Angel. (nul ne lui demanda pourquoi). Il fallait aussi rameuter tous les vampires disséminés dans la forêt afin de reconstituer un clan soudé capable de faire front à l’envahisseur. Aussi de temps à autre, le vampire qui fermait la marche soufflait-il dans une longue corne d’antilope des montagnes. Un son grave en sortait et résonnait dans la profondeur des bois. Ce son s’entendait sur des kilomètres. Les survivants éparpillés dans l’immensité verte sauraient immédiatement qui les appelaient et chercheraient à rejoindre leur chef.

La nuit était maintenant complète et Storm ne se guidait plus que sur le rythme régulier du pas d’Iliana. Il devinait à peine sa silhouette et ne comprenait pas comment Halgar parvenait à se repérer et encore moins à éviter les branches basses qui devaient régulièrement lui barrer le passage.
Il ne pensait pas si bien dire!
Son tibia heurta soudain le tronc d’un arbuste écroulé en travers du chemin étroit qu’ils empruntaient et il partit en roulé-boulé dans le terreau humide et froid.
Le vampire derrière lui subit la même chose et la troupe stoppa brutalement. Seuls Halgar et sa fille continuèrent à courir sur quelques mètres encore. Ils se rendirent rapidement compte de ce qui se passait et revinrent sur leur pas.

- Un problème? murmura le chef de clan.

Le vampire derrière Storm répondit d’une voix un peu gênée et à moitié essoufflée :

- Il faudrait nous arrêter Seigneur! nous n’y voyons plus rien dans ce noir!

- Vous n’y voyez rien? Mais… fit la voix surprise d’Halgar. Il s’interrompit, paraissant réfléchir profondément.

- Kayle a raison Seigneur Halgar! Arrêtons-nous un moment ici. La lune ne va guère tarder à apparaître et je dois dire qu’un peu de repos serait le bienvenu pour mes vieux os!

Olm venait d’apparaître de l’arrière de la colonne, mais tout le monde le vit parfaitement. Le sorcier avait allumé une petite lampe à huile, sorti par magie de ses multiples poches et il passa ainsi devant le chef de clan. Le vieux vampire les guida jusqu’à une zone dégagée. Là, entre les racines d’un arbre-rouge géant chacun put s’étendre et souffler un peu.

Storm s’assit contre l’une des racines noueuses de l’arbre dont le tronc montait si haut vers le ciel que la cime en était invisible même en plein jour.
L’arme qu’il avait récupérée le gêna et il la détacha pour la prendre entre ses mains. La lampe, posée sur une pierre plate au centre de leur campement improvisé, éclairait l’objet étranger de sa modeste lueur. Le métal froid, aux éclats violets sous la lumière, était gravé de motifs complexes que Storm renonça à déchiffrer pour le moment. Il était trop perturbé pour çà.
Quelle journée de folie!
En peu de temps il avait vu disparaître son Maître, son estimé grand-père, et son univers paisible avec lui. Le clan des Ombres avait été décimé, massacré, et il s’était battu contre des êtres monstrueux, responsables de ce carnage indescriptible. D'où venait donc cette race maudite qui possédait ces machines volantes et ces armes qui frappaient comme la foudre?

Le vieux sorcier connaissait peut-être les réponses. Son savoir semblait sans limite et l’occulte, les mondes cachés, étaient ses spécialités. Il était aussi le gardien de la mémoire de son clan. Ces étrangers étaient peut-être déjà venus dans le passé? Non, les légendes en parleraient…
Fatigué, Storm chercha Iliana du regard. Debout à l’autre extrémité du camp, elle parlait à voix basse avec son père. A un moment ils tournèrent dans sa direction leurs visages qui lui parurent soudain impénétrable et froid. Etait-il l’objet de leur conversation? Olm se joignit à eux. Pendant un long moment le vieillard leur parla discrètement, puis Halgar hocha enfin la tête gravement.
Le chef des Ombres rejoignit les autres vampires affalés un peu partout et ces derniers se redressèrent à son approche. Il s’assit sur un tronc d’arbre mort et s’exprima dans la minuscule clarté, le visage empreint d’une sombre détermination.

- Frères ! Votre courage nous a permis aujourd’hui d’échapper aux griffes de ces étrangers qui ont anéanti notre clan. Je suis fier de tous ici. Comme vous, je pleure nos frères et sœurs disparus. Mais nous honorerons leurs mannes sacrées plus tard, lorsque nous aurons chassés ces intrus de nos terres. Nos frères dispersés dans la forêt ont entendus notre appel, et ils se dirigent vers nous en ce moment même. J’espère ainsi que tous les membres survivants de notre clan soient réunis pour le combat qui nous attend. Pour le gagner, car nous sommes trop faibles pour le moment, nous allons alerter le clan des Oxydes, c’est le plus proche renfort sur lequel nous puissions compter !

- Sauf ton respect Seigneur, intervint brutalement Alkane, les Oxydes sont toujours nos ennemis! Tu te souviens bien sûr de leur intrusion sur notre territoire l’an passé. Ils ont bien failli s’emparer de notre cité! Comment pourraient-ils nous aider? Ce clan est sans foi ni loi et ne cherche qu’à vivre de pillage! Cherchons plutôt à joindre les Phoenix, eux nous épauleront sans contrainte!

- Il faut traverser le territoire des Oxydes pour rejoindre le clan Phoenix, tu sais cela aussi, fit le chef des Ombres d’une voix apaisante. C’est impossible! Les temps changent mon garçon. Les Oxydes sont aussi concernés que nous par la menace qui plane sur nos têtes. Ils le comprendront ! D’ailleurs rien ne dit qu’ils n’aient pas déjà eu affaire aux étrangers, ce que je ne leur souhaite pas. Nous allons donc faire table rase des conflits passés. D’autant que nous ne sommes plus de taille à lutter contre eux. Mais je ne pense pas qu’ils soient assez stupides pour en profiter. Fais-moi confiance Alkane! Ils nous aideront et à ce moment là, le clan Phoenix pourra nous rejoindre sans risque.

- Nous devrons donc fermer les yeux sur les exactions de Spark, ce chef indigne et assoiffé de conquête! conclut Alkane le visage tendu. Très bien Seigneur, tu as toujours été la voix de la raison. Nous ferons donc alliance.

- Et nous prierons les dieux obscurs de veiller sur cette entreprise! conclut Halgar. Je désignerais certains d’entre nous qui partiront dès que le plafond nuageux se sera dégagé. La lune est pleine et sera assez puissante pour éclairer leur route. Ils diront à Spark de nous rejoindre à la colline blanche, là où se trouve la grotte d'Angel.

Alkane acquiesça. Il tâcherait d’oublier certaines affaires qui auraient demandé réparation en d’autres temps.

- Pour cette nuit, poursuivit Halgar, nous nous reposons ici jusqu’à ce que la lune se découvre. En attendant, la corne de rassemblement doit continuer à sonner! Dès que vous… dès qu’on y verra assez clair, nous repartirons!

Willyn, qui écoutait légèrement en retrait, leva le bras pour prendre la parole. Le chef de clan lui fit un signe du menton.

- Tu as certainement un plan Seigneur, mais qu’allons nous faire chez Angel? J’y suis allé une fois. La grotte est un simple cul-de-sac sans possibilité de repli. Elle est grande certes, mais en cas d’attaque l’assaillant aurait beau de jeu de nous y coincer. Il suffirait de l’enfumer et on serait fait comme des serpents-rats.

Le chef de clan lança un regard insondable vers Olm, assit en tailleur non loin de lui. Le sorcier, qui semblait absorbé par la lueur de la lampe à huile, leva ses yeux d’or sur l’assemblée.
Il était temps de leur dire la vérité.

- En vérité la grotte qui abrite Angel et Storm n’en est pas une, révéla le vieux vampire. Il s’agit de l’entrée principale d’un repaire secret des Anciens. C’est un de leur domaine qui date d’avant l’apocalypse. Angel en était le gardien et plus tard Storm lui aurait succédé s’il l’avait voulu. Nous gardons ce domaine depuis des siècles car nul ne doit utiliser la technologie maudite des anciens. C’est écrit dans nos lois! Alors pourquoi le faire maintenant? Il est évident que nous ne pourrons vaincre l’adversaire par notre armement traditionnelle. C’est pourquoi il nous faut l’améliorer. La colline est truffée de salles immenses regorgeant d’objets technologiques qui nous permettront de vaincre. Il y a de l’équipement d’infanterie, des armures indestructibles comme vous en avez toujours rêvés, et surtout des armes dont la puissance égale au moins celle des envahisseurs. Voilà pourquoi nous devons nous rendre en ce lieu!

Un silence stupéfait s’était abattu sur les vampires. Nul ne connaissait ce secret bien gardé.

Storm secoua tristement la tête en songeant aux dernières paroles de son maître. Le gardien qu’il était n’avait pas voulu partir sans lui transmettre personnellement cette charge millénaire.

Il avait besoin d’être seul…

Il s’assura que le conseil était terminé puis lança un coup d’œil vers les hauteurs de l’arbre-rouge.

Oui, il serait tranquille dans l'accueillante ramure de son arbre fétiche.

Au sommet de l’arbre-rouge, Storm cueillit à bout de bras quelques baies fines et délicates. Ce faisant, il réveilla un groupe de singe-hurleurs dont c’était le territoire et qui décampèrent en poussant leurs habituels cris effarouchés.
Le goût mielleux qui remplit son palais lui rappela les paroles du Sorcier-praticien. «Tu préfères toujours la viande cuite et les fruits sucrés n'est-ce pas?».
Debout sur un entrelacs d’épaisses branches rugueuses formant une plate-forme végétale naturelle, il s’adossa au large tronc et laissa son regard vagabonder sur le dôme obscur des cimes.

Oui, il appréciait le nectar des fruits… Cela nuisait-il à sa constitution? Olm lui avait dit qu’il était en train de mourir. Mais là il se sentait bien, aussi bien qu’on peut l’être après avoir chèrement défendu sa peau et perdu des frères …

Alors? Boire du sang était-il donc une obligation? Il avait un jour questionné son Grand-père à ce sujet et pour la première fois il l’avait senti gêné, embarrassé, comme s’il s’agissait d’un sujet tabou. Et ca l’était en quelque sorte.
Une fois initiés, les vampires prélevaient leur part de sang sur de petits animaux et toujours à l’écart des autres. Avaient-ils honte de cette dépendance? Ou était-ce pour préserver le secret du rite d’initiation auprès des « noobs » ainsi qu’on appelait les non-initiés?
Il repensa alors à l’air satisfait d’Alkane lorsqu’il avait bu le sang du monstre, là-bas dans les profondeurs du vaisseau de métal. Et aussi à sa quasi-résurrection peu de temps après. Le sang l’avait rétablit en quelques secondes! Et nulle trace de honte sur son visage rayonnant de vie!

Quel pouvoir avait donc ce liquide miraculeux sur leur organisme?

Apparemment il ne faisait pas qu’empêcher la dégénérescence des cellules comme l’avait expliqué Olm. Le sang des autres espèces possédait aussi une capacité revitalisante formidable et pouvait également guérir instantanément les pires blessures!
Les anciens, ceux d’avant l’apocalypse, connaissaient-ils ces facultés?
Etaient-ils eux aussi obligés de boire du sang pour vivre? Ou bien était-ce une conséquence de leur folie destructrice?
Si sa vie dépendait du sang, il devait savoir la vérité!

Finalement, il avait hâte de passer le rite de la Pierre de Sang. Ce ne serait hélas plus avec son Maître…

- Je te dérange?

Storm se tourna vers la voix provenant de l’ombre. Les nuages laissèrent filtrer un rayon de lune et Iliana apparut dans la clarté luminescente.
Le jeune vampire fut surpris de ne pas l’avoir entendu venir.

- Te voir est toujours un enchantement, Iliana, fit-il le cœur battant.

La belle apparition s’approcha de lui et leva les yeux vers l’astre qui se dévoilait peu à peu.

- Le ciel sera bientôt dégagé de tout nuage, dit-elle de sa voix flûtée. Nos éclaireurs pourront se mettre en route pour alerter le clan des Oxydes et nous, nous irons jusqu'à ton... refuge.

Elle se pencha légèrement en avant pour observer le sol, invisible à cette distance, car plongé dans le noir total.

- Voilà les premiers rescapés qui nous rejoignent! Fit-elle remarquer.

Storm regarda à son tour, mais il ne voyait absolument rien. Ni le camp, ni personne! Il faisait bien trop sombre au pied des arbres!

Il se tourna vers la belle vampire et lui souffla:

- Comment peux-tu voir dans cette obscurité? C’est incroyable!

Iliana éluda la question en lui prenant la main. Storm en fut électrisé mais tâcha de ne pas le montrer. Il ne voulait rien lui dévoiler de ses réels sentiments. C'était son secret à lui.

- Alkane m’a conté que tu avais risqué ta vie pour nous tous. Sans toi nous serions tous morts! Quand je t’ai vu pour la première fois, là-bas dans notre cité, j’ai tout de suite deviné que tu étais différent, promis à un destin hors du commun. Je ne me suis trompé pas Storm. D’ailleurs je ne me trompe jamais, le savais-tu? Fit-elle en riant.

- Bien sûr que je le savais! répondit le jeune vampire sur le même ton. Et tu as raison: je suis un être exceptionnel... Personne n'en a jamais douté!

Ils rirent aux éclats et se serrèrent dans les bras l'un de l'autre. Storm l’entraîna dans un tourbillon et à nouveau plus rien n’exista que le visage épanoui d’Iliana qui le dévorait des yeux!

Quand ils descendirent, le ciel était dégagé et la lune éclairait à présent la silhouette de nouveaux venus.
Près d’une centaine du clan des Ombres, guidés par le signal de ralliement, étaient parvenus à se réunir autour de leur chef. Storm assista à des retrouvailles tristes et émus. Certains vampires paraissaient aussi seuls et désemparés. Halgar les réconforta tous.
Il donna des ordres. Il put choisir dix des meilleurs éléments de son clan reformé qui partirent aussitôt à la rencontre du Clan Oxyde situé à deux jours de course. Il divisa ensuite le reste de la troupe en cinq groupes distincts afin de ne pas former de cibles trop compactes aux envahisseurs.

Puis tous se mirent en route vers la colline blanche, vers le domaine des anciens!

Larz justement n’était pas mort. Pas encore.
Il se débattait dans une espèce de cauchemar où il était sans cesse en perdition dans sa barge de combat. Tout se passait au ralentit. Il revoyait la lueur aveuglante, la cabine qui chavirait, les papiers, les armes, les soldats qui volaient en tous sens. Il revoyait la décharge sortir du canon du fusil d’assaut et les grains explosifs jaillir vers lui, et il ne pouvait les éviter. Si seulement il pouvait se baisser un peu… La douleur dans son bras… Et puis le hublot qui éclate sur sa gauche… les morceaux de verre blindés qui se dispersent… et l’air extérieur qui rentre à flot… son filtre à oxygène… vite…

«Ici barge d’assaut K. Numéro 770R14. Appel code rouge. Je répète: code rouge. Avons besoin de secours immédiat. Avons de nombreux blessés. Répondez base T!»

Chuintement radio. Puis:

« Base T Base T! Ici Barge K! Ceci est un appel code rouge! Notre position est le secteur 4/72/8 je répète 4/72/8! Répondez! »

Encore le chuintement. Bruit d’air dans un haut-parleur. Puis, encore une voix, étouffée par l’épaisseur d’un casque.

« Bah laisse tomber! La radio est naze! Occupons-nous plutôt du chef, il saura sans doute quoi faire! Tiens regarde, je crois qu’il commence à émerger »

Larz reprit enfin conscience et le monde normal apparut. Il le regrettait presque, tellement son corps le faisait souffrir. Il avait l’impression que son crâne allait exploser et qu’on lui coupait le bras avec une scie mal affûtée.
Il se redressa car sa tête reposait contre l’encadrement du hublot déchiqueté. Il se trouvait toujours dans son siège mais quelqu’un lui avait enlevé son harnais de sécurité. On lui avait aussi bandé le bras droit. Les tâches de sang qui transpiraient au travers du tissu compressif en disaient long sur la gravité de sa blessure. Apparemment ca ne suffirait pas à la soigner correctement. Enfin, et c’était le plus important, on avait veillé à lui mettre son filtre à oxygène. Déjà çà, sinon il serait mort asphyxié depuis longtemps.

