Muuuuusset... il faut que je lise Fantasio et Lorenzaccio... niark... En attendant...
" [...] LE SPHINX. - ... Et maintenant je vais te donner un spectacle. Je vais te montrer ce qui se passerait à cette place, Oedipe, si tu étais n'importe quel joli garçon de Thèbes et si tu n'avais pas eu le privilège de me plaire.
OEDIPE. - Je sais ce que valent vos amabilités.
Il se crispe des pieds à la tête. On voit qu'il lutte contre un charme.
LE SPHINX. - Abandonne-toi. N'essaie pas de te crisper, de résister. Abandonne-toi. Si tu résistes, tu ne réussiras qu'à rendre ma tâche plus délicate, et je risque de te faire mal.
OEDIPE. - Je résisterai !
Il ferme les yeux, détourne la tête.
LE SPHINX. - Inutile de fermer les yeux, de détourner la tête. Car ce n'est ni par le chant, ni par le regard que j'opère. Mais, plus adroit qu'un aveugle, plus rapide que le filet des gladiateurs, plus subtil que la foudre, plus raide qu'un cocher, plus lourd qu'une vache, plus sage qu'un élève tirant la langue sur des chiffres, plus gréé, plus voilé, plus ancré, plus bercé qu'un navire, plus incorruptible qu'un juge, plus vorace que les insectes, plus sanguinaire que les oiseaux, plus nocturne que l'oeuf, plus ingénieux que les bourreaux d'Asie, plus fourbe que le coeur, plus désinvolte qu'une main qui triche, plus fatal que les astres, plus attentif que le serpent qui humecte sa proie de salive ; je sécrète, je tire de moi, je lâche, je dévide, je déroule, j'enroule de telle sorte qu'il me suffira de vouloir ces noeuds pour les faire et d'y penser pour les tendre ou les détendre ; si mince qu'il t'échappe, si souple que tu t'imagineras être victime de quelque poison, si dur qu'une maladresse de ma part t'amputerait, si tendu qu'un archet obtiendrait entre nous une plainte céleste ; bouclé comme la mer, la colonne, la rose, musclé comme la pieuvre, machiné comme les décors du rêve, invisible surtout, invisible et majestueux comme la circulation du sang des statues, un fil qui te ligote avec la volubilité des arabesques folles du miel, qui tombe sur du miel.
OEDIPE. - Lâchez-moi ! [...]" Jean Cocteau, La Machine infernale, acte II.
Que sonne le glas de la Mort, que résonne la colère des cieux déchaînés, que s'élèvent les hurlements de désespoir et les suppliques vaines, que déferle le torrent des flammes infernales, que coule le sang de ces vies impies, que perlent à leur paupière le regret de leur vie souillée. Mais que cesse enfin, cet insipide et insidieux battement dans ma poitrine...
Ce message a été modifié 1 fois, dernière modification par "Evangéline" (14.02.2010, 17:36)