Se retrouver à la porte... un comble. Non mais qu'est-ce qui leur montait tous à la tête là? Une bande rustre? Non mais est-ce qu'il se regardait l'autre grande outre? Pfff... Une grande lassitude m'avait envahie, peut-être dûe aux effluves d'alcool qui me montaient un peu au cerveau ou simplement à cause des vagues impressions de déjà vu que ces même effluves étaient censées étouffer. La mémoire m'avait toujours été une chose très aléatoire, et je déstestais profondément les moments où ce que je ne voulais pas savoir m'arrivait en pleine poire. Et là, l'autre grande perche avec ses manières me rappelait quelque chose qui ne me plaisait guère.. mais quoi, je n'étais pas capable de le dire, et encore heureux.
Bref, rester devant cette porte close me tapait fortement sur les nerfs, surtout que Blood, la seule personne présente qui semblait capable de changer un peu l'ambiance, était parti comme un voleur. J'étais tentée de le suivre, mais je décidai finalement de rester avec le gros de la troupe, ma curiosité et ma crainte de l'ennui l'emportant sur le reste. Faisant signe à l'huluberlu à chapeau qui venait d'arriver de s'adresser à Crycry et laissant seul ce dernier sans plus m'occuper du nouvel arrivant, je sautais sur un pilone proche et m'éloignais en sautant de perchoir en perchoir, savourant en silence l'odeur fraîche et sanglante de la nuit. Je bondis ainsi jusqu'à arriver au-dessus de la grande baie vitrée que je savais être celle du bureau de Turmac. Il y avait un minuscule promontoire juste au dessus, et j'y atterrissai en douceur, ne faisant s'élever que le murmure de la poussière chuchotante dans la lumière de la lune. Ah combien de longues heures avais-je passées assise ici en parlant avec Turmac ou Blood, parfois même les deux, en sirotant tranquillement...
J'aimais les hauteurs, j'aimais le contact de la pierre froide et rugueuse, je m'émerveillais devant la beauté fascinante et dangereuse de Ultima la mystérieuse enveloppée dans les bras diaphanes de la nuit étoilée. Je ne me lasserais jamais de m'abandonner à la contemplation de ce ciel que nous étions condamnés à voir jusqu'à la fin de notre petite éternité, de laisser mon regard se noyer des nuits entières dans l'encre noire du firmament parsemé de diamants étincelants. Qu'il était doux de s'abandonner à la tendresse de l'oubli... Et pourtant, jamais le coeur ne semblait pouvoir se défaire de ses tourments... Dure est la mélancolie qui enserre sans prévenir.
La vitre avait beau être épaisse, j'arrivais à presque entendre clairement ce qui se disait de l'autre côté. Et ce n'était pas des plus intéressant, ni des plus rassurant. Encore un maximum d'ennuis en perspective, et Turmac, fidèle à son habitude, sautait dedans à pieds joints. Et bien... tout ça promettait d'être fort joyeux. Après un long palabre, le barde sanglant somma sa nouvelle hôte d'aller chercher ceux qu'elle avait fait laisser à la porte, et invita à entrer Firunbel, d'un air peu commode.
"Bonsoir mademoiselle, je suis le susnommé Firunbel de Rochétoile, serviteur et garde du corps de Turmac ici présent. Et bien que je n'ai pas le bonheur de vous connaître j'aimerais d'abord vous demander les raisons de votre venue ici car je suis de ceux qui risquent leur vie ou non-vie pour de simples quêtes."
'Tain... y pouvait pas garder le même nom deux fois de suite celui-là. Encore un numéro à lui tout seul ce type... Décidemment, on avait que ça en stock dans le coin, des extrêmes... Enfin bref. J'écoutais, en silence, interrogeant la voûte céleste des yeux, et attendant la suite. Il était rare que je cherchasse à me faire oublier, mais là, je n'étais pas d'humeur pour rejoindre joyeusement les autres. Mon habituel sourire d'enfant n'était pas remplacé par le masque de la colère, ni par une quelconque émotion que j'affichais d'habitude. Non, mes joues me pesaient en cet instant d'être trop souvent étirées en des immitations trop vraies, et j'avais laissé la lassitude embaumer mon visage. Ma bouche me semblait lourde, et déjà je regrettais le mensonge du sourire qui en était venu à me leurrer même. Oui, j'acceptais de ne pas vouloir regarder la réalité et le passé, et je tenais à cet aveuglement, voulais le faire durer. Mais parfois, les masques doivent tomber, pour mieux être ajustés de nouveau par la suite... et c'était dans ces moments-là que je laissais un peu de repos à mon hypocrisie, qui à force n'en était plus tellement.
De nouvelles voix se firent bientôt entendre. Ah tiens, ça allait peut-être bouger un peu...
Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (12.10.2008, 13:30)