Les soldats qui tentaient d’appeler les secours par radio se penchèrent pour prendre de ses nouvelles. Ils étaient deux, et chacun portaient son armure et son casque de combat. C’était pour çà que leur voix lui parvenait étouffé. C’était un casque complet, qui englobait toute la tête. Une grille à l’emplacement de la gueule permettait néanmoins d’entendre ce qu’il disait.

- Comment-vous sentez-vous Votre Honneur ? Des difficultés à respirer?

- Ca va! répondit-il. Où sommes-nous, quel jour sommes-nous et combien de survivants? Et les secours ça en est où?

Ca faisait beaucoup de questions, mais ca lui faisait du bien de parler. Il devait à tout prix penser à autre chose qu’à la douleur qui le tétanisait.

Le soldat le plus proche fit un bref rapport :

- Hé bien on est dans de sales draps! On est une vingtaine de survivants. L’arrière de l’appareil s’est désintégré sous le choc, vous allez voir çà. Ceux qui s’y trouvaient sont tous morts. On a deux blessés graves. Donc dix-neuf valides. On a atterri si on peut dire dans une clairière non loin de la barge de chasse qui a explosée. On a vraiment eu de la chance si vous voulez mon avis. Vous êtes dans le cirage depuis hier et là on pense qu’on est à la mi-journée de rotation de cette planète. Et, désolé mais la radio ne fonctionne plus. A mon avis ils doivent penser qu’on est tous morts!

Super, se dit Larz. Ca c’est le bouquet! Se crasher sur une planète hostile dont les habitants ne doivent rêver que de vous couper en morceaux ! Sans aucun moyen de communication! Pourtant les secours devraient quand même arriver. Ce n’était pas possible qu’on les laisse dans cette situation. Cependant réflexion faite, si lui-même était à la place du commandant et sachant certaines choses, l’occasion serait belle de se débarrasser en toute quiétude de gêneurs potentiels.
Quelle chierie !

- Aidez-moi à sortir de ce cercueil, ordonna t-il. Je veux faire un tour dehors!

Soutenu par un soldat, il put s’extraire de l’épave. De l’extérieur il se rendit mieux compte des dégâts. Effectivement il n’y avait plus rien à en tirer. L’engin était coupé en deux au niveau de la queue et aplatit comme une boîte de conserve.
Un miracle qu’ils ne soient pas tous morts là-dedans! Le restant de l’escouade survivante était assis bien sagement à l’ombre de la coque, car le soleil tapait dur sans l’abri des arbres. Il vit plus loin les restes encore fumants de la barge de chasse. Autour d’eux et relativement proche, la forêt s’étalait à perte de vue.

Pas brillant.

Il s’adossa contre la coque de son appareil dévasté. Il devait réfléchir au moyen de se sortir de ce merdier. Si les secours n’étaient pas arrivés, il lui sembla évident que c’était parce que le Capitaine ne voulait pas risquer un autre appareil pour venir le sauver lui et ses soldats. D’autant qu’il devait les croire morts. Ouais, il en aurait fait autant. On ne risquait pas le matériel pour des cadavres. Ils reviendraient surement néanmoins car le potentiel en Krish était énorme.
Il devait donc tenir le coup suffisamment longtemps.

Il regarda autour de lui. Non, pas terrible le coin. En plein milieu d’une zone dégagée, y avait pas pire pour se faire encercler et dégommer tandis que les assaillants pourraient rester bien peinard à l’abri de la forêt. Il fallait se trouver une meilleure planque.

Il s’adressa au soldat le plus proche.

- Prêtez-moi une lunette de visée, je vous prie !

L’Ulruch lui tendit aussitôt un cylindre métallique. Il zooma sur un point précis qui l’intriguait, droit devant lui, positionné assez loin et juste au dessus de la canopée.
Ouais, Il y avait une colline là-bas. Une colline à la crête blanche qui se distinguait bien de cette végétation entièrement verte.

Il redonna la lunette au soldat.

- Dites-moi, votre armure est équipée d’une radio non ?

- Absolument Votre honneur, mais si vous pensez l’utilisez pour appeler le vaisseau-mère je regrette de vous informer qu’elle n’a pas la puissance nécessaire. C’est une radio terrestre uniquement.

- Ca suffira pour ce qu’on aura à faire, fit Larz. Regardez cette colline là tout au fond. La radio serait assez puissante pour communiquer d’ici si quelqu’un y allait?

- Sans aucun problème Votre Honneur!

Parfait. Sa décision était prise. Il avança d’un pas puis se tourna vers les rescapés.

- Soldats! On va faire un peu d’exercice. Vous allez me suivre avec votre barda. Amenez autant de ravitaillement que vous pourrez et un maximum de munitions.
On laisse ici les blessés et deux d’entre vous pour veillez sur eux. Dépêchez-vous, on part tout de suite!

Péniblement les soldats se levèrent et ramassèrent leur paquetage dans l’appareil.

- Et où allons-nous? demanda le navigateur qui avait survécu à l’atterrissage forcé.

Larz lui désigna la colline aux contours embrumés par la distance.

- On va tâcher de joindre cette proéminence avant que la nuit ne tombe. A moins que des "éléments" imprévus ne nous retardent. On peut parfois mettre une journée pour y parcourir la largeur de cette clairière tant la végétation est dense dans ce type de terrain. J'espère que vos couteaux sont bien affutés. Mais là-haut on sera plus à l’aise pour se défendre en attendant les secours. Oui, on sera aux œufs au sommet de cette colline blanche!

Spark

- Alors comme çà le bon Halgar a besoin d’aide hein? Z’avez entendu çà les gars? On m’prend pour un lapin-rat ou quoi?

Des rires gras retentirent à la réplique de celui qui venait de parler. Celui-là c’était Spark, le chef de clan des Oxydes. Grand, maigre, habillé d’un ensemble de cuir noir défraichi et la tête surmontée d’une créte rouge, le vampire n’incitait pas à la confiance et semblait particulièrement excité.
Le rouge était le signe distinctif du clan. Si chacun portait les traditionnelles tenues de peau soigneusement ajustés qu’affectionnaient la race vampire, ici chaque membre du clan Oxyde avait les cheveux rouges. Toute les gammes de rouge: du jaune flamboyant pour les plus jeunes au rouille sombre pour les vieillards. Une carrière ferreuse non loin de là expliquait peut-être ce phénomène génétique. Spark,à l’apogée de sa vie avait la chevelure d’un rouge violent qu’il coupait courte et hérissée.

Son sourire méchant dévoila des dents grises et entartrées de plaques de sang coagulé.

- Faut pas prendre le vieux Spark pour une andouille! continua t-il. Ca pue l’piège votre truc là!

Alkane, le porte-parole des émissaires du clan des Ombres, ne cacha pas un profond soupir de lassitude. Cela faisait une heure qu’il expliquait dans le détail les raisons de sa venue. Une heure que Spark rigolait tout seul dans sa barbe en l’écoutant divaguer. Et une heure aussi que lui et ses frères se trouvaient debout devant son espèce de trône taillé dans un énorme bloc de marbre, le chef Oxyde ne leur ayant bien sûr pas proposé de s’asseoir.

Il faut dire que l’accueil avait été plutôt froid, voir glacial à leur arrivée sur le territoire Oxyde!

Alkane, choisi pour représenter son clan, malgré qu’il ait sous-entendu avoir un reliquat avec eux, et neuf de ses frères étaient donc partis vers l’ouest, toujours à travers la forêt, pour parvenir à la rencontre de Spark.
Le voyage s’était effectué plus vite que prévu et sans encombre: aucune trace des envahisseurs, le ciel était resté vide de leurs engins.
Ce ne fut qu’au passage de la frontière, signalée par des perches de bois surmontées de crânes, que les choses s’étaient gâtées.
La troupe tomba sur trois vampires Oxyde qu’ils capturèrent sans difficulté. Ils en relâchèrent un pour qu’il alerte Spark de leurs venus. Mais celui prit très mal ce qui pour lui était une prise d’otage et il vint à la rescousse avec près de deux cent de ses vampires.
Encerclés, la troupe d’Alkane dut se rendre et c’est en prisonniers qu’il firent leur entrée dans la cité sous les huées et les crachats du clan adverse.

Ils furent guidés jusqu’à l’intérieur d’une pyramide à degré qui servait de palais à Spark. Le clan des Oxydes n’avait en effet jamais construit eux-mêmes leur cité, mais occupait depuis des siècles un ensemble de temples et pyramides plus vieux encore que les anciens de l’apocalypse.
"c’était quand même plus classe que les maisons de boue des autres clans!" avait lancé Spark en rigolant.

Et rigoler, il n’avait pas cessé de le faire lorsqu’Alkane avait entrepris de raconter les raisons de sa venue. Les machines volantes conduites par des cyclopes çà, ca l’avait bien fait marrer. Et quand le chef des émissaires lui avait également appris que la cité des Ombres avait été rayée de la carte, il avait carrément frôlé la crise d’apoplexie tellement il était plié en deux de rire. Il avait même failli dégringoler de son trône et dévaler la petite série de marches permettant d'y accéder.

- Si vous pensez nous attirer dans un de vos pièges, la liane est un peu épaisse mon ami! Parvint à dire le vampire à crête rouge entre deux quintes de rire. Je sais très bien que le gros de vos troupes nous attend quelque part, sans doute près des chutes de Corli, là où le passage obligé est bien étroit. Et zing! Vous balancerez vos foutues flèches! Faudra trouver autre chose pour nous rouler!

- Tu ne comprends donc pas que ces créatures menacent la planète et qu’elles veulent tous nous tuer? Je peux te montrer les preuves de leur existence! Insista Alkane. Une de leur machine s’est écrasée près de notre cité! Tu le verras de toi-même et ne pourra pas nier leur réalité!

- Oui mais pour çà, comme tu dis, il faudra traverser votre territoire! C’est vraiment pas d’bol çà! railla Spark.

Il fallait à tout prix qu’Alkane trouve d’autres arguments. Et vite. Il sentait arriver le moment où le chef Oxyde n’aurait plus du tout envie de rire et finirait par les mettre tout simplement à mort! Il en était parfaitement capable. D’autant plus qu’il semblait encore plus fou qu’auparavant. Fou mais pas stupide. Loin de là! Oui, il se souvenait bien de Spark, la dernière fois, sur les remparts même de sa cité. Il y avait un an de çà. Le chef de clan lançait assaut sur assaut mais il avait été repoussé. Il semblait alors plus équilibré et maître de ses nerfs. Là le vampire avait changé. Alkane le voyait à ses yeux rouges parcourues de fines rayures sanguines et à la peau de son visage, plus blanc, plus marbré de veines. Il semblait constamment sous pression, prêt à exploser. Oui, un changement s’était opéré en lui. Un changement qui avait décuplé sa haine et sa fureur envers tout ce qui ne faisait pas partie de son clan! Il devait absolument le convaincre, sinon ce serait la fin des Ombres… à commencer par lui, ici-même.

- Pour lutter contre cet envahisseur inconnu, nous avons décidé d’utiliser la technologie des anciens! lança finalement Alkane, la voix tendue.

Le changement d’attitude de Spark fut radical. Un masque froid remplaça ses rides simiesques. La technologie des anciens c’était toute sa vie! Il la voulait à tout prix pour satisfaire ses rêves d’expansion! C’est même pour çà qu’il avait attaqué le clan des Ombres: parce qu’il savait que ce clan la détenait stupidement planquée quelque part!!!

Il tâcha de n’en rien laisser paraître. Ces idiots devaient absolument ignorer ces buts guerriers. Il se pencha en avant, attentif.

- Oui, j’ai vaguement entendu parler de cette science perdue, reprit-il en tâchant de choisir ses mots. Mon sorcier-praticien m’en a même parlé il y a des années mais il m’a confirmé que nul vestige n’en demeurait. C’est du moins ce que Olm, son prestigieux confrère lui a signalé. A l’époque, ils s’entendaient encore assez bien!

Disant cela, Spark regarda nonchalamment le sorcier de son clan, enfoncé dans l’ombre d’un pilier. Ce vampire d’aspect rachitique et revêtu d’une longue cape en poils d’ours-aigle se nommait Shivor. En fait, ce dernier lui avait dit tout le contraire!

- Hé bien ce n’est pas tout à fait vrai, reprit Alkane qui entrevoyait un espoir d’arrangement. Nous savons où se trouve un dépôt d’armes que les anciens avaient soigneusement camouflé. Ils vont nous permettre de repousser l’envahisseur. Viendras-tu grossir nos rangs et nous aider à vaincre l’ennemi?

Haha, songea Spark. Exactement ce que Shivor lui avait révélé! Voilà qu’on lui offrait son rêve sur un plateau! A condition bien sûr que cette histoire débile d'envahisseurs soit vrai et qu'il n'y ait pas de traquenard! Mais il SAVAIT que ce crétin d’émissaire ne mentait pas. Le clan des Ombres avait de sérieux problèmes et ils avaient besoin de lui. D’une part, connaissant la fierté d’Halgar, il n’aurait jamais inventé une histoire aussi abracadabrante pour l’attirer dans un guet-apens, ensuite, et surtout, il «sentait » que le vampire devant lui disait la vérité.

Oui, depuis qu’il avait goûté au sang d’un des siens, en grand secret, ces sens s’étaient décuplés. Seul son sorcier était au courant. Evidemment, puisqu’il l’avait d’abord aidé à égorger discrétement sa victime, un de ses propres gardes, puis récité ensuite les mantras magiques pendant que lui se délectait du sang giclant à gros bouillons!
Ce rite interdit l’avait rendu dix fois plus fort qu'avant! IL VOYAIT MEME PARFAITEMENT DANS LE NOIR TOTAL!

- Je dois réfléchir, fit-il enfin d’un air vaguement ennuyé. Tu dois comprendre que je ne peux pas engager mon clan à la légère contre… contre quoi disais-tu?

- Contre des cyclopes, Seigneur! répondit un Alkane quelque peu soulagé de voir l’humeur du chef s’inverser.

- Des cyclopes, oui…. Nos écrits en parlent comme une légende mythologique ou je ne sais quoi…. Parfait mon jeune ami, parfait! fit Spark en se levant de son trône monumental.

Il descendit les quelques marches en albâtre et posa une main faussement fraternelle sur l’épaule de l’émissaire.

- Je réserve ma réponse à demain! En attendant vous êtes mes invités! Nous allons vous rendre vos armes. Il claqua des doigts et les gardes alentour s’empressèrent de s’exécuter. Mais sache d’ors et déjà que tu m’as convaincu!!!
Nous anéantirons ces étrangers! Ne sommes-nous pas frères de sang, hein?

Alkane lui répondit d’un hochement de tête tout aussi faussement respectueux, mais les apparences étaient sauves! Et lui avec, ainsi que ses frères... pour le moment!
Mais il se méfierait toujours de Spark. De plus il avait un sérieux compte à régler avec lui. Un compte que le chef Oxyde semblait avoir oublié, mais ce n'était guère étonnant....
Il fut néanmoins convaincu que le clan des vampires aux cheveux rouges les aiderait à remporter la victoire.
Spark les trahirait cependant tôt ou tard, il en était persuadé!

Le tout était de savoir quand!

L’escalier finissait après une centaine de marches sur un hall en forme de trapèze. Le mur qui faisait face aux marches était en métal parfaitement lisse et l’endroit était à nouveau une impasse pour Storm. Dans un coin, un étrange pilier dont le sommet arrivait à hauteur de sa ceinture attira son regard. Le sommet était plat et creusé d’un cercle évidé. Il s’en approcha. C’était la seule chose intrigante de cette nouvelle salle.

- Nous sommes devant la véritable entrée du domaine des Anciens! fit Olm. Et il en faut la clef pour pouvoir y pénétrer.

- La clef? répéta Storm un peu perdu.


- Tu l’as sur toi!

Le jeune vampire allait répondre quelque chose mais il ne dit rien. Sa main se porta sur l’amulette que lui avait légué son grand-père avant de mourir! Avec des gestes lents il l’enleva et l’observa attentivement. Puis il regarda le pilier. Oui, c’était la même forme en demi-sphère. La même taille.
Retenant son souffle, Storm la positionna à plat et dans le creux, au sommet du pilier. Elle y rentra parfaitement et sembla même s’y coller toute seule.

- Attention, murmura Olm.

Du plafond jaillit soudain une lumière tandis qu’une voix douce et féminine résonna dans le hall.

- Bienvenue Général SULDERIAN!

Ebloui et surpris par la subite clarté, Storm recula d’un pas. Il vit le panneau métallique s’ouvrir et rentrer latéralement dans le mur. Une autre pièce où aurait pu tenir 50 des siens apparut.

- Oui, bienvenue dans le domaine des Anciens, fit le sorcier en entrant sans hésiter dans la salle dévoilée. N’aie pas peur, suis-moi!

Vexé, Storm emboita sans réfléchir le pas à son aîné. Olm s’arrêta au milieu de la pièce et se retourna vers le jeune vampire.

- On attend un peu ! fit-il

Storm allait demander ce qu’il fallait attendre quand il vit la porte blindée se refermer.

- Ne sursaute pas! Dit encore le sorcier.

Dans un chuintement assourdissant d’air comprimé, des jets de vapeur froide inondèrent soudain la pièce où ils étaient enfermés. Storm fit un bond en arrière en dégainant un poignard, prêt à s’enfuir. Mais il se calma devant l’air tranquille du vieux vampire.

- C’est un système de désinfection, cria Olm pour couvrir le bruit ambiant, c’est automatique. Ca se fait tout seul. D’ailleurs la plupart des objets ici se déplace et bouge sans que personne ne les touche. C’est çà la science des anciens ! Tu devras t’y habituer. Comme nous tous!

- C’est de la sorcellerie ? demanda Storm en criant de la même manière.

- Non, la sorcellerie est bien plus puissante. Les anciens appelaient çà de la science !

Les jets de vapeurs cessèrent et la porte opposée à celle de l’entrée s’ouvrit. A nouveau Olm la franchit sans hésiter. Des lumières s’allumèrent.
Storm pénétra dans le lieu le plus incroyable qu’il ait jamais vu.
Une nouvelle salle. Mais immense et éclairée par de longues barres lumineuses accrochées aux murs et au plafond élévé . Il fit immédiatement le rapprochement de ces lumières avec celles de l’engin flottant où ils avaient été emprisonnés. Sauf que celles-là étaient plus claires, proches de la lueur du jour.
Les parois de la salle étaient vitrées. Et de longs couloirs, plus d’une dizaine, s’étiraient à partir de ce hall principal.
Près de l’entrée, un pupitre qui détonnait dans ce décor lisse et froid. Un pupitre en bois.
- C’est ici que ton grand-père et moi, quand il me permettait de venir, annotions les dernières touches du Livre des Mémoires avant de l’archiver. Je vais te montrer.

Il se dirigea vers l’une des parois vitrés qui était proche de l’entrée. Par transparence, Storm vit de long rayonnages remplient de livres. Olm appuya sur une excroissance métallique incrustée dans le verre et les parois s’ouvrirent dans un souffle d’air ouatée. Là aussi la lumière jaillit comme par magie et le sorcier eut un mouvement de la main en désignant la petite salle éclairée.

- Voilà. Ici se trouve la mémoire du peuple vampire. Tu constateras que chaque livre est numéroté. "Il désigna la reliure de celui qui était le plus le plus proche". Voici le numéro un. Il a été écrit par un des Anciens. Un des derniers à survivre à son monde. Il y explique tout. Leur civilisation, leur mode de vie, les conflits et la dernière guerre. Tout est là Storm. En le lisant tu comprendras tout. Tu sauras comment la race vampire est apparue. Dans ce simple recueil de feuilles attachées les unes aux autres. Ce livre a été découvert par le premier de notre race à entrer dans ces lieux. Il a trouvé la clef devant l’entrée, dans les mains d’un squelette. Les anciens étaient déjà tous morts. Il s’est vite rendu compte de ce que contenait ce domaine souterrain et décida d’en interdire les lieux pour que jamais quiconque n’utilise ce qu’il contenait, au risque de s’autodétruire à nouveau. Dans sa grande sagesse, ce vampire a décidé de garder ce lieu secret à tout prix. Ne pouvant par lui-même en détruire l’entrée, au pied de laquelle sa tribu s’était installée, il décida tout simplement de l'occuper et de vivre ainsi en ermite. Pour tous ce n'était qu'une grotte, un endroit pratique où dormir et nul ne se douta jamais de ce qu'elle contenait. Ainsi est né le premier gardien! Pour ne pas perdre la mémoire de son peuple, et aussi malgré tout par respect pour l’Ancien qui avait écrit ce premier livre, il continua cet œuvre et consigna par écrit la nouvelle histoire des occupants de cette planète. Et ceci fut suivi de génération en génération jusqu'à ton grand-père. Il en a été le vingtième gardien depuis l’apocalypse. Certains sont morts de maladie ou d’accident. Mais tous ont réussis a transmettre le secret de ces lieux. Par sécurité, certains chefs de clans dignes de ce nom et sorciers ont été aussi mis dans la confidence. Ceci pour arriver à ce que tu vois. Sept mille deux cent un livres regroupant l’histoire de notre race. L’histoire de nos clans Storm!

Impressionné, le jeune vampire toucha du bout des doigts la reliure écaillée du premier livre.
Incroyable! Ainsi la vérité était là. Tout ce dont il rêvait ! Connaître l’origine de son espèce!
Mais il se ressaisit! Ce n’était pas le moment de satisfaire ses propres désirs, loin de là. Et ce n’était pas avec du papier qu’il parviendrait à vaincre la horde d’envahisseurs qui massacrait son peuple!
- Montre-moi le reste Olm, mais je t’en prie fais-vite : Halgar nous attend !

Le vieux vampire acquiesça d’un regard bienveillant. Ce jeune vampire avait la tête sur les épaules et le sens des priorités. Il lui faisait penser à lui-même, en plus jeune bien sûr.

Olm lui désigna d’une main fébrile les autres endroits de la salle.

- Il y a largement de quoi accueillir les survivants de notre clan ici. Ton grand-père et moi en avons largement débattus mais nous avons trouvé la réponse dans les livres que je viens de te montrer: cet endroit était un refuge en cas de repli forcé. Tout est conçu pour ça. Les matériaux utilisés pour la construction de ces salles sont imputrescibles. Essentiellement du verre et un acier spécial traité contre la rouille. De plus, un vide d’air se fait dès qu'une zone est inoccupée: aucune dégradation bactériologique possible! Je sais, tu ne comprends sans doute pas tout. Sache simplement que ce lieu est protégé des ravages du temps. C’est pour cela que nous pourrons utiliser les armes qu’il contient comme s’ils sortaient de leur usine de fabrication! Ensuite regarde: de ce côté il y a des quartiers d’habitation. Ici des salles de repos et de relaxation. Là, le quartier général avec une salle de commandement. Et d'autres salles que nous n'avons pas explorés se trouvent encore dans des niveaux inférieurs! Nous n'avons pas pris la peine de tout visiter, mais nous l'avons lu sur des plans. Et de ce côté, regarde: une salle d'armes! C’est là que nous trouverons de quoi résister. Il y a des armes fantastiques. J’en ai testé certaines, il y a une salle de tir pour cela!

Emerveillé, Storm se dit qu’avec tout çà ils pourraient s’en sortir!

- Remontons Maître! Et dépêchons-nous! Dit-il avec fièvre. Il nous faudra du temps pour apprendre à nous servir de ce matériel. Le plus tôt sera le mieux!

A bord du vaisseau Ulruch, dans la salle de commandement, une lueur rouge s’alluma sur un écran. L’officier de quart réagit aussitôt. Il sélectionna le point lumineux et celui-ci fut visible sur le grand écran de contrôle principal. Il actionna le zoom et l’agrandissement leur permit de voir en détail l’objet qui avait déclenché l’alarme anti-collision.

- Encore un de ces foutus satellites, constata t-il.

Effectivement l’écran, où s’affichait en partie la surface de la planète, montrait un cylindre brillant parfaitement visible sur le fond noir de l’espace. Ce n’était pas le premier engin que les Ulruch repéraient ainsi, dérivant en orbite autour de la planète verte. Ils en avaient récupéré un dès leur arrivée et l’avait complètement décortiqué pour l’étudier. Mais pour eux ce ne fut qu’un ramassis de câbles et de circuits sans intérêts et ils avaient tout rebalancé par dessus bord.
Leur chef de labo avait conclu qu’il s’agissait d’éléments datant d’une époque où la planète était encore occupée par une race évoluée. La race avait disparue après une catastrophe quelconque, laissant derrière elle quelques vestiges pathétiques comme ces petits satellites.
Le capitaine Mold avait simplement ordonné de détruire à coups de missiles ceux dont l’orbite menaçait le vaisseau-mère!

Celui qu’ils venaient de repérer était sur une trajectoire légèrement inférieure au navire Ulruch et encore à une distance relativement importante. Pas de danger immédiat donc. L’officier de quart prit le temps d’observer le nouvel engin.

- Excusez-moi Mon Lieutenant, fit-il en s’adressant à son supérieur posté non loin de lui, vous ne trouvez pas que celui-là est un peu différent des autres? Regardez ses proportions. Et il n’a pas non plus cet aspect tarabiscoté qu’avait les précédents. C’est juste un cylindre lisse comme un miroir.

Les mains derrière le dos, l’officier regarda nonchalamment l’écran. Oui, il devait reconnaître que c’était exact. Plutôt grand pour un satellite. Il lisait sur le côté de l’écran que l’objet faisait 500 mètres de long pour 30 de diamètre. Le tiers du vaisseau-mère! Ma foi, ca allait faire un beau feu d’artifice!

- Eclatez-moi cette merde! ordonna t-il d’un ton blasé. Il avait vraiment autre chose à faire.

L’officier de quart s’empressa d’exécuter cet ordre péremptoire. Il sélectionna un type de missile suffisamment puissant pour venir à bout de ce gros tas de ferraille flottant.
Voilà. Le modèle Hargo VII devrait suffire. Il fit quelques réglages puis déclencha la mise à feu. La sirène d’alerte-tir résonna aussitôt sur le pont et l’officier Ulruch s’empressa de la couper.
Le lieutenant détestait le son strident de cette alarme!

**********

A l’intérieur du satellite en forme de cylindre, une lumière minuscule s’alluma. Une autre encore plus petite se détacha de la première et fila à une vitesse phénoménale le long d’un circuit transparent comme de l’eau. Elle atteignit sa destination et de nouvelles lumières apparurent. Chacune emprunta une direction différente et formèrent comme un feu d’artifice multicolore au sein du satellite.

Un réseau lumineux particulièrement complexe se matérialisa en quelques secondes.
Des motifs semblables à des rouages s’imbriquèrent et se mirent à tourner à toute vitesse. Au centre du cylindre une lumière jaune apparut tel un soleil miniature et se mit à luire et à vibrer comme un animal se réveillant d’un long sommeil. Un animal sur le qui-vive, prêt à défendre son territoire.

Le soleil lâcha une petite sphère lumineuse le long du réseau aux fibres microscopiques. Elle fila à l’autre bout du satellite en une milliseconde et déclencha la rotation d’un autre ensemble lumineux.

Une ouverture apparut sur la surface de l’engin. Le métal parut couler à l’intérieur et soudain une boule lumineuse jaillit de l’ouverture. Elle parut un instant chercher sa trajectoire puis fila à toute vitesse vers sa cible. A la rencontre du missile Ulruch qui arrivait presque à destination!

La boule de feu pénétra par le nez du missile qui éclata en miettes et tout deux disparurent dans une explosion silencieuse. Les débris de l’engin Ulruch se dispersèrent rapidement en tous sens.

Sur le satellite, l’ouverture se referma comme la surface de l’eau qui absorbe un caillou, et à l’intérieur le petit soleil se gonfla légèrement, satisfait d’avoir accompli sa mission de défense. Il chercha ensuite à contacter sa base pour lui envoyer son rapport.

Le satellite Prothée, dernier fleuron de la technologie lumineuse des anciens, venait de se réveiller après un long sommeil de mille années.

**********

- Par les Tripes de Vriss, cria l’officier de quart stupéfait, le satellite a détruit le missile!!!

Sur l’écran géant une boule de feu illumina la passerelle. Elle s’éteignit rapidement pour laisser place à l’espace sidéral habituel. En arrière plan, le curieux satellite cylindrique poursuivait tranquillement sa route.

- Ha! fit le lieutenant, désarçonné par la destruction du missile. Oui, il doit y avoir un système de défense quelconque. Bizarre qu’il fonctionne encore. Bon, on va régler çà! Envoyez-lui cinq autres missiles! Les Griffes de la Mort tiens! Ca envoie des charges explosives dans toutes les directions et çà m’étonnerait que…..

- N’en faites-rien! Halte au feu! lança derrière lui une voix que l’officier connaissait bien.

Il se retourna et vit le Capitaine Mold débouler à fond de train sur la passerelle. Les soldats présents se mirent au garde à vous et se figèrent dans l’attente des ordres. Le chef Ulruch s’arrêta au milieu de la salle pour observer l’écran. Il avait l’air maussade et serrait les mâchoires. Dans le silence de la passerelle on entendit crisser ses dents-aiguilles l’une contre l’autre.

- J’ai entendu l’alarme de tir, et cette alarme a été coupée! lança t-il en maîtrisant difficilement son énervement. Je vous rappelle qu’elle doit durer tant que l’objectif n’a pas été atteint. Que cela ne se renouvelle pas! Ensuite je vous demande de m’expliquer ce que vous vous apprêtiez à faire Lieutenant!

- Heu… Mon Capitaine, ce satellite, que vous voyez là, a probablement envoyé une contre-mesure sur le missile que nous avions lancé. Mais il est également possible aussi qu’il y ait eu une défaillance de tir. C’est déjà arrivé avec les modèles Hargo. Nous allions donc recommencer l’opération et….

- Une défaillance de tir? reprit Mold en lui lançant un regard courroucé. Vous vous fichez de moi? Repassez immédiatement la séquence!

L’officier de quart s’empressa de s’exécuter. Chaque image projetée sur l’écran géant était dûment enregistré dans le livre de bord. Il trouva vite le passage demandé. Sur l’écran tous revirent le missile à tête triangulaire se ruer de toute la puissance de ses réacteurs vers son objectif. Une petite lueur vint à sa rencontre.

- Stop! agrandissez l’image sur cette lumière!

Le zoom fut instantané. Une lumière jaune envahit la surface de l’écran, mais à part çà il n’y avait rien à voir! Pas de missile, pas de contre-mesure, rien!

Le capitaine hocha simplement la tête.

- Je veux que plus personne ne tire sur cet engin, c’est clair? Pour l’instant il semble être en position défensive sinon il y a longtemps qu’il aurait cherché à nous descendre. Alors inutile de lui chercher des noises c’est compris? Plus personne n’est là pour lui dire quoi faire, alors on serre les fesses et on le laisse passer! Me suis-je bien fait comprendre ?

- Oui Mon Capitaine! hurlèrent les officiers présents.

- Bon, je retourne en salle des machines! Prévenez-moi immédiatement au moindre signe suspect de cet engin!

Il repartit au pas de charge et disparut rapidement de la passerelle.
Le lieutenant déglutit longuement.

Il n’avait qu’une hâte: finir son quart et laisser à l’officier-remplaçant la responsabilité de tout ce bordel!

- Ici Antilias! Groupe d’étrangers repérés à une distance d’environ cinq jets de flèches! Ils sont une vingtaine environ. Ils avancent en direction de la colline. Qu’est-ce qu’on fait?

La voix provenait d’une petite boîte rectangulaire posée sur un bureau. Halgar s’en saisit et appuya sur un bouton.

- Ici Halgar! Ne bougez pas pour le moment et restez planqués! J’arrive tout de suite!

Le chef de clan regarda la boite en secouant la tête puis reposa la radio sur le bureau. Fantastique ces boîtes magiques ! Il ne comprenait pas comment il pouvait parler avec les sentinelles postées à l’entrée de la grotte mais il trouvait çà formidable!

Mais tout était fantastique dans le domaine des anciens.
Il y avait d’abord ces lumières froides qui éclairaient comme en plein jour! Et puis ces salles vitrées immenses dont les portes s’ouvraient toutes seules dés qu’on s’en approchait! Le chef de clan s’était amusé à franchir plusieurs fois de suite le même seuil juste pour le plaisir de voir coulisser les baies vitrées! Il avait tenté ensuite de voir si quelqu’un n’était pas planqué derrière pour tirer sur les panneaux. Mais non, il n’y avait personne! Olm avait essayé de lui faire comprendre que ces mécanismes étaient mus par une énergie invisible.
D’accord! avait fait Halgar, si c’était de la sorcellerie ça expliquait tout! La sorcellerie pouvait bien soulever un rocher de plusieurs tonnes pour écraser un groupe d’ennemis. Il avait déjà vu çà dans son jeune temps! Alors faire bouger une simple feuille de verre, c’était vraiment de la rigolade! Depuis Halgar ne s’étonnait plus de rien et n’avait plus posé de question.
Storm avait néanmoins demandé des précisions au sorcier.
D’ou venait cette énergie? Il fallait bien du bois pour faire du feu, non? Olm lui avait répondu que les anciens puisaient ce dont ils avaient besoin directement à la source. Dans le magma en fusion, au centre de la terre. Un long tuyau y parvenait amenant la chaleur quelque part sous le domaine. Cette chaleur était convertie en énergie pure par d'étranges machines. Le jeune vampire en fut impressionné. Et Halgar avait encore ricané! De la lave en fusion sous leurs pieds? Elle était bien bonne!

Mais là, après cet appel radio Halgar n’avait plus envie de rire.

- Ces salopards ne nous laisseront donc aucun répit, lança t-il avec rage en saisissant sa double francisque. Continuez, je vais tâcher de détourner leur attention et de les lancer sur une fausse piste!

Il s’adressait à Olm, Willyn, Storm et Iliana tous assit autour d’une petite table de travail. Le sorcier lui répondit par une phrase d’encouragement qui en disait long sur sa vision de l’avenir.

- Il va falloir apprendre à travailler dans l’urgence désormais. Et à vivre avec l’ennemi à notre porte. Tâche de revenir en un seul morceau, on a plus que jamais besoin de toi!

- Je vais avec toi Père! fit Iliana qui empoignait déjà son arc.

- Je ne veux pas que tu t’exposes inutilement IIiana! répondit Halgar en l’empêchant avec douceur de se lever. Et je veux que notre sorcier te forme rapidement à la science des armes interdites! Nous allons avoir besoin d’instructeurs pour notre clan!

- Sois prudent! fit la jeune vampire une lueur inquiète dans ses yeux verts. Ne prends aucun risque non plus. N’hésites pas à faire retraite s’ils sont trop nombreux!

Halgar acquiesça puis prit le chemin de la sortie, escorté d’une trentaine de vampires décidés à en découdre. Ils n’étaient encore équipés que de leur armement traditionnel, Olm ayant fermement déconseillé de toucher à celui du refuge jusqu'à ce que chacun en apprenne le fonctionnement. Et il fallait du temps pour cela. C'est ce qui leur manquerait le plus!

Le clan avait simplement investi les quartiers d’habitations et s’était installé dans de vastes dortoirs pourvus de couchettes et d’un confort comme il n’en avait jamais connu. L’eau coulait à volonté de tuyaux qu’il suffisait de presser et de curieuses plaques permettaient de cuire à volonté les quelques aliments de bases que les femmes-vampires avaient pris soin d’apporter. Dans ce lieu magique, tous tâchaient de se reposer et de faire le compte des maigres biens qu’ils avaient pu sauver de la débâcle.

Halgar et Olm décidèrent ensuite de s’attaquer au problème des armes des anciens. Ils devaient impérativement procéder dans l’ordre et ne pas se précipiter dans l’armurerie. Le sorcier avait donc déjà testé certaines d’entres elles mais la plupart étaient encore inconnues et pouvaient se révéler dangereuses pour les néophytes qu’ils étaient.
Halgar rappela à nouveau à tous de n’ouvrir aucune salle et de ne toucher à rien d’autre hormis ce qui se trouvait dans les zones habitables. Tous acceptèrent ces prudentes recommandations.
Aucun problème, lui dirent-ils, ils n’avaient pas l’intention de déclencher un drame en manipulant un objet qui risquait de leur exploser à la figure.

Rassuré, Olm s’était mis au travail dans une salle attenant à celle réservée au tir. Il y avait là de quoi entretenir et réparer tous les types d’armes entreposées ici.
Le sorcier comptait étudier à fond l’arme que Storm avait récupérée à bord de la barge. Il voulait comparer la technologie des envahisseurs à celle des anciens. Ils sauraient ainsi s’ils pouvaient faire le poids face à l’ennemi.

Ils étaient d’ailleurs occupés à cette tâche lorsque l’appel des sentinelles avait retenti dans la petite radio.

Une fois Halgar sortit, Olm se pencha à nouveau sur les éléments de l’arme qu’il était parvenu à démonter. Sous l’œil intéressé de ses compagnons, il coinça un petit cylindre métallique dans un étau puis en dévissa lentement la partie supérieure. Avec précaution il en vida ensuite le contenu dans une coupelle. Un bruit de crécelle résonna lorsque de minuscules billes noires remplirent le récipient.

- C’est bien ce que je pensais ! fit-il satisfait. Regardez bien. Il montra le cylindre qu’il avait vidé. Ceci est une douille et ici vous avez la balle, le projectile. Là, cette poudre noire est un mélange détonant. Dés que cette pointe ici percute le bas de la douille, une amorce éclate et met le feu à l’ensemble. Sous la pression la balle est propulsée à grande vitesse dans le canon. Puis la balle éclate à nouveau en plus petits morceaux sous la friction de l’air. Je shématise mais c’est le principe.

Storm saisit la balle et en examina attentivement la pointe quadrillée. Ainsi, grâce à la vitesse acquise, c’étaient ces bouts de métal qui faisaient ce bruit d’insectes. Intéressant.

- D’accord, fit Willyn qui avait à peu près compris, ca éclate donc comme certaines braises dans le feu. Alors? les armes des anciens sont-elles pareilles?

- En gros oui. Mais le système de mise à feu ainsi que les projectiles sont plus perfectionnés. Il y a des livres ici, des manuels d’instruction. Ils expliquent en détail le fonctionnement de tout leur armement. Ils sont passés par ce type d’arme, mais l’ont abandonné pour un meilleur système. Oui, conclut le sorcier en désignant les pièces détachées du pistolet Ulruch, nous avons une chance de les vaincre. A la fin de leur histoire les anciens n’utilisaient plus ce type d’arme périmé depuis au moins un siècle !

Fin du Chapitre 24

Halgar avait rejoint Antilias au pied de la colline.
Il s’agissait de son second dans le clan, son bras droit. Ce vampire était aussi grand que lui mais de carrure plus mince. De caractère enjoué, il tempérait l’humeur belliqueuse de son chef ce qui permettait une meilleure objectivité dans les décisions prises pour gérer le clan.

Sur le champ de bataille par contre, Halgar était plus difficile à maîtriser car il agissait surtout d’instinct. Mais jusqu’à présent, tout ce qu’avait décidé le fougueux vampire s’était révélé bénéfique pour le clan. Antilias lui faisait donc entièrement confiance à ce sujet et était prêt à le suivre aveuglément.

Halgar et lui avaient été heureux de se retrouver sain et sauf. Dès la première attaque par les bombes incendiaires des étrangers, le clan des Ombres s’était scindé en deux, et chacun avait fuit à la tête d’un groupe. Ils s’étaient donc perdus de vue quelques temps.
Si Halgar avait joué de malchance, son second par contre avait pu emmener ses frères en sécurité dans la forêt profonde. Aucun n’avait été capturé ou blessé. Ils avaient ensuite entendu le signal de ralliement.

Agenouillé comme le reste des sentinelles au milieu d’épais fourrés, Antilias tendit le bras droit devant lui.

- Ils sont là-bas Seigneur, dans cette direction!

Halgar scruta le sous-bois attentivement. La forêt était relativement plus clairsemée qu’ailleurs aux alentours de la colline et on pouvait y voir sur une assez longue distance.
En effet, dans le lointain quelque chose bougea.
Puis des silhouettes lourdaudes apparurent au milieu des bosquets épineux parsemant le sol de la forêt. Le chef de clan reconnut aussitôt les cyclopes à qui il avait eu affaire. Mais ceux-là étaient vêtus différemment. Oui, ils étaient casqués et portaient ce qui semblait être une armure. De plus ils avaient tous en main une sorte de longue barre métallique qui reflétait de temps à autre les rayons du soleil. Ils avançaient en ligne et semblaient particulièrement vigilants. Ce n’était pas bon çà. Apparemment il s’agissait de soldats d’élites et bien entraînés.

Il fallait à tout prix détourner les étrangers de l’axe de la colline où visiblement ils se dirigeaient. Ils ne paraissaient pas nombreux et Halgar souhaita qu’ils ne s’agissent que d’une patrouille de reconnaissance. Leur façon de scruter le terrain autour d’eux prouvait cependant que les nouveaux venus ne les avaient pas encore repérés. Mais Il fallait agir vite. Les vampires étaient une cinquantaine. Il ordonna à la moitié d’entre eux de grimper aux arbres les plus proches. Les autres le suivirent sur le côté, et ils effectuèrent un large crochet pour avoir les étrangers en enfilade.
Son dispositif était prêt. Dès que les cyclopes seraient à portée, il déclencherait l’attaque et une pluie de flèches s’abattrait sur eux!

**********

Larz se sentait nerveux. Nerveux et fatigué. Ils crapahutaient depuis des heures dans cette maudite forêt. Heureusement depuis peu, leur progression était devenue plus facile car la végétation au sol s’était éclaircie. Tant mieux, car dès le départ ils avaient bien cru être obligé de faire demi-tour. En effet à peine sa troupe se fut engagée dans la forêt, après avoir quitté la clairière, qu’ils s’étaient immédiatement heurté à une zone de végétation dense et épineuse. Ils avaient dus se relayer pour ouvrir un passage à l’aide de leurs longs poignards. Heureusement, leur armure les protégeait efficacement de ces plantes agressives.
Larz n’était équipé que de son léger scaphandre mais de toute façon il ne faisait que suivre le mouvement, sa blessure au bras l’empêchant d’être d’une aide quelconque dans cet harassant défrichage. La nuit les avait même surpris à mi-chemin, ce qu’il avait craint, et ils avaient dus improviser un campement de fortune au milieu des fourrés. Leur halte forcée fut calme. A part de nombreux insectes bruissant sans cesse autour d’eux, ils ne furent pas dérangés.
Ils étaient repartis à l’aube, fatigués par une nuit sur le qui-vive.

Larz s’arrêta et essuya son front dégoulinant de sueur. La chaleur était étouffante dans ce milieu semi-tropicale. Certains soldats avaient ôtés leur casque lourd pour ne conserver que leur filtre à oxygène qui leur masquait le bas du visage.
Droit devant eux s’élevait enfin la colline, but de leur traversée. Larz espérait vraiment que ce refuge provisoire en vaudrait la peine et qu’ainsi ils pourraient mieux s’embusquer en attendant les secours.

Il allait se remettre en marche quand l’enfer se déclencha autour de lui.
Il entendit de curieux sifflements.
Des sons creux et mats.
A sa droite, le plus proche soldat s’écroula, le crâne percé de trois flèches encore vrombissantes. Devant lui un second Ulruch fut touché au creux de l’épaule, mais les autres projectiles rebondirent sur son armure et il réussit à s’abriter derrière un arbre.
Larz l’imita en dégainant son arme.
Les soldats ripostèrent au jugé et de fortes détonations retentirent dans l’air. Ils étaient équipés de lourds fusils, modèle Stirv 12, des engins capables de démolir un mur de béton! Mais leurs balles explosives se perdirent dans les buissons. L’assaillant était totalement invisible, c’est tout juste s’ils voyaient d’où provenaient ces maudites flèches!

- A couvert! hurla le chef de projet. Mettez-vous sous les arbres!

Larz brancha son oreillette de communication. Il devait absolument coordonner la défense!

- j’suis touché, hurla un autre soldat dans la radio.

Une flèche se planta à quelques centimètres de lui. L’angle de la tige était fortement incliné.
Il comprit où l'ennemi était embusqué!

- Groupe 1, tir de barrage dans les arbres en face! Groupe 2, balancez des fumigènes vite! Allez-y feu!!!

Un concert de salves pétaradantes éclata de tous côtés. Les Ulruch vidaient chargeurs sur chargeurs et leurs canons crachaient des flammes qui illuminaient leur armure. Une fumée épaisse ne tarda pas à envahir le sous-bois. Il fallait à tout prix en profiter pour décrocher !

- Groupe 1! Vous dégagez en vitesse sur la droite! Ramassez les blessés et tirez-vous! Les autres continuez à tirer!!! Allez go go go!

Les énormes soldats s’empressèrent de s’exécuter et la moitié de l'escouade quitta sa position traînant deux ou trois des leurs. Un Ulruch dépouvu de casque s’écroula à nouveau.

C’était vraiment pas de pot, pensa Larz en tirant comme un forcené. A deux griffes du but se faire pièger dans cette forêt de merde!
Il lui semblait malgré tout que l'encerclement n'était pas total. Oui, les soldats se repliaient vers une zone qui paraissaient vides d'assaillants. Ils pouvaient encore échapper à ces maudites choses !

- Groupe 2. Allez-y filez! Et balancez tout ce que vous avez!

Les derniers soldats se replièrent en bon ordre, encaissant sans broncher les volées de flèches dont la plupart rebondissaient sur leur cuirasse!
Plusieurs de ces projectiles vrombirent d’ailleurs à quelques centimètres de son crâne. Il s’aplatit au sol et effectua une courte roulade de côté pour changer sa position qui devait être repérée.

Les tirs s’espacèrent. Les soldats décampaient à toute vitesse.

Larz releva la tête. Le brouillard artificiel commençait à se dissiper, il devait faire vite.
Il allait se redresser pour s'enfuir à son tour lorsqu’une ombre le recouvrit.
Sans réfléchir il se retourna et tira à deux reprises.
Un coup de talon lui fit violemment sauter l’arme de la main. Il entendit les os de son poignet se briser comme du bois sec.
Abasourdi il tomba en arrière.
L’ombre réapparut et lui masqua la lumière du jour. Une des choses se tenait là et l'observait, un air ironique au coin des lèvres.

Halgar fit tournoyer sa francisque puis il porta un coup terrible sur la tête de son ennemi.

Spark observait les ruines encore fumantes de la cité du Clan des Ombres.

- Ainsi c’était vrai! lança t-il entre ses dents.

Il s’avança entre les murs d’enceinte noircis et en grande partie écroulés. Les pierres avaient éclatées sous la chaleur violente des bombes incendiaires. Suivi de sa horde, il parvint à l’artère principale envahit de gravats noirâtres et calcinés. Plus aucune maison n’était debout. Il ne restait çà et là que de vagues pans de murs, pitoyables vestiges d’une cité florissante.
Le chef aux cheveux rouge ricana, mais il s’agissait d’un rire de façade. Visiblement il était impressionné.

- Ca a bien cramé! Quand je pense que c’est ce tas de ruines que je voulais conquérir ! Tu dis que ces machines ont lancé ces sortes de tonneaux qui ont mis le feu à votre cité?

Il s’adressait à Alkane, debout juste derrière lui. Le vampire du clan des Ombres vint sa hauteur et, une fois de plus, tâcha de ravaler sa rancœur grandissante. Depuis qu’ils avaient quitté la cité antique du clan Oxyde, il avait dû supporter les bavardages acides et surexcités du chef à la crête rouge. Indéniablement Spark était « pressé » d’aider son frère dans le besoin. Alkane était plus vigilant que jamais tant l’évidence d’un coup fourré sautait aux yeux. Il transmettrait au plus vite ses soupçons à Halgar.
Ils étaient trois cent pour renforcer le clan des Ombres. Un tiers du clan Oxyde. Spark s'était conservé une force de secours non négligeable. Trois cent guerriers vampires donc et principalement armés d’épée à deux mains et de lourdes arbalètes à carreaux d’acier. Leur cuirasse était également recouvertes de plaques de métal soigneusement astiqués, un matériau rare en forêt mais dont le clan Oxyde ne manquait pas grâce à la proximité de leur carrière de fer. Ainsi équipée, la troupe formait un adversaire redoutable. Et c’était cette force qu’Alkane guidait au travers du territoire des Ombres. Pourvu qu’ils n’aient pas à se combattre une fois le conflit terminé.

Alkane se força donc à conserver son rôle d’émissaire courtois.

- En effet Seigneur! répondit-il d’une voix froide. Tu vois que je n’ai rien exagéré. Ces étrangers possèdent des armes dignes des dragons de nos légendes. Et ce qui est arrivé ici peut très bien se produire ailleurs. Tu comprends maintenant pourquoi nous devons unir nos forces.

Spark haussa les épaules et réajusta ses gants cloutés.

- Mais je n’ai jamais douté de tes paroles, mon ami! je dis simplement qu’il est dommage que vous ayez été leur première cible! Quel gâchis! conclut t-il en montrant de la main les cendres de la cité.

Puis il fit un mouvement sec du menton et la petite armée s’ébranla lentement. Il leur restait encore une journée et demie de marche avant d’atteindre la colline blanche.
Les vampires traversèrent la cité en ruines déserte et silencieuse, soulevant sur leur passage des volutes de poussière grise.

Alkane se couvrit la bouche d’un fin tissu noué sur sa nuque. Les membres de son clan qui l’accompagnait firent de même. Ces cendres éthérées contenaient celles de leurs frères morts dans l’incendie.

**********

- Arc Reflex De La Réaction, auto-alimentation par poignée réactive à la chaleur de la main.
- Arc Court Des Dryades, pareil mais lance jusqu’à cinq flèches lumière d’un coup.
- Arbalète de la réaction, pareil avec programmation de plusieurs cibles. Les traits explosent dés la cible touchée.
- Shuriken De La Réaction, possibilité de toucher plusieurs cibles à la suite. Revient dans la main du lanceur s’il manque la cible.
- Semi-automatique de Sniper, chargeur de 150 balles à lumière bilndée. Les projectiles traversent tous les matériaux.
- Parfait Scorpion, arme à une main défensive à coups multiples, de même type mais de puissance supérieure à celle retrouvé par Storm.

Olm se trouvait dans la longue salle d’entraînement réservée aux tests de l’armement. Il énumérait lentement le nom des armes qu’il avait disposées dans la vingtaine de postes du pas de tir. Chaque arme reposait sur un socle et les vampires sélectionnés pour cette première prise en main pouvaient à loisir détailler ces engins inconnus. Si le nom de certains d’entre eux leur étaient familiers, comme l’arc ou le couteau, la forme et les couleurs des autres les déroutaient complètement.
L’arc réflex par exemple surprenait par ses couleurs vives et ressemblait plus à un serpent prêt à mordre qu’à une arme inerte.

- Cet arc est très beau, fit Willyn en contemplant son arme de prédilection, mais comment peut-on l’utiliser ? Il n’y a pas de corde!

En effet, l’arc coincé verticalement sur son support était dépourvu du câble permettant de positionner la flèche. De plus, constata encore Willyn, pas de flèches non plus à proximité.
Le sorcier s’avança en souriant et se plaça devant le premier poste de tir.

- Je vais vous montrer comment vous servir de chaque arme. Sachez d’abord que les anciens maîtrisaient la lumière. Il s’en servait comme d’un matériau solide. Ne me demandez pas comment. Disons que c’est de la sorcellerie. De la BONNE sorcellerie!

Il saisit la poignée de l’arc et la dégagea de son support. Aussitôt un son grave résonna, provenant du corps de l’arme et un fil lumineux apparut, joignant les deux extrémités de l’arc. Les vampires reculèrent d’un pas, impressionnés. Sans hésiter, Olm saisit la « corde » et la tendit de ses deux doigts recourbés, se mettant ainsi dans la position de l’archer prêt à tirer. Un second fil de lumière parut se détacher du premier et retomba précisément à l’endroit où devait se tenir la flèche. Des expressions incrédules se firent entendre. Le sorcier ouvrit les doigts et la flèche de lumière fila en vrombissant vers la cible posée au milieu de la salle, 90 mètres plus loin. Elle se planta avec un bruit mat à quelques centimètres du centre du panneau coloré de noir et blanc.

- Ha, petite forme aujourd’hui! fit le sorcier en se tournant vers ses élèves. Tiens Willyn, à ton tour!

Storm qui se trouvait également dans l’assemblée, de même qu’Iliana bien entendu, lança un retentissant « chaud devant » quand son désormais frère et ami s’avança vers le pas de tir.
Le vampire saisit prudemment l’arme que lui tendait le sorcier. Il avait l’air de quelqu’un à qui on demandait de saisir une braise, mais il empoigna quand même le manche de l’arc. Il sursauta néanmoins en ressentant le contact du matériau sur sa paume. Cela était tiède et parut épouser le contour de sa main pour ne faire qu’un avec lui.

- C’est vivant! lança Willyn

- Ne t’inquiète pas, expliqua le sorcier, le matériau utilisé s’appelle de la plasto-fibre. Ca sert à avoir l’arme idéalement en main. On a l’impression que c’est l’arc qui te tient et pas l’inverse, n’est-ce pas? Vas-y, essaie!

Willyn se mit à son tour en position et la flèche apparut. Il se concentra un instant puis Il laissa filer la corde et la tige luminescente partit vers la cible. Il la loupa d’une dizaine de centimètres et la flèche se perdit vers la paroi du fond, à plus de deux cent mètres de là. C'était normal. Un archer doit tester son arc.
Olm s’approcha de lui munit d’une curieuse petite plaque percée d’une lentille transparente.

- Avec ceci ça ira mieux!

D’autorité Il la posa contre l’œil du vampire éberlué. La plaque se colla immédiatement sur sa peau en épousant la forme de son arcade sourcilière. Il semblait à présent avoir un bandeau en travers du front, un bandeau à travers lequel il pouvait voir.

- Il s'agit d'une lunette de visée portative. Avec çà vous y verrez comme l'aigle-fauve. Il faut bien un avantage à nos arcs classiques. Recommence!

Willyn retendit l’arme.

- C’est stupéfiant fit-il. Un point rouge suit le mouvement de mon œil. Un autre me donne l’angle du tir. Un instant… Je peux même grossir la cible… Oui j’y vois comme si j’étais à côté ! C’est génial!

Il lâcha la corde. La flèche partie dans un vrombissement et se planta en plein milieu de la cible. Un concert d’acclamation retentit dans la salle et Willyn se tourna vers ses frères un large sourire aux lèvres.

- Génial, répéta t-il. Je garde ce bijou!

Hochant la tête avec fierté, Olm se dirigea à présent vers le semi-automatic. Une arme totalement inconnue aux vampires.

- Le couteau et le shuriken fonctionne sur le même principe que l’arc. On appelle çà du « téléguidage ». Chacun aura donc sur l’œil la plaque de visée pour un meilleur résultat. Sur cette arme là c’est un peu différent.

Le sorcier saisit le long fusil. Ses doigts manipulèrent quelques touches sur le fût de l'arme puis il épaula en positionnant l’œil contre la lunette de visée. Une série de détonations sourdes résonna dans la salle et de courtes flammes jaillirent du canon. En face la cible fut déchiquetée et réduites en miettes en quelques secondes. Le sorcier reposa l’arme sur son support. De la fumée sortait du canon et elle fut aussitôt aspiré par le système de ventilation disposé dans le plafond de la salle de tir.
Après un silence stupéfait un brouhaha acclama le vieux sorcier et plusieurs vampires se permirent de lui taper familièrement sur l’épaule.
Aucun doute, ces armes allaient leur permettre de réduire leur adversaire en poussière.

Olm attendit que retombe l’enthousiasme de ces guerriers assoiffés de vengeance. Il ne leur avait pas encore montré le meilleur, ce qui allait pouvoir détruire ces engins volants :
LE BAZOOKA LUMINIQUE A TETE CHERCHEUSE !!!

Halgar avait besoin d’être seul. Il sortit discrètement du domaine sans prévenir personne, pas même son second Antilias.
Il s’éloigna dans la forêt.

La nuit venait de tomber et il faisait noir au ras du sol. Mais pas pour lui. Une fois encore il constata qu’il y voyait clair, presque comme en plein jour. A cette différence que c’était un monde sans couleur, un monde gris. Il distinguait parfaitement la végétation avec chaque feuille soulignée d’un rebord luminescent. Les troncs d’arbres semblaient de granit et les petits animaux des tâches fluorescentes. Oui, tout était visible. La première fois, alors qu’il s’enfuyait en tête de la colonne de rescapés, il n’avait pas pris garde à cette nouvelle faculté, le soleil couchant provoquant parfois par ces rayons faiblissant cette visibilité aux couleurs uniformes. Puis, un peu perdu au départ, il s’était rendu compte du phénomène : Iliana et lui pouvaient voir dans la nuit!

Il ne lui avait pas fallu réfléchir longtemps pour savoir d’où provenait ce don soudain. C’était tout simplement grâce au sang de ses frères qu’il avait absorbé et qui l’avait sauvé, lui et sa tendre fille.

Olm lui avait bien sûr raconté les circonstances de sa survie. Pour le moment, le vieux sorcier et lui n’avaient eu guère l’occasion d’approfondir ce sujet délicat. Car il y avait beaucoup à dire encore sur ce qui s’était passé. Olm avait franchit un interdit et il l’avait fait sciemment, pour le sauver.
Ce dont Halgar était certain, c’est que, s’il avait eu toute sa conscience, jamais il n’aurait accepté de boire ce sang sacré. Seul le sang des animaux était autorisé, et cela suffisait à tous. Il savait que ce sang était nécessaire à sa survie et à celle de son peuple. Ses propriétés suffisaient à empêcher la dégénérescence de leurs cellules et leur permettait ainsi de vivre normalement jusqu’à la fin de leurs jours.
Mais certaines légendes maudites racontaient que le sang des vampires était bien meilleur et assurerait à celui qui oserait en boire, non seulement l’immortalité mais aussi des pouvoirs physiques décuplés! A l’encontre de cela, le risque de mourir instantanément si ce sang était bu dans des conditions défavorables. Certains jeunes vampires mal éduqués avaient tenté l’aventure pour « s’amuser » en prélevant un peu de sang d’un ami coopératif. Ils étaient morts dans d’atroces souffrances. D’autres, plus malveillants, avaient connus un sort identique en sacrifiant délibérément l’un des leurs, pensant qu’il fallait une dose énorme pour survivre à la sinistre cérémonie.
Nul à sa connaissance n’avait survécu.

Seul Olm, ce sorcier instruit et sage, connaissait les rites sacrées permettant une absorption sans danger. Il était certain que le vieux vampire l’avait fait uniquement au vu des circonstances très particulières dans lequel il se trouvait alors.

Halgar ralentit le pas en songeant à tout cela. Oui, il n’était plus à présent un vampire normal. Quelque part, il était devenu une sorte de monstre. Il se sentait fort comme jamais et possédait le pouvoir de voir la nuit. Mais qui savait quels effets secondaires l’attendaient encore? Comme lors de cette embuscade contre ces étrangers équipés d'armes étonnantes. Il était parvenu sans bruit à approcher l’ennemi comme s’il avait le poids d’une plume, et lorsque ce cyclope lui avait tiré dessus à deux reprises, IL AVAIT ESQUIVÉ LES BALLES! Il ignorait encore comment il avait fait, mais à un moment le canon de l’arme était dirigé sur son torse et il voyait encore les projectiles sortir au ralenti et se diriger droit sur lui! Et la seconde d’après, il se trouvait en sécurité un pas plus à gauche, la décharge ne faisant que le frôler!

C’était impensable une telle vitesse!

Il devait en avoir le cœur net.
Avisant un arbre de taille gigantesque, il s’en approcha et regarda vers la cime.
Là-haut, il ferait son essai!
Prenant appui sur les lianes épaisses incrustées dans le tronc, il grimpa à toute allure vers les hautes frondaisons. Déjà il savait que jamais il n’aurait grimpé aussi vite sans sa transformation. Une fois à bonne hauteur, sa vision s’accrut encore, mais là la lune inondait de sa lueur blanchâtre la surface boisée de la jungle et ce phénomène était justifié.

Il avisa une grosse branche lointaine.
Voilà, c’était ce qu’il lui fallait. Un vide vertigineux le séparait de son objectif car il s’agissait de l’arbre qui était en face de lui. Il n’avait pas beaucoup de recul. Deux pas tout au plus. Deux pas pour franchir 50 mètres!

Halgar n’hésita pas. Il recula le plus possible et s’élança de toute la puissance de ses longues jambes aux muscles bandés à fond !
Un pas, deux pas puis le grand saut au dessus du vide !
Instinctivement il marcha dans l’air pour accélérer son élan. La branche s’approchait et il tendit le bras à s’en faire éclater les tendons. Ses ongles taillés en pointe griffèrent l’écorce rugueuse et y imprimèrent de longues traces profondes.
Halgar sut qu’il avait manqué sa cible.
Il en éprouva plus de rage que de peur!

Il tomba à une vitesse effrayante vers le sol!

Halgar tombait comme une pierre.
Dans deux secondes il allait s’écraser au sol et mourir. Pourtant, aucune trace de peur en lui.
Juste de l’incrédulité. Pas d’avoir tenté ce saut impossible, non, mais d’avoir raté cette stupide branche.
Il n’aurait pas du la louper!
Le temps sembla s’étirer à l’infini, et il voyait les troncs d’arbres défiler comme au ralenti. Il lui parut aussi que c’était le sol qui montait vers lui, comme s’il était immobile. Etrange sensation.
Il effectua une demi-rotation pour se retrouver à la verticale. Il voulait bien en finir mais sur ses deux jambes. Debout!

Mais Halgar n’avait jamais voulu mourir ainsi.

Je ne finirais pas comme un insecte écrasé, pensa t-il avec force. Il sentit son esprit se projeter à l’encontre du sol. Une résistance se forma dans l’espace libre situé entre lui et la terre qui s’approchait. L’air se solidifiait!

- Je mourrais sur le champ de bataille, hurla t-il avec rage!

Et avec une violence inouïe, ses bottes s’enfoncèrent dans le terreau spongieux.
Il se reçut les jambes pliées et instinctivement ses mains se plaquèrent sur le sol de part et d’autre pour le stabiliser.

Ca y est! se dit-il, Je suis mort!

Halgar se redressa lentement. Il s’attendit à ressentir des douleurs atroces et à entendre craquer ses vertèbres.
Mais rien de cela !
Il n’avait absolument aucune blessure! C’était comme s’il avait sauté de la hauteur d’un simple muret, là-bas dans sa cité.
Halgar observa ses mains intactes, aux ongles encore emplis de fragments d’écorce et serra lentement les doigts. Oui, il avait eu la sensation que…

- Tu te demandes ce qui s’est passé, n’est-ce pas, Chef des Ombres!

Halgar se retourna vivement. Plongé dans ses réflexions, il n’avait entendu personne venir.
C’était Olm!
Le vieux sorcier s’approcha, éclairé par une curieuse luciole. La lumière provenait du sommet d’un long bâton dont le vieillard s’était affublé.

- Sorcellerie des anciens ! expliqua t-il sommairement en voyant le regard intrigué d’Halgar. Beaucoup plus pratique que ma lampe à huile, mais plus froide je trouve. Elle manque de vie cette lumière, non?

Le chef des Ombres hocha la tête en souriant. Olm avait toujours pratiqué un langage à double sens.

- Oui, continua le sorcier, il semblerait que le sang sacré ait décuplé non seulement ta force physique mais aussi psychique!

- Psychique? répéta Halgar un peu perplexe.

- Depuis la grande apocalypse notre race a développée des capacités dont nous ne nous rendons même plus compte. Nous sommes plus fort physiquement que la race des anciens dont nous descendons et nous sommes aussi plus réceptifs aux choses qui nous entourent. Cette faculté de perception s’est encore accrue chez toi, et tu viens de l’utiliser, malgré toi, pour ralentir ta chute.

- J’ai en effet ressenti un phénomène étrange en tombant. J’ai eu l’impression de pouvoir me freiner, rien que par la pensée. Oui, il s’est passé quelque chose. Que suis-je en train de devenir Olm? Et Iliana, sera t-elle aussi affectée?

Le sorcier eut un petit rire qui ne recelait cependant aucune moquerie.

- Tu penses être atteint d’une grave maladie? Ce sang que nous devons boire chaque jour pour nous maintenir en vie, ne crois-tu qu’il soit normal qu’enfin cela nous rapporte quelque chose de mieux?

Il posa une main amicale sur son bras et l’entraîna vers le chemin du domaine.

- Laisse agir la magie des dieux obscurs et ne résiste pas à cette mystérieuse alchimie. Au contraire, essaye de développer ces dons et cultive-les. Rappelle-toi cependant d’être discret à leurs sujets. Hormis les survivants qui ont assistés à ta résurrection, nul ne doit jamais rien savoir. Le temps travaille pour toi, tu es encore en vie non?

Le regard plus sombre que jamais, Halgar méditait ses paroles en hochant lentement la tête.

- Rentrons, fit le Sorcier, clôturant ainsi le sujet, ta fille a découvert une chose extraordinaire. C’est pour cela que je te cherchais en fait! Oui, encore un mystère des anciens, et il faut que tu vois çà!

Eclairé par la brillante lumière artificielle, les deux vampires s’en furent vers la colline toute proche.

Ils eurent tôt faits de rejoindre l’entrée de la « caverne » et les sentinelles de faction les saluèrent. Halgar avaient encore du mal à se faire à ces nouvelles silhouettes noires et inquiétantes et équipées d’armes à l’aspect redoutable. Il constata avec une certaine fierté que les vampires semblaient être parfaitement à l’aise dans ces nouvelles combinaisons ainsi qu’avec leur nouvel armement qu’il portait en bandoulière. Tous avaient néanmoins gardés des pièces de leur ancien équipement; couteaux et épées se jumelaient avec les fusils ou les arcs spéciaux.
Il remarqua aussi que certains d’entre eux étaient munis d’un curieux bandeau. Olm lui expliqua qu’il s’agissait d’un système de visée et qui permettait en outre de voir la nuit. A ces mots, Halgar poussa un énorme rire et fila dans le tunnel.

En bas, tout était calme dans le repaire caché. Les vampires avaient cessé leur entraînement au tir et aucun écho assourdissant ne résonnait plus. Chacun avait choisi son arme et s’était vêtu de l’uniforme souple et blindé trouvé dans les zones de stockage, pour se retirer ensuite dans les espaces d’habitation. Dans quelques heures, le jour pointerait et de nouvelles activités seraient programmées.
Halgar attendait d’ailleurs la venue du clan Oxyde d’un moment à l’autre. Si du moins Alkane n’avait pas échoué dans sa mission. Mais il se refusait à l’idée d’un échec pour le moment, l’émissaire était encore dans les temps.
.
Olm traversa les premières salles puis emprunta un long couloir, vitré comme le reste, et parvint devant un sas grand ouvert. Ils le franchirent pour déboucher dans une vaste pièce au plafond bas, remplit de machines clignotantes. Au centre, une sorte de table ronde supportait une image en trois dimensions représentant la planète verte.
Halgar en fut médusé. Il n’avait bien sûr jamais vu d’hologramme.
C’était une vision fantastique!
Iliana présente au milieu de la pièce, en compagnie de Storm et Willyn, s’élança vers son père d’un pas gracieux.

- Ha vous voilà enfin! Regardez ce que nous avons découvert Seigneur, fit-elle avec enthousiasme. Nous avions décidé d'explorer les lieux. Passant devant ce couloir nous avons remarqué une lumière rouge clignotante au-dessus de cette salle. Nous sommes entrés et alors que l'endroit était plongé dans les ténèbres, tout ceci s’est soudainement allumé. Et voilà… Regardez Père, notre terre!

Le capitaine Mold, chef du vaisseau Gurnz II, du nom de l’Empereur, superviseur du projet «renaissance» s’écroula d’un bloc dans le vaste fauteuil de sa cabine.
L’empereur justement! Son Chambellan ne cessait de demander des rapports concernant le Krish.
Que devait-il répondre?
Que pour l’instant la chasse ne donnait rien? Résultat quasi nul, zéro!

Il était tout à coup exténué de ses heures de veille sur la passerelle, de sa vigilance perpétuelle auprès de certains équipages indisciplinés et de ses contrôles incessants des différents points vitaux du vaisseau qui ne devait souffrir d’aucun manque d’entretien.
Si loin d’Ulruch, sa planète ne lui serait d’aucun secours en cas d'une défaillance quelconque d’un système essentiel. Il n’avait confiance en personne et à cause de cela déléguait le moins possible de tâches. S’il avait pu partir à la tête d’une barge de chasse, il l’aurait également fait!

Il jugeait en effet n’être entouré que d’incapables.

D’abord il y avait eu ces problèmes internes avec ce Larz qui voulait à tout prix devenir le chef incontesté du vaisseau. Que croyait ce jeunot ? Que lui, Mold, le capitaine aux mille voyages n’aurait pas eu vent de ses pitoyables manœuvres politiciennes? Qu’il l’aurait laissé faire tranquillement jusqu’à ce qu’un jour un accident minable lui arrive?
Il avait réglé ce problème à sa façon: en l’expédiant le plus loin possible du vaisseau! Du coup il avait parfaitement réussi. Pour ce qu’il en savait Larz devait être mort à présent!

Ensuite il y avait eut ce problème avec le gibier, les "choses" comme disait Larz, et tous ces engins de chasse détruits ou disparus! Heureusement ils avaient récupérés une partie du Krish. Mais ce n’était pas encore assez, loin de là! A peine 500 barils reposaient à l’abri dans les cales du vaisseau.
Il nous en faut encore 1000.000!!!, ricana le Capitaine, désabusé.
Oui, cette saison commençait fort mal!
Il devait une fois de plus reprendre la situation en main, éradiquer le noyau de résistance du terrain de chasse qu’ils avaient choisi puis reprendre la traque au plus vite! Car les barges restantes attendaient des jours meilleurs en tournant à vide autour du vaisseau-mère!

Enfin, il avait du régler ce problème de satellite qui se défendait tout seul! Sûrement un fait du hasard d’ailleurs. Ces bouts de ferraille flottant devaient être complètement déréglés à présent. L’engin en forme de cylindre s’était d’ailleurs arrêté juste après avoir tiré. La preuve que c’était son ultime sursaut! Il flottait depuis lors à proximité du Gurnz II mais du moment qu’il ne bougeait plus, qu’est-ce que ça pouvait faire, hein?

Ceci dit, cette situation concernant la chasse interrompue ne pouvait pas s'éterniser!

Sa décision était prise!

Mais d’abord il devait faire le plein d’énergie.
Il ouvrit un tiroir et se saisit d’une petite fiole puis d’un pistolet à gaz. Le flacon était rempli de Krish à l’état pur, pas celui de synthèse et de mauvaise qualité qu’on trouvait d’ordinaire. Ce Krish là provenait directement de la planète verte et il était d’une qualité exceptionnelle!
Il chargea le pistolet avec la fiole puis appliqua le canon contre sa veine jugulaire.
Il tressaillit lorsqu’il appuya sur la détente et un chuintement étouffé lui apprit que le Krish se mélangeait à son propre sang! Instantanément il se sentit mieux et l’énergie revint dans ses membres épais et fatigués. Son cerveau s’allégea et la vision de son œil unique s’éclaircit.

Il était à nouveau sur pied. Et pour cinq rotations horaire! 50 unités de temps!

C’était ça la force du Krish: une remise en forme immédiate et la sensation de ne plus jamais avoir faim. Vollà ce qu’attendait l’élite affamée de sa planète. Un moyen de se rassasier simple et efficace!

Parfait ! Allons-y pour la phase 2! pensa t-il avec détermination.

Il appuya sur un bouton de sa console de bureau.

- Officier de quart Gruive à vos ordres Mon Capitaine! répondit aussitôt une voix servile.

- Officier Gruive, alerte débarquement! Je veux 25 escouades sur le pont d’envol et prêt à décoller le plus vite possible! MAIS d’abord réunion de l’état major sur la passerelle, compris?

- Heu… Oui Mon Capitaine! 25 escouades parées à partir et réunion sur la passerelle! A VOS ORDRES!

Bon, se dit Mold un peu calmé, ca ferait 1250 soldats d’élite soit une vingtaine de barges d’attaques blindés et armés jusqu’aux dents-aiguilles de fusils d’assauts et de mortiers. De quoi faire bouillir le krish de ce foutu gibier!

Il se leva, réajusta son uniforme froissé et sortit en trombe vers la passerelle.

La longue colonne formée par le clan Oxyde convergeait au pied de la colline blanche. Des flambeaux avaient été allumés et du haut de leur promontoire de surveillance, Halgar et Antilias avaient la sensation de voir un long serpent lumineux ramper vers sa proie.

- Spark risque de nous réserver de mauvaises surprises, fit le chef des Ombres à l’attention des vampires réunis autour de lui. Restez tous vigilants! Antilias, Vilrok et Stur avec moi. Les autres, vous restez derrière nous!

Les vampires le suivirent au pied de la colline tandis que les sentinelles se déployaient en couverture.
En bas, une silhouette familière les attendait, immobile et la main sur la garde de son épée.

- Alkane, lança amicalement Halgar. Comment vas-tu mon ami ?

Les deux vampires se serrèrent les poignets selon une vieille coutume, puis, après un furtif regard en arrière, Alkane lui dit quelques mots sur sa mission.

- Spark semble être disposé à nous aider ainsi que tu peux le constater Seigneur, fit l’émissaire à voix basse. Je subodore néanmoins une traîtrise de sa part. Tu sais que je n’ai aucune confiance dans ce serpent-rat!

- Ne t’en fais pas!! le rassura son chef de clan, je prendrais toutes les précautions pour limiter la casse. On en parlera plus tard. En attendant tu as fait du beau travail!

Il donna une frappe légère de son revers de main sur le torse d’Alkane en signe d’avertissement. Spark s’approchait à son tour, encadré de torches et d’une cohorte de garde munis d’arbalètes.

Le vampire à crête rouge lança son ricanement moqueur habituel.

- N’est-ce pas là ce vieil Halgar? Laisse-moi te contempler mon Frère et voir ainsi comment va celui qui m’a repoussé là-bas, sur les remparts de « feu » ta cité!

Il éclata d’un rire cynique et s’approcha en posant familièrement sa main gantée de fer sur l’épaule d’un Halgar au visage indéchiffrable. Antilias qui s’était avancé à sa droite ne sut dire ce que ressentait son chef tant ce dernier demeurait de marbre.

- Sois le bienvenu sur la terre des Ombres, dit simplement Halgar. Notre clan te remercie de lui venir en aide et te propose sa main fraternelle.

Spark regarda Halgar en souriant et après un instant d’hésitation, il enleva son propre gant et saisit la main tendue. Les deux vampires se serrèrent simultanément les phalanges et ils s'affrontèrent du regard. Antilias vit les doigts des deux adversaires blanchir sous la pression. Chacun tentait d’arracher à l’autre une grimace de douleur mais nul ne cédait.
Hormis Antilias personne ne remarquait l’étrange joute silencieuse.

Le regard brûlant de Spark vrillait celui du chef des Ombres.

Ainsi le noble Halgar a aussi goûté du sang de ses frères! semblait dire le chef Oxyde. Et c’est toi qui ose me parler de fraternité!

Halgar en était arrivé à la même conclusion : un vampire «ordinaire» aurait eu les os broyés sous la pression de ses doigts! Il en était certain!
Il ouvrit lentement la main, mettant fin à cet invisible pugilat. Chacun savait maintenant à quoi s’en tenir sur l’autre!

Nullement affecté par leur duel invisible, Spark se tourna à demi vers les siens.

- Merci de ton accueil Seigneur Halgar! lança t-il à voix haute afin que chaque vampire présent puisse l’entendre. J’espère que mon modeste clan suffira à repousser l’envahisseur. Avec ton précieux soutien naturellement…

Le chef Oxyde inversait un peu les rôles, tenant à faire savoir qu’il ne souhaitait se mettre aux ordres de personne.
Une silhouette s’approcha et se glissa près de lui. La créature aux cheveux rouge gainée de cuir et armée de longs couteaux l’enlaça langoureusement.
C’était Salomé, la concubine préférée de Spark. Une guerrière redoutable et aussi détraquée que lui!

- Salut Ô Grand chef des Ombres! fit-elle d’une voix rauque et languissante. J’ai beaucoup entendu parler de toi tu sais! Alors? Ils sont où les gros méchants qu’on doit dégommer hum?

- Tiens c’est vrai çà? reprit aussitôt le chef Oxyde en faisant semblant de chercher quelqu’un, Ils sont où les crameurs de cité?

Halgar ne releva pas le ton hypocrite de son homologue. Il ne voulait pas que la situation dégénère. Il devait à tout prix se maîtriser et composer avec son ancien ennemi.

- J’ai des preuves irréfutables, à l’intérieur, dans le domaine des anciens!

- Haha c’est bizarre çà! Avec ton émissaire ça a été pareil ! Chaque fois que je lui ai demandé des explications il m’a dit «c’est là-bas!». Et toi tu me dis la même chose! J’suis pas un lapin-rat qu’on mène à l’abattoir avec une carotte Halgar! Je veux voir des preuves et tout de suite!

Halgar tendit la main vers son second et celui-ci lui donna son fusil semi-automatique. Il le montra à Spark qui fut immédiatement intéressé. C’était même un faible mot : les yeux lui sortaient littéralement de la tête! Il allait prendre l’arme mais se ravisa aussitôt, comme si le métal risquait de lui brûler les doigts.

- Ouais, bon d’accord! fit Spark l’air étrangement embarrassé. Je verrais çà plus tard. Et les créatures hein?

- A l’intérieur, fit simplement Halgar qui semblait maitriser son agacement. Et il le maîtrisait vraiment cette fois. A sa grande surprise, le calme se faisait en lui. Pour un guerrier c’était la première règle avant un combat : le parfait contrôle de ses nerfs. «Le pouvoir du sang» agissait sur lui, il en était sûr!

- Il a dit «à l’intérieur » mon chou, répéta Salomé en caressant le visage de Spark de ses longs ongles bisautés. Allons voir!

Elle pencha son visage sur lui et le chef Oxyde l’embrassa sans vergogne.

- Haaa! fit-il en se dégageant brutalement. D’accord! Il est temps que tu nous montres les lieux que tu nous as réservé… Grand Chef Halgar! J’ai tellement hâte de me reposer et aussi de visiter ton nouveau refuge, si tu permets naturellement! Et j’espère bien que celui-là ne risque pas de partir en fumée!

Quelques rires moqueurs fusèrent de la foule de guerriers rassemblés au pied de la colline.

- Allons, allons ! reprit Spark d’une voix empreinte de fausse sévérité. Ne raillez pas nos nouveaux alliés! Ceux des Ombres sont nos frères maintenant! N’est-pas Seigneur Halgar?


Halgar ne répondit rien, mais fit demi-tour en réajustant ostensiblement le port de sa francisque et se mit à grimper la colline.
Antilias demeura sur place et lança une instruction aux vampires Oxyde regroupés derrière Spark. La lueur des torches sur leurs cheveux rouge donnait l’impression au Second des Ombres de voir un lac de flammes danser sous ses yeux!

- Eteignez vos flambeaux et mettez-vous en ligne par quatre! Le chemin n’est pas large et le tunnel encore moins! Suivez-nous, l’entrée est à flanc de colline.

Personne ne bougea jusqu’à ce que Spark leur fasse un signe nonchalant. Les premières torches s’abaissèrent alors.

Passant devant Antilias, Salomé lui frôla le menton d'une main fine et élégante.

- T’as oublié de dire qu’on se tienne la main, mon beau!

Il n’en fallait pas plus pour que Spark pousse un long ricanement, aussitôt repris par la plupart de son clan.
Un gigantesque guerrier Oxyde chargé d’une imposante masse d’arme bouscula du coude Antilias et suivit les pas d’Halgar et de ses sentinelles.
Le vampire frotta son épaule endolori par le choc et serra les dents sur un juron bien senti. Son regard se chargea de mépris.
Des Frères hein? se dit-il. Les dragons entrent dans la cité, mais la viande sera dure à croquer, je vous le prédis!

Et il se mêla au flot de vampires qui montaient bruyamment vers le domaine des anciens.

L’écho de centaines de bottes résonna bientôt dans le tunnel. Puis ils franchirent la première porte blindée en traversant la cellule vide d'Angel. En bas des escaliers Storm et Iliana attendaient les premiers arrivants. Le jeune homme ouvrit la porte du domaine à l’aide de sa « clé ». Cette porte pouvait rester ouverte, mais Halgar avait tenu à ce que tous utilisent le sas pour cette première visite. Il tenait à impressionner le clan Oxyde!

Ils firent passer un premier groupe de 50 guerriers. Les chefs et Antilias étaient de ceux là. Le second ricana en son for intérieur quand il vit la mine effrayée des guerriers Oxyde arrosés par les vapeurs désinfectantes. Celui qui l’avait bousculé chercha même à s’enfuir en écrasant quelques pieds, ce qui le couvrit de ridicule pour un bon moment.

A l’intérieur, Halgar mena directement le chef Oxyde le long d’un couloir interminable, sans lui donner la moindre explication. Ce couloir était gardé par cinq gardes qui ne laissèrent passer que les deux chefs de clan. Au bout d’une centaine de mètres, Halgar s’arrêta puis pointa du doigt une autre salle. Cette fois c’étaient DIX sentinelles qui en gardaient l’accès.

- Ta preuve, fit simplement Halgar.

Incrédule, comme jamais il n’avait été, Spark s’approcha de la baie vitrée et regarda à l’intérieur. Interloqué, il vit une forme bouger puis se rapprocher. Le chef Oxyde recula d’un pas. Quoique ce fût, c’était énorme!

- Tu ne risques rien, le rassura Halgar, cette vitre est blindée!

Il valait mieux! Car juste derrière, le surplombant de toute sa hauteur et de sa masse, un monstre à œil unique et luisant de haine l’observait.

L’œil du Chef de projet « renaissance » : LARZ!

Enfermé dans la petite pièce nue aménagée en cellule, Larz bouillait de rage.
Il n’en revenait toujours pas d’être prisonnier de ces choses!
Justement l’une d’elles venait encore le narguer, là, juste derrière la paroi vitrée. Une paroi plus solide qu’il n’y paraissait! Il avait tenté de la défoncer à coups d’épaule et de bottes: sans succès, il avait juste récolté des bleus supplémentaires! Et inutile de compter sur ses armes. Celles-ci lui avaient bien sûr été délestées. Comme tout ce qui traînait dans ses poches d'ailleurs. Hormis son scaphandre et son filtre à oxygène, il était démuni de tout!

Il donna un coup de griffe contre la fine plaque transparente et la créature à crête rouge sursauta. Un sourire mauvais dévoila ses dents-aiguille. Oui, la chose avait eu peur! Il commençait à décrypter leurs sentiments sur leur visage pâle. Il pouvait même les identifier, alors qu’au départ les choses lui semblaient toutes identiques avec ce pelage noir sur le crâne. Celle à crête rouge par exemple, çà c’était un nouveau! Ou encore celle placée en retrait. Larz la jugeait particulièrement dangereuse: normal, c’était la chose qui l’avait assommé à l’aide de sa hache!
Oui, il avait cru sa dernière unité de temps arrivée lorsque ce maudit gibier l’avait désarmé. Il lui avait même fracassé le poignet. Curieusement un solide bandage ornait le membre brisé, il s’en était rendu compte en se réveillant. Les créatures l’avaient soigné tant bien que mal. Le pansement autour de son bras blessé avait également été changé. Pas de doute, on tenait à le garder en vie. Mais dans quel but?

Après un dernier regard désinvolte sur les créatures, Larz retourna s’asseoir dans un coin à même le sol. Il devait trouver un moyen de s’évader et vite. Sans nourriture il allait rapidement mourir de faim : il serait étonnant que les choses poussent la délicatesse jusqu’à lui offrir un des leurs!
Le chef de projet commença à réfléchir. Il avait toujours su se dépêtrer des pires situations. C’était même un spécialiste. Il devait simplement trouver la faille à exploiter, et il y en avait toujours une. TOUJOURS!


- Ouaooo! lança Spark en reculant d’un pas. Plutôt nerveux Neuneuil !

Le chef Oxyde frimait mais pourtant il était impressionné. Il n’avait jamais vu un monstre pareil. D’accord, s’il avait eu un doute sur l’invasion, cette fois il y croyait à cent pour cent ! Quel était le plan d’Halgar?
Ce dernier lui expliqua qu’il était certain que les étrangers allaient revenir tôt ou tard. Il avait eu la preuve que les cyclopes en voulaient à leur sang. Ils avaient traversé l’espace pour les chasser et ne renonceraient certainement pas aussi facilement.
Le plan d’Halgar était simple: attendre la contre-attaque qui ne manquerait pas de venir, et leur infliger de telles pertes que les étrangers ne pourraient qu’abandonner la partie. Leur vaisseau en orbite là-haut ne devait pas contenir de renforts illimités. Et ils avaient désormais les moyens de leur tenir tête.

Le chef des Ombres entraîna donc Spark vers la salle des armes. La distribution avait déjà commencé en leur absence et les vampires aux cheveux rouges exhibaient fièrement leurs nouvelles acquisitions ! Fusil à lunettes, arc à réaction et autres armes blanches sophistiquées trouvaient rapidement un propriétaire.
Spark se choisit deux pistolets à canon court, des Scorpions, dont il serra les ceinturons entrecroisés sur sa poitrine. Il ne tarda pas à vider chargeur sur chargeur dans la salle de tir et son rire aigu se mêla aux rafales qui déchiquetaient les cibles cartonnées.
Storm et Iliana qui avaient rejoint Halgar assistaient d’un air septique à cette débauche de cris et de salves ravageurs. N’avait-on pas donné la possibilité à leurs anciens ennemis de se retourner contre eux? Le père d’Iliana leur rétorqua qu’il n’avait pas le luxe de faire la fine bouche, le clan des Ombres étant trop faible pour faire face aux envahisseurs. Et si risque de trahison il y avait, Spark choisirait de tout façon la fin des hostilités pour agir. Là, Halgar l’aurait sérieusement à l’œil.

En attendant il fallait agir et mettre en place une défense solide autour du domaine.
Car Halgar était sûr d’une chose! Les étrangers avaient repéré leur position et ils allaient revenir. Ils comptaient bien sur l’effet de surprise que causerait la technologie des anciens. Il avait repoussé le commando ennemi avec des arcs et des armes blanches. Les survivants allaient faire leur rapport dans ce sens, et leurs renforts ne se douteraient donc de rien.
Halgar allait leur préparer un comité d’accueil dont ils se rappelleraient!

**********

Shivor

Dans la salle de commandement, Olm délaissa le livre qu’il tenait pour se redresser lentement.
Il venait de ressentir une présence, une aura maléfique qu’il aurait préféré ne jamais reconnaître.
Sans daigné se retourner, car il était dos à l’entrée, le sorcier se contenta de lancer un avertissement à voix basse :

- Shivor! Tu n’es pas le bienvenu ici. Ne touche à rien et retourne cirer les bottes de ton maître!

Il s’agissait effectivement de l’âme damné de Spark qui venait d’entrer sans bruit dans la pièce toujours illuminée de machines clignotantes.

- Est-ce ainsi qu’on accueille un vieil ami? répondit Shivor sur un ton délibérément jovial. Je suis déçu. Sache quant à moi que je suis enchanté de te retrouver… vraiment! Surtout après tout ce temps. Je pensais que tu avais oublié certains événements… fâcheux, je dirais!

Le sorcier des Ombres referma l'ouvrage épais et finit par lui faire face en soupirant. Son ténébreux confrère était hélas comme il l’imaginait être resté lors de leur dernière entrevue : vêtu de son éternel cape emplumée et puante, le cheveu gras, la moustache poisseuse et un éternel sourire concupiscent aux lèvres!
Le visage même de la félonie.
Shivor traduisit fort bien le regard de son ancien ami, mais il n’en avait cure. Son âme dépravé était largement au dessus de çà et il avait l’habitude qu’on le regarde avec dégoût. Ca lui plaisait même!

- Dis donc tu as déniché de belles reliques, fit-il en observant les lieux et notamment le globe en trois dimensions toujours scintillant sur son support.

Il s’en approcha et ses doigts tordus comme des serres et ornés de bagues multicolores se promenèrent sur la sphère transparente. On aurait dit qu’il s’emparait de la planète toute entière!

- J’avais entendu les légendes parler du pouvoir des anciens, continua t-il subjugué par la vision de cette terre en relief, mais là je dois dire que TOUT était en dessous de la vérité!

- La seule vérité que tu auras sera celle-ci Shivor! Disparais et ne reviens jamais ici!

- Nous sommes alliés à présent, siffla soudain le sorcier Oxyde. Tu l’aurais oublié peut-être? Crois-tu pouvoir vaincre sans notre aide? Et ce domaine des anciens? Qui es-tu pour t’en croire propriétaire? Ce n’est pas parce qu’il est sur votre territoire qu’il est à vous! Ca n’est pas non plus parce que vous vous en êtes instauré les gardiens que vous pouvez en disposez! C’est un héritage! L’héritage du peuple vampire et peu importe le clan! Nul ne peut l’en déposséder ! Comme toi j’en revendique le droit d’usage!

Olm fit un pas vers lui. Un seul.

- Je ne me donnerais pas la peine de t’expliquer la raison pour laquelle je souhaite que cet endroit retourne dans l’oubli. Cet héritage comme tu dis ne servira qu’à nous défendre. Et uniquement pour cette fois ! Quand tout sera fini, tout ce que nous avons pris ici y sera dûment réintégré et oublié. Il n’y a pas à discuter ce choix. Sors d’ici maintenant, ton maître te cherche.

Shivor tenta de répliquer mais il vit que c'était inutile. Le sorcier des Ombres resterait sur ses positions, il le voyait à son regard inflexible. La peste soit ses principes de vieille femme! Il ne lui ferait jamais changer d’avis! D’un mouvement brusque qu’il voulait théâtral, Shivor fit demi-tour. L’heure de l’affrontement viendrait. Mais pas maintenant se dit-il. Comme prévu avec Spark, il devait courber l’échine, même si ca lui coûtait, et passer pour un bon vampire repenti et coopératif. La vision de Olm mit en pièces de ses propres mains lui permit de sortir de la salle de commandement un sourire aux lèvres.
Profites bien de tes livres enfouis ici, se dit-il, bientôt tes yeux blancs et froids ne pourront plus rien lire!

Olm le regarda partir. Les choses pour lui étaient claires. Leurs pires ennemis n’étaient pas ces monstres là-haut. Non, ils étaient bien plus proches!
Tâchant d’oublier cette regrettable visite, il se replongea dans le dossier technique qu’il étudiait. Il devait à tout prix trouver le moyen d’entrer en contact avec Prothée!

Toujours à l’étude et seul dans la salle de commandement, Olm entendit l’écho des cris vengeurs des guerriers vampires. Il secoua pensivement la tête, se demandant combien d’entre eux survivraient à cette nouvelle journée.

Il serra le poing de frustration. Il serait responsable de la plupart des morts s’il ne trouvait pas rapidement une solution à son problème: comment contacter Prothée? Ce satellite disposait d’un armement qui pouvait aider les vampires à vaincre l’envahisseur! Il devait absolument découvrir un moyen de communiquer avec lui. Mais comment s'y prendre? Quel bouton fallait-il presser sans risquer de déclencher une catastrophe? Il y en avait des milliers autour de lui.

Il avait parcouru d’un regard fébrile une vingtaine d’épaisses brochures techniques découvertes dans un des bureaux disposés dans la salle. Mais ce n’était hélas qu’un charabia mathématique incompréhensible. Et il avait conscience de s’y prendre bien trop tard. C’était du temps d’Angel qu’il aurait du tenter de déchiffrer ces fichus bouquins. Oui, seulement il n’en avait jamais éprouvé le besoin. Il n’y avait jamais eu d’urgence! Et ce n’était pas sous la pression qu’on pouvait espérer comprendre une technologie aussi évoluée.
A quoi bon, soupira t-il découragé..
Il referma le livre d’un geste sec, et la couverture claqua comme un coup de pistolet. Il devait y avoir une solution plus simple.

Une solution plus simple!

Olm se leva. Oui, il savait où trouver la réponse à son problème! Par les dieux obscurs, la mémoire lui revenait lentement! Il avait déjà lu quelque chose sur la salle de commandement, il y avait bien longtemps. Il s’en rappelait à présent!

Il sortit à grandes enjambées et se dirigea vers la bibliothèque, là où étaient conservé les livres que les gardiens successifs avaient jugés les plus précieux. Il parvint dans le grand hall d’entrée et se dirigea vers la zone de stockage qu’il cherchait. Une simple pression et le sas vitré coulissa. Le livre qu’il voulait se situait immédiatement à portée de main. Normal, c’était le numéro UN du Registre des Mémoires.
Il referma la porte et revint vers la salle de commandement, le livre sous le bras.
Une fois de plus il se réinstalla devant l’une des consoles et ouvrit délicatement le registre millénaire. Les pages étaient jaunies et certaines d’entre elles manquaient presque de s’effriter sous ses doigts. Après quelques minutes, il trouva enfin le passage qu’il cherchait, et un sourire éclaircit son visage ridé. C’était là, dans les dernières pages...
Son doigt tremblait d’émotion en survolant les lignes déliées, délicatement écrites à l’aide d’une fine plume à l’encre bleue, presque délavée par le temps.

Oui c’était bien çà!
La sensibilité astrale du sorcier était telle qu’il lui semblait ressentir l’émotion de celui qui avait tracé ces mots, il y avait dix siècles. Il avait déjà parcouru l’ouvrage, mais à l’époque n’avait guère compris les paragraphes qu'il cherchait en cet instant. Et pour cause! Il ne connaissait encore rien des sciences oubliées fourmillant dans le domaine!
Ce premier livre retraçait de l’histoire de l’ultime survivant, le dernier occupant de la crypte 144 et il était écris de sa main. L’homme, ainsi que les anciens se nommaient également, était mort alors qu’il revenait dans la crypte. Il s’était effondré, en bas des escaliers, devant l’entrée. C’est là qu’un vampire l’avait découvert des années après, par hasard. Ce n’était déjà plus qu’un squelette recouvert d’étranges vêtements tombés en poussière. Dans la main de cet inconnu trépassé depuis longtemps Il remarqua la «clef» qu’il tenait encore, et ce vampire intelligent et intrépide avait su l’utiliser sur la borne d’ouverture.
A l’intérieur du domaine, et au milieu d’autres objets étonnants, il découvrit le livre, soigneusement posé sur une table de chevet. Il savait lire et l’histoire que contenait cette sorte de testament d'une civilisation l’avait fasciné. Et il décida de poursuivre cette oeuvre inachevée.
Ainsi avait commencé l’existence du premier gardien.
L’homme réduit à l’état de squelette était mort par une surexposition à ce qu’il appelait lui-même des «radiations». C’était inscrit dans le livre. L'origine de ce mal terrifiant et inguérissable y étaient également décrit mais ce n’était pas ce qui intéressait Olm pour le moment. De plus, il connaissait déjà la vérité.

Il relut le passage qui motivait sa lecture de l’ouvrage.

« 25 Avril
Je me sens mieux aujourd’hui. Cette contamination insidieuse me laisse parfois en paix et je dois profiter de ces moments de lucidité. Depuis trois jours que je suis alité, tremblant et aussi faible qu’un nouveau-né, j’ai eu le temps de réfléchir au problème de Prothée. Mais problème n’est pas vraiment le mot qui convient. Prothée n’a pas le moindre disfonctionnement. Il n’en aura sans doute jamais. Ce prototype est formidable en fait. Il capte son énergie directement du soleil, comme les autres satellites, mais c’est là son seul point commun avec les modèles de facture classique. Car si ceux-là utilisent la lumière uniquement pour recharger leurs batteries épuisées, Prothée, lui, convertit les photons en matière! Une matière qui remplace les circuits ordinaires!
Prothée est unique!
Il ne contient en effet aucun des matériaux électroniques ou nanotechs habituels qui s’usent et se détraquent avec le temps. Ses circuits à lui sont faits de lumière, grâce justement à la technologie luminique. Ses éléments ne peuvent pas se dégrader. Il n’y a ni fil ni rouage. Aucun frottement, donc aucune usure possible. Ses organes internes sont composés de lumière « solide » créée grâce à cette nouvelle science impressionnante. Au repos, ce n’est apparemment qu’une coquille vide. Une coquille à base de béryllium et d’or composite, un alliage éternel lui aussi. Mais dès que la mémoire de Prothée est sollicitée, tout se réveille. Son cœur de lumière active des circuits invisibles à l’œil nu et qui prennent forme comme par magie. Puis ses composants apparaissent et se solidifient en quelques nanosecondes, prêts à accomplir les missions pour lesquelles ils ont été conçus.
Aujourd’hui j’ai donc pu réaligner l’orbite de Prothée. Non pas que sa trajectoire déviait, mais je voulais à tout prix qu’il survole la crypte pour l’éternité. Comme un ange-gardien. Il était programmé pour passer d’une crypte à l’autre. Mais elles sont inoccupées ou détruites à présent. C’est hélas une certitude. Depuis un mois que ce satellite balaie la terre, il n’a jamais capté la moindre liaison radio, pas le moindre signe de vie nulle part. Tout est mort!
J’ai donc reprogrammé sa course autour du globe. Je suis entré dans la salle de commandement et comme d’habitude je l’ai contacté. Il n’y a rien de plus simple. Il suffit de connaître le code. C’est d’ailleurs la seule voix que j’entends depuis que tout a été ravagé. C’est comme un ami à présent.
Je l’ai donc appelé de la salle de commandement.
Cela est facile car des micros sont intégrés dans les panneaux de contrôle et il suffit d'élever la voix avec le bon code pour capter l'attention du Satellite.

- Crypte 144 appelle Prothée! Message prioritaire code 21.
- Ici Prothée, m’a t-il immédiatement répondu. Quels sont les ordres?
- Annulation des passages programmés. Désormais ton orbite doit uniquement passer par la crypte 144. Tu as compris?
- Ici Prothée. Annulation effectuée. Je conserve une rotation de 24 heures en orbite rectiligne sur la crypte 144. Veuillez confirmer votre ordre!
- Ici Crypte 144. Orbite confirmé!

Ca y est! La programmation a été faite rapidement et je ressens comme un soulagement, je ne sais pourquoi. Je ne me fais pas d’illusion. Je n’en ai plus pour longtemps. Je sais que j’ai du me prendre au moins mille rads là-haut. Ca ne pardonne pas. Aucune importance finalement. On doit tous mourir, alors maintenant ou demain... Un jour, quelqu’un aura peut-être besoin de ce satellite. Je note d'ailleurs les principaux codes en dernière page de ce livre, au cas où... Je l’ai également mis en défense automatique. Ca ne sert plus à rien aujourd’hui bien sûr, mais au moins on aura du mal à le détruire. Il pourrait aussi servir à défendre quelqu’un, qui sait? Mais « quelqu’un » a-t-il seulement survécu comme moi? Prothée se mettra en veille, mais il continuera sa trajectoire sur sa lancée. Il tournera éternellement, jusqu’à ce qu’on le réveille… »

A suivre Fin du chapitre 34

Voilà, se dit Olm, tout est écrit là. "il suffit d'élever la voix avec le bon code pour capter l'attention du Satellite". Il n'y avait pas plus simple en effet. Et les codes adéquat sont en effet inscrits en dernière page. Des codes de paramétrage de trajectoire, les prises de vues, la défense, l'attaque... Il y avait tout! Les anciens avait simplifié leur système de communication au maximum. Tout n'était qu'histoire de clefs et de chiffres avec eux!

Olm se leva sans précipitation. Bon. Il pouvait contacter le satellite. Mais il devait le faire avec prudence pour éviter des erreurs d'interprétation.

Alors qu’il réfléchissait et par une coïncidence extraordinaire, une voix synthétique résonna dans la pièce.

- Prothée envoie un message pour Crypte 144. Veuillez lire le message. Merci!

Olm se tourna immédiatement vers la surface bleutée sur laquelle était apparut le premier message. Un nouveau texte s’affichait en clignotant.

Station Prothée à Crypte 144.
Prothée référence le vaisseau inconnu par le code Alphaprime.
Alphaprime lance 23 objets de type navette orbital en direction de crypte 144.
Arrivée dans 25 minutes.
Voir confirmation sur table microzone.
Prothée attend les ordres en position sur Crypte 144.

- Par les dieux obscurs, fit Olm, que se passe t-il encore?

Mais le sorcier avait compris. Les inconnus là-haut se décidaient à la contre-attaque comme prévu! Il s’approcha de la mappemonde en trois dimensions. Il avait encore fait des progrès dans la manipulation de la projection holographique. Il pouvait à présent en agrandir des zones entières et zoomer à volonté sur les endroits choisis.
Il pointa donc le doigt sur le vaisseau et agrandit l’image. De multiples points lumineux s’en détachaient et semblaient tomber droit sur le domaine. Il grossit encore la vue et un petit engin trapu apparut. Il ressemblait à la prison flottante où il avait séjourné mais était plus plat, mieux profilé. Il distinguait même de minuscules silhouettes à travers la carlingue vitrée.
Pas de doute! Les renforts étaient en route. Il devait prévenir Halgar.
Il sortit une petite radio d’une de ses poches. Le contact se fit immédiatement:

- Ici Olm, je souhaite parler à Halgar c’est urgent!

- Ici Halgar, répondit une voix grave que le sorcier connaissait bien, parle mon ami!

- Il y a du nouveau ici. Les créatures sont en route et foncent droit sur nous. Elles seront là dans très peu de temps. Il y a environ une vingtaine de navires flottants, plus petits que l’autre. D’après ce que je vois, attendez-vous à affronter un bon millier de ces créatures!

- Nous sommes presque en position. Je fais monter des tireurs dans les arbres. On va essayer de les dégommer!

- Je vais les surveiller de près. Je tâcherais de t’informer dès qu’ils seront à portée.

Olm coupa la communication. Il savait maintenant quel ordre donner à Prothée!

Le jour se levait sur le monde vampire.
La lueur encore rasante du soleil auréolait la cime des arbres de reflets oranges comme si l’astre souhaitait brûler la forêt. Le cri des singe-hurleurs faisait jaillir des bouquets d’oiseaux effarouchés et des milliers de fleurs s’ouvraient sous la chaleur des premiers rayons du soleil embaumant l’atmosphère de leurs parfums sucrés.
Debout à l’entrée de la caverne, Storm et Iliana admiraient le spectacle enchanteur et toujours renouvelé de la nature qui s’éveillait. A mi-hauteur de colline, ils surplombaient tout juste le dôme verdoyant de la jungle et leur regard se perdait à l’infini vers l’horizon brumeux.
Storm se demanda dans quel état ce joyau émeraude serait ce soir.
Il n’eut guère le temps d’y réfléchir plus longtemps car un avertissement retentit dans l’air frais de ce matin si calme.

- Les voilà Storm! Direction nord, nord-ouest!

Storm saisit sa propre paire de jumelles, un objet encore nouveau pour lui, et la braqua vers la zone indiquée. Il repéra plusieurs tâches noires suspectes légèrement au dessus de la canopée. Ca ressemblait à un vol d’oiseaux mais l’illusion se dissipa rapidement. Des formes rectangulaires se précisaient au fur et à mesure qu’elles s’approchaient d’eux. Pas de doute! C’étaient bien les engins des étrangers. Et ils s’amenaient à toute vitesse.

- Donne le signal Willyn! répondit-il sans lâcher des yeux le groupe de vaisseaux.

L’archer d’élite dégaina un Uzi noir comme l’ébène et tira plusieurs rafales en l’air. En contrebas dans la jungle, Ils entendirent la réplique des groupes de vampires embusqués. Les deux clans étaient prêts !

- Que tout le monde rejoigne l’abri de la caverne, ordonna encore Storm. Ces engins vont nous passer dessus et nous lâcheront sûrement quelques paquets-cadeaux ! LES BAZOOKAS VOUS ETES PRÊTS ?

Quatre équipes de deux vampires chacun se précipitèrent de part et d’autre à l’entrée de la caverne. Chaque binôme était muni d’un long tube brunâtre qu’ils épaulèrent en se mettant à genoux. Un son aigu s’en échappa lorsqu’ils armèrent les lance-roquettes. Chacun pointa son arme vers l’objectif.

- Laissez filer les vaisseaux de tête! Les clans de la forêt s’en occuperont! Tirez sur ceux de l’arrière-garde!

Storm échangea ses jumelles contre un fusil semi-auto. Les engins Ulruch grossissaient dans la lunette de visée. Un grondement lointain se fit entendre. Une pulsation sourde monta crescendo et résonna dans le sous-terrain. Les moteurs des vaisseaux faisaient vibrer l’air autour d’eux et jusqu’à leurs vêtements. Le jeune vampire dénombra une vingtaine d’engins.
Les premiers passèrent au dessus d’eux dans un vacarme assourdissant. Les vaisseaux étaient si bas qu’ils pouvaient voir les éraflures sur leur coque d’acier noircie par leur traversée dans l’atmosphère. Ils remarquèrent surtout des trappes grandes ouvertes au fond desquelles luisaient des formes pointues et menaçantes.

- Allez-y feu!!! hurla Storm pour couvrir le bruit infernal des moteurs.

Des langues de feu jaillirent des bazookas. Les missiles téléguidés fusèrent vers leur cible, suivies d’un fin panache de fumée. Les têtes chercheuses atteignirent leur objectif en quelques secondes. Ils traversèrent le métal des vaisseaux Ulruch comme s’il s’agissait de vulgaire papier. La technologie luminique faisait merveille. La pointe creuse des obus contenait un mini-soleil en formation. Et rien ne résistait à sa chaleur démoniaque!
Une fois à l’intérieur des engins, bourrés de soldats et de munitions, les missiles explosaient!
L’un des vaisseaux touchés s’ouvrit en deux sous la force intérieur de la détonation et des bouffées de flammes vomirent des grappes de corps carbonisés.
Un autre engin aux moteurs fumants s’abattit en tourbillonnant au milieu des arbres. Il en faucha trois ou quatre avant de s’écraser en feu contre le roc affleurant le bas de la colline. La carcasse disparut dans une éclatante boule de lumière qui projeta des débris calcinés dans tous les sens.

Le souffle d’une explosion proche coucha tous les vampires à terre.
Ca y était! Les derniers vaisseaux du convoi bombardaient la colline! Des chapelets d’obus cylindriques s’échappaient par les soutes des appareils. La colline et la forêt s’hérissèrent de panaches de flammes et de fumées. Les Ulruch mettaient le paquet pour dégager le terrain le plus vite possible.
Les pilotes semblaient avoir été surpris par les tirs car ils avaient tous décrochés de leur formation. La panique en avait même gagnée certains au point de perdre tout contrôle et deux barges d'assaut se télescopèrent pour fusionner en soleil miniature.

De tous côtés le son assourdissant des explosions et des appareils passant en rase-motte vrillaient les oreilles des combattants au sol. La chaleur des flammes commençaient à se faire sentir.
De minuscules étoiles lumineuses s’élevaient des arbres et traversaient le ciel en sifflant. Le fin panache de fumée qui les accompagnait demeurait en suspend, signalant aux observateurs les départ de tirs des bazookas.
Bientôt, toute la zone de combat au-dessus des arbres fut zébrée de ces traces fumigènes.

Malgré le vol désordonné des appareils, ceux-ci semblaient quand même se tenir à une stratégie de combat bien précis. De sa position élevée Storm remarquait que les bombardements formaient plus ou moins une ligne droite dont la pointe en était la colline blanche. Les bombes utilisées explosaient au sol avec un fort effet de souffle qui pulvérisait les arbres et aplatissait la végétation. Sans aucun doute les étrangers se ménageaient un espace découvert pour débarquer leur troupe.
Avaient-ils repérés l’entrée secrète du domaine des anciens? Si c’était le cas leur objectif était double: prendre la colline et la débarrasser de ses occupants.
En tout cas ils n’utilisaient pas de bombes incendiaires comme la première fois. Si ces explosifs libéraient quelques flammes, le souffle de leurs détonations éteignait la majorité des premiers foyers d’incendies. De plus, la forêt était encore très humide après cette nuit, le bois ne brûlait pas facilement et le feu s’étouffait dans la végétation surchargée de particules de rosée.

Les barges d’assaut cessèrent rapidement leurs bombardements. La flotte Ulruch avait déjà perdu près de la moitié de ses effectifs. Les bazookas avaient fait des ravages et sans aucun doute les envahisseurs ne s’attendaient pas à un tel accueil. Incapables de repérer précisément leur cible, et n’ayant surtout pas le temps de ratisser le terrain sans risquer de se faire toucher, les pilotes se dépêchaient d’atterrir et le plus souvent en catastrophe. Ils préféraient même s’enfoncer verticalement dans la forêt plutôt que de risquer un atterrissage à découvert dans les espaces ouverts par leurs bombes!

Storm signala immédiatement cette nouvelle phase du combat par radio.

- A toutes les équipes au sol! Attention, l’ennemi vient de débarquer! Plus un seul engin ne nous survole. Je répète: tous leurs engins ont atterris!

- Bien reçu ! fit Halgar en exultant. On va s’en occuper ! Laissez les venir, ne vous montrez pas ! On va les encercler et les finir au pied de la colline ! Compris?

- Bien compris Seigneur ! On les attend et on tire au dernier moment !

Storm transmis les instructions. Les vampires s’éparpillèrent aux alentours de l’entrée et s’abritèrent derrière des troncs d’arbres. Certains sautèrent même au fond d’un trou de bombe qui leur fit un abri parfait !
Avec Iliana, Storm trouva un bon poste d’observation derrière un gros rocher. La jeune vampire était équipée d’un Arc de la Réaction qu’elle maîtrisait à merveille. Le bandeau de visée et son armure de combat lui donnait l’air d’une fée guerrière dont parlait les légendes. Il la trouvait resplendissante de force et de courage. Ils se concentrèrent sur la vaste trouée encore fumante percée dans la jungle à coups de bombes